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DOUTE, subst. masc.
A.− [Gén. avec l'art. déf.] État naturel de l'esprit qui s'interroge, caractérisé à des degrés différents soit par l'incertitude concernant l'existence ou la réalisation d'un fait, soit par l'hésitation sur la conduite à tenir, soit par la suspension du jugement entre deux propositions contradictoires. Le doute n'est pas permis; un air, un geste de doute; être dans le doute; laisser qqn dans le doute. Relaxe au bénéfice du doute (Nouv. répertoire de dr., Paris, Dalloz, t. 2, 1963, § 70, s.v. instructions à l'audience).Anton. certitude.− « Non, monsieur, Charles-Marie ne doit pas être coupable. » Le doute avait fini par se glisser dans l'esprit du professeur de septième (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 118).Et l'on ne pouvait rien, (...) rien faire même pour savoir ce qui allait arriver. Le doute était plus affolant encore que la certitude (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1392).Cf. accepter ex. 23, crédule ex. 1 :
1. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite d'elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 156.
2. La liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute. (...). Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous. Alain, Propos,1912, p. 134.
3. La grande affaire pour les générations précédentes, avait été le passage de l'absolu au relatif, de la certitude au doute; il s'agissait pour eux de « passer du doute à la négation sans y perdre toute valeur morale ». Massis, Jugements,1923, pp. 172-173.
1. Proverbes. Le doute est le commencement de la sagesse (Ac.1835-1932).Dans le doute, abstiens-toi. Quand on doute de la valeur de ses actes, il ne faut pas agir. Dans le doute, abstiens-toi, Proverbe français, ce me semble? − Dans le doute, éclaire-toi! et, la lumière faite, protège les bons, tape sur les autres (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 243).
2. Syntagmes et loc.
a) Mettre en doute qqc. En contester l'authenticité, la valeur. Cf. affirmer ex. 18.Mettre en doute l'authenticité de qqc., la parole, la sincérité, les sentiments de qqn. Je ne mets pas en doute votre mandat (Gracq, Syrtes,1951, p. 247).Mettre en doute si. Ici, peut-être, faudrait-il mettre en doute si un poète peut légitimement demander à un lecteur le travail sensible et soutenu de son esprit? (Valéry, Variété II,1929, p. 171).[Avec la négation ou l'interr.] Ne pas mettre en doute que (avec ne explétif et le subj.). Ils ne mettaient pas en doute que la guerre civile ne fût alors terminée (J. Verne, Île myst.,1874, p. 540).[Sans ne explétif pour signifier que le fait est certain] Je ne mets pas en doute que j'y parvienne (Staël, Lettres L. de Narbonne,1792, p. 35).
Rem. Littré signale cette dernière construction.
b) Il n'y a pas de doute que; il ne fait pas de doute que; point de doute que; nul doute que. [Avec ne explétif et le subj.] Il n'y a pas de doute que ce ne soit là de tous points une grande œuvre (Du Bos, Journal,1923, p. 246).[Avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Nul doute qu'ils en riraient, si les anges pouvaient rire (Bernanos, Dialog. ombres,1928, 4etabl., 10, p. 1673).[Avec l'ind. pour insister sur la réalité du fait] Il n'y a pas de doute que les poissons tirent l'air de l'eau par les ouïes (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 150).
c) Être hors de doute. Être incontestable, certain. Cela est hors de doute pour moi. [Avec l'ind.] Il est hors de doute que. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (Montherl., Bestiaires,1926, p. 451).
B.− En partic.
1. MÉD., PSYCH. Folie, manie, maladie du doute. Maladie mentale qui se traduit par des manies d'interrogation de vérifications incessantes, des scrupules religieux excessifs. Ces périodes détériorées où nous prend la manie du doute : − A-t-on fermé sa porte à clef, cette nuit? on reva voir; a-t-on mis sa cravate ce matin? on tâte; boutonné sa culotte, ce soir? on s'assure (Gide, Paludes,1895, p. 121).Cf. aboulie ex. 5.
2. PHILOSOPHIE
Doute sceptique, métaphysique. Attitude philosophique qui consiste à s'établir dans un doute définitif. Doute universel. Doute perpétuel (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 301).Doute absolu (Flaub., Corresp.,1853, p. 183).La foi n'est pas possible (...) que si le doute métaphysique est en quelque sorte imposé à l'esprit par la nature en soi indéterminable de son objet (Marcel, Journal,1914, p. 95):
4. Bremond est le type même de ces sceptiques profonds, chez qui le doute gagne sans cesse, s'étend à tout, et même aux choses dont il n'y aurait pourtant pas lieu de douter. Du Bos, Journal,1928, p. 210.
Doute philosophique, doute méthodique de Descartes. Attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même (cf. cartésien A b).Doute fictif, hyperbolique, réel. Le doute redresse l'esprit courbé par les sens. Par une ascèse, ou une purification intellectuelle, il doit rendre à la « lumière naturelle » sa rectitude perdue et sa clarté offusquée par les préjugés (R. Verneaux, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr.,Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. 67).Cf. également affirmer ex. 22, cogito, ex. 1, croyance ex. 9 :
5. La méthode [cartésienne] est applicable à l'édification des sciences d'observation et d'expérimentation. Il faut procéder toujours par le doute philosophique, avec précaution, avec défiance. Il faut lancer son hypothèse en avant comme un colimaçon lance ses cornes pour sonder et palper l'espace. Dès qu'il sent quelque obtacle, il les retire pour les étendre de nouveau à côté, et cette figure représente l'état de tâtonnements dans lequel se trouve l'expérimentateur. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 78.
6. Il y a un lien étroit, en stricte orthodoxie cartésienne, entre le doute et la compréhension même, dans la mesure où elle nous est accessible, de la nature divine, si bien que celui qui aurait poussé l'ascèse du doute assez loin acquerrait par là même une connaissance presque intuitive de Dieu. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 90.
Révoquer en doute. [P. réf. à Descartes] Synon. littér. de mettre en doute.Des témoignages (...) qui peuvent toujours en tous les cas être révoqués en doute (Marcel, Journal,1914, p. 83).
3. RELIG. Doute religieux. Incertitude portant sur l'existence de Dieu, sur ce qui fait l'objet de la Révélation et l'enseignement de l'Église à ce sujet. Être dans le doute ou la certitude; sombrer dans le doute. Les tourmens du doute (Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 126).Le mol oreiller du doute de Montaigne (Du Bos, Journal,1922, p. 103).Je n'oppose pas à la foi le doute; mais l'affirmation : ce qui ne saurait être n'est pas (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 309):
7. ... j'ai compris que le doute n'était pas une imagination coupable, que l'on chasse en secouant la tête, mais une hantise tenace, impérieuse comme la vérité; une pointe fichée au plus profond de la croyance, et qui l'épuise, goutte à goutte. Martin du Gard, J. Barois,1913, p. 262.
8. Lui aussi le Christ avait douté. Il y avait eu, en lui, ce dernier désespoir. Et Thérèse comprit alors qu'elle ne pourrait plus douter jamais, plus jamais désespérer, qu'il avait pris son doute, son désespoir, que seule la joie lui était demeurée. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 119.
C.− P. méton. [Avec l'art. indéf. au sing., souvent au plur.] Ce qui fait l'objet du doute; point particulier qui laisse dans le doute. N'avoir, ne faire, ne laisser, n'offrir aucun doute; éclaircir, lever un doute; tirer quelqu'un d'un doute. Henry n'avait de doutes qu'aux endroits où le doute est indiqué; il était convaincu de ce que l'on croit communément, il niait hardiment tout ce que l'on nie (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 269).Celui-ci (...) hésitait encore, travaillé de doutes évidents sur la question de la dot (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 79):
9. Ainsi la raison (...) doute d'elle-même et des principes qui la constituent, non sans fondement; mais elle n'élève point (...) de doute sérieux, encore moins de doute insurmontable, sur le principe régulateur et suprême en vertu duquel elle fait la critique de ses principes constitutifs, et de toutes les autres facultés humaines, pas plus qu'elle n'élève de doute sérieux sur les axiomes mathématiques. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 133.
10. Je me demande si je suis fou. En me promenant tantôt au grand soleil, le long de la rivière, des doutes me sont venus sur ma raison, non point des doutes vagues comme j'en avais jusqu'ici, mais des doutes précis, absolus. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Horla, 1886, p. 1112.
1. Loc. L'ombre d'un doute. Un doute très léger. Héritier du nom de mon père, je ne veux pas même que sur ce nom flotte l'ombre d'un doute (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 286).Élever un doute. Présenter une objection, faire une réserve (supra ex. 9). Faire doute. Poser problème. Ne pas faire de doute. Être manifeste, incontestable. Cela ne fait (aucun) doute pour personne; son sort ne fait pas de doute. Ces passantes dont le triste métier ne faisait pas de doute (Bourget, Actes suivent,1926, p. 59).
SYNT. Doute sur la qualité; la solidité, le succès, la valeur de; ôter quelqu'un d'un doute; concevoir, conserver, dissiper, émettre, exprimer, inspirer, laisser un/des doute(s); jeter un doute sur; faire naître des doutes.
2. En partic.
a) Question qui fait doute en matière religieuse, philosophique. Doutes religieux, doutes sur la foi; être tourmenté de doutes et de scrupules. Cf. affirmer ex. 32, conférence ex. 2.L'angoisse, les doutes, les déchirements de Pascal (Massis, Jugements,1923, p. 53):
11. Quant à vos doutes, qu'est-ce qu'un doute, sinon une chose dont on peut douter? Si j'ai des doutes sur vos doutes, pourquoi voulez-vous que je croie à vos doutes? Vous êtes sceptique et vous voulez que, fanatique de ce que vous avouez ne pas savoir, je devienne dogmatique de votre scepticisme : la Religion de la servante du Curé est plus rationnelle que cet embrouillement. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 629.
b) [Ce qui fait doute à l'égard d'une pers.] Domaine affectif de la confiance et des sentiments.Doute inquiétant et pénible; être harcelé par un doute. Synon. crainte, présomption, soupçon.Pourquoi un doute, pourquoi une crainte, pourquoi des soupçons pénibles lui seraient-ils venus? (Maupass., Contes et nouvelles,t. 2, Yvette, 1884, p. 523).
− Dans le domaine de l'amour.Doute affreux, amer, cruel; doute sur la fidélité. Je préférais l'illusion dont se bercent les doutes au désenchantement qu'apporte avec soi toute certitude (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 190).Il ne faut pas tourmenter son bonheur de doutes, d'interrogations (Chardonne, Épithal.,1921, p. 180):
12. ... je compris que, si je n'avais pas jusque-là souffert trop cruellement de mes doutes sur la vertu d'Albertine, c'est qu'en réalité ce n'était nullement des doutes. Mon bonheur, ma vie avaient besoin qu'Albertine fût vertueuse, ils avaient posé une fois pour toutes qu'elle l'était. Muni de cette croyance préservatrice, je pouvais sans danger laisser mon esprit jouer tristement avec des suppositions auxquelles il donnait une forme mais n'ajoutait pas foi. Proust, La Fugitive,1922, p. 514.
D.− Loc. adv. Sans doute
1. [À valeur affirmative] Vieilli. Assurément, certainement. C'est là sans doute une très belle action (Ac.1835-1932).Sans doute la richesse est une très-grande puissance (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 172).
Rem. Cette valeur de sans doute s'est atténuée au point que, pour exprimer l'affirmation, on renforce le subst. par aucun, nul, On préférera sans nul doute la première version (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 213). Fainéant, prodigue, coureur, ivrogne, menteur − et j'en passe − Jacques était sans aucun doute un détestable mari (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 346).
2. [À valeur dubitative définitive ou provisoire] Probablement, certes, je vous l'accorde. Vous avez sans doute raison; il vous arrive sans doute de :
13. le prince paul. − Enfin, nous sommes donc unis! ... nous sommes donc l'un à l'autre! ... la grande duchesse, légèrement. − Sans doute... sans doute... Meilhac, Halévy, La Grande duchesse de Gérolstein,1867, IV, 2, p. 295.
[Avec dans la prop. suivante un mot comme mais corrigeant − en la limitant − l'extension du doute] Maman (...) trouva même (...) certaine maison décente, sans doute étroite de pignon, sans doute privée de jardin, mais bonne pour un docteur (Duhamel, Terre promise,1934, p. 71).
Rem. Sans doute, en tête de phrase, peut entraîner l'invers. du suj. Sans doute a-t-elle eu quelque remords de ce qu'elle a dit, car elle accourt avec un grand foulard de laine rose entre les doigts (Green, Journal, 1948, p. 220).
Sans doute que [Avec ind. et avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Sans doute qu'ils ont profité de l'extinction, car quand de nouveau ça reparaît, même scène, mais le personnel a changé (Claudel, Visages radieux,1947, p. 774).
Rem. L'expr. sans doute, extrêmement fréq. forme plus des deux tiers des occurr. de la forme homogr. doute (cf. Dict. des fréq., C.N.R.S.-T.L.F. [diff. Paris, Didier], 1, 1971, table des homogr., qui évalue la fréq. de sans doute/sans aucun doute à 75 % des occurrences).
Prononc. et Orth. : [dut]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 grant dute « crainte » (Alexis, éd. Ch. Storey, 300); 2. 1155 « hésitation, incertitude » (estre) en dote (Wace, Brut, éd. I, Arnold, 515); 3. fin xves. mille doubte « soupçon, méfiance » (Commynes, éd. J. Calmette, II-VI, t. 1, p. 128); 4. 1637 « doute philosophique » (Descartes, Discours de la méthode, éd. A. Bridoux, p. 137). Déverbal de douter*. Fréq. abs. littér. : 26 332. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 35 287, b) 31 023; xxes. : a) 35 368, b) 43 985.