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CHARNEL, ELLE, adj.
Qui est de chair, qui appartient à la chair.
I.− Rare. Relatif à la chair dans son aspect essentiellement physique.
A.− [En parlant de l'Homme ou de l'animal] Qui est principalement composé de chair, substance somatique relativement molle; qui présente extérieurement une forte abondance de chair. (Quasi-)synon. charnuv(cf. charnu A).Refluer en une sorte d'onde fougueuse et musclée la croupe de Legrandin que je ne supposais pas si charnue (...) cette ondulation de pure matière, ce flot tout charnel (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 125).Ces femmes au visage un peu trop arrondi et charnel, aux lèvres fleuries (Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 189).
Spéc., domaine des arts plast. :
1. Ce sang qui court, cette palpitation charnelle, cette irrégularité sourde qui mine la forme et libère la flexibilité de la chair, (...) cet éclat radieux de la couleur, cette intensité, cette chaleur, sont la présence même du grand Anversois [Rubens]. Qu'un de nos contemporains, Bernard Buffet, soit tenté de se mesurer avec Courbet, avec ses charnelles, puissantes et voluptueuses Dormeuses et la densité sensuelle et grasse se dessèche. L'opulent intérieur second Empire se mue en garni sordide; (...) la rondeur devient angulosité. L'énorme gourmandise de la chair et de la matière s'est transformée en âcre amertume des misères humaines. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 262.
P. anal. Qui évoque l'aspect extérieur de la chair humaine par son volume, sa couleur, etc. Surfaces dégagées (...) comme des courbes charnelles, des peaux nues au milieu des fourrures forestières (J. de La Varende, Nez-de-Cuir,Gentilhomme d'amour, 1936, p. 84).Lumière [des bougies], douce, chaude, intime, discrète, aussi charnelle que l'émanation et l'odeur familière d'une peau humaine qui respire (Cendrars, Le Lotissement du ciel,1949, p. 279).
En partic. Couleur charnelle. Couleur de chair. Rose charnel. Briques (...) dont les nuances évoluaient souplement, d'un rose tendre et charnel à des rouges vifs de coquelicots (Genevoix, Raboliot,1925, p. 56).Abside ronde, d'une chaude couleur charnelle à veines mauves (T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 318).
Rem. L'expr. couleur de chair ou chair a un caractère plus concret et plus technique, (comme l'indique sa forme de subst. inv.). Mais les expr. du même genre construites avec charnel/le sont toutes plus ou moins affectées de valorisation morale. D'où la difficulté de discerner, au niveau des textes, si le mot est employé sur un plan strictement physique ou sur un plan moral (cf. Péguy, Ève, 1913, p. 753 : Et la rose et l'œillet et tant de fleurs charnelles, / (...) jusqu'aux fleurs de hautesse). En fait, dans toutes ses accept. I, charnel/le présente la même ambiguïté − ce qui explique qu'il tend à limiter son emploi aux seules accept. II.
B.− [En parlant d'alim.] Composé de chair, d'aliments consistants, substantiel. Synon. plus usuel carné.[Prendre] une nourriture charnelle (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 292).
P. métaph. La chair mystérieuse et vague de la femme / (...) nudités roses / Qui furent ton festin charnel! (M. Rollinat, Les Névroses,1883, p. 92).
II.− [En parlant gén. de l'Homme, d'un trait humain] Relatif à la chair dans ses interférences avec l'ordre spirituel et/ou moral.
A.− Relatif à la chair en tant que manifestation de l'être en général.
1. Qui a trait à la chair en tant que support de la vie humaine.
a) [Dans sa nature propre, opposée à celle de l'âme, de l'esprit, du cœur] Enveloppe charnelle :
2. Qui peut dire que les passions s'éteignent et meurent juste avec la dernière pulsation du cœur qu'elles ont agité? L'âme ne pourrait-elle pas rester quelquefois volontairement captive dans le corps vêtu déjà pour le cercueil, et, du fond de sa prison charnelle, épier un moment les regrets et les larmes? Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 215.
PARAD. (Quasi-)synon. corporel, physique, somatique; (quasi-) anton. intellectuel, moral, spirituel.
En emploi de subst. neutre. Ce qui a trait à la chair, aux choses du corps :
3. ... il arrive que les philosophes du charnel aient à peine un corps pour vivre. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 679.
b) [Dans son aspect temporel]
[En tant qu'élément mortel] :
4. Mais la psyché pourtant, Madame, Vous dit : « Ce corps vainement beau, Caduc abri d'un semblant d'âme Ne peut éviter le tombeau. Alors cette masse charnelle Quittera les os, et les vers Fourmillant en chaque prunelle Y mettront de vagues éclairs. » Ch. Cros, Le Coffret de santal,Paroles perdues, 1873, p. 91.
P. anal. (...) ouvrages (...) éphémères, charnels, / Réels, mortels, humains (Hugo, L'Âne,1880, p. 293).
[En tant que support ou facteur de survie d'une lignée] Famille charnelle (...) famille spirituelle (Hugo, Les Misérables,t. 1,1862, p. 616);descendance (...) génération charnelle (...) cette chaîne charnelle, cette chaîne de race (Péguy, Victor-Marie, comte Hugo,1910, p. 739).
2. P. ext.
a) Qui s'attache aux choses matérielles, qui relève de la condition terrestre, du monde matériel. Monde, présence charnel/le :
5. ... celui qui conserve du penchant pour les choses sensibles n'est point encore dégagé des désirs terrestres. Il tombe dans la tristesse quand il se prive de ce qu'il aime ou que quelque chose lui résiste. Il n'y a point de paix dans le cœur de l'homme charnel, livré aux choses extérieures. Maine de Biran, Journal,1819, p. 255.
6. Aimer Dieu, n'est-ce pas trouver la pure flamme Qu'on crut voir dans les yeux de quelque jeune femme? Dans cette femme aussi n'est-ce point ici-bas Chercher comme un rayon du Dieu qu'on ne voit pas? Ainsi, ces deux amours, le céleste et le nôtre, Pareils à deux flambeaux, s'allument l'un par l'autre : L'idéal purifie en nous l'amour charnel, Et le terrestre amour nous fait voir l'éternel. Brizeux, Marie,1840, p. 35.
PARAD. (Quasi-)synon. tangible, temporel; (quasi-)anton. angélique, céleste, désincarné, immatériel, intemporel, surnaturel.
P. anal. Anvers (...) reine de l'Escaut, féconde, opulente, charnelle et mystique, éprise de joies terrestres et d'éternité (Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 90).
En emploi de subst. neutre. Ce qui a trait à la chair, à la nature humaine, à la condition terrestre. Renoncement de l'intelligence à raisonner le concret (...) triomphe du charnel (Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 134).
b) En partic., péj. Qui est soumis à la chair, à la nature humaine dans ses limites, ses imperfections; qui est trop assujetti aux données matérielles, qui accorde plus d'importance à la lettre qu'à l'esprit. (Quasi-)synon. matérialiste; (quasi-)anton. idéaliste.L'indignité des affections charnelles et imparfaites pour la créature périssable et créée (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 279); les juifs et les chrétiens, liseurs charnels d'un livre effroyablement symbolique (Bloy, Journal,1892, p. 60).
En emploi de subst. masc. (surtout au plur.). Personne qui s'en tient aux apparences, au sens littéral, sans chercher une signification profonde. Les terrestres (...) les charnels (...) les temporels (...) les païens (...) les mystiques de la première loi (Péguy, Victor-Marie, comte Hugo,1910, p. 732).
Spéc. Qui relève de la chair et de sa nature pécheresse. [Être] charnel, vendu au péché (P. Leroux, De l'humanité,t. 1,1840, p. 81);péché inhérent à la condition humaine, culpabilité charnelle (Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 229).
En emploi de subst. neutre. Nature pécheresse de l'Homme :
7. C'est parce que nous sommes charnels, et que nous naissons de la concupiscence de la chair, qu'il faut nécessairement que notre amour, ou notre cupidité, car c'est tout un, commence par la chair. Cet amour, ou cette cupidité, pourront être ensuite rectifiés par la grâce et dirigés selon l'ordre qu'il convient vers la fin spirituelle la plus haute; mais ce n'est pas par le spirituel que commence un homme né du péché, c'est par l'animal et le charnel. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1932, p. 90.
B.− Relatif à la chair en tant qu'objet de valorisation morale, religieuse.
1. Qui a trait aux sens. Tentée de la grossière mortification corporelle (...) tentation d'une souffrance charnelle (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 217).
En emploi de subst. neutre. Ce qui est sensuel :
8. L'idéalisme, à quoi se complaisait un Mallarmé, n'était guère fait pour retenir Claudel. Comme l'a justement noté Daniel Halévy : « Claudel est trop violent, trop charnel. L'invention des idées et des mythes est un amusement, et Claudel ne s'amuse pas. Il ne s'intéresse pas à la pensée pure... Il s'intéresse à l'âme, au cœur qui est un muscle où le sang afflue et bat, une bouchée de chair haletante ». Son lyrisme, lui-même, a quelque chose de charnel, ses images ruissellent d'une sensualité qu'il lui a fallu dompter à force de volonté... Massis, Jugements,1924, p. 273.
2. En partic.
a) [En parlant d'une pers.] (Personne) qui s'adonne volontiers au plaisir sexuel. Le tourbillon vertigineux des charnels, esclaves de la sexualité (J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 192).Célébrer la sincérité des charnels parce qu'ils sont d'accord avec leur instinct (...) dénoncer le mensonge (...) des êtres qui écoutent en eux l'appel à la pureté et à la perfection (Mauriac, Mes grands hommes,1949, p. 35).
b) [En parlant d'une partie du corps humain] Qui a trait aux relations sexuelles :
9. ... la véritable caresse c'est le contact des deux corps dans leurs parties les plus charnelles; (...) la main qui caresse est malgré tout trop déliée, trop proche d'un outil perfectionné. Mais l'épanouissement des chairs l'une contre l'autre et l'une par l'autre est le but véritable du désir. Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 466.
c) [En parlant d'un trait humain] Qui concerne l'amour physique :
10. Ne voyez-vous pas qu'elles sont toutes amoureuses d'Adonis? C'est l'éternel époux qu'elles demandent. Ascétiques ou libidineuses, elles rêvent l'amour, le grand amour; (...). Je suis convaincu que les appétits matériels les plus furieux se formulent insciemment par des élans d'idéalisme, de même que les extravagances charnelles les plus immondes sont engendrées par le désir pur de l'impossible, l'aspiration éthérée de la souveraine joie. Flaubert, Correspondance,1859, p. 313.
11. ... il est, en effet, remarquable combien une personne excite toujours d'admiration pour ses qualités morales chez les parents de toute autre personne avec qui elle a des relations charnelles. L'amour physique, si injustement décrié, force tellement tout être à manifester jusqu'aux moindres parcelles qu'il possède de bonté, d'abandon de soi, qu'elles resplendissent jusqu'aux yeux de l'entourage immédiat. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 147.
SYNT. Acte : le sentiment du péché que ni l'un ni l'autre n'avons jamais éprouvé après un acte charnel (Green, Journal, 1945, p. 251), amour : le poète brutal et triste des instincts aveugles, des passions grossières, des amours charnelles, des parties basses et répugnantes de la nature humaine (Lemaitre, Les Contemporains, 1885, p. 255), appétit, commerce : femmes dites indépendantes qui ne font pas le mal, si l'on donne au commerce charnel son ancien nom de « mal » (Colette, La Naissance du jour, 1928, p. 25), désir, joie, lien, plaisir : ouvrager le plaisir charnel comme un orfèvre (Ch. Guérin, Le Cœur solitaire, 1904, p. 101), rapports, tentations, union, voluptés charnel/elle(s).
PARAD. (Quasi-)synon. bestial, impur, lascif, luxurieux, voluptueux; (quasi-)anton. chaste, platonique.
En emploi de subst. neutre. Ce qui relève des sens, de la sexualité. Une tendresse où le charnel se voile à peine sous le sentiment (A.Arnoux, Les Crimes innocents,1952, p. 204).
Prononc. et Orth. : [ʃaʀnεl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. « physique, corporel » (Saint Léger, 171 ds Henry Chrestomathie : Et si el non ad ols carnels, Encor los ad espiritiels); 2. ca 1170 « des sens, de l'instinct sexuel, impur » (Rois, 3elivre, XI, 2, éd. E. R. Curtius). Du lat. chrét. carnalis « de la chair, corporel, physique » (sens 1) attesté dep. Tertullien (TLL s.v., 474, 67; cf. oculi carnales, St Jérôme ds Blaise); il est attesté au sens 2 dep. St Jérôme (ibid. : carnale commercium); carnalis est dér. de caro (v. chair) parallèlement à l'adj. spiritalis dér. de spiritus et attesté au sens de « spirituel, de l'esprit » dep. le lat. chrét., les deux adj. traduisant le gr. σ α ρ κ ι κ ο ́ ς « de la chair » et π ν ε υ μ α τ ι κ ο ́ ς « de l'esprit ». Fréq. abs. littér. : 791. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 229, b) 484; xxes. : a) 2 403, b) 1 463. Bbg. Roche (P.). L'Arg. de l'Éc. de l'air. Vie Lang. 1961, p. 176.