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ÉLIRE, verbe trans.
A.− [Le choix se fait par voie de suffrages]
1. [Le compl. d'obj. désigne un individu] Choisir (quelqu'un) par voie de suffrages (soit à titre de représentant, soit pour lui conférer un titre, un honneur, soit pour l'appeler à siéger dans une assemblée).
a) [Sans attribut en constr. dir.; le compl. d'obj. désigne la pers. choisie ou à choisir]
α) [Sans implication du titre ou de la fonction] Élire son candidat; élu au bénéfice de l'âge. Ils m'eussent élu (infra ex. 1).Le conseil, de son propre chef, décida de se donner à lui-même un président et élut Georges Bidault (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 165).
[Avec compl. prép. pour désignant le titre ou la fonction, pour introduisant un attribut en constr. indir.] Élire qqn pour directeur. L'assemblée, ayant élu pour son président Félix Gouin (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 154).
[Avec compl. prép. à désignant une institution formée de plusieurs membres où doit siéger l'élu] Élire qqn à l'Académie. Quelque espérance de vous faire élire à la chambre des députés (Stendhal, L. Leuwen,t. 2, 1836, p. 50).Élire au gouvernement l'homme d'une politique cocardière (Martin du G., Thib.,Été, 1936, p. 299).
Rare. [Compl. prép. de] En le [Servais] faisant élire de l'Académie (Montherl., Ville prince,1951, III, 7, p. 925).
β) [Avec implication du titre ou de la fonction] Élire des académiciens, un empereur, un maire, le président de la république. Mode d'élire les officiers municipaux, de nommer aux justices de paix (Crèvecœur, Voyage,t. 3, 1801, p. 223).L'option entre ces deux modes de scrutin dépend du parti que l'on prend sur le collège électoral qui doit élire les représentants (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 146):
1. ... j'étais fort aimé à bord. Si les matelots avaient pu élire un chef, je suis sûr qu'ils m'eussent élu. Dumas père,Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 202.
b) [Avec attribut en constr. dir. désignant le titre ou la fonction attribué à la pers. choisie] Élire qqn conseiller, président; être élu maire, pape, roi. Une loi eût été proposée afin qu'on pût être élu membre de la chambre des députés avant quarante ans (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 576).
Se faire élire.Si Saint-Loup avait survécu il eût pu facilement se faire élire député dans les élections qui suivirent la guerre (Proust, Temps retr.,1922, p. 853).
2. P. méton. du compl. d'obj. [Désigne une collectivité] Choisir par voie de suffrages les personnes devant constituer une collectivité (un bureau, un comité, une assemblée) ayant pouvoir de délibérer ou de décider. Élire une assemblée, un bureau, un gouvernement, un sénat. La chambre que vous allez élire (Lamart., Corresp.,1831, p. 154).Le suffrage indirect ou plus exactement collégial, par lequel est élu le conseil de la république (Vedel, Dr. constit.,1949p. 394):
2. L'assemblée des délégués réunie clandestinement par le parti Kuomintang, avant l'insurrection, avait élu un comité central de 26 membres dont 15 communistes; mais ce comité venait d'élire à son tour le comité exécutif qui allait organiser le gouvernement municipal. Malraux, La Condition humaine,1933, p. 269.
3. Emploi abs., rare. J'élis, je vote, je suis tout chargé de droits politiques (Toepffer, Nouv. génev.,1839, p. 438).Un des inconvénients les moins observés du suffrage universel, c'est de contraindre des citoyens en putréfaction à sortir de leurs sépulcres pour élire ou pour être élus (Bloy, Journal,1903, p. 158).
Rem. 1. On rencontre fréquemment le dér. préfixal réélire, verbe trans. (cf. infra, s.v.). Assurer une ou plusieurs nouvelle(s) nomination(s) de quelqu'un par voie de suffrages. Élu au premier tour le 4 octobre 1885, il fut constamment réélu depuis (Sartre, Nausée, 1938, p. 121). 2. On rencontre chez Hugo la forme pronom. réfl. s'élire. S'attribuer un titre, un honneur. Je voudrais pour Cromwell, d'ailleurs, qu'il m'entendît. S'il veut s'élire roi, qu'il tombe! (Hugo, Cromw., 1827, p. 314).
B.− [Le choix personnel et fondé sur une préférence s'opère sans intervention d'un suffrage institutionnel]
1. [Avec un compl. d'obj.] Vouer une préférence spéciale, porter une prédilection particulière à une personne ou à une chose choisie dans un ensemble.
a) [Le compl. d'obj. désigne un individu ou une collectivité]
α) [Choix à caractère relig.; l'agent de l'action est Dieu] Quasi-synon. prédestiner (à); anton. réprouver.Un juif, un homme de cette race que Dieu élut − bien légèrement − comme sienne (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 78).Cette Pucelle que le Roi du ciel élut porte-étendard pour fouler à ses pieds les ennemis de la justice (France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. 384).S'il [Dieu] peut élire le peuple d'Israël entre tous les autres peuples (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 155).
β) [Choix sans caractère relig.] Yseult était inébranlable dans son dessein de s'unir à celui qu'elle avait élu (Sand, Compagn. Tour de Fr.,1840, p. 378).Si ta femme crie tu la peux répudier afin d'élire l'autre qui ne crie pas (Saint-Exupéry, Citad.,1944, p. 910).Il fallait que les êtres que j'élisais ne vécussent point (Camus, Chute,1956, p. 1508).
[Avec compl. second.] M'ayant élu pour confident (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 334).Certains de mes aînés m'élurent comme chef de leur caravane d'artistes (Blanche, Modèles,1928, p. 216).
[L'agent est une entité inanimée à qui l'on prête, par fiction, la faculté de choisir] La mort avait élu mon compagnon d'un jour (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 19).
Rem. Dans la lang. littér., élire fonctionne, à la limite, comme un synon. approché de choisir. Il se distingue néanmoins de ce dernier en ce qu'il implique un choix, parfois arbitraire, fondé sur un caprice, sur un sentiment de préférence instantané ou un choix fondé sur une préférence profonde, sur une affinité de caractère et de goûts.
b) [Le compl. d'obj. désigne une chose] Retenir (une chose) parmi d'autres, au terme d'un choix fondé sur une préférence.
α) [L'agent est un être animé (homme ou animal) doué de la faculté de choisir] Costals élut un autre banc, très loin du premier (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1516).Aucun Français n'a pu élire la place où le tourbillon l'emportait (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 273):
3. La nécessité de l'option me fut toujours intolérable; choisir m'apparaissait non tant élire, que repousser ce que je n'élisais pas. Gide, Les Nourritures terrestres,1897, p. 183.
Loc. Élire domicile (cf. domicile A 3 a).
En partic. Faire sien quelque chose que l'on n'est pas libre, à la vérité, de choisir, mais que l'on accepte dans un esprit de soumission. Les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 21).
Rem. Suivi d'un compl. d'obj. désignant une chose, élire a un caractère nettement plus littér. que choisir. Il implique, en tout cas, un sème accusé d'« appropriation personnelle ». C'est en vertu de la place qu'il occupe à un niveau de lang. élevé que ce verbe doit de pouvoir être empl. à des fins plaisantes ou ironiques avec des compl. qui, normalement, s'accommoderaient de choisir. Vers le pont Battant, un petit bar, élu par la canaille, était bondé de monde (Carco, Innoc., 1916, p. 192). Beuouahh, fit-il [le visiteur] en déglutissant la boisson qu'il avait lui-même élue (Queneau, Zazie, 1959, p. 211).
β) [L'agent est une chose, une entité à qui l'on prête, par fiction, la faculté de choisir] À l'extrémité du dernier rameau d'un grand arbre élu par la foudre (Bloy, Hist. désobl.,1894, p. 50).La Réforme élit la morale et exile la beauté (Camus, Homme rév.,1951, p. 313).
2. Emploi abs. Qu'il est cruel d'élire et d'exclure! (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 420).Le premier acte du paysagiste est de cadrer sa toile. Il élimine autant qu'il élit (Camus, Homme rév.,1951p. 317):
4. Par la première de ses paroles Jésus a mis les Juifs derrière lui; par la seconde, il a constitué l'Église à ses pieds; par la troisième il établit par rapport à lui-même une droite et une gauche. Il élit et par là il rejette. Il sépare. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 110.
Prononc. et Orth. : [eli:ʀ], (j')élis [eli]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 eslire « choisir entre plusieurs personnes ou choses » (Roland, éd. J. Bédier, 275); ca 1200 part. passé subst. elis « personnes choisies par Dieu » (Moralités sur Job, éd. W. Fœrster, p. 346); 2. ca 1207 eslire « nommer à une fonction (par voie de suffrages) » (Villehardouin, La Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, § 258, t. 2, p. 64), rare avant le xvies. Du lat. vulg. exlegere, réfection du lat. class. eligere « choisir » d'apr. legere (lire*); l'anc. forme du part. passé eslit (élite*) formée sur le part. passé lat. electus, est supplantée par la forme esleü (1176 Chr. de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 2574) et fréquente surtout à partir du xviesiècle. Fréq. abs. littér. : 327. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 513, b) 261; xxes. : a) 346, b) 604.