Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
DIEU, subst. masc.
1reSection. [Le mot Dieu désignant la divinité comme entité relig. ou philos.]
I.− [La divinité comme entité relig.]
A.− [Dans une perspective polythéiste] Au sing. ou au plur., gén. avec minuscule; fém. déesse*.
1. [Princ. dans les relig. antiques grecque et romaine] Être appartenant au monde supérieur ou inférieur, doué de qualités de transcendance qui le font coexister avec des êtres de même rang et doté d'attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans ses missions auprès des hommes, avec lesquels il entre en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire son besoin de communication et dont il reçoit l'hommage cultuel. Les dieux du Panthéon grec, les dieux du ciel, de l'enfer. On a cru qu'il pouvait y avoir (...) des dieux bons et méchans (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 93).Les dieux sont censés se partager l'univers. (...). Les Grecs partagent le monde entre Zeus, Dieu du ciel et de la terre, Poséidon, dieu des mers, et Hadès, auquel appartient le royaume infernal (Bergson, Deux sources,1932, p. 202).À côté des dieux et déesses, il existe d'autres figures religieuses, qui parfois jouissent d'un prestige égal ou même supérieur : les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les âmes des morts (les mânes), les esprits de la nature, etc. En certains cas se produit une coalescence de ces derniers − surtout les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les esprits de la nature − et des dieux et déesses; ou bien ils empruntent les prestiges et les symboles des divinités (Encyclop. univ.,1972, p. 588):
1. Il faut voir quelle place la religion occupe dans la vie d'un Romain (...). C'est un dieu que son foyer; les murs, les portes, le seuil sont des dieux; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins. Fustel de Coulanges,La Cité antique,1864,p. 269.
2. Le concept grec de la divinité est essentiellement polythéiste − il y a beaucoup de dieux : c'est la cité, la famille des dieux. Mais cette conception est enclose dans la représentation d'un dieu suprême, père des dieux et des hommes. Les nombreux dieux signifient la plénitude de la vie divine : le Dieu unique, ce serait tout juste un appauvrissement du divin (cf. Platon, Nom. X, 899 b). Fries t. 1, 1965, pp. 339-340.
3. Les grands dieux vivent loin des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre l'homme et le dieu, il n'est plus question de communion, mais de relations de bon voisinage; au lieu d'une participation pathétique aux drames divins, des rapports contractuels s'établissent sur une base de réciprocité, les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions. Hist. des relig.,1970, t. 1, p. 503 (encyclop. de la Pléiade).
SYNT. Dieux de la patrie, de la cité, du foyer; dieux de l'Olympe; dieu du jour, de la lumière, du printemps, des eaux, des moissons, des orages, de l'ouragan, des morts, de l'amour, de la poésie, de la guerre; cosmogonies, histoire, pluralité, attributs des dieux; culte, adoration, prêtre(sse), oracle des dieux; séjour, résidence des dieux (de l'Olympe); assemblée des dieux et des déesses; volontés, faveur, clémence, caprice, malveillance, colère, courroux, ressentiment, cruauté, punition, crainte des dieux; honorer les dieux, prier les dieux et les déesses; célébrer, chanter, encenser, consulter, contenter, remercier, insulter, offenser, outrager les dieux; apaiser les dieux irrités; plaire aux dieux; faire des oblations, des offrandes aux dieux; bâtir des temples, offrir des sacrifices, être immolé aux dieux, sacrifier aux dieux; rendre grâce aux dieux de + inf.; appeler la protection des dieux, implorer le secours des dieux, être protégé des dieux; attirer, conjurer, apaiser la colère des dieux, redouter la vengeance des dieux; rendre un culte à un dieu, consacrer qqc. à un dieu; renier ses dieux.
Dieu majeur, supérieur, principal; grand dieu; roi, maître, chef, dieu des dieux... P. oppos. Dieu(x) secondaire(s), mineur(s), subalterne(s), inférieur(s)...
Les dieux de la Fable. Les dieux de la mythologie gréco-romaine :
4. ... c'est pour notre commodité que nous définissons et classons ainsi les dieux de la Fable. Aucune loi n'a présidé à leur naissance, non plus qu'à leur développement; l'humanité a laissé ici libre jeu à son instinct de fabulation. Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 204.
[Ces dieux en tant qu'ils sont représentés] Pour loger le dieu qui s'incarne en une image de pierre, il faut une maison, et cette maison, c'est le temple (Encyclop. univ.,1971, p. 1055):
5. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était point abandonné aux artistes ordinaires. Les prêtres en donnaient les dessins, et c'était sur des sphères, c'est-à-dire, d'après l'inspection du ciel et de ses images astronomiques, qu'ils en déterminaient les formes. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 36.
[Les dieux de la mythol. gréco-romaine pressentis par les poètes] Les dieux sont muets, et la vie est triste (Dierx, Poèmes,1864, p. 45).Car la même clameur que pousse encor la mer, Monte de l'homme aux Dieux, vainement éternelle (Heredia, Trophées,1893, p. 147).C'est déjà, sourdement sous l'herbe et dans les bois L'impétueux réveil des dieux chauds et vivaces (Noailles, Ombre jours,1902, p. 48).Cette ombre des dieux qui tient tout le ciel, qui marche avec l'ombre des nuages (Giono, Eau vive,1943, p. 29):
6. Tout à l'heure, avec la première étoile, la nuit tombera sur la scène du monde. Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nées cependant dans le cœur de la terre. Camus,Noces,1938,p. 25.
[Dans d'autres relig., notamment dans certaines relig. orientales ainsi que dans certaines croyances primitives]
[Dans l'Égypte antique] Dieu solaire. Dès l'époque ancienne le dieu Soleil avait absorbé diverses divinités telles qu'Atum, Horus et le scarabée Khipri (Encyclop. univ.,1972, p. 591):
7. Créés par le démiurge, les dieux ne peuvent évidemment avoir qu'un pouvoir inférieur au sien, limité à une sphère particulière comme il convient à des manifestations de forces naturelles le plus souvent locales. Cependant, les diverses théologies cherchent à démontrer la prééminence du dieu local dans l'ensemble de la création, de sorte qu'il ne saurait être question de vouloir préciser la compétence d'une divinité égyptienne comme on l'a fait pour les dieux grecs ou romains, ... Hist. des relig.,t. 1, 1970, pp. 84-85 (encyclop. de la Pléiade).
[En Asie, en partic. dans l'Hindouisme] Les habitans de l'île Formose ne connaissaient point d'autres dieux que le soleil et la lune, qu'ils regardaient comme deux divinités ou causes suprêmes; idée absolument semblable à celle que les Égyptiens et les Phéniciens avaient de ces deux astres (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 24):
8. ... au milieu de la multitude des dieux, trois grandes figures s'imposent : Brahmā, Visnu et Siva. Assez tardivement on a désigné le groupe par l'expression trimūrti, les « trois formes » du divin. (...). La trimūrti, en tant que telle, ne reçoit pas de culte particulier, mais chacun de ses membres peut devenir le Dieu suprême. Hist. des relig., t. 1, 1970, pp. 1006-1007 (encyclop. de la Pléiade).
[Chez les Celtes, les Germains, les Slaves, etc., et dans certaines croyances primitives d'Asie centrale, d'Afrique, d'Amérique centrale, d'Australie] Le dieu champion Thôrr. Chez les peuples pasteurs de l'Asie centrale, les dieux célestes présentent un caractère nouveau : la souveraineté (Encyclop. univ.,1972, p. 590):
9. Les habitants de l'isthme de Panama, et de tout ce qu'on appelle terre-ferme, croyaient qu'il y a un dieu au ciel, et que ce dieu était le soleil, mari de la lune; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprêmes qui régissent le monde. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 34.
Spéc. Homme (en particulier empereur ou pharaon) divinisé. [Dans la relig. égyptienne] Animal divinisé. Lorsqu'un roi montait sur le trône, il donnait ordre de tailler son tombeau. (...). Tant que le roi vivait, on creusait sans repos et sans trêve; le jour où il mourait et prenait rang parmi les dieux, le travail cessait (Du Camp, Nil,1854, p. 253):
10. Nous voulons parler du culte des animaux, (...) certains l'ont considéré comme plus naturel encore que l'adoration des dieux à forme humaine. Nous le voyons se conserver, vivace et tenace, là même où l'homme se représente déjà des dieux à son image. C'est ainsi qu'il subsista jusqu'au bout dans l'ancienne Égypte. Parfois le dieu qui a émergé de la forme animale refuse de l'abandonner tout à fait; à son corps d'homme il superposera une tête d'animal. Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, pp. 190-191.
[P. réf. aux Actes des Apôtres XVII, 22-23] Au/à un dieu inconnu (en lat. Deo ignoto). Inscription figurant sur un temple d'Athènes, interprétée par saint Paul ,,comme le pressentiment de l'existence d'un Dieu unique, bon et transcendant`` (Symboles 1969). Il [Mario Meunier] m'a entretenu de l'autel au dieu inconnaissable, que saint Paul appelle le dieu inconnu, et il admire le sens métaphysique de ceux qui ont élevé cet autel (Green, Journal,1932, p. 85).
Loc., exclam. dans les traductions de textes antiques, dans les œuvres mettant en scène des personnages de l'Antiquité, ou dans la lang. poétique.
[Pour exprimer un regret] Plût aux dieux (que + subj.). Plût aux dieux que je ne fusse jamais né!... (Balzac, Corresp.,1821, p. 111).
[Pour exprimer une prière, un souhait] (Que) les dieux te protègent! Que les dieux immortels nous assistent! Danse-La-Nuit. − La réponse est ici; entre! Le Poëte. − J'entrerai donc! Que tous les dieux me soient en aide! (Claudel, Endormie,1883, p. 16).Je ferai selon ton désir, et que les dieux soient avec nous! (Claudel, Choéphores,1920, p. 936).
[Pour accompagner l'expression d'une prière] Dieux! Ô dieux justes! Ô dieux protecteurs! Ô dieux hospitaliers! Ô dieux cruels! Ô dieux farouches! Ô dieux inexorables! Ô justes dieux, grands dieux! Secourez ma faiblesse. Je t'implore, ô mon père, ô Zeus! (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72).
[Pour renforcer une affirmation, une promesse, un serment] À quelque extrémité que mon héros m'entraîne, Je jure par les dieux que je cède à regret (Bouilhet, Melaenis,1857, p. 50):
11. pâris. − (...), Et tu seras à moi, noble femme que j'aime! Les dieux me l'ont promis; nous trompent-ils jamais? hélène. − Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais. Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse. Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72.
P. méton., au plur. [Pour désigner les relig.] Dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts (Renan, Prière sur l'Acropoleds Souv. enf.).
Rem. Le mot dieu apparaît dans le titre de nombreuses œuvres littér. ou mus. : Les Dieux (Alain), Le Crépuscule des dieux (E. Bourges,) les Dieux ont soif (A. France), Le Dieu des corps (J. Romains); Le Crépuscule des dieux, drame de Richard Wagner constituant la quatrième partie de la Tétralogie inspirée de la mythologie scandinave.
2. [Dans les croyances primitives] Force impersonnelle, extérieure et supérieure à l'homme désireux de se concilier sa bienveillance et, selon les cas, assimilée à un phénomène physique ou considérée comme s'incarnant dans un animal ou habitant une plante, ou une chose :
12. Les croyances anciennes qui se dégagent des études historiques donnent à la religion primitive du Japon un caractère de panthéisme et d'animisme universel. Les dieux ou esprits supérieurs (Kami) peuplent tous les lieux et habitent toutes choses. Le vent, la pluie, la mer, les plantes, les animaux sont des dieux au même titre que les instruments de la vie domestique : marmite, théière ou braseros. Philos., Relig., 1957, p. 5412.
En partic. Cette force en tant qu'objet d'un culte. Culte des dieux fétiches (Constant, Journaux,1804, p. 110).Les dieux cabires étaient adorés sous la forme de vases au large ventre (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 20):
13. Les nègres de Juida ont aussi leurs fétiches. Ils s'adressent à certains grands arbres pour obtenir la guérison de leurs maladies, et en conséquence ils font des offrandes de pâte de millet, de maïs et de riz; car tout culte est un véritable échange entre l'homme et ses dieux, dont le prêtre est l'entremetteur. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 437.
B.− [Dans une perspective monothéiste] Au sing.
1. [Dans une perspective relig. mais en dehors des relig. hist. constituées] Gén. avec minusc. et avec l'article déf. Être suprême considéré en général (cf. divinité). Je sens qu'un dieu est en moi. Quel dieu? Je ne sais pas. Mais c'est pour l'avènement de ce dieu que je veux vivre (Arland, Ordre,1929, p. 44).La certitude d'un dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire (Camus, Sisyphe,1942, p. 94):
14. C'est au sentiment de l'existence d'un dieu que l'homme doit celui de l'infini, de l'universalité, de la gloire, de l'immortalité, (...). C'est à cet instinct de la divinité qu'il doit celui de la vertu, qui règle ses innombrables désirs vers le bonheur de ses semblables, dans la crainte ou l'espérance que lui inspire le sentiment d'un être suprême, vengeur et rémunérateur. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 276.
2. [Dans les relig. hist., princ. dans la tradition judéo-chrétienne] .Gén. avec maj. parce que assimilé à un nom propre. (L') Être éternel, créateur de tout ce qui existe (animé et inanimé) et providence de l'univers créé, à qui les hommes doivent un culte. Dieu créa l'homme à son image; Dieu est infini (Ac. 1932). Invoquer Dieu, rendre gloire à Dieu :
15. Dieu est l'unité et la multiplicité; (...). Or, de même que Dieu est à la fois un et plusieurs, chaque créature de Dieu est à la fois une et multiple. (...). Donc de même que Moïse appelle Dieu Aelohim, de même il appelle tous les hommes Adam. Aelohim veut dire Lui-des-Dieux, c'est-à-dire l'Être des Êtres. Adam veut dire l'homme universel, l'humanité, le genre humain, c'est-à-dire l'homme qui est en même temps les hommes, comme Dieu ou l'Être est en même temps les Êtres. P. Leroux,De l'Humanité, de son principe et de son avenir,t. 2,1840,pp. 986-987.
16. C'est la toute-puissance de Dieu, manifestée par ses œuvres, qui l'autorise à promulguer ce qui restera jusque dans l'Évangile le premier et le plus grand commandement : Tu aimeras le seigneur ton Dieu, et tu le serviras de tout ton cœur et de toute ton âme. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1931, p. 156.
[Avec l'article déf., précisant l'idée ou l'image que, parmi plusieurs possibles, on se forme du Dieu unique] Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; le seul vrai Dieu, le Dieu vivant. Le Dieu de Sinaï est un Dieu jaloux, un Dieu qui veut être aimé de préférence (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 388).Le christianisme, considéré comme pensée seulement humaine, veut mettre fin aux horreurs de la Bible et au terrible règne du Dieu des armées (Alain, Propos,1935, p. 1275):
17. Vos victoires cachées font la gloire de l'Être-Suprême. Insensés qui vous reposez sur l'idée de sa bonté infinie; (...) : il est surtout le dieu terrible, le dieu vengeur, le dieu exterminateur; et ce qui doit redoubler vos précautions, votre zèle, votre amour, il est souvent le dieu tentateur. Senancour,Rêveries sur la nature primitive de l'homme,1799,p. 128.
[Avec l'article indéf., pour indiquer que le Dieu unique se substitue aux dieux du polythéisme] Il [Mahomet] appelle à la foi en un Dieu unique, Allâh, seul créateur des hommes et de l'univers (Hist. des relig.,t. 2, 1972, pp. 661-662 [encyclop. de la Pléiade]) :
18. ... il [le christianisme] contient une solution du monde extrêmement simple et étonnamment hardie. Au centre, (...) l'affirmation intransigeante d'un Dieu personnel : Dieu-providence, menant l'univers avec sollicitude et Dieu-révélateur, se communiquant à l'homme sur le plan et par les voies de l'intelligence. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 326.
19. La tradition et l'histoire, l'habitude et l'éducation favorisent la convergence, ou l'identification, de l'idée d'un Dieu et de l'idée de Dieu, seul vrai Dieu, toujours vainqueur comparé à d'autres dieux. Encyclop. univ.,1972, p. 582.
a) [Dieu considéré dans sa nature divine] :
20. ... même après la révélation, l'essence de Dieu demeure au-delà de ce qu'on peut en connaître : il est le Dieu caché. (...). Le théologien protestant suisse Karl Barth a suspecté les Pères grecs d'avoir compromis le thème biblique du Dieu caché avec celui du Dieu inconnu du néo-platonisme. Si Dieu est en effet déclaré inaccessible, ce n'est pas en vertu d'une réflexion sur les limites de notre pouvoir de connaître, mais c'est parce qu'il se révèle comme le Dieu caché et que la grâce seule établit le rapport entre lui et nous. Encyclop. univ.,1972p. 579.
SYNT. Le Dieu suprême, unique, éternel, saint, tout puissant; le Dieu de lumière, de majesté; le Dieu de l'Écriture, de l'Évangile, des croyants, des chrétiens, des hébreux, des juifs; la gloire, le royaume de Dieu.
Pop. ou fam. [Avec l'adj. bon, synon. affectif de vrai] Le bon Dieu. Dieu absolument bon et miséricordieux. Les œuvres du bon Dieu; aimer, prier, offenser le bon Dieu; demander qqc. au bon Dieu, remercier le bon Dieu. − Le bon Dieu, il est au ciel. − Sur la terre aussi, un petit peu. − Mais là en dessous, il y a plus de bon Dieu (Aymé, Jument,1933, p. 281).Les enfants se demandaient si leur jeu de l'autre jour n'avait pas attiré la punition du bon Dieu (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 122).En partic. [Le suj. désigne un enfant] Écrire au bon Dieu. (Subst. désignant une pers. ou un aspect de la pers.) + du bon Dieu. (Subst.) propre aux êtres naïvement et entièrement voués à Dieu. Garçon de la pâte du bon Dieu, au demeurant, fidèle, bon compagnon (Pourrat, Gaspard,1922, p. 57).Dire que j'étais aussi couillon que lui d'avoir attiré ces trois vies du bon Dieu sur ce sacré putin de chemin, droit comme une ligne de mire! (Giono, Baumugnes,1929, p. 213):
21. Il faut mourir Entre les bras de celui qui l'aime, et est-ce qu'elle se doute, la pauvre innocente du bon Dieu, Rien du tout! Ce qu'il y a en elle et ce qui en va sortir! Claudel, Partage de midi,1949, I, p. 1083.
[P. réf. à Dieu en tant qu'il est le créateur et le dispensateur de toutes choses] Chaque jour du bon Dieu. Chaque jour qui est et que l'on vit (parce que Dieu l'a bien voulu), chaque jour sans exception. Tous les jours que le bon Dieu fait.
P. méton. [Au sing. gén. avec l'article indéf., ou au plur., pour désigner une représentation de Dieu] Fam., volontiers péj. Un bon dieu/Dieu; un marchand de bons dieux. Un petit bon Dieu de missel (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35).Dites, dans un bon Dieu de bois, est-ce l'image Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter (Verlaine, Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 399).Rare. Un Dieu-le-Père. Il y a là-bas dans l'égrugeoir un très bon Dieu-le-Père en pierre que nous avons volé à Saint-Pierre-aux-Bœufs (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 103).
En partic. [Dans la dogmatique chrét.] Une des trois personnes de la Trinité (généralement précisée par un terme adjoint).
Dieu le Père ou le Dieu-Père. Première personne de la Trinité. Révélation du Dieu-Père en Jésus-Christ. V. par ailleurs Hugo, loc. cit.Enfin, le Dieu-Époux est en même temps le Dieu-Père, et il y a même osmose entre les deux figures : Dieu est autre chose qu'un géniteur et l'amour pour ses fils l'emporte sur la sévérité (Encyclop. univ.,1972, p. 578).
Dieu le Fils ou le Fils de Dieu. Deuxième personne de la Trinité. [P. réf. au mystère de l'Incarnation] Le Dieu nouveau-né, l'enfant-Dieu, l'Homme-Dieu, le Dieu fait homme, le Verbe de Dieu incarné, un Dieu descendu du ciel/descendu sur la terre, un dieu réparateur, le Dieu agneau, le (grand) Dieu(-)sauveur. Le Christ. La Mère de Dieu. La Vierge. C'est un Dieu-homme que l'on nous a donné à regarder. C'est un Dieu qui se prépare à mourir sous nos yeux (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 149):
22. De la Noël, je voudrais parler avec la même révérence et la même gentillesse que ce berger, qui, dans un mystère du Moyen Âge, invité à saluer le Dieu nouveau-né, déclare vouloir emporter son flûtiau pour en jouer et « consoler le petit enfant qui est Dieu et Seigneur du monde ». J'ai le sentiment que cet Enfant-Dieu, pour peu qu'il nous regarde en ce moment, a bien besoin d'être consolé. Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1937, p. 92.
Dieu le Saint Esprit ou Dieu Esprit. Troisième personne de la Trinité. Le Nouveau Testament ne révèle pas seulement que le Dieu trois fois saint de l'Ancien Testament est en lui-même mystère d'amour, c'est-à-dire mystère de paternité et de filiation, mais aussi que le lieu d'échange de cet amour est l'Esprit; il révèle le Dieu Esprit (Encyclop. univ.,1972, p. 579).
Rem. Les trois personnes de la Trinité sont aussi désignées par des expr. synon. a) Première personne : Le Créateur (du ciel et de la terre/de toutes choses, l'Auteur de l'Univers, le Très-Haut, le Tout-Puissant, l'Éternel, le Père éternel/céleste, le Saint (des saints/ d'Israël), le souverain Juge, le Maître du monde, le Roi du ciel et de la terre/des siècles/des rois); cf. « Notre Père qui êtes aux cieux... » Début de la prière, s'adressant à Dieu, que Jésus a enseignée aux apôtres (cf. Matth. VI, 9-13). b) Deuxième personne : le Verbe. c) Troisième personne : le Saint Esprit.
b) [Dieu considéré dans ses relations avec les hommes dans l'Ancien et/ou le Nouveau Testament] À la guerre, elle [notre destinée] nous échappe; alors nous pensons à un Dieu entre les mains de qui repose notre sort (Barrès, Cahiers,t. 12, 1920, p. 264).Lorsqu'il plaît au Dieu tout-puissant d'intervenir plus activement dans notre prière (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 536).Si c'est une faiblesse, que Dieu me la pardonne et que tout aille selon son vouloir (Pourrat, Gaspard,1922, p. 174):
23. Des fautes qui sont vraiment péchés et dont nous sommes un peu là pour répondre, Un Dieu qui s'est fait un homme pour nous et qui est capable d'écouter et de répondre, Toutes les possibilités du cœur entre lui et nous, vivant, celui qui nous a aimés plus que lui-même, sauveur ami, médecin, conseiller, enfant, frère, père, époux! Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 493.
24. Dans l'Ancien Testament, le Dieu d'Israël n'est pas d'abord le Dieu cosmique, auteur de la nature, (...) il est le Dieu tourné vers-nous, le Dieu proche. Ce mouvement de communication (...) ne trouvera son aboutissement plénier et définitif que dans le Nouveau Testament où Dieu se révèle en Jésus-Christ comme amour et comme père. Encyclop. univ.,1972, p. 577.
α) [Dieu en tant que providence et que juge] Le Dieu miséricordieux, le Dieu de bonté; le jugement de Dieu.
SYNT. Le bon Dieu (et les loc. attenantes), le Dieu rémunérateur, juste, très bon; Dieu de justice, de miséricorde; bonté, miséricorde, grâce, justice, loi de Dieu; inspiration, intervention, protection, don de Dieu; tribunal, arrêts, colère, pardon de Dieu; le Dieu des humbles, des âmes simples; Dieu, le Consolateur des affligés (Rob.); promesse faite à Dieu; au nom du Dieu souverainement bon; prier Dieu de + inf., placer son espérance en Dieu; Dieu puissant, secourez-nous; remercier Dieu, rendre grâce à Dieu de qqc.; Dieu sonde les cœurs, protège les hommes (Ac.). PARAD. La (divine/sainte) Providence, le souverain Juge.
[À partir de l'expr. le bon Dieu, cf. supra] Le bon Dieu nous bénisse, que le bon Dieu nous entende, le bon Dieu vous le rendra.
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules exclamatives exprimant un souhait à l'adresse de qqn.
[Loc. mettant en œuvre un élément du corps humain pour symboliser la manifestation de la puissance et de la volonté de Dieu, sa faculté de réagir et d'intervenir favorablement ou défavorablement dans les affaires humaines] Le bras, la main, le doigt de Dieu; le bras de Dieu l'a frappé (Ac.). On reconnaît en cela/là le doigt de Dieu. On reconnaît (dans tel événement) l'action, l'intervention de Dieu. Appuyez-vous sur le bras de Dieu (Lar. 19e) :
25. Est-ce du sein de la paresse et de l'indolence, qu'il faut aller chercher l'œil et la main de Dieu? N'oublie jamais que c'est un Dieu jaloux, et qui aime qu'on le prie; parce qu'il sait que la prière ouvre les canaux de sa vie divine. Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 374.
Rem. La loc. la main de Dieu peut d'autre part symboliser la faculté divine de créer. L'homme était tout puissant quand il sortit de la main de Dieu (Boucher de P., Antiq. celt., t. 2, 1847-64, p. 314).
P. plaisant. ou p. iron. [Pour parler d'une pers. à qui il arrive une chose avantageuse, heureuse, sans qu'elle y ait contribué en quoi que ce soit] Cela lui vient de la grâce de Dieu/de Dieu grâce. Cela est le fait d'un heureux hasard (notamment ds Littré). [Pour parler d'une affaire] Fam. Cela va comme il plaît à Dieu; cela va Dieu sait comme. Cela est laissé à l'abandon; la conduite en est ou négligée ou incohérente (notamment ds Littré).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant l'expr. de l'incertitude, de l'ignorance.
[Pour marquer qu'en invoquant l'autorité de Dieu on prend l'entière responsabilité de qqc.] Dire qqc. devant Dieu et devant les hommes. Le docteur (...) pour conserver une existence dont, (...), je réponds devant Dieu et devant les hommes (A. Dumas père, R. Darlington,1832, III, 5, p. 16).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
HIST. Jugement* de Dieu (v. aussi épreuve* et ordalie*). Paix*/trêve de Dieu. Dieu et mon droit. Mot d'ordre que lança Richard Cœur de Lion à la bataille de Gisors (1198) et dont les rois d'Angleterre firent leur devise sous cette forme française. [P. allus. hist.] Ni Dieu ni maître. Maxime du socialiste révolutionnaire Louis-Auguste Blanqui (1805-1881), dont il fit le titre de son journal et dont les anarchistes firent leur devise. [Formule employée par les souverains et les dignitaires de l'Église pour marquer qu'ils détiennent leur autorité de Dieu même] Par la grâce de Dieu (notamment ds Ac.).
Rem. Cf. infra 2esection B 2 a : formules pour exprimer sa reconnaissance.
β) [Dieu en tant qu'objet d'un culte] Aimer, adorer, honorer, louer, prier, invoquer Dieu; rendre gloire à Dieu; s'unir à Dieu par la prière/par la méditation (Rob.); se recommander à Dieu (Ac.); vision béatifique de Dieu.
[Culte public, liturg.] Jour consacré à Dieu; rendre gloire à Dieu (cf. Fête*-Dieu). [Relativement au mystère ou au sacrement de l'Eucharistie] Adorer Dieu dans l'Eucharistie (cf. Lever*-Dieu).
[Dieu, deuxième personne de la Trinité en tant que présente dans l'Eucharistie, hostie consacrée et identifiée avec celle-ci] Demander le bon Dieu. Demander l'hostie, la communion, le viatique; demander à communier. Recevoir le bon Dieu; porter le bon Dieu (à un malade, à un mourant) :
26. Je me rappelais celui qu'on appelait le sans-culotte et qui ne tolérait pas les prêtres. Il était sorti de la maison le jour où sa femme, avant de mourir, avait demandé le bon Dieu. Vallès, Jacques Vingtras,L'Enfant, 1879, p. 356.
Pop. et fam. Manger le bon Dieu. Communier. Avaler le bon Dieu. Les Lorilleux, sans aller manger le bon Dieu dans les églises, se piquaient d'avoir de la religion (Zola, Assommoir,1877, p. 471).P. ext. Manger le bon Dieu, manger son Dieu. Vivre selon la religion, dans la piété. Mange ton Dieu et tais-toi! Marche, travaille, obéis! Ma grâce sur toi repose (Claudel, Corona Benignitatis,1915, p. 378).
P. iron. [P. réf. à la règle traditionnelle que la communion suppose l'état de grâce et doit être, si nécessaire, précédée d'une confession; souvent péj. en parlant d'une pers. qui se présente sous des apparences trompeuses] On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il avait été jusqu'à dire que ce bonhomme, à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession, se déguisait en chien pour se saoûler avec des filles bizarres (L. de Vilmorin, Lettre ds taxi,1958, p. 63).
[Culte privé, dévotion particulière]
[En apostrophe, dans des formules de prière] Seigneur mon Dieu, Ô Dieu du ciel, Ô Dieu de liberté, Ô Dieu de paix, gloire à Dieu; Ô mon Dieu, je vous implore. Ô Dieu! Grâce s'il en est ainsi, grâce! Je veux me retremper en toi avant le soir, te prier tandis que le soleil luit toujours et qu'un peu de force me reste (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 95):
27. ... « de même que cette eau humecte une terre aride, puisse, ô mon Dieu votre divine parole tomber comme une rosée salutaire sur le cœur de mon époux! » Cottin, Mathilde,t. 1, 1805, p. 360.
[P. réf. à l'intimité des relations personnelles avec le Dieu omniscient] Entre Dieu et soi [Avec valeur adv.] ,,Secrètement`` (Ac.).
[Avec valeur adjective] De caractère strictement personnel. C'est une affaire entre Dieu et moi (Lar. encyclop., Lar. Lang. fr.).
[Dieu en tant que principe et fin de la vie spirituelle, partic. dans l'ascétique et dans la mystique chrét.] Chercher, découvrir Dieu; se tourner vers Dieu, servir Dieu, se consacrer à Dieu.
Un homme de Dieu. Un homme qui a choisi de consacrer sa vie au service de Dieu, dans le cadre ou hors du clergé (v. notamment Littré et Ac.). C'est un homme de Dieu/tout de Dieu/tout en Dieu. C'est un homme d'une grande piété (v. notamment Littré et Ac.). P. oppos. [P. réf. à Dieu en tant que fondement de la morale; avec valeur adjective] Sans Dieu/dieu. Sans religion ni morale. La guerre nourrissant la guerre, il se forma des armées sans patrie, sans loi, sans dieu, qui se vendaient au premier venu (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 168).En emploi subst. Un sans-Dieu/dieu; les sans-Dieu/dieu. Un athéisme « scientifique » peut-il s'édifier? (...) question quelque peu inquiétante pour les théoriciens des sans-Dieu (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 76):
28. − ... Votre Quandieu et toute la bande diront ce qu'il faudra dire, s'il est nécessaire que le sale Juif soit le coupable, grâce à la complicité de nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie, qui pourrissons la jeunesse française! Zola, Vérité,1902, p. 33.
En partic. [Dieu en tant que finalité d'une des trois voies traditionnelles de la spiritualité chrét.]
[Voie purgative ou voie de pénitence et de mortification] Obéir à Dieu; observer, suivre les commandements de Dieu; craindre Dieu; élever ses enfants dans la crainte de Dieu (Ac.); offenser Dieu, commettre un sacrilège envers Dieu; blasphémer le nom de Dieu (Ac.); confesser à Dieu ses péchés (cf. supra on lui donnerait le bon Dieu sans confession), demander pardon à Dieu; pardonnez-moi, grand Dieu (Ac.). [Dans le cadre d'une conversion] Dieu l'a touché (Ac.), se tourner vers Dieu, revenir à Dieu.
[P. réf. à Dieu, fondement de la morale relig., et p. oppos. au Diable, principe du mal] Ne craindre ni Dieu (,) ni diable (var. ne croire ni à Dieu ni à diable). Agir avec détermination selon sa volonté, sans être retenu par quelque règle, quelque loi, quelque scrupule; ne reculer devant rien, n'avoir peur de rien. Devant la porte du vieux braconnier, qui ne craignait ni Dieu ni Diable (Pergaud, De Goupil,1910, p. 71).
Pop. [Pour donner plus de force à une affirmation] Il n'y a pas de bon Dieu [s.-ent. : il n'y a personne, pas même le bon Dieu, qui puisse m'empêcher de faire (telle chose)] Une chopine, pas plus, et je pars. Il n'y a pas de bon Dieu, il en pleuvrait, je file nette comme torchette (Vidocq, Mém.,t. 4, 1828-29, p. 68).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
[Voie contemplative ou illuminative et voie unitive, ces deux voies étant mal distinguées dans la lang. usuelle] Regarder, contempler Dieu; vivre dans l'amour de Dieu.
Pour l'amour de Dieu. Dans la seule intention de plaire à Dieu. Faire qqc. pour l'amour de Dieu (Ac.). P. ext., fam. Dans la seule intention de plaire à quelqu'un et indépendamment de tout intérêt, de tout profit personnel; gratuitement. On lui a donné cela pour l'amour de Dieu (Ac.).Fam., iron. (Comme) pour l'amour de Dieu. Contre son gré, de mauvaise grâce, mal; avec lésine. Ce travail a été fait pour l'amour de Dieu (Ac.).
Rem. Cf infra 2esection II B 2 a : formules pour rendre une prière, une demande plus pressante.
En Dieu. Dans la contemplation de Dieu; dans l'union mystique, ici-bas ou dans l'au-delà, avec Dieu; en participant de la divinité de Dieu. Notre révérende mère en Dieu. Mon père en Dieu. Nos chères sœurs en Dieu (Lar. 19e) :
29. Qu'enfin mon âme toute en Dieu Lors d'un autrefois dont les anges Furent participants, au lieu Des cieux, erre ès limbes étranges Verlaine, Poèmes divers,A. Eugénie, 1896, p. 223.
Être abîmé en Dieu. ,,Être d'une grande piété`` (Ac.).
[P. réf. à la survivance de l'âme après la mort et à sa comparution devant Dieu pour être jugée] Recommander son âme à Dieu. Se préparer − religieusement − à mourir. [En parlant d'une pers. qui va ou vient de mourir] Paraître devant Dieu. Mourir. Être devant Dieu. Être mort. Être avec Dieu. ,,Jouir de la béatitude`` (DG).
γ) [Dieu en tant qu'il parle aux hommes et qu'il est objet de messages pour les hommes] La parole de Dieu; annoncer la parole de Dieu; annoncer, prêcher Dieu (cf. supra ex. 27).
Rem. 1. Dans certaines formes des sc. hum., Dieu est présenté comme l'idéal personnifié : L'humanité veut un Dieu à la fois fini et infini, réel et idéal; (...); mais elle veut que l'idéal soit personnifié; elle veut un Dieu-homme (Renan, Le Prêtre de Nemi, Paris, Calmann-Lévy, 1886, II, 6, p. 51); ou même seulement comme une entité psychique :
30. Freud s'efforce ensuite de rendre compte de la croyance en un « Dieu-Père » par une reconstruction psychanalytique des divers processus affectifs qui, de la culpabilité refoulée et déplacée, conduisent à la reconnaissance transposée du père et à l'agrandissement posthume de celui-ci, finalement à l'image d'un père déifié. Encyclop. univ.,1972, pp. 38-39.
Rem. 2. Qq. dict. attestent Dieudonné (c.-à-d. « donné par Dieu »). ,,Surnom qu'on donne à quelques enfants, surtout à des fils de princes, dont on regarde la naissance comme un bienfait du ciel`` (Ac. 1835, 1878).
II.− [La divinité comme entité philos.] Principe d'explication et d'unité de l'univers. Les sciences positives, à travers l'étude des phénomènes, cherchent déjà Dieu. Car elles cherchent le premier principe des choses (E. Boutroux, Contingence,1874, p. 152):
31. ... celui qu'honore l'homme religieux, et ce que recherche le philosophe, coïncident. La métaphysique s'élève par l'absolu jusqu'à Dieu et la religion pare son Dieu personnel de tous les attributs de l'absolu. Fries t. 1, 1965, p. 334.
A.− [Dans la philos. gr.] Principe d'explication du monde matériel, principe d'intelligibilité et d'ordre. Le Dieu des philosophes grecs ne prétend pas rendre raison de l'origine de l'Univers, mais seulement de l'ordre et de la hiérarchie qui s'y découvrent, au-dessus des choses soumises à la génération et à la corruption (V. Monod, Dieu dans l'Univers,Paris, Fischbader, 1933, pp. 55-56):
32. Il s'agit seulement de savoir ce que Platon pense de Dieu et s'il admet ou non la pluralité des dieux. Or, il s'en faut de beaucoup que la notion de Dieu corresponde chez lui au type supérieur et parfait de l'existence, (...) Timée (...) représente un effort considérable pour s'élever à la notion d'un dieu qui soit cause et père de l'univers; mais ce dieu lui-même, si grand soit-il, n'est pas seulement en concurrence avec l'ordre intelligible des idées, il est en outre comparable à tous les membres de la vaste famille des dieux platoniciens. Il n'élimine pas les dieux sidéraux dont il est l'auteur (...), ni même le caractère divin du monde qu'il façonne; premier entre ces dieux, il demeure l'un d'entre eux, et si l'on a pu dire qu'en vertu de sa primauté le Démiurge du Timée est « presque analogue au Dieu chrétien », on doit ajouter immédiatement qu'il ne saurait être question de nuances en ces matières; il n'y a qu'un Dieu, ou il y en a plusieurs, et un dieu « presque analogue » au Dieu chrétien n'est pas le Dieu chrétien. Gilson,L'Esprit de la philos. médiév.,1931,pp. 47-48.
33. [Pour Platon] C'est Dieu qui a mêlé les deux essences de l'identique et du différent sur deux plans distincts de manière à former l'âme du Monde... V. Monod, Dieu dans l'Univers,Paris, Fischbader, 1933p. 41.
B.− [Dans la philos. occidentale pénétrée des conceptions judéo-chrétiennes] L'Être suprême, appréhendé par la raison comme être totalement un, spirituel et transcendant :
34. ... Dieu n'est rien moins qu'une notion, et en ce sens il est clair qu'il ne saurait nous fournir un critère. D'ailleurs, le dieu véritable est un dieu vivant, ce n'est pas le dieu tout logique qu'exigent certaines morales de la perfection. (...) Dieu est par-delà le bien et le mal, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de commune mesure entre l'affirmation portant sur Dieu et un jugement éthique quelconque (...). Mais alors n'hypostasions-nous pas cette perfection dans une sorte de solitude métaphysique où elle s'immobilise? Il faut comprendre au contraire que si une action divine peut être pensée, c'est à condition que Dieu soit concret, soit personnel... Marcel, Journal métaphysique,1914, pp. 65-66.
35. Au second moment de la dialectique humaniste, nous avons dit que Dieu devient une idée. C'est le dieu des grands métaphysiciens idéalistes. La transcendance divine est maintenant rejetée. C'est une philosophie de l'immanence qui occupe la place. Avec Hegel, Dieu apparaîtra comme la limite idéale du développement du monde et de l'humanité. Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 42.
SYNT. Idée, concept, conception, notion philosophique de Dieu; existence de Dieu, d'un Dieu en soi; preuves métaphysiques, ontologique, « physiques », cosmologique, téléologique, morales de l'existence de Dieu; étude de la nature de Dieu; attributs métaphysiques, moraux de Dieu; perfection (intrinsèque) de Dieu, connaissance de Dieu, relation Dieu-nature, identité de Dieu et du monde; le Dieu de la douceur éthique, le Dieu de la vérité ontologique; Dieu infini, absolu, nécessaire, universel, parfait, créateur, personnel, éthique, tout logique; un Dieu intérieur à l'âme, un Dieu inconnaissable; Dieu est transcendant, immanent au monde, extérieur au monde aussi bien qu'intérieur; Dieu est tout action; concevoir Dieu comme un Toi, identifier Dieu et la nature.
Rem. Cf. l'art. consacré au mot dieu ds Lal. 1968.
[P. allus. à Pascal (Papier, Pensées, éd. Brunschvicg, p. 142)] Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants :
36. À cette connaissance doctrinale, M. Barrès attache si peu de prix, qu'il loue Pascal de s'être éloigné du dieu des philosophes et des savants... Massis, Jugements,1923, p. 236.
En partic. [Dans les philos. de la négation] :
37. Avec Nietzsche, le nihilisme semble devenir prophétique. (...), il a pratiqué la négation méthodique, la destruction appliquée de tout ce qui masque encore le nihilisme à lui-même, des idoles qui camouflent la mort de Dieu. Camus, Essais,Paris, Gallimard, 1965, pp. 475-476.
III.− P. anal. [Pour désigner une pers. ou une chose très admirée] :
38. Le peuple est dans tous les pays amoureux de l'extraordinaire, et sujet à se passionner pour les personnes et pour les choses; mais nulle part il ne porte aussi loin qu'à Venise la faculté de se créer des dieux, objets passagers d'un enthousiasme dont les retours sont souvent funestes pour ceux qui l'ont excité. Nodier, Jean Sbogar,1818, p. 127.
A.− [Pour désigner des pers.] Mon père était tout pour moi, un maître, un roi, un dieu − un ami (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1136).C'était un artiste incomparable que Ricarda, un dieu de l'image (Abellio, Pacifiques,1946, p. 376):
39. J'accuse cette femme de trembler d'amour pour moi, de n'avoir que moi pour pensée, pour nourriture, pour Dieu. Je suis le dieu de cette femme, entendez-vous! Giraudoux, Ondine,1939, III, 4, p. 197.
Dieu du stade. Grand champion dans un sport qui se pratique dans un stade. Ce nouveau dieu du stade [le nouveau roi du football européen, Kevin Kergan] fait rêver (Paris-Match,10 juin 1977, p. 36).Les dieux du stade. Titre d'un film ayant pour sujet les Jeux Olympiques de Berlin en 1934 (cf. Dict. des films, Paris, Le Seuil, 1975).
Rem. Attesté ds Rob., Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.
En emploi adj. Dans ce ménage, primitif [disait-il], le baron était aussi dieu que chez lui (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 93).Les rois qui sont un peu tyrans sont presque dieux (Hugo, Légende,t. 3, 1877, p. 314).
B.− [Pour désigner des valeurs abstr. ou la valeur abstr. de choses concr. considérées comme souverain bien] Chez les nations où la sociabilité domine, l'opinion est le dieu à qui tout rend hommage (Bonstetten, Homme Midi,1824, p. 49).La puissance des explosifs, dieux récents et suprêmes, qui viennent de détrôner, aux temples de la guerre, tous les dieux d'autrefois? (Maeterlinck, Intellig. fleurs,1907, p. 222):
40. Le corps est divinisé par l'hygiène, le sport, la sensualité; les grands morts deviennent objets d'adoration publique; les nations se font vénérer; le drapeau est entouré des mêmes honneurs accordés naguère au Saint-Sacrement; la machine s'est faite dieu, et ses rites tiennent attentifs et courbés des millions de malheureux. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 161.
Loc. Faire un dieu de son ventre. Je ne prétends pas qu'il Faille faire un dieu de son ventre, On ne doit pas, non plus, que diantre! Le traiter comme un seigneur vil (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 116).
SYNT. (communs à A et B). Être (le) dieu (de qqn), être le seul dieu de qqn, devenir dieu, avoir pour dieu (qqn), ne pas avoir d'autre dieu que (qqc.), faire un dieu de (qqc.), donner à qqn pour dieu (qqc.).
2eSection. [Le nom de la divinité comme élément d'expr.]
I.− [Expr. à contenu relig. explicite; expr. déjà traitées dans la 1resection, I et II]
II.− [Expr. à contenu relig. affaibli]
A.− [Dans le cadre des conceptions polythéistes]
1. Loc. littér., qq. peu arch.
a) [En forme explicite de compar. Pour indiquer un haut degré d'excellence, de perfection, etc.; p. réf. à la représentation des dieux dans la myth. et dans l'art statuaire gr.]
Verbe + en dieu (c'est-à-dire comme le ferait un dieu).,,Agir, parler, punir, pardonner en dieu`` (Lar. 19e). Tournure usuelle : verbe + comme un dieu.Valser comme un dieu; nager comme un petit dieu. Il rentre à son cours comme un jeune dieu mystérieux et insolent (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1910, p. 196).Ce jeune homme est étonnant, interrompit naïvement M. de Charlus, en montrant Morel. Il joue comme un dieu (Proust, Sodome,1922, p. 964).
Verbe + (de) compl. d'obj. (désignant gén. une pers.) + comme (d')un dieu (c'est-à-dire comme s'il s'agissait d'un dieu).Honorer qqn comme un dieu; parler de qqn comme d'un dieu. Son frère, dont elle parle comme d'un dieu (Renard, Journal,1901, p. 711).Quand l'année est excellente, on garde le vin un quart de siècle en le soignant comme un dieu, avant de le mettre sur la table (Duhamel, Terre promise,1934, p. 129).
Subst. + digne des dieux.Nectar, spectacle digne des dieux. Synon. poét. subst. + des dieux.Manger, festin, nectar, mois de mai, plaisir, choix des dieux. Les convives (...) Rôtirent du lard roux et des feuilles de vigne, Les cailles, en disant : « Des dieux elles sont dignes! » (Jammes, De tout temps,1935, p. 104).
Adj. + comme un dieu.Beau comme un dieu. Adj. ou verbe + comme un (jeune) dieu.Calme et grand comme un dieu; brutal et insolent comme un dieu. Parfait à la manière humaine, et non comme un dieu (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 328).
Subst. + de (un) dieu.Beauté, visage de jeune dieu. Ô Socrate (...) ô toi qui, refroidi, et la moitié du corps déjà de marbre, l'autre encore parlante, nous tenais amicalement le langage d'un dieu (Valéry, Eupalinos,1923, p. 64).Paraît ensuite sur l'estrade un énorme gaillard à la tête bouclée de dieu grec (Green, Journal,1936, p. 73):
41. Un homme buvait à table d'excellent vin, sans le louer. Le maître de la maison lui en fit servir de très médiocre. « Voilà du bon vin, dit le buveur silencieux. − C'est du vin à dix sous, dit le maître, et l'autre est un vin des dieux. Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 141.
b) Loc. fig. (avec compar. implicite)
α) [P. réf. au banquet qui réunit les dieux, pour évoquer une assemblée animée de préoccupations d'ordre supérieur] :
42. Qu'il soit permis quelquefois de s'asseoir au banquet des dieux, que l'on puisse échapper aux querelles, assurément, mais aux basses querelles seules. La noble querelle à ce qui est vil, comment l'interrompre? Comment au banquet des dieux justifier, amnistier la lutte contre le divin? Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1910-11, p. 282.
β) [P. réf. à la puissance des dieux]
[La puissance des dieux est symbolisée par la main signifiant un pouvoir sur lequel l'homme n'a pas de prise] :
43. Dans la vie, toutes nos paroles sont improvisées et nos actes sont des étourderies plus ou moins favorables. Nous sommes dans la main des dieux, la fatalité est la poésie du monde. Chardonne, Claire,1931, p. 19.
[Pour désigner les grands de ce monde] Les dieux de la terre :
44. ... M. d'Andilly faisait des cadeaux; il les proportionnait aux personnes : à la reine, au cardinal Mazarin, aux dieux de la terre, il envoyait, chaque année, les primeurs et l'élite de ses fruits bénits. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 260.
γ) [P. réf. aux dieux protecteurs, bienveillants à l'égard des êtres hum.]
[Pour désigner une pers. en entourant une autre de son amitié, de sa sollicitude, etc.] Dieu tutélaire. Synon. ange gardien.(Apercevant Rantzau et courant à lui.) Ah! mon sauveur − mon dieu tutélaire! (Scribe, Bertrand,1833, V, 9, p. 226).
[En parlant d'une pers. favorisée par un don, par la chance, etc.] (Être) aimé des dieux; (être) comblé des dieux; (être) favorisé des dieux et des déesses; protégé des dieux. Anton. abandonné des dieux.Le succès de cet artiste aimé des dieux (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 305).En cet instant où j'écris seul, abandonné des dieux et des hommes (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 78).
[P. allus. au vers de Ménandre : ,,Celui qu'aiment les dieux meurt jeune``] Fille de Jupiter, tu vas me rendre heureux Puisque quand on meurt jeune on est aimé des Dieux (Jammes, De tout temps,1935, p. 58).
[Pour qualifier un événement agréable, heureux] (C'est un) bienfait des dieux :
45. Aussi bien chez les Grecs que chez un Byron ou un Péguy, on trouve cette idée un peu romantique, mais non tellement absurde, que la vie brève est une bénédiction des dieux, que la longue vie est la richesse sans gloire de ceux qui n'ont pas risqué. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 136.
[Pour exprimer la satisfaction relative à un tel événement] Bénir les dieux de + inf.Je bénis les dieux de me réunir à celui qui fut mon disciple fidèle et mon dernier ami (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 136).
[Pour signifier que l'on s'en remet à la chance pour l'accomplissement de qqc.] Se fier aux dieux pour qqc. Les conférences que je fais sont des improvisations, les sujets m'étant familiers. Je me fie aux dieux pour le détail (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 148).
δ) [P. réf. au caractère malveillant de certains dieux ou p. réf. aux dieux infernaux]
Apaiser les dieux jaloux. Synon. de conjurer le mauvais sort.Être voué aux dieux infernaux. Être promis à un état pénible. Sur votre liste, que trouvé-je encore? Proudhon. Celui-là, il est voué, je le sais, aux dieux infernaux (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 3, 1863-69, p. 218):
46. Pourtant, Requim conservait une lueur d'espoir et s'il se défendait de croire que la Robidet pût-être rentrée, c'était un peu pour apaiser les dieux jaloux et conjurer le mauvais sort. Aymé, La Vouivre,1943, p. 194.
ε) Être en proie au dieu
[P. réf. aux danses désordonnées des Bacchantes inspirées par Bacchus-Dionysos] Ces femmes en proie au dieu, les Bacchantes, ne se livraient point à de honteuses débauches (Gide, Journal,1940, p. 49).
[P. réf. à la Pythie antique, rendant à Delphes des oracles inspirés par Apollon] Élisabeth ne les [les oracles] rendait que les soirs où elle se sentait en forme, en proie au dieu, sur un trépied (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 87).
ζ) [P. réf. à la multiplicité des dieux des conceptions polythéistes, à leur diversité, à leurs variations] Péj. Sacrifier à d'autres dieux. Changer de conception, d'attitude, et se conformer avec la même ardeur à un autre système de valeurs, à d'autres principes :
47. On sacrifie, dira-t-on, à d'autres dieux; le bien de l'humanité est devenu la passion de tous ceux qui ne peuvent vivre avec leurs frères issus du même sang dont ils sont formés. Delacroix, Journal,1854, p. 208.
η) [P. réf. à la chute des dieux du paganisme, au renversement des idoles; souvent p. oppos. à la notion de vrai Dieu (supra IA)] Renverser les faux dieux. Renverser les conceptions jugées erronées ou fausses. Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux (Lamart., Médit., L'Homme, 1820, p. 31).Le moment exige que je fasse deux ou trois œuvres capitales qui renversent les faux dieux de cette littérature bâtarde (Balzac, Lettres Étr.,t. 3, 1850, p. 256).
2. Loc. usuelles
Être dans le(s) secret(s) des dieux. Partager, avec des personnages haut placés dont on reçoit les confidences, des informations importantes de caractère secret. « Qu'est-ce qu'il y a dans nos traités avec la Russie? Personne n'en sait rien. » (...) − « Je ne suis pas dans les secrets des dieux », dit-il (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 356).
Fam. Promettre, jurer ses grands dieux de/que... Protester vigoureusement, comme si on invoquait les dieux comme garants, de sa sincérité à l'occasion d'une déclaration, d'une promesse, d'un serment. Un prince, sachez-le, ne se fait pas scrupule De jurer ses grands dieux qu'il aime et va mourir Si d'un amour pareil on ne veut le guérir (Dumas père, Hamlet,1848, I, 1, p. 7).
Exclam., interj. fam. ou pop. [Pour exprimer des sentiments divers ou en renforcer l'expr.] Dieux! Grands dieux! Bons dieux! Dieux de dieux! Cent dieux! Mille dieux! Vingt dieux! Dieux! s'écria soudainement une jeune femme, le monsieur est blessé (Balzac, Œuvres div., t. 3, 1836-48, p. 205).Me battre pour le prince! Tant qu'on voudra, vingt dieux! (Richepin, Vers la joie,1894, p. 152).Mais mille dieux! comprendras-tu à la fin, triple bûche (Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 200).
3. Arg. (et p. plaisant., le dieu Terme étant dans la myth. le protecteur des limites et bornes des champs). Dieu Terme. Jour de paiement du terme, du loyer. Le quinze est le jour fixe et ferme, Où l'on célèbre ce dieu « Terme », Jusque dans le moindre taudis (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 242).
B.− [Dans le cadre du monothéisme judéo-chrétien]
1. Loc. proverbiales
L'homme propose (,) Dieu dispose. ,,Les desseins des hommes ne réussissent qu'autant qu'il plaît à Dieu; souvent nos entreprises tournent d'une manière opposée à nos vœux et à nos espérances`` (Ac.).
P. plaisant. Ce que femme veut, Dieu le veut. ,,Les femmes veulent ardemment ce qu'elles veulent, et elles viennent ordinairement à bout de l'obtenir`` (Ac.).
Chacun pour soi et Dieu pour tous. Que chacun défende ses intérêts, étant entendu que Dieu partage équitablement sa bienveillance entre tous les hommes. Péj. Que chacun défende égoïstement ses intérêts. Chacun pour soi et Dieu pour tous, on n'est pas sur terre pour se marrer (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 99).
Qui donne aux pauvres, prête à Dieu. Dieu récompensera celui qui a fait preuve de charité. [Il] circulait dans les rangs avec un plateau en disant : « Faites l'aumône! qui donne à l'Église, prête à Dieu » (About, Roi mont.,1857, p. 133).Var. Nous allions demander l'aumône pour les prisonniers, en disant : « Celui qui donne aux pauvres, prête à l'Éternel [Dieu] » (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 257).
Rem. Lar. 19eenregistre également les proverbes suivants : Dieu donne le froid selon le drap (Dieu proportionne les peines ou les malheurs qu'il nous envoie aux moyens que nous avons pour y résister). À brebis tondue, Dieu mesure le vent (même sens). Là où Dieu veut, il pleut (rien ne se fait que par la volonté de Dieu).
[Calqué sur le lat. vox populi, vox Dei] La voix du peuple est la voix de Dieu. Le sentiment général recèle généralement un fond de vérité (cf. Ac.).
[À propos de la présentation d'une demande, d'une requête, etc.] Il vaut mieux (ou mieux vaut) s'adresser à Dieu (ou au bon Dieu) qu'à ses saints (ou qu'aux saints). Il est plus efficace de s'adresser tout de suite à la personne la plus haut placée dans la hiérarchie.
[P. réf. à ce proverbe] :
48. le duc. − (...) je suis (...) étonné que, pouvant tout exiger de Dieu, vous veniez faire votre prière à l'un de ses saints. nelly − Et, si c'est à vous, milord, que je voulais avoir cette reconnaissance et non au roi... Dumas père, Le Laird de Dumbiky,1844, I, 6, p. 20.
P. plaisant.
Il y a un Dieu pour les ivrognes. Les hommes ivres semblent souvent échapper miraculeusement à toutes sortes d'accidents, comme s'ils étaient particulièrement protégés par la Providence.
P. anal. Il y a un dieu pour ces ivrognes qu'on appelle les amoureux. (...). L'amour lui avait bandé les yeux, pour le mener où? au paradis (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 676).
Il y a un dieu pour les fous et pour les enfants. Même sens :
49. Il y a un Dieu pour les fous et pour les enfants. Colette [un poulain] et moi (...), avions toutes les chances possibles pour nous contrarier et nous séparer violemment. Il n'en fut rien. À partir de ce jour, nous devions vivre et galoper quatorze ans de compagnie. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 265.
2. Loc. ou expr. exclam. diverses (formules de prière, de souhait, de remerciement, d'insistance, etc.)
a) [Formules exclam. chargées d'exprimer divers sentiments]
[Pour exprimer un désir, un vœu] Dieu le veuille! Plaise à Dieu! Plaise à Dieu que + subj.! À Dieu plaise! Dieu vous entende! Avec l'aide de Dieu! Dieu aidant! (fam.). Avec la grâce de Dieu! Si Dieu (le) veut! S'il plaît à Dieu! J'espère toujours, Miss Mary, vous voir heureuse un jour, avec l'aide de Dieu! (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 175):
50. N'étant pas né, il vous serait difficile et rebutant de suivre cet état [militaire] où, sous l'ordre de choses actuel, et, à Dieu plaise! éternel, un garçon de roture sera toujours en moins bonne position qu'un gentilhomme. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 379.
[Ou, au contraire]
[Pour exprimer un regret] Plût à Dieu que + subj.! Plût à Dieu que tous ceux qui ont profité de nos désastres fussent d'aussi honnêtes gens que vous! (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 59).Ils n'étaient pas des ennemis. Plût à Dieu qu'ils [des Allemands] fussent des ennemis! (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 596).
[P. réf. consciente ou non à Dieu, à ses desseins, à sa loi mor., pour exprimer une crainte, pour repousser une idée que l'on désapprouve, ou l'éventualité d'un événement redouté] À Dieu ne plaise (que + subj.)! Dieu me/ m'en préserve! Dieu me préserve de + inf.! Dieu m'en garde! Dieu me garde de + subst. ou inf.! Dites-moi un peu ce que vous feriez si (Dieu vous en préserve!) vous deveniez ministre par hasard? (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1837, p. 756).Si j'étais dieu (ce qu'à Dieu ne plaise), je me foutrais de leurs génuflexions (Gide, Journal,1933, p. 1173).Oh! je fais sur toi bien d'autres rêves, mais je ne te les dis pas, Dieu m'en garde! (Montherl., Demain,1949, II, 1, p. 718).
[Pour exprimer, avec une réf. relig., que l'on s'en remet à la providence quant à la réalisation d'un projet, ou simplement, pour signifier que l'on s'en remet à la chance] À la grâce de Dieu! À Dieu soit! (c'est-à-dire « qu'il en soit selon la volonté et la bienveillance divines »). À Dieu vat (même sens). Le poulet fleuri, lancé à tour de bras, s'engouffre dans la fenêtre ouverte. À Dieu vat! (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 163).Cf. batterie ex. 8.
Rem. Dans l'ex. suiv. à Dieu vat est quasi-synon. de « grâce à Dieu ». Il n'y eut plus de doute que la chose maintenant avait eu lieu... À Dieu vat! ajouta-t-il avec une espèce d'enthousiasme (Gracq, Syrtes, 1951, p. 224).
MAR. [Constitue également la formule consacrée que l'on prononce lors du départ d'un bateau ou d'une manœuvre en mer] « À Dieu vat! » cria le jeune capitaine. Les barils furent chavirés, et de leurs flancs s'échappèrent des flots d'huile (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 59).
[Pour exprimer à Dieu sa reconnaissance, son contentement, son soulagement] Grâce(s) à Dieu! Par la grâce de Dieu! Dieu merci! Dieu soit béni! Dieu (en) soit loué! Dieu soit béni! Sténio n'a perdu que la santé physique; son âme est encore pleine d'énergie et d'avenir (Sand, Lélia,1833, p. 256).Dieu merci, il ne s'est rien passé... Enfin rien de grave... (Mauriac, Mal Aimés,1945, II, 4, p. 192).Elle se rappelait où elle l'avait posé [le sac]... s'il était encore là... il était là! Dieu soit loué... (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 39).
Pop. et fam. [Avec le nom de Dieu en position intercalaire hors syntaxe et comme si on le prenait à témoin, pour exprimer la surprise, le saisissement, l'indignation] Ce n'est pas Dieu possible! Ce n'est Dieu pas possible! Comme si c'était Dieu possible! Il n'est pas Dieu possible/permis que + subj.! Est-il Dieu permis de + inf.! Il n'est pas Dieu permis qu'on vous mange ainsi la laine sur le dos! (Zola, Joie de vivre,1884, p. 902).Il y avait quelque chose qui lui trottait par la tête : l'intimité de Jeanne avec l'inspecteur Colombin. Ce n'était pourtant Dieu pas possible (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 438).
[Pour assurer de sa sincérité] Dieu me pardonne! (c'est-à-dire « ce que je vous annonce est aussi vrai qu'il est vrai que je souhaite que Dieu me pardonne mes fautes »). J'aimais, Dieu me pardonne, tout comme à vingt-cinq ans (Courier, Lettres Fr. et It.,1814, p. 863).Dieu me pardonne! j'ai vu rougir M. Libois (Frapié, Maternelle,1904, p. 182).
b) [Formules d'usage exprimant un souhait] Dieu vous bénisse! Dieu vous contente! Dieu vous assiste! Dieu vous (soit en) aide! Dieu vous préserve! Dieu vous protège! (Que) Dieu vous garde! Le bon Dieu te bénisse! (fam.). Dieu me soit en aide, messires! dit l'archidiacre en les introduisant (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 198).Si pour être sauvée, Nancy doit compter sur toi, alors que Dieu lui vienne en aide (Camus, Requiem,1956, 1repart., 3etabl., p. 858).
Rem. À propos de ces formules, Lar. 19enote qu'elles peuvent exprimer les ,,souhaits que l'on adresse à une personne qui éternue, et, dont on fait remonter l'usage à l'an 590, parce que beaucoup de personnes moururent alors, dit-on, en éternuant``. Pour Ac. 1932, la formule Dieu vous bénisse! est encore employée familièrement lorsque quelqu'un éternue. De nos jours, la formule fam. utilisée le plus volontiers, p. plaisant., dans une telle situation, est plutôt : À vos souhaits!
En partic. [Formules de souhait employées pour saluer qqn] Dieu vous conserve! Dieu vous garde! Monseigneur, dit-il, je suis venu vous voir; que Dieu vous conserve (Barante, Hist. ducs de Bourg.,t. 1, 1821-24, p. 384).[Formule de souhait pour remercier d'un bienfait] Dieu vous le rende! Le vieux Rothschild donne une pièce de cinquante centimes à un pauvre qui lui dit : « Monsieur le baron, Dieu vous le rende au centuple! » (Goncourt, Journal,1884, p. 387).Grand merci! Dieu vous le rende (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 121).[Formules relatives à une personne mourante ou décédée] Dieu ait son âme! Dieu veuille avoir son âme! Dieu ait son âme et me fasse la grâce de mourir d'une aussi bonne mort (Pourrat, Gaspard,1922, p. 110).
c) [Formules exclam. à l'adresse de qqn pour rendre une demande plus pressante] Pour Dieu! Pour l'amour de Dieu! Au nom de Dieu! Mais au nom de Dieu que je continue (Delacroix, Journal,1822, p. 4).« Alors? Toujours rien de nouveau? Mais dégrouillez-vous donc, pour l'amour de Dieu! » (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 17):
51. Les auteurs français contemporains n'ont de cesse qu'ils aient fait comprendre au public qu'ils ne sont pas dupes de leurs personnages. « Pour Dieu! qu'on n'oublie pas que nous sommes gens d'esprit. » Montherlant, Notes de théâtre,1954, p. 1078.
d) [Formules exclam., tours employés pour renforcer l'expressivité]
[Dieu est pris à témoin d'un énoncé déclaratif] Dieu sait + prop. sub.; Dieu sait que..., si... J'ai pour les secrets que l'on me confie le plus grand respect. Dieu sait si j'ai jamais trahi le moindre (Gide, Caves,1914, p. 748).Dieu le sait (c'est-à-dire j'en prends à témoin Dieu qui voit et sait tout). Le bon Dieu le sait bien (fam.). J'étais réellement obsédée, je t'assure... et désespérée, oui, je l'étais, Dieu le sait! (Mauriac, Mal Aimés,1945, III, 2, p. 230).
Rem. Pour Dieu le sait, v. son emploi dans un autre sens infra.
En partic.
[Formules employées dans les affirmations vigoureuses, les serments] Dieu m'est témoin (que...); Dieu m'en est témoin; jurer Dieu que... Devant Dieu, sur mon Dieu (Ac.). Par Dieu (fam.). Vous plaisantez? Non, par Dieu, je ne plaisante pas (L'Héritier, Suppl. Mém. Vidocq, t. 2, 1830, p. 281).Dieu m'est témoin que je ne veux que ton bonheur (France, Jocaste,1879, p. 22).Qu'il y ait de terribles constantes dans l'histoire de l'humanité, par Dieu, nous le savons bien! (Guéhenno, Journal« Révol. », 1937, p. 60).Fam. Jurer le bon Dieu que...; c'est pourtant Dieu vrai que... Mon bon monsieur, je vous jure le bon Dieu qu'il n'est entré personne ici (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 360).C'est pourtant Dieu vrai qu'elle est belle comme un cœur, à soir (Guèvremont, Survenant,1945, p. 56).
Fam. et vieilli. De Dieu. [Syntagme grammaticalisé à valeur superl. dans le groupe : adj. + subst. + de Dieu] J'y ai dépensé cent beaux écus de Dieu (Lar. 19e).Ce bel enfant de Dieu [c'est-à-dire cet enfant merveilleusement beau] ne veut prendre aucune nourriture (Lar. 19e).Il trouva moyen de revenir sur Barthélemy et sa brave honnêteté de Dieu (Pourrat, Gaspard,1922, p. 177).
Rem. Dans la lang. fam., une assertion peut être renforcée par le recours à une formule imprécatoire (infra 3 b γ), p. ex. Dieu me damne! En ce cas, il faut comprendre : ,,Dieu me damne si ce que j'affirme n'est pas la vérité`` (DG).
[Formules renforçant l'expr. de l'incertitude ou de l'ignorance, p. réf., effective ou formelle, à Dieu omniscient] Dieu sait (c'est-à-dire Dieu seul sait) + pron. interr. ou prop. interr. Dieu sait pourquoi (...) Dieu sait quand (...) Dieu sait ce que/qui + verbe Dieu sait quoi/qui. Edmond avait absolument refusé de s'occuper de Romuald. (...). Romuald s'en était tiré, Dieu sait comme! (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 251).Vieille carriole, où trois religieuses ont empilé pour Dieu sait quel pèlerinage, vers Dieu sait quel refuge de conte de fées, douze petits enfants menacés de mort (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 329).Oui, ne t'inquiète pas... Mais Dieu sait comment elle va prendre la chose... (...) C'est une enfant que tout blesse... (Mauriac, Mal Aimés,1945, I, 2, p. 164).
[Avec un pron. neutre de rappel] Dieu le sait (c'est-à-dire personnellement je l'ignore, mais Dieu, lui, le sait). ,,Ce qui en arrivera, Dieu le sait`` (Ac.).,,Réussira-t-il? Dieu le sait`` (Lar. 19e).
3. Interj., loc. interjectives
a) [Dieu en interj. ou dans une loc. interjective pour renforcer l'expr. d'émotions et de sentiments] Mon Dieu! Mon (bon) Dieu Jésus! Seigneur Dieu! Jésus-Dieu! Dieu du ciel! Dieu de miséricorde! Juste Dieu! Dieu juste! Dieu vivant! Dieu puissant! Dieu, que je suis heureuse! (Benjamin, Gaspard,1915, p. 96).Vrai Dieu, quelle corvée! (Benoit, Atlant.,1919, p. 26).Ces larmes comme de l'argent jeté à l'eau, grand Dieu, tant de souffrances en vain! (Claudel, Messe là-bas,1919, p. 495).
b) [Dieu dans des loc. interjectives (blasphématoires à l'origine, car transgression du commandement ,,Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera pas impuni celui qui prendra son nom en vain``) gén. devenues jurons pop. ou expr. triviales, utilisées sous l'effet d'un choc émotionnel, ou comme procédé habituel de renforcement de l'expr.]
α) [Loc. interjectives formées à partir du mot Dieu] Nom de Dieu! Foi de Dieu! Bonté de Dieu! Jour de Dieu! Feu de Dieu! Corps de Dieu (ou corps(-)Dieu)! Tête de Dieu! Sang de Dieu (ou sang-Dieu ou bon sang de Dieu)! Mort de Dieu (ou mort(-)Dieu)! Putain de Dieu! Dieu bleu! Vingt Dieu! Dieu de Dieu! En tuer un, ah! bon sang de Dieu! en tuer un (A. Daudet, Nabab,1877, p. 242).Il buta dans deux jambes qui barraient la route. Il fit : « Tonnerre de Dieu! » (Benjamin, Gaspard,1915, p. 70).J'ai mon bon sens, Mort-Dieu! et je ne veux qu'une chose : que vous obéissiez (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1038).
P. ell. et p. euphém. ... de Dieu. La mitrailleuse est en train de mâcher le bois de la passerelle et la chair des morts (...) − De dieu! de dieu! souffle Joseph (Giono, Gd troupeau,1931, p. 120).
Pop. Vain Dieu! (supra Vingt Dieu!). Tout tomba dans le noir. « Allume, vain Dieu! » criait Waldemar (Jouve, Scène capitale,1935, p. 122).
β) [Loc. interjectives formées à partir de l'expr. bon Dieu] Bon Dieu de Dieu! (et Bon Dieu de bon Dieu!) Je l'ai connue, à vingt ans. Bon Dieu! qu'elle était brillante, et racée, et splendide, et tout! (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 103).Ils réclamaient de grandes offensives, et que ça pète! bon Dieu de bois (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 220).
Rem. 1. Ces loc. interjectives se rencontrent associées entre elles ou avec d'autres formules blasphématoires, jurons ou exclam. grossières. Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu! Et j'ai encore tout le code civil dont je ne sais pas un article. Sacré nom de Dieu de merde de nom d'une pipe de vingt-cinq mille putains du tonnerre de Dieu, sacré nom (...) que le diable étrangle la jurisprudence et ceux qui l'ont inventé! (Flaub., Corresp., 1842, p. 104). Le Pauvre Mapipe, emmené par les municipaux cré bon Dieu de bonsoir de bon Dieu de vingt Dieu de nom de Dieu de bon Dieu du tonnerre de Dieu de bon Dieu de sacré bon Dieu de nom de Dieu (Courteline, Client sér., 1897, 3, p. 39). 2. On trouve dans Notre-Dame de Paris de V. Hugo de nombreux jurons d'époque n'ayant gén. pas survécu jusqu'à nos jours : Croix-Dieu! Ventre-Dieu! Gueule-Dieu! Corne de/- Dieu! etc. Parallèlement aux jurons où le mot Dieu figure en clair (supra), existe dans une langue de coloration classique, une catégorie de jurons où le mot Dieu est, p. euphém., altéré de diverses manières : cf. la série tudieu [altération p. ell. de la loc. (par la ver)tu (de) Dieu], jarnidieu (altération p. ell. et déformation de la loc. je renie Dieu); cf. la série des jurons où la substitution euphémique du mot bleu au mot Dieu s'est gén. ajoutée à l'abrév. d'une formule de serment : corbleu (abrév. de la loc. par le corps de Dieu devenue corps de Dieu ou corps-Dieu puis corbleu), têtebleu (tête de Dieutête-Dieu), ventrebleu (par le ventre de Dieuventre de/- Dieu), palsambleu (par le sang de Dieusang de/- Dieu), morbleu (par la mort de Dieumort de/- Dieu), parbleu (var. dialectale pardi; origine par Dieu), sacrebleu [Sacre Dieu (c'est-à-dire Fête-Dieu)].
γ) Emplois partic.
[Certaines de ces loc. sont construites globalement comme si elles formaient un unique subst.] Le Père (...) apporta le petit dans ses bras; et, les mâchoires serrées, il ne lâchait toujours que des nom de Dieu! pour dire sa douleur (Zola, Germinal,1885, p. 1297).La Guillaumette grognait, jurait à demi-voix des sacré nom de Dieu où tenait tout l'effort de sa rage impuissante (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 2, p. 108).Lui, terrible à voir, jurait le tonnerre de Dieu et frappait de la canne sur le parquet (Colette, Dialog. bêtes,1905, p. 35).
[Certaines de ces loc. sont employées dans des phrases où elles jouent le rôle de loc. adj. invar. à valeur superl. et gén. dépréciative]
(Article/pron./...) + loc. + de/du + subst. Nom de Dieu (cas le plus fréquent, s'applique plutôt à des personnes); tonnerre de Dieu (s'applique plutôt à des choses); bon Dieu (cas le plus rare). Ne travaille pas trop la nuit; ça éreinte (...) et ménage un peu ta tonnerre de Dieu de... (Flaub., Corresp.,1859, p. 325).Il gueulait : « Voilà ma sacrée nom de Dieu de mère, cette sale bête qui vient m'embêter! (Goncourt, Journal,1890, p. 1240).Ne restons pas trop dans la cour, il fait un bon Dieu de vent (Proust, Guermantes 1,1920, p. 73).
Rem. 1. Lorsque le terme sacré apparaît, c'est en qualité d'épithète du subst. et non en tant qu'élément constitutif de la loc. interjective : Sacré (nom de Dieu de) roman. Sacrée (nom de Dieu de) mère (supra). 2. Dans les constr. où intervient la loc. tonnerre de Dieu, l'article tantôt se rapporte au subst. : Ta (tonnerre de Dieu) ... (supra Flaubert, loc. cit.); tantôt fonctionne avec la loc. : un tonnerre de Dieu de Cambuse (Zola, Assommoir, 1877, p. 727).
(Article/pron./...) + subst. + de/du + loc. [Constr. moins cour. que la constr. précédente; les loc. sont les mêmes, tonnerre de Dieu (appliquée à des choses) étant cette fois relativement la plus fréq.] Un bruit du tonnerre de Dieu, une chaleur de tonnerre de Dieu. − Hein? Vilaine pluie, murmura-t-il (...) − Une pluie du tonnerre de Dieu! dit le colonel (Zola, E. Rougon,1876, p. 221).Drôle de chose que ce Paris de nom de Dieu (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 262).
[La loc. nom de Dieu en emploi subst. inv.; p. méton. à partir des emplois ci-dessus, pour désigner un animé hum. ou animal] Elle (...) ouvrit le tiroir, jeta un hurlement de douleur. − L'argent! ce nom de Dieu a volé l'argent, cette nuit! (Zola, Terre,1887, p. 479):
52. ... des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte. − Cré tonnerre! dit la Guillaumette stoppant sur place, v'là une autre affaire, à présent! pourvu que ces nom de Dieu là soient à l'attache! y sont foutus de nous dévorer. Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 2epart., 3, p. 121.
[La loc. tonnerre de Dieu sert à constituer ou à renforcer un énoncé déclaratif ou une formule de serment] Ta fille, je ne vois que ses jambes en l'air... Ah! elle a débauché Delphin. Du tonnerre de Dieu si je ne la fais pas emballer par les gendarmes! (Zola, Terre,1887p. 227).On m'aurait dit : « Combien tu paries que tu feras ce que tu veux faire? » j'aurais parié le tonnerre de Dieu, cent francs, même (Giono, Baumugnes,1929, p. 105).Par le tonnerre de Dieu, vous le verrez quand vous le voudrez, mon bonhomme! (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 100).
Formules imprécatoires. Dieu m'emporte! Hé! Picarde, le fouet! Dieu me damne! je corrigerai cet ignorant... (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 26).Fam. Qué, le tonnerre de Dieu l'emporte! Qu'il aille au tonnerre de Dieu! (cf. allez au diable!). Il n'y a que ça de bon, s'entendre quand on a des choses dans la caboche, et que le tonnerre de Dieu emporte les imbéciles! (Zola, Œuvre,1886, p. 89).
Prononc. et Orth. : [djø]. Ds Ac. 1694-1932. La loc. [adjøva] s'écrit le plus souvent à Dieu-vat! mais on rencontre également adieu-va! et à Dieu-va! (cf. Grev. 1964, § 639, rem. 2). Étymol. et Hist. 842 Pro Deo amur (...) in quant Deus savir et podir me dunat (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2); ca 1100 Deus! [exclamation] (Rol., éd. J. Bédier, 334); 1606 c'est son dieu fig. (Nicot). Du lat. deus « dieu ». Fréq. abs. littér. : 19 300. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 33 154, b) 37 287; xxes. : a) 28 766, b) 16 506. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 394-395. − Hatzfeld (H.). Die Gottesbezeichnungen im poetischen Altersstil Victor Hugos. Neueren (Die) Sprachen. 1931, t. 39, pp. 112-125. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, pp. 206-207. − Morawski (J.). Faire à Dieu barbe de paille. Archivum romanicum. 1939, t. 23, pp. 79-83. − Poggenburg (R. P.). Racine, la loi, et le destin tragique. In : [Mél. Pintard (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no2, pp. 189-190. − Quem. 2es. t. 3 1972. − Spitzer (L.). Dieu et ses noms. Modern Language Quarterly. 1945, t. 6, pp. 243-261; P.M.L.A. 1941, t. 56, pp. 13-32. − Thomas (J.). Croire tenir Dieu par les pieds. Z. rom. Philol. 1958, t. 74, pp. 413-423.