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EMPORTER, verbe trans.
I.− Prendre avec soi en quittant un lieu.
A.− [Le suj. désigne une pers., un animé]
1. [L'obj. désigne un inanimé concr.]
a) Emporter des bagages, la clef de son appartement, des meubles, des vêtements; emporter un livre, un ouvrage dans son sac. Je partais en emportant un panier peu fourni, tandis que mes camarades apportaient d'abondantes provisions (Balzac, Lys,1836, p. 8).Parmi les six malles que nous emportions, il avait choisi la plus grande, la plus lourde (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 112):
1. Il emporta toutes les variétés de cols et de cravates en faveur à cette époque. Il emporta deux habits de Buisson et son linge le plus fin. Il emporta sa jolie toilette d'or, présent de sa mère. Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 52.
Emploi pronom. à sens passif. Ces meubles s'emportent aisément (Littré).
b) Spécialement
Emporter ce qui n'est pas à soi. Synon. voler.La fuite d'un notaire de Paris, qui emportait les fonds déposés chez lui par Birotteau, décida la ruine de l'impétrant (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 409).
♦ Domaine du comm.Glace à emporter; vendre « à emporter ». Anton. consommer sur place, livrer.Cf. Frapié, Maternelle, 1904, p. 65.
Région. (Suisse). À l'emporter, loc. à valeur adj. Que l'on emporte avec soi. Après la fermeture des cafés, chacun prenait un litre à l'emporter pour aller finir la soirée chez l'un ou chez l'autre (G. Clavien, Un Hiver en Arvêche,Lausanne, 1970, p. 158).
DR., vieilli. L'aîné emporte les deux tiers du bien (Ac.1798-1878).Le droit d'aînesse donnait cet avantage.
2. Au fig. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Garder dans son cœur, sa mémoire en s'en allant. Emporter l'amour, le cœur, le mépris de qqn, l'image de son pays, un regret. Je n'emportais que ma jeunesse et mes illusions (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 244).Je partirais [de l'Amérique] sans rien laisser derrière moi, et sans rien emporter (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 310):
2. On ne regarde rien avec indifférence; on voudrait emporter un souvenir de tout; on voudrait prendre dans sa tête tout le pays qu'on va quitter, en sorte que, plus tard, on ne soit séparé de lui qu'en apparence, et il suffirait pour le retrouver de tourner ses yeux en dedans. Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 101.
Emporter un secret au tombeau, dans la tombe. Garder à tout jamais secret. Et je compris, ce soir-là, que chaque âme emporte dans la tombe, pour l'y cacher à jamais, du secret (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1100).
Ne pas l'emporter au paradis; il ne l'emportera pas en paradis! Menace adressée à celui qui a fait du tort qu'il en subira tôt ou tard la conséquence. Cf. Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 191.
3. P. anal.
a) [L'obj. désigne une pers. inerte ou passive] Emporter un enfant dans ses bras, sur ses épaules; emporter un blessé. On l'enlève [la petite Jeanne endormie] et son corps tout mou se laisse emporter comme un corps où il n'y aurait plus d'os (Goncourt, Journal,1873, p. 940).Emporter un mort entre quatre planches (cf. Zola, Germinal,1885, p. 1516):
3. La couverture brune est tirée sur eux comme le jour où deux copains les emporteront rigides. Des morts, tous des morts... Et je n'ose dormir, ayant peur de mourir comme eux. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 91.
b) [L'obj. désigne un animal] Emporter sa proie dans ses serres, sa gueule :
4. Et, tandis qu'il est d'un côté, Un loup prend un mouton qu'il emporte bien vite. Le berger court, l'agneau qu'il quitte Par une louve est emporté. Florian, Fables,1792, p. 39.
c) Au fig., fam.
Que le diable m'emporte, vous emporte! Expression marquant l'impatience. Le diable emporte les jeunes filles! les petites Françaises câlines et froides, qui ne découvrent le plaisir qu'à vingt-six ans! (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1101).
[Que] le diable m'emporte si. Indiquant qu'on ne fera pas ou qu'on ne contestera pas qqc. Le diable m'emporte si je m'en souviens. Je sens le besoin d'aimer, et que le diable m'emporte si je peux aimer une abstraction! (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 223).
B.− [Le suj. désigne un inanimé du domaine de la nature ou un animé non humain] Le vent emporte les feuilles, les paroles. Le vent emporte plus loin une graine légère, ailée, qu'une lourde (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 13).Cf. deça ex. 1.
Proverbe. Autant en emporte le vent. Des paroles, des promesses ou des menaces ne se réalisent pas, des choses s'oublient. Il me promet monts et merveilles, autant en emporte le vent (Ac.1798-1932).Autant en emporte le vent du moindre fait qui se produit, s'il est vraiment imprévu (Breton, Nadja,1928, p. 54).
CHASSE. Le vent emporte la voie. Le vent empêche les chiens de sentir la voie. Anton. le chien emporte la voie, il chasse sans difficulté.Les chiens mis à vue par ce vent ne peuvent pas emporter la voie du lièvre qui ne viendrait que de partir (La Hêtraie, Chasse, vén., fauconn.,1945, p. 153).
II.− Enlever avec effort/force, rapidité, violence.
A.− [Le suj. désigne un inanimé]
1. [Une force de la nature] Arracher. L'inondation emporte un pont; la tempête emporte un toit. Il [le Pont au Change] a été emporté par une crue, puis brûlé en 1621 (Brasillach, Corneille,1938, p. 91).
2. [Une arme] Avoir le bras emporté par un boulet. Mon maître eut le nez emporté d'un coup de sabre (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 223).Cf. adjudant ex. 4.
3. [Une maladie] Causer brutalement la mort de quelqu'un. La peste (le choléra) emporte les gens en peu de jours (Ac.1835-1932).Jeune fille emportée par la tuberculose. La fièvre prit dans les Huttes et emporta le rémouleur, sa femme et ses enfants (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 452).
4. [Une substance] Faire disparaître. Le jus de citron emporte les taches d'encre (Ac.1798-1932).Le remède emporte la fièvre. Un bain complet emporta le reste de ma fatigue (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 201).
P. ext. [En parlant d'un mets épicé] Emporter la bouche. Donner une sensation de brûlure. Ses pépins écrasés emportaient la bouche comme du piment de Cayenne (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 107).
Emploi pronom. S'emporter la bouche avec du poivre (cf. Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 86).
Rem. Relevé au passif avoir la bouche emportée.
5. Au fig. Enlever en faisant disparaître. Une douleur que le temps emporte (Littré). Son ardeur emporte tous les obstacles. Synon. faire disparaître, balayer, anéantir.Il est de l'essence des révolutions d'emporter les principes les plus modernes et de respecter les anciens (Proudhon, Propriété,1840, p. 140).
B.− [Le suj. désigne une pers. une de ses productions]
1. Emporter le morceau, la pièce, à l'aide de l'emporte-pièce. Au fig., vieilli. Être très acerbe, mordant. Le pamphlet de Desterniers, qui est injurieux et emporte la pièce (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 42).
Mod., fam. Avoir gain de cause, triompher. Cf. Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 541.
2. S'emparer d'une position militaire que l'on a enlevée. Emporter (d'assaut, de haute lutte, à la pointe de l'épée) un fort, une redoute. Synon. enlever.Il voulut d'abord emporter la place d'assaut; une première attaque ne réussit point (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 226).
Emporter de haute lutte. Au fig. Réussir à obtenir quelque chose malgré les difficultés et oppositions. Le baron était bien trop occupé de la nouvelle démarche qu'il comptait faire en tempête aux Beaux-Arts, pour emporter de haute lutte l'engagement [à la Comédie pour sa maîtresse] (Zola, Paris,t. 1, 1898, p. 41).
3. Au fig. [L'obj. désigne un prix, un avantage] Obtenir après des efforts. Il emporta cette affaire à force de sollicitations (Ac.1798-1932).Emporter une adhésion, l'assentiment de tous, l'avantage, la décision finale. Emporter, en fin d'année, tous les prix de thème, version et discours latins (cf. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Quest. du lat., 1886, p. 566).À la guerre ce sont les derniers bataillons qui emportent la victoire (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 218).
Rem. Ce dernier sens vieillit. La lang. emploie de préférence remporter. Cependant les dict. du xixes. voient dans emporter l'insistance sur l'idée de lutte et dans remporter l'obtention d'un objet précis (cf. Littré).
Loc. verbale. L'emporter (sur). Avoir la supériorité, le dessus lorsqu'on est en lutte, en compétition, en concurrence. L'emporter sur ses adversaires, sur les concurrents; l'emporter dans une discussion. Que le meilleur l'emporte! La majorité l'emportera. Anton. échouer, céder le pas :
5. ... c'est la justice, la constitution, la force légitime enfin qui doit l'emporter; non pas, mais c'est le représentant de la loi qui doit l'emporter, juste ou non. Alain, Propos,1930, p. 980.
6. ... sur la candidature de Clemenceau à la présidence de la république. Maurras était contre Clemenceau. J'étais pour. Nous avons chacun défendu notre point de vue, et en fin de compte, c'est Maurras qui l'a emporté, puisque le père la Victoire a échoué. L. Daudet, Bréviaire du journ.,1936, p. 100.
[Le suj. désigne un inanimé] À volume égal, l'or l'emporte de beaucoup sur l'argent (Ac.1798-1932).Les avantages l'emportent sur les inconvénients; le bonheur l'emporte sur le malheur; le vice l'emporte souvent sur la vertu :
7. ... « Tu ne voudrais pas qu'elle vécût comme toi au milieu de meubles cassés et de tapis usés », lui dit-elle, le respect humain de la bourgeoise l'emportant encore chez elle sur le dilettantisme de la cocotte. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 245.
III.− Entraîner dans un mouvement irréversible.
A.− [Le suj. désigne une force imprimant ce mouvement]
1. [Une force naturelle] Le courant emporte la barque; le mouvement qui emporte l'univers. Ce stérile mouvement qui emporte les jours, comme la tempête emporte en cette saison les feuilles séchées (Lamennais, Lettres Cottu,1826, p. 175):
8. As-tu jamais vu un petit poisson qui essaie de remonter un courant rapide, et que la force du courant maintient à la même place, immobile et frémissant? Enfin le courant l'emporte, comme une feuille. J'ai lutté contre le courant. J'ai lutté, je cède, il m'emporte. Montherlant, Pasiphaé,1936, p. 113.
9. ... ce n'est pas la guerre abattant sur moi cette trombe ce déferlement qui ne sait d'où il vient où il va ce qu'il fait qui me roule m'emporte me traîne me rejette et me reprend me met en pièces me balaye et me balance m'enlève au haut de sa vague et je tombe... Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 53.
Au passif. Être emporté par le flot, le torrent, le tourbillon, la tourmente, le vent.
P. métaph. et au fig. D'autres [commerçants] qui (...) sombraient, roulés, emportés, dans le flot des désastres (Zola, Bonh. dames,1883, p. 756).
2. P. anal. [Un animal de selle ou de trait, un moyen de locomotion] Le cheval emporte son cavalier au galop; le train emporte les voyageurs. Des barques innombrables, emportent ou ramènent un monde de gens affairés (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 47):
10. − Édouard, dit-elle, vois-tu ce bon serviteur : il a été bien courageux, car il a exposé sa vie pour arrêter les chevaux qui nous emportaient et la voiture qui allait se briser. Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 699.
Emploi pronom. [Le suj. désigne le cheval] Se lancer en n'obéissant plus. Synon. Prendre le mors aux dents.Il piqua (...) la croupe de leurs bêtes, comptant qu'aiguillonnées de la sorte elles s'emporteraient (Gautier, Fracasse,1863, p. 366).
CHASSE. [Le suj. désigne le chien] Se lancer à la poursuite du gibier en n'obéissant plus (d'apr. Ac. 1835-1932).
3. Au fig. [Les forces, les passions ou mouvements de l'âme] Le sujet emporte l'orateur; la colère l'emporte jusqu'à dire. Un grand trouble, comme un coup de vent, emporta l'âme du jeune homme (Barrès, Barbares,1888, p. 118).Homme [Saint-Simon] dont le style vous emporte où il veut (Green, Journal,1939, p. 207).
Au passif. Être emporté par son ardeur, son enthousiasme, sa fougue, sa passion, ses sentiments.
Emploi pronom. [Le suj. désigne une pers.] Se mettre en colère. S'emporter de colère, pour des riens, pour rien, s'emporter contre qqc., contre qqn (cf. Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 177).Lorsqu'un jeune homme de son âge est atteint par le mépris, il s'emporte, il enrage, il menace du poing la société tout entière (Balzac, Goriot,1835, p. 95).Le fougueux C. Rio, qui s'emporte et rugit et tempête à la moindre opposition (Amiel, Journal,1866, p. 327):
11. Andromaque elle-même (que nous ne pouvons plus voir qu'avec des gestes mesurés et adroits) s'emporte et maudit Hélène avec une dureté et un emportement magnifique. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 39.
Fam. S'emporter comme une soupe au lait (Littré).
Rem. Les dict. mentionnent le sens class., plus étendu de s'emporter, « se laisser aller à la manifestation d'un sentiment, amour, désespoir aussi bien que colère ».
B.− [Le suj. désigne un inanimé]
1. Vieilli. [Un poids] Entraîner un des plateaux de la balance. Au fig. Emporter la balance. Déterminer la préférence, prévaloir. Cette considération emporta la balance (Ac.1835-1932).
2. P. ext. [L'article se rapportant à l'obj. pouvant être supprimé] Entraîner en ayant pour conséquence, impliquer. Cette précaution n'emportait aucune perte de temps (Voy. La Pérouse,1797, p. 344).Une convenance arbitraire emporte vingt louis, tandis qu'un malheureux n'a pu obtenir un écu (Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 106).
DR. Crime emportant peine capitale. La propriété de la surface emporte la propriété du dessus et du dessous (Proudhon, Propriété,1840, p. 195):
12. L'acceptation de fonctions conférées à vie, emportera translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ces fonctions. Code civil,1804, art. 107, p. 23.
La forme emporte le fond. Un vice de forme fait perdre la cause, entraîne l'annulation. Cf. Vidocq, Mém. Vidocq, t. 4, 1828-29, p. 43.
Rem. On relève chez 2 aut. qq. emplois adj. du part. prés. emportant, ante. (Quasi-)synon. de enivrant, exaltant. La pêche est dans ma bouche, froide, liquide, emportante (Montherl., Olymp., 1924, p. 274). La vigueur astringente de ces matinées froides, lucides, emportantes de septembre (Gracq, Beau tén., 1945, p. 133).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃pɔ ʀte], (j')emporte [ɑ ̃pɔ ʀt]. Enq. : /ãpoʀt/ (il) emporte. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [xes. « porter d'un lieu à un autre, prendre avec soi » (Passion du Christ, éd. d'Arco Silvio Avalle, 343 : A grand honor el l'en portet, En sos chamsils l'envelopet)]; ca 1280 emporter (M. de Condé, 7, 168 ds T.-L.); 2. ca 1260 « gagner, obtenir, conquérir » (Auberon, éd. J. Subrenat, 73 : Le pris en enporta); 1350 l'emporter (G. Le Muisis, I, 160 ds T.-L.); 3. 1500 « s'emparer de quelque chose par la force » (Jean d'Auton, Chroniques du roi Louis XII, éd. P. L. Jacob, t. 1, chap. XXIII, p. 151); 4. 1541 « avoir pour conséquence » (Calvin, Inst. de la Religion chrestienne, V, p. 305 ds Hug.); 5. 1310 « enlever de force, violemment » (B. Latin, Tresor, éd. Chabaille, p. 488, leçon du ms. S); 6. 1632 s'emporter « se laisser aller à des mouvements de passion, de colère » (Corneille, La Veuve, V, 6, 1745). Dér. de porter*; préf. en-*. Fréq. abs. littér. : 11 076. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 487, b) 18 305; xxes. : a) 19 507, b) 12 345. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 477, 639.