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DAIGNER, verbe trans.
[Avec un compl. à l'inf.]
A.− [Dans les relations d'inférieur à supérieur; le suj. désigne une divinité, un prince, etc. et, p. ext., une pers. d'une situation hiérarchique comparable] S'abaisser (parce qu'on le juge digne de soi et/ou du destinataire) à accorder quelque chose qui n'est pas dû. Daigner accorder une faveur, daigner pardonner. Je sentais une sorte d'épouvante que Dieu daignât s'occuper de moi individuellement (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 463):
1. ... Jacqueline de Pen-Hoël, heureuse de la suprématie affectée par (...) les du Guénic, se montrait toujours honorée par la visite que daignaient lui faire la fille des rois d'Irlande et Zéphirine. Balzac, Béatrix,1839-45, p. 38.
P. métaph. du suj. Les romanciers, qui sont les princes littéraires de l'époque, honorent nos scènes encanaillées, lorsqu'ils daignent y mettre les pieds (Zola, Les Héritiers Rabourdin,1874, p. VII).
[Souvent avec une nuance de moquerie, de légère caricature ou d'iron.] Au prince de Naples, son patron sérénissime, qui daigna interrompre une conversation engagée pour nous sourire et le congédier d'un signe du doigt (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 120).
B.− P. ext. [Dans les relations entre égaux qui s'accordent des égards]
1. Consentir à, s'abaisser à, avoir la bonté de, bien vouloir accomplir une action qui ne va pas de soi. Daigner accepter, dire, donner, écouter, expliquer, répondre.
[Avec une nuance d'admiration ou de reconnaissance] Il était bouleversé qu'elle daignât se faire chair entre ses bras (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 80).
[Avec une idée de condescendance, jugée déplacée] :
2. Et c'est quand il fut calmé, un peu maté, et marchant auprès d'elle, qu'elle daigna ouvrir la bouche et que sortit sa voix de contralto plus émouvante que le bruit d'un torrent dans un tunnel. Jouve, La Scène capitale,1935, p. 44.
[Avec le sourire] Daigne, chère, écouter les choses que tu dis (Valéry, Œuvres,Mélange, Paris, Gallimard, 1959 [1939], p. 323).
P. anal. [Le suj. désigne une chose personnifiée] Si les arbres qu'on a plantés au bord du Tage ont daigné pousser (Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo, t. 1, 1870, p. 92).Le soleil daignait entrer dans la cuisine (Estaunié, Les Choses voient,1913, p. 92).
Emploi abs., rare. [P. ell. du compl. déjà exprimé dans le cont.] Ne sais-tu pas que tu seras ma femme le jour où tu daigneras? (Toulet, Le Mariage de Don Quichotte,1902, p. 184):
3. Voilà Fantasio, bourgeois de Munich (...) Il se fait bouffon de cour, la fille du roi découvre ses mérites, (...) et finalement donne à Fantasio une clef plus intime que celle des chambellans. Elle lui fait même promettre de s'en servir, car il laisse douter qu'il daigne; mais enfin il promet. L. Veuillot, Les Odeurs de Paris,1866, p. 233.
Rem. Il se peut qu'il y ait, dans cet emploi, une réminiscence de la célèbre devise des Rohan : « Roi ne puis, prince, ne daigne, Rohan suis » (cf. Littré).
2. En partic. [En tournure négative, souvent avec une idée de réprobation] Ne pas se prêter à, se refuser à une chose normalement due, ne pas prendre la peine de (par indifférence, fierté, mépris). Mais il ne daignait rien voir ni rien entendre, il poursuivit sa marche monotone et féroce (A. France, L'Anneau d'améthyste,1899, p. 386).Ce vieillard qui m'aborda, sans daigner prendre garde aux deux Allemands qui m'encadraient (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 321).
[Même nuance de réprobation, en dehors de la tournure négative, dans une prop. temporelle d'antériorité] Ser (...) et F... exigent que chaque question leur soit répétée trois fois avant qu'elles daignent répondre (P. Janet, Les Obsessions et la psychasthénie,1903, p. 119).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Qq. attest. d'un emploi pronom. à valeur subjective. Je ne puis donc que te recommander respectueusement à Madame la Comtesse, afin qu'elle se daigne ne pas te pousser au désespoir par trop de rigueur (J. de Maistre, Corresp., t. 1, 1786-1805, p. 228). b) Qq. attest. d'un emploi littér. de daigner, construit avec une prop. complétive. La Bonté (...) daigna que les bêtes domestiques parussent le propre de ceux qui élèvent (G. Kahn, Le Conte de l'or et du silence, 1898, p. 307).
C.− Emplois formulaires
1. [Dans une formule de demande : prière, supplique, hommage à une dame]
a) [Dans une prop. cond. à l'ind. ou dans une interr.] Si son Excellence daigne le permettre. Son Altesse daignera-t-elle recevoir mes hommages? (Dumas père, Kean,1836, I, 5, p. 114).Si votre Altesse daigne m'accepter pour son avocat (Sardou, Rabagas,1872, IV, 3, p. 170).
b) [À l'impér. ou au subj. à valeur impér. pour marquer la vénération, le respect] Qu'un dieu daigne m'entendre! (Moréas, Iphigénie,1900, IV, 4, p. 133):
4. ... « Seigneur, Saint, Dieu tout-puissant, Dieu éternel, daignez bénir ce nouveau serviteur que vous venez d'élever à la dignité de sous-diacre. (...) » Billy, Introïbo,1939, p. 136.
Rem. Avec le subj. sans que, le suj. à la 3epers. est inversé. De mes jours filés au Parnasse Daignent les muses prendre soin! (Béranger, Chans., t. 2, 1829, p. 64).
2. [Dans des formules solennelles de politesse mondaine, notamment pour clore une lettre] Daignez agréer l'assurance de, recevoir mes salutations respectueuses. Daignez agréer, Monseigneur, l'hommage des mêmes sentiments d'affectueuse vénération (Billy, Introïbo,1939p. 227).Cf. bénir ex. 11.
Prononc. et Orth. : [dε ɳe] ou [deɳe] par harmonis. vocalique. [ε] ouvert ds Land. 1834, Gattel 1841, Nod. 1844, Littré, DG, Passy 1914, Lar. Lang. fr.; [e] fermé ds Dub., Pt Rob.; [ε] ouvert pour le lang. soutenu, [e] fermé pour le lang. cour. ds Warn. 1968. Admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 881 degnier + inf. (Eulalie, 26 ds Henry Chrestomathie, p. 3). Du lat. vulg. dignare (class. dignari) « juger digne », d'où daigner + inf. « vouloir bien » d'abord chez les poètes puis en partic. en lat. chrét. Fréq. abs. littér Daigner : 1 321. Daigné : 315. Daignant : 33. Fréq. rel. littér. Daigner : xixes. : a) 3 423, b) 1 778; xxes. : a) 1 441, b) 876. Daigné : xixes. : a) 906, b) 436; xxes. : a) 204, b) 208. Bbg. Martin (E.). Le Verbe daigner est nécessairement actif. Courrier (Le) de Vaugelas. 1874/75, t. 5, p. 60.