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ÉMOUVOIR, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− Vieilli, domaine phys.Mouvoir, mettre en mouvement, bouger. Émouvoir une porte. Un léger souffle émouvait les peupliers; je les entendais frémir (Mauriac, Journal occup.,1944, p. 333):
1. ... une pierre, jetée dans un gouffre obscur rencontre une nappe souterraine. Elle y émeut un clapotis... Bourget, Némésis,1918, p. 269.
B.− Au fig. Remuer, toucher, éveiller. Une chose manquait à l'art égyptien : la vie (...) Il était réservé à la Grèce de réveiller cette majestueuse momie, de l'assouplir, de l'émouvoir (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 443):
2. Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi? Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 46.
1. [En parlant d'une émotion qui s'extériorise le plus souvent avec violence] Agiter, bouleverser, ébranler (cf. émotion B 1).Être ému de colère, d'indignation. Ce geste, qui me bouleversa, ne parut point émouvoir extrêmement Rouletabille (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 105).Il ne livrait rien qui parût spontané. Pas moyen de l'émouvoir, de le faire rire, de l'irriter (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 197):
3. Les émotions fondamentales (...) ont un pouvoir d'ébranler l'action, d'émouvoir l'être, qui ne consiste pas d'abord à le jeter hors de soi, mais à le tirer de l'inertie par une spontanéité toujours périlleuse pour la maîtrise de soi; ... Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 237.
Emploi abs. Un affreux accident comme celui-là émeut, bouleverse, effare (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horrible, 1884, p. 240).
2. [En parlant d'une émotion plus diffuse, vécue au niveau des sensations] Attendrir, troubler. Émouvoir les sens; émouvoir les entrailles. Au printemps la campagne émeut la chair (Maupass., Contes et nouv., En voyage, 1883, p. 325).L'être que je pressens ne pouvoir émouvoir charnellement cesse aussitôt de m'émouvoir moi-même (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1241):
4. ... cet ami dont un éclat d'obus a détruit le visage, qui a ainsi renoncé pour la vie à jamais émouvoir une femme, frustré d'un droit fondamental aussi bien qu'on en est frustré derrière les murs d'une prison... Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 334.
3. [En parlant d'une émotion vécue sur le mode affectif, sentimental] Plaire, toucher. Émouvoir le cœur de qqn, les juges; être ému de compassion, par le spectacle de la misère. Tout cela, qui vous émeut et vous charme et vous prend le cœur (Mirbeau, Journal femme ch.1900, p. 345).Cette merveilleuse découverte que je faisais : être capable d'intéresser, de plaire, d'émouvoir (MauriacNœud vip.,1932p. 46).
Emploi abs. Rien n'émeut comme une lettre de vous et je vous demande à genoux de me les prodiguer (StaëlLettres L. de Narbonne,1792p. 19).
4. [En parlant d'une émotion vécue au niveau esthétique, spirituel] Émouvoir l'âme, l'esprit. Nous avons été charmés, émus, éblouis, touchés, transportés, heureux, en un mot (Gobineau, Pléiades,1874, p. 6).La musique [de Michel Hayden] module, émeut (Ghéon, Prom. Mozart,1932, p. 93).
Emploi abs. Le désert est plus beau que tout. Lui seul émeut comme la mer (Colette, Pays connu,1949, p. 145).
Expr. Émouvoir les frelons : Il ne faut pas émouvoir les frelons, pour dire il ne faut pas se faire d'ennemis, quelque petits qu'ils soient (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang.,1813, p. 57).Émouvoir les pierres. [P. allus. à Orphée, en parlant de qqn qui a le pouvoir de toucher ce qui est réputé insensible] L'illustre lyre antique émeut les pierres (Ch. GuérinCœur solit.,1904, p. 168).Fam. Être ému. Avoir bu, être gris. Percy Larousselle, déjà ému de divers spiritueux (Mauriac, Préséance,1921, p. 244).
Rem. On rencontre ds la docum. a) L'adj. émouvable. Qui s'émeut facilement, émotionnable. Je me sens devenir de jour en jour plus sensible et plus émouvable (Flaub., Corresp., 1850, p. 237). b) Le subst. masc. émouveur. Agitateur. Que personne n'eût à recueillir ces conspirateurs et émouveurs du peuple (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 3, 1821-14, p. 112).
II.− Emploi pronom. réfl.
A.− Vieilli
1. Domaine phys.Se mettre en mouvement, bouger, s'agiter, se soulever. La mer s'émeut, le plancher qui s'émeut. Tout à coup voilà que la terre s'émeut; les tombes s'ouvrent, les morts se lèvent (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 234).Il n'y a point d'écorce si rude qui ne s'émeuve, point de brin d'herbe si fragile qui ne frémisse (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 31):
5. ... le feuillage noir à son tour s'émeut; il ondule; il monte; il se tord comme la flamme qui danse; ... Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 91.
2. [En parlant de querelles, de conflits de pers.] Être soulevé, s'élever, naître. Il va s'émouvoir entre M. de Florac et Cavalier une haine qui engendre la guerre des Cévennes (Balzac, Œuvres div.,t. 3, 1836-48, p. 288).Une grande discussion s'est émue à ce sujet entre les érudits (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 3, 1863-69, p. 379).
3. [En parlant d'un groupe de pers.] Se mettre en branle, réagir, passer à l'action, au travail. Le parlement s'émeut. Le scandale fut tel, que le parquet s'émut et saisit son livre (Zola, Doc. littér.,Les Poëtes contemp., 1881, p. 147).L'opinion s'émeut et demande des comptes à nos simili-potentats, qui s'effarent (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 70).
B.−
1. Se troubler. S'émouvoir de frayeur. Tout s'agite, tout s'ébranle, tout s'émeut en elle; elle vit trois fois plus qu'auparavant (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 101).Celle-ci [Mmede Staël] sait peu plaisanter, elle s'émeut trop vite (Sainte-Beuve, Chateaubr.,t. 1, 1860, p. 186).
Expr. S'émouvoir à propos de tout et de rien. À la forme négative. Sans s'émouvoir de rien.
2. S'attendrir, s'émerveiller. S'émouvoir à la vue, à la beauté de qqn, de qqc. Un merveilleux ami vivant, qui souffre de nos peines, s'émeut de nos joies (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1051).Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s'émeuvent (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 260).
SYNT. S'émouvoir de qqc., à qqc.; s'émouvoir à la pensée de qqc., de qqn; s'émouvoir d'admiration, de compassion, de pitié.
S'émouvoir sur qqc. Se pencher avec émotion sur quelque chose. Je m'émus sur mon enfance, sur ma vie, sur ma mort (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 264).S'émouvoir en faveur de qqn. Parler pour lui, faire quelque chose pour lui. Une chance insigne dut s'émouvoir en ma faveur, afin que je puisse dire en rentrant, à votre Assemblée, non pas « j'arrive » mais bien « je reviens » (Colette, Belles saisons,Discours de réception, 1936, p. 214).
Prononc. et Orth. : [emuvwa:ʀ], (j')émeuṣ [emø]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. cf. mouvoir mais le part. passé ému ne porte pas d'accent circonflexe. Comparer avec mû. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « mettre en mouvement » (Roland, éd. J. Bédier, 2813 : Li amirals, ki trestuz les esmut); 2. a) ca 1170 « troubler, porter à certains sentiments » (Rois, éd. E.-R. Curtius, III, 3, 26, p. 118); b) 1834 adj. émouvant (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, p. 122). Du lat. pop. *exmovere, lat. class. emovere « remuer, ébranler » au propre et au fig., formé de ex et movere « mouvoir, remuer ». Fréq. abs. littér. : 1 847. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 157, b) 2 071; xxes. : a) 3 512, b) 2 790. Bbg. Duchácek (O.). L'Interdépendance et l'interaction du contenu et de l'expr. Orbis. 1972, t. 21, p. 476. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 259.