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CHÉTIF, IVE, adj.
A.− [En parlant d'une pers.] Qui est faible, fragile; dont l'aspect donne une impression de faiblesse ou de fragilité; en partic., qui dénote une santé médiocre. Aspect chétif, mine chétive; avoir l'air chétif :
1. Nous avions entendu six ou huit acteurs quand a paru sur la scène un garçon maigre et chétif (...). Il me semble que je verrai toujours cette face hâve, ces yeux enfoncés, ces joues blanches. Green, Journal,1950-54, p. 193.
Emploi subst. Des regards tant dédaigneux sur les chétifs, et tant coquets sur les beaux garçons (Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 122).Le mépris païen du chétif, du faible, de l'inadapté (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 265).
P. méton. Saccard la trouvait charmante, (...), avec sa grâce chétive (Zola, L'Argent,1891, p. 135).
P. métaph. Le tronc de l'olivier, triste, chétif et gris (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 436).Les seigles chétifs, les avoines maigres (Zola, La Terre,1887, p. 204).
B.− P. ext., vieilli et littér.
1. Qui est de peu d'importance, de peu de valeur.
a) [En parlant d'une pers.] Moi chétif mortel (Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 526):
2. ... si un Pierre a pu renier son maître par trois fois, que ne devons-nous pas craindre, nous chétifs, de notre pusillanimité? Verlaine, Œuvres posthumes,t. 2, Voyage en France par un Français, 1896, p. 84.
b) [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Voilà l'amour réduit à de chétives proportions (Barbey d'Aurevilly, 2ememorandum,1838, p. 279).Ce petit seigneur d'un chétif territoire (Montherlant, Malatesta,1946, I, 4, p. 442):
3. Il [Fernand] obligeait sa mère à se rappeler l'immense douleur de son mari, et comme sa propre peine en parut plus chétive, lorsque mourut ce fils puîné. Mauriac, Génitrix,1923, p. 380.
Peu abondant. Il partagera le chétif morceau de pain qui nous reste (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 647).La chétive clarté de la lampe (Bordeaux, Les Derniers jours du fort de Vaux,1916, p. 52).
2. D'où
a) [En parlant d'une chose] Dont l'aspect évoque la pauvreté, la misère. Grosse tête, coiffée du triste bonnet rouge-bleu, redingote chétive, chétif pantalon (Michelet, Journal,1839, p. 304).Une pauvre petite église luthérienne, coiffée d'un chétif dôme romain, affublée d'un méchant fronton (Hugo, Le Rhin,1842, p. 299).
b) [En parlant d'une pers.] Méprisable, vil. Une chétive créature ose-t-elle s'enorgueillir? (Ac.1835-78) :
4. Inspirez-lui [au peuple] ces chétifs instincts du lucre, vous le rapetissez, vous détruisez son originalité, sans le rendre plus instruit ni plus moral. Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 84.
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. chétivisme. Type d'infantilisme comportant un retard de croissance global (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Attesté ds Lar. 20e, Lar. encyclop., Quillet 1965.
Prononc. et Orth. : [ʃetif], fém. [-i:v]. Fér. 1768 écrit chetif sans accent aigu sur e et souligne : ,,On ne prononce point dans le masc. l'f final.`` Fér. Crit. t. 1 1787 écrit chétif et répond que l'f se prononce au masc. (et rappelle : ,,Aûtrefois on écrivait chetifve au fém.``). À ce sujet cf. Littré qui indique que ,,les paysans des environs de Paris disent ché-ti et même che-ti``. Cf. aussi Buben 1935, § 37 : ,,L'é fermé l'a emporté dans (...) chétif a. fr. chaitif.`` Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. xes. caitiu « prisonnier » (La Passion, éd. d'Arco S. Avalle, 65) − 1530 ds Gdf.; 2. ca 1100 caitif « malheureux, misérable » (Roland, éd. J. Bédier, 2698); 3. ca 1150 chaitif « de faible constitution » (Couronnement de Louis, 620 ds T.-L.), rare av. le xviies. (Fur. 1690). Du lat. vulg. *cactivus, croisement du lat. class. captivus « prisonnier » et d'un gaul. *cactos, que l'on peut déduire de l'irl. cacht « serviteur », bret. caez (Dottin, p. 98); captivus est utilisé par Sénèque pour désigner quelqu'un de prisonnier d'une passion (TLL s.v., 373, 57), par les auteurs chrét. pour désigner l'homme captif du péché (Blaise), spéc. par St Augustin pour désigner celui qui prisonnier de Satan, ne peut se libérer par ses propres forces parce que la Grâce lui manque, d'où la notion de compassion et le sens de « malheureux » (ibid. et TLL s.v., 69, 76). Fréq. abs. littér. : 819. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 240, b) 1 127; xxes. : a) 1 554, b) 884.
DÉR. 1.
Chétivement, adv.D'une manière chétive, faiblement. Le grenier déjà très chétivement éclairé (F. Fabre, Julien Savignac,1863, p. 54).Il nous restera à peine de quoi vivre, chétivement (Flaubert, Correspondance,1875, p. 191).[ʃetivmɑ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. 1reattest. xiiies. chativement (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, fo147, p. 173, 13); de chétif, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 13.
2.
Chétiveté ou chétivité, subst. fém.Caractère de ce qui est chétif. Le peu d'effet de la pompe, et la chétiveté de son produit (P.-A. de Beaumarchais, Correspondance,1799, p. 14).La chétiveté de son petit buste (Champfleury, Les Souffrances du professeur Delteil,1853, p. 74).L'indigence de mes mérites, la chétivité de ma personne (Billy, Introïbo,1939, p. 12). [ʃetivte], [ʃetivite]. Lar. 20e, Lar. encyclop., Lar. Lang. fr. ainsi que Quillet 1965 admettent les 2 formes. Les dict. ant. à Lar. 20en'enregistrent que chétivité. 1resattest. a) Début xiies. caitiveted « captivité » (Psautier Oxford, 67, 19 ds T.-L. [captivitatem]); b) 1remoitié xiies. « pauvreté, infortune » (Psautier Cambridge, 62, 10 ds ibid. [calamitatem]); c) 1799 (P.-A. de Beaumarchais, loc. cit.); de chétif, chétive, suff. -eté, -ité*. Fréq. abs. littér. Chétivité : 7.
BBG. − Axisa (H.). Les Mots qui muent. Déf. Lang. fr. 1971, no59, p. 21. − Darm. Vie 1932, p. 53, 93, 155. − Gohin 1903, p. 306. − Goug. Mots t. 1, 1962, p. 276. − Haerle (P.). Captivus, cattivo, chétif. Bern, 1955. − Ulrich (J.). Etymologisches. Ipse > isse > ixe; factum > fattum > faptum. Z. rom. Philol. 1897, t. 21, p. 236.