| ![]() ![]() ![]() ![]() ENCHAÎNÉ, ÉE, part. passé et adj. I.− Part. passé de enchaîner*. II.− Emploi adj. A.− [Souvent suivi de la prép. à] Attaché par une ou plusieurs chaînes à quelqu'un ou à quelque chose. 1. [Appliqué à un animé ou à une partie du corps] Le chien, enchaîné dans sa loge, poussait d'affreux hurlemens (Krüdener, Valérie,1803, p. 238).Les pieds enchaînés à des anneaux de fer (Lamart., Destinées poésie,1834, p. 392): 1. Il y avait un roi qui avait perdu une bataille et qui avait été fait prisonnier. Il était là, dans un coin, dans le camp du vainqueur. Il voit passer son fils et sa fille enchaînés. Il n'a pas pleuré, il n'a rien dit. Ensuite, il voit passer, enchaîné lui aussi un de ses serviteurs. Alors il s'est mis à gémir et à s'arracher les cheveux.
Sartre, La Nausée,1938, p. 188. − [Appliqué à un inanimé concr.] Un lorgnon enchaîné à leurs oreilles décollées (Morand, Tendres stocks,1921, p. 146).Les gobelets de métal enchaînés aux fontaines (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 49). 2. P. métaph. ou au fig. a) [L'idée de contrainte (familiale, sociale ou autre) domine] Privé de liberté morale, réduit à la soumission, assujetti. Nous voilà tellement enchaînés, opprimés, accablés d'institutions sociales (...) que nous n'avons plus rien de libre que la pensée (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 31): 2. Elle [l'éducation] a, pour parler comme Saint-Cyran, quelque chose de terrible, à la considérer, soit par rapport à l'enfant si enchaîné de toutes parts, si assujetti, si à la merci de tout ce qui l'environne, et pourtant déjà propre à perdre tout l'effet du baptême par des fautes criminelles; ...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 409. − Enchaîné à (une tâche, une obligation).Lié par une contrainte pesante, astreint à. Ces pauvres gens enchaînés à des labeurs malsains (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 175). − Enchaîné au char de. Dans la situation inférieure et dépendante du vaincu par rapport au vainqueur. Nous avions presque honte des talents même de nos poëtes, quand ils semblaient, comme nous, enchaînés au char des conquérants (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 194). − [P. allus. à la mythol. gr.] :
3. ... en parlant de la sorte avec une exaltation concentrée et une splendeur pâle au visage, M. de Couaën semblait en effet un martyr sublime des terrestres passions orgueilleuses, de la pure race des Prométhées enchaînés.
Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 58. − Emploi subst. Tendons les bras, nous, les enchaînés et les exilés, vers lui le rapatrié et le délivré (Hugo, Corresp.,1856, p. 232). b) [L'idée d'immobilisation domine] Retenu à un endroit comme par des chaînes; ancré, rivé à. Elle restait enchaînée à sa place par une puissance magique (Sand, Consuelo,t. 2, 1842-43, p. 216).Il était victime de l'absurde vie moderne, et comme beaucoup d'employés enchaînés à leurs bureaux, succombait au démon de l'hypocondrie (Rolland, J. Chr.,Adolesc., 1905, p. 235). − En partic. Avoir la langue enchaînée. Rester muet. Ce secret toujours tient ma langue enchaînée (Proust, Sodome,1922, p. 666). − Emploi poét. Les flots calmés, mollement enchaînés l'un à l'autre (Chateaubr., Essai Révol.,t. 2, 1797, p. 287). B.− Uni par des liens de continuité ou de logique. 1. [Par des liens de continuité] Des bruits enchaînés les uns aux autres (Giono, Triomphe vie,1941, p. 286): 4. − Je doute qu'il existe beaucoup de métiers qui n'obligent pas à compenser...
− Oui. Par exemple, vous n'imaginez pas à quel point les magasins sont mal gardés...
Quel rapport? faillit demander Clappique. Mais il jugeait d'expérience que les phrases enchaînées ainsi sont toujours intéressantes.
Malraux, La Condition humaine,1933, p. 299. − Spécialement a) CIN., PHOTOGR. Subst. masc. ou adj. masc. dans la loc. fondu(-)enchaîné. ,,Fusion entre des images de deux plans successifs`` (Giteau 1970). Disparaissant par étapes et, en quelque sorte, imitant ce que le cinématographe appelle un « fondu enchaîné » (Cocteau, Fin Potomak,1940, p. 75).Cette facilité de passage que constitue un enchaîné visuel ou imaginaire avec dégradation et reprise de lumière (Arnoux, Solde,1958, p. 242). ♦ P. métaph. Curieux pays que Paris, (...) où le scandale même est immédiatement fondu-enchaîné sur un sourire complice (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 74). b) POÉS. ANC. Rime enchaînée ou subst. fém. enchaînée. [Dans une suite de deux vers] Répétition de la finale du premier vers (mot ou syllabe) au début du second vers, mais dans une acception différente. La rime Enchaînée est une espèce de gradation (Banville, Pt traité de poés. fr.,1881, p. 255). 2. [Par des rapports logiques] C'est cette essence (...) que je crois utile (...) de présenter ici sous forme de trois propositions enchaînées que voici (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 333): 5. Où peut-être se fait aujourd'hui le plus grand effort pour réunir et pour subordonner l'étude descriptive des êtres à la détermination rigoureuse des faits enchaînés, c'est dans le domaine de la biologie. La prétention du transformisme, c'est de substituer à la distinction apparente des formes vivantes la continuité d'une évolution progressive; c'est de découvrir la formule du concert total et d'ériger l'ensemble des relations définies dans le temps et l'espace en explication réelle de la nature.
Blondel, L'Action,1893, p. 71. Prononc. : [ɑ
̃
ʃ
εne] ou, p. harmonis. vocalique, [ɑ
̃
ʃene]. Fréq. abs. littér. : 790. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 699, b) 1 047; xxes. : a) 784, b) 876. Bbg. Quem. 2es. t. 5 1973. − Uren (O.). Le Vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 208. |