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DÉCHARNÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé. de décharner*.
II.− Adjectif
A.− [P. réf. à la chair dans son aspect essentiellement phys., en tant que composante prédominante du corps hum. ou animal]
1. [En parlant d'une pers., d'un animal ou d'une partie de leur corps]
a) Vx. Dépouillé de la chair entourant les os. Cadavre, os décharné. Un sabbat de cadavres vivants, de squelettes d'animaux, décharnés, sanglants, (...) un pêle-mêle d'ossements (Sand, Lélia,1833, p. 112).
P. compar. Chaque cordage de ces bâtiments [bricks de guerre] se dessine à l'œil (...) comme les fibres d'un squelette gigantesque et décharné vu de loin (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 37).
b) P. exagér. Extrêmement amaigri. Corps, cou, main, nez décharné(e). (Quasi-) synon. étique, maigre, squelettique; (quasi-) anton. charnu, gras, obèse.Sa tête d'oiseau décharné (Zola, Terre,1887, p. 70).Son mollet décharné, comme un bâton, pas de viande autour (Céline, Mort à crédit,1936, p. 49):
1. ... il était (...) maigre comme un os, ses côtes saillaient au long de ses flancs décharnés, et semblaient vouloir forer la peau d'ébène qui les recouvrait; tout le reste à l'avenant : un buste de squelette, les membres anguleux, des pieds et des mains secs ainsi que du bois mort... Cladel, Ompdrailles,1879, p. 27.
Emploi subst. Et on exagère, Monsieur, gronda assez jovialement et caverneusement le grand-décharné (Arnoux, Roi,1956, p. 347).
2. P. anal.
a) [En parlant d'une chose concr., de tout ce qui est architecturé, gén. d'une constr., qqf. d'un élément de la nature] Qui n'a plus que ses parties les plus solides, accusées dans leurs lignes essentielles. Pour qui terminer les maisons restées à l'état de squelette, s'émiettant au soleil et à la pluie? Elles demeureraient donc indéfiniment là, les unes décharnées (...) les autres closes (Zola, Rome,1896, p. 211).Un réseau serré, ténu, d'artérioles violacées, pareilles aux nervures d'une feuille décharnée par l'automne (Druon, Chute corps,1950, p. 53).
b) Poét. [En parlant d'un élément de la nature] Dépouillé de ce qui recouvre. (Quasi-) synon. dénudé, sec, stérile; (quasi-)anton. riche, luxuriant.L'herbe n'était pas commune, dans la montagne aride et décharnée. Le dénûment de la contrée était au delà de ce qu'on peut croire (Michelet, Oiseau,1856, p. XLVII).Une cité de troncs nus (...) : les quelques jeunes arbres vivants se perdaient parmi les innombrables squelettes couchés à terre (...), ou ces autres squelettes encore debout, décharnés et noircis (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 24).
3. Au fig.
a) Rare. [En parlant d'une pers.] Qui n'est pas/ plus abrité derrière des apparences trompeuses. Cette humeur un peu vagabonde, cette ferveur, cette curiosité, (...) ce n'était que par amour pour moi qu'elle s'en revêtait? Tout cela se défait, retombe, laisse paraître à nu l'âme méconnaissable, décharnée (Gide, Journal,1926, p. 818).
b) [En parlant du lang., des choses littér.] Sans développement suffisant, sans éléments superflus, sans ornements; (trop) pauvre, sec. Ce style rocailleux, sec, décharné à plaisir (Huysmans, À rebours,1884, p. 249):
2. ... j'ai été charmé de fabriquer une pièce qui n'existât que par son action intérieure; d'éprouver si elle se suffirait de ne comporter rien qui ne fût nécessaire à cette action; de la faire simple et presque décharnée, analogue à ces corps d'athlètes qu'un massage averti a décapés de tout ce qui n'est pas utile au but qu'ils se proposent, ou encore à ces dessins au trait, dans lesquels tout est donné par une seule ligne... Montherlant, Fils de personne,préf., 1943, p. 269.
c) [En parlant d'une chose abstr.] Qui a perdu son ampleur; amoindri, diminué. [L'élimination des propriétés accidentelles des choses] la réalité appauvrie, décharnée, réduite à l'état de squelette (Boutroux, Conting.,1874, p. 49).
B.− [P. réf. à la chair dans ses interférences avec l'ordre spirituel et/ou moral; en parlant d'une pers., d'un trait hum., d'un produit de l'activité hum.]
1. [P. réf. à la chair en tant que manifestation de l'être en gén.] Détaché de la chair, de la nature hum., de la condition terrestre, du monde matériel; privé de sensibilité, de vie, de consistance, sans fondement réel. Ses élèves [de l'Université] grandis dans une clôture monacale et dans une vision décharnée des faits officiels et de quelques grands hommes à l'usage du baccalauréat (Barrès, Déracinés,1897, p. 37).Le style le plus décharné est parfois vivant; une goutte d'eau ressuscite le rotifère desséché; une lueur d'imagination restitue aux mots glacés leur valeur émotionnelle (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 304):
3. Quand on veut unifier le monde entier au nom d'une théorie, il n'est pas d'autres voies que de rendre ce monde aussi décharné, aveugle et sourd que la théorie elle-même. Il n'est pas d'autres voies que de couper les racines mêmes qui attachent l'homme à la vie et à la nature. Camus, Actuelles I,1944-48, p. 260.
Rem. On rencontre ds la docum., avec le même sens, la var. décharnalisé, ée. Les abstractions inhumaines, les systématisations entièrement décharnalisées le désarçonnent (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 193).
2. [P. réf. à la chair en tant qu'obj. de valorisation morale, relig.] Qui n'a pas/plus trait aux sens, à l'amour physique. (Quasi-) synon. platonique, pur :
4. Si l'amour physique n'était qu'un jeu innocent, il n'avait aucune raison de s'y refuser; (...) j'admirais la hauteur et la pureté de nos rapports : ils étaient en vérité incomplets, fades, décharnés, et le respect que Jacques me témoignait relevait de la morale la plus conventionnelle... Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 290.
Prononc. et Orth. : [deʃaʀne]. Ds Ac. 1694-1878. Fréq. abs. littér. : 354. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 523, b) 627; xxes. : a) 523, b) 408. Bbg. Le Breton Grandmaison. Le Monde de la limonade. Vie Lang. 1971, p. 544.