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CERVELLE, subst. fém.
I.− [P. oppos. à cerveau]
A.− La substance du cerveau. Les indigènes typiques de l'Amérique du Nord savaient tanner à l'aide d'une préparation quelconque de cervelle (R.-H. Lowie, Manuel d'anthropol. culturelle,1936, p. 137):
1. ... Dans la mêlée Roland continuait sa course échevelée. Comme le bûcheron s'abat sur la forêt, Sa grande épée, heureuse et rajeunie, ouvrait Les fronts casqués; à chaque estocade nouvelle, On en voyait jaillir le sang et la cervelle; ... Banville, Les Exilés,Roland, 1874, p. 27.
Loc. (Se) brûler, (se) faire sauter la cervelle (de qqn). (Se) tuer à l'aide d'une arme à feu. Le coup de feu fracassa la mâchoire et fit sauter la cervelle de l'homme (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 429):
2. Le grenadier Passavant, témoin du massacre, rentra dans sa maison, déchira son habit, s'écria : « J'ai juré de mourir avec la liberté; elle n'est plus : je meurs. » Et il se brûla la cervelle. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 100.
B.− [P. oppos. au cerveau de l'homme] La cervelle des animaux. Si l'on pouvait lire dans la cervelle des bêtes (E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 455).Un (...) chien fin de nez et de cervelle (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 220):
3. ... Béelzébuth [le chat] et Miraut [le chien], comprenant qu'il se passait quelque chose d'insolite, allaient et venaient d'un air effaré et soucieux, cherchant dans leurs obscures cervelles d'animaux à se rendre compte de la présence de tant de gens dans un lieu ordinairement si désert. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 45.
En partic., ART CULIN. Cerveau d'un animal tué, utilisé pour la préparation de certains mets. Cervelle au beurre noir, au vin; une cervelle d'agneau. − Garçon, trois cervelles! commande enfin Lecouvreur (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 19).
P. anal. Cervelle de palmier. Moelle comestible de certains palmiers (cf. Rob., Quillet 1965).
II.− Synon. de cerveau*.
A.− Fam. [En tant qu'organe humain]
1. [Organe physique] Circonvolution, pulpe, repli de la cervelle. La cervelle est un organe, au même titre que l'estomac et le cœur (Claudel, Art poétique,1907, p. 160):
4. Il est souvent parlé, dans les contes chinois d'un génie fort laid, (...), il ouvre (...) le crâne d'un dormeur, en retire le cerveau, et met un autre cerveau à la place, (...). Son grand plaisir est d'aller ainsi (...), changeant les cervelles. A. France, Le Mannequin d'osier,1897, p. 243.
2. [Organe de la vie psychique] Cervelle fêlée, malade :
5. Il y a là une force nouvelle, supérieure aux antipathies provinciales, inconnue il y a cent ans, située non dans les nerfs, le sang et les habitudes, mais dans la cervelle, les lectures et le raisonnement... Taine, Voyage en Italie,t. 2, 1866, p. 34.
6. Privé de sommeil, je ne vaux plus rien. Les rouages de ma cervelle s'encrassent; les ressorts de ma volonté se détendent. Mais au sortir de ce bain de Jouvence qu'est le dormir, (...) le monde extérieur retrouve pour moi sa saveur et je reprends goût à la vie. Gide, Journal,1944, p. 262.
SYNT. a) Cervelle amollie, confuse, creuse, dérangée, détraquée, embrouillée, engourdie, frêle, fiévreuse, fruste, honnête, hystérique, infantile, intelligente, loyale, maladive, obtuse, plate, saine, supérieure, vide. b) Caprice, désordre, détraquement, éclair, excitation, force, impuissance, travail, vision de (la) cervelle. c) [Comme compl. d'obj. d'un verbe dont le suj. désigne une boisson] Troubler la cervelle; [dont le suj. désigne une idée, une image, un souvenir] brouiller, déranger, ébranler, échauffer, embraser, enflammer, hanter, ronger, traverser, troubler la cervelle; monter à la cervelle; bannir, jaillir, tirer de sa cervelle; entrer, germer, passer, trotter dans la cervelle.
Locutions
Casser la cervelle de qqn, lui taper sur la cervelle. L'énerver, l'exaspérer. Tu me casses la cervelle. Si tu refuses de dormir, au moins, tais-toi (Audiberti, Le Mal court,1947, I, p. 137):
7. Sabatier (...) a (...) passé tout l'après-midi, à entendre B. et P., qui lui tape sur la cervelle. Flaubert, Correspondance,1880, p. 326.
Se creuser la cervelle. Réfléchir, essayer de résoudre un problème :
8. Juliette ramena avec elle un petit Espagnol d'un an, qu'on avait trouvé, emmaillotté, dans un train de l'Espagne en feu et apporté à Paris. Sans beaucoup se creuser la cervelle, elles l'appelèrent José. E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 11.
Mettre la cervelle de qqn à l'envers. Le bouleverser. C'est plus qu'il n'en faut pour vous mettre la cervelle à l'envers (Bernanos, Un Crime,1935, p. 839).
Tenir qqn en cervelle (vx). Lui donner des inquiétudes :
9. ... ça dites-moi; La petite Versac vous tient-elle en cervelle? filto. − Selon. Et vous? nomophage. − Ma foi, j'en rabats bien pour elle. Laya, L'Ami des loix,1793, II, 2, p. 32.
En partic.
a) [P. réf. au cerveau, en tant que siège des facultés intellectuelles] Je regrettais d'être obligé de consacrer une petite case de ma cervelle aux dossiers des réclamants (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 95).Chaque cervelle est un casier où, par ordre et à force de mémoire, les idées sont étiquetées et empaquetées à jamais (Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 37).Le problème du mal obsède les cervelles humaines (Mauriac, Journal du temps de l'occupation,1944, p. 332):
10. Je lui crie : « Tobie Shaw, vous oubliez votre cervelle! » Et ce diable d'homme me répond : « Ma cervelle? Pourquoi faire? Je n'en ai plus besoin, je suis général! » J. et J. Tharaud, Dingley, l'illustre écrivain,1906, pp. 104-105.
11. Il en avait déjà passé plusieurs sur le fauteuil de l'accusé, de ces militaires légers et têtus, cervelles d'oiseau dans des crânes de bœuf. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 113.
[La cervelle considérée comme le siège de la raison p. oppos. au cœur considéré comme le siège des facultés affectives] Le fluide nerveux, chez les hommes, s'use par la cervelle, et chez les femmes par le cœur (Stendhal, De l'Amour,1822, p. 64).Ce qui jusqu'alors n'avait été qu'une flamme dans mon cœur devint aussi une clarté dans ma cervelle (Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 215).Elle avait pesé le pour et le contre, comme toujours, d'une cervelle froide et d'un cœur ardent (Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 196).
[La cervelle en tant que siège de l'esprit p. oppos. au corps, à la matière] Octavie, pendue au bras noir d'un grand diable possédant assurément plus de biceps que de cervelle (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Les Dimanches d'un bourgeois de Paris, 1880, p. 323).Monet n'avait pas de cervelle. Ce n'était qu'une main, ou plutôt qu'un œil commandant à une main prodigieusement alerte (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 149).
Péj. (formules négatives). L'étrange petite créature, qui n'a ni cœur ni cervelle, qui vit sans mémoire, sans remords (Colette, Claudine à l'école,1900, p. 128).Des imbéciles qui n'ont pas un brin de cervelle (Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 389).
b) [P. réf. au cerveau, en tant que siège de l'affectivité] :
12. ... j'ai cru m'apercevoir tout d'un coup que Lady Falkland occupe, dans ma cervelle, beaucoup de place; − trop de place. Farrère, L'Homme qui assassina,1907, p. 266.
13. ... elle s'isolait dans sa douleur. Sa petite cervelle désespérée réfléchissait sur le passé, le présent, l'avenir; et elle vit qu'il n'y avait plus rien pour elle, ... R. Rolland, Jean-Christophe,Antoinette, 1908, p. 857.
14. Les deux hommes regardent cette joie folle; leur joie, à eux, est plus ordonnée. Elle est dedans leur cervelle comme une grande fleur de tournesol. Giono, Colline,1929, p. 98.
c) P. méton. [P. réf. à cerveau, en tant que personne]
Sauf deux ou trois exceptions (...), la plupart des artistes sont, il faut bien le dire, (...) des intelligences de village, des cervelles de hameau (Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 330).On frémit de songer qu'avant d'être mis à la retraite, cette pauvre cervelle jouait les destinées du pays (Gide, Journal,1916, p. 579).Il m'a raconté l'histoire d'un citoyen de leurs amis qui était un chimiste de grande valeur, une cervelle magnifique (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Vue de la Terre promise, 1934, p. 150).
Péj. Cervelle brûlée (cf. cerveau brûlé). L'étrange époque où de partout venaient les cervelles brûlées (Aragon, Le Roman inachevé,Les Pages lacérées, 1956, p. 199).
Emploi abs. Une cervelle. Un homme supérieurement intelligent. J'ai connu trois cervelles, dit Goncourt : Gavarni, Berthelot, et un maire de village (Renard, Journal,1891, p. 85).
B.− P. anal.
1. MAR. Cheville de métal servant à fixer la tête du gouvernail.
Rem. Attesté ds Nouv. Lar. ill.-Lar. 20e, Rob., Quillet 1965.
2. Domaine de la vie intellectuelle ou active :
15. Paris, cette cervelle du monde, vous a tant plu par l'agitation continuelle de ses esprits (...) que vous prendrez sans doute sous votre protection la peinture d'un monde que vous n'avez pas dû connaître... Balzac, Les Employés,préf., 1837, p. 4.
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. cervelette. Petite cervelle (cf. Giono, Esquisse d'une mort d'Hélène, 1943, p. 358).
Prononc. et Orth. : [sε ʀvεl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 cervele « substance du cerveau » (Roland, éd. J. Bédier, v. 1356); b) 1690 art culin. cervelle (des animaux) (Fur.); 2. a) 1223 fig. cervele « siège de la pensée, intelligence » (G. de Coinci, éd. A. Långfors, 202, 29 [ms. du xives.]; b) [xvies. d'apr. FEW t. 2, p. 602a]; 1630 « personne considérée du point de vue de l'intelligence » (D'Aubigné, Faeneste, 1. III, chap. XX ds Œuvres complètes, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t. 2, p. 542 : il y a de trop bonnes cervelles au Conseil du Roi). Du lat. cerebella, plur. de cerebellum (cerveau*) compris comme un fém. singulier. Fréq. abs. littér. : 1 524. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 096, b) 3 405; xxes. : a) 4 021, b) 1 301. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 50. − Gottsch. Redens. 1930, p. 43, 132, 134. − Migl. 1968 [1927], p. 137. − Rog. 1965, p. 119. − Tracc. 1907, p. 127. − Wind 1928, p. 178.