Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
BOUGER, verbe.
I.− Emploi intrans.
A.− Vx et pop. [En parlant du sang] Bouillonner :
1. Il exposait à sa manière l'histoire de nos deux peuples et parlait de la France avec une pitié condescendante qui nous faisait bouger le sang. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 63.
B.− Faire un mouvement (le plus souvent minime), remuer.
1. [En parlant d'une pers. et du mouvement de son corps] Faire un/des geste(s). Rester sans bouger.
P. iron. Bouger en mesure. Danser (cf. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 162).
a) [À la forme surtout négative, le mouvement étant considéré comme contre-indiqué] Ne pas bouger. Rester immobile. Ne bougeons plus! (Cri d'un photographe de groupe au moment de la prise de vue) :
2. L'archidiacre, voyant que tous ses soubresauts ne servaient qu'à ébranler le fragile point d'appui qui lui restait, avait pris le parti de ne plus remuer. Il était là, embrassant la gouttière, respirant à peine, ne bougeant plus, n'ayant plus d'autres mouvements que cette convulsion machinale du ventre qu'on éprouve dans les rêves quand on croit se sentir tomber. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 564.
En partic. [Souvent dans une phrase impér.]
Ne pas se lever :
3. Ils ont tiré deux fois; la première fois c'était peut-être en l'air, mais la seconde, c'était pour de bon. La jungle bruisse autour d'eux : qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce qu'il y a eu? Des chefs improvisés répondent : taisez-vous, ne bougez pas, restez couchés; ... Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 219.
[En parlant d'enfants] Ne faire ni mouvement, ni bruit, rester tranquille :
4. Le professeur raconta, non sans émotion, que les élèves avaient lâché méchamment un hibou dans la classe. M. Tassin dit d'une voix terrible : si quelqu'un bouge pendant mon absence, il aura affaire à moi. Champleury, Les Souffrances du professeur Delteil,1853, p. 232.
b) [À la forme surtout positive, le mouvement étant considéré comme un signe favorable] Manifester son existence en remuant, en faisant quelque chose.
[En parlant d'un enfant dans le ventre de sa mère] :
5. pensée. − Mère, mère! mon enfant vit! mon enfant vit en moi! il vit! il a bougé! Claudel, Le Père humilié,1920, IV, 1, p. 548.
P. métaph. :
6. ... ces années de découragement [de Proust] furent celles d'une gestation, plus qu'à demi inconsciente peut-être aux pires heures; mais très tôt il dut sentir bouger en lui ce monde qu'il portait et qui allait naître. Mauriac, Mémoires intérieurs,1959, p. 106.
[Avec une idée d'inquiétude ou de déception si le mouvement espéré ne se produit pas] :
7. Et moi, pendant ce temps-là, je criais, j'appelais Dieu qui est sourd! ... Dieu qui ne bouge pas! Dieu qui n'est pas! ... Sardou, Patrie!1869, I, 3, p. 28.
8. Elle gagna la porte de sa chambre, qu'elle ouvrit sans faire de bruit. Arrivée en haut de l'escalier, elle prêta l'oreille. Rien ne vivait, rien ne bougeait; seule sa douleur veillait, implacable et féroce. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 271.
P. métaph. :
9. Le 8. − Ce n'est pas la peine de parler d'aujourd'hui : rien n'est venu, rien n'a bougé, rien ne s'est fait dans notre solitude. E. de Guérin, Journal,1835, p. 34.
10. Longtemps je demeurai comme hébété. Rien ne bougeait en moi des pensées et des sentiments que je contiens. Mon immobilité intérieure était telle que seules quelques faibles sensations, incapables d'ailleurs de m'émouvoir, me liaient à la vie. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 223.
2. [En parlant d'une partie du corps, d'un élément de la nature] Être animé d'un mouvement. Les lèvres bougent, les feuilles bougent. Synon. branler, osciller, s'agiter :
11. Quand le torse s'agite, les hanches doivent demeurer immobiles, et le torse ne bouge plus dès que les hanches remuent. Du Camp, Le Nil,1854, p. 117.
a) N'avoir pas bougé (en parlant des dents). Rester intact, solide :
12. ... Bouvard se considéra dans la glace. Ses pommettes gardaient leurs couleurs, ses cheveux frisaient comme autrefois, pas une dent n'avait bougé, et, à l'idée qu'il pouvait plaire, il eut un retour de jeunesse. Flaubert, Bouvard et Pécuchet,t. 2, 1880, p. 57.
P. métaph. J'ai soixante-dix ans, les jambes sont en déroute; mais la tête n'a pas bougé (A. Daudet, Le Petit Chose,1868, p. 171).
b) P. euphém. [En parlant de la terre] Trembler :
13. ... elle bouge, cette terre : il y a dix ans, elle s'est secouée; en bas, vers Aix, des villages se sont écroulés... Giono, Colline,1929, p. 54.
C.− [Souvent suivi d'un compl. prép. de] Changer de place, quitter le lieu où l'on se tient, où quelque chose se trouve.
1. [En parlant d'une pers.] Sortir de sa maison :
14. J'aurais voulu, dès ma guérison, partir pour Venise; mais comment le faire, si j'épousais Albertine, moi, si jaloux d'elle que, même à Paris, dès que je me décidais à bouger, c'était pour sortir avec elle? Même quand je restais à la maison tout l'après-midi, ma pensée la suivait dans sa promenade, ... Proust, La Prisonnière,1922, p. 28.
[À la forme négative]
a) Ne pas bouger d'un lieu. Ne pas le quitter. De toute la journée, Félicité ne bougeait de la cuisine (Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 26):
15. charlotte. − Vous restez ici? dubouloy. − Je n'en bouge pas. A. Dumas Père, Les Demoiselles de Saint-Cyr,1849, III, 9, p. 157.
Emploi abs. Je ne bouge pas de la journée. Je ne sors pas de chez moi aujourd'hui :
16. N'est-ce pas, Alexandre, qu'elle n'a jamais donné de l'ennui à la maison? Elle reste assise, à regarder devant elle. Depuis douze ans, elle n'a pas bougé... Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1184.
b) Ne pas bouger d'auprès d'une personne. Ne pas la quitter. Il ne bouge pas d'auprès de cette femme. Il est sans cesse auprès d'elle (Ac. 1835, 1878)
2. [En parlant d'une chose, d'un moyen de locomotion, etc.] Se mettre en mouvement. Quelques secondes passèrent avant que le train bougeât (...). Les wagons s'ébranlèrent lourdement (R. Rolland, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, p. 480).
P. méton. J'avais beau crier au cocher d'avancer, il ne bougeait pas (Musset, Un Caprice,1840, p. 195).
Spéc. [En parlant de dunes de sables] Les sables avaient bougé, et nous ne reconnûmes plus la colline (Gide, Le Voyage d'Urien,1893, p. 21).
P. métaph. [En parlant de l'action d'une œuvre littér., d'un événement...] Aller de l'avant, avancer vers le dénouement :
17. ... la guerre se prolongeait, les Allemands s'installaient en maîtres, on apprenait tantôt des victoires, tantôt des défaites, sans que rien n'avançât, ne bougeât. Des gens se lassaient, parlaient de paix boîteuse, de défaite même. On recevait jour après jour les nouvelles les plus accablantes, les plus décourageantes. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 206.
18. De temps en temps, je reprends le livre depuis son début, j'entends par là que je le feuillette de manière à revoir en quelques secondes le contenu de chaque page. Je vois ainsi si cela avance, si cela bouge, ou si au contraire cela piétine. Il faut qu'au début de la seconde partie, que j'aborde aujourd'hui, il y ait le même élan qu'au début de la première. Green, Journal,t. 5, 1950, p. 276.
3. Au fig.
a) Changer.
[En parlant d'une pers.] Rare, souvent péj. Ne pas bouger d'une position. Ne pas en dévier :
19. Il y a vraiment dans la figure de Flaubert quelque chose qui induit à chérir jusqu'à ses manques et ses limites : le pathétique de l'homme qui n'a jamais bougé de certaines positions capitales, que jamais le doute n'a effleuré à leur égard, et qui pour tout le reste précisément est, par essence, doute, fluctuation, misère intime inlassablement remâchée, incapacité de sortir de cette misère par le don de soi : ... Du Bos, Journal,1923, p. 290.
[En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Tout bouge aujourd'hui. Tout se transforme autour de nous.
20. La vérité politique (si ces deux mots ne hurlent pas d'être assemblés!) est une synthèse vivante, jamais accomplie une fois pour toutes : l'histoire va vite et tout bouge sans cesse. Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 378.
Ne pas bouger. Rester intact, préservé (supra B 2 a). Suivi la ligne du hâvre, dont la couleur n'a pas bougé − car la mer est plus immortelle que la terre, − et qui est toujours aigue-marine (Barbey d'Aurevilly, Memorandum pour l'A... B...,1864, p. 429)
b) Se mettre à agir.
[À la forme négative] Ne bougez pas (avant d'avoir reçu les ordres). Ne déclenchez pas l'action prématurément.
[À la forme positive]
Sortir d'une longue période d'inaction. L'Amérique latine bouge (Gilb.1971).
[En parlant d'une foule] S'agiter, se révolter :
21. Si la rue bouge à Alger, que fera l'armée? Et si l'armée entre dans le jeu, que fera Paris? Mauriac, Le Nouveau Bloc-notes,1961, p. 54.
II.− Emploi trans.
A.− [Le compl. d'obj. dir. désigne les yeux ou une autre partie du corps] Bouger la tête, le bras. Synon. remuer.Il s'abstenait non seulement de tout geste, même de bouger ses yeux pétrifiés par l'attention (Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 691).
Loc. fam. Ne pas bouger un doigt. Ne pas faire le moindre geste, la moindre action. Ne pas bouger le petit doigt. Ne pas prendre la moindre initiative pour aider quelqu'un :
22. ... les tirailleurs algériens n'auraient pas bougé un doigt sans ordre − c'est leur manière − et s'apprêtaient mahométiquement à se laisser égorger. Mille, Barnavaux et quelques femmes...,1908, p. 146.
Bouger à peine un bonjour à qqn. Il me bouge à peine un bonjour, il me dit à voix basse : ... (Giono, Manosque des plateaux,1930, p. 96).
Loc. pop. Se bouger le sang. Se déplacer, sortir de l'inaction. Reste-là, repose-toi, ça me fait du bien de me bouger le sang (Giono, Lanceurs de graines,1943, I, 5, p. 118).
B.− Fam. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Déplacer. Dès qu'il bougeait un objet, il le foutait tout de suite par terre (Céline, Mort à crédit,1936, p. 407).
III.− Emploi pronom., fam. et pop. Se bouger.[Correspond à différents emplois de bouger, cf. supra.]
Se lever. Elle écoutait la musique étendue sans se bouger pour personne (Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 1025).
Sortir de l'inaction. Bougez-vous donc! Vous êtes là comme une momie (F. Vidocq, Mémoires de Vidocq,t. 4, 1828-29, p. 115).
Quitter les lieux. Nos craintes concernaient uniquement les animaux à deux pattes. C'était le moment ou jamais de se bouger (M.-G. Braun, Apôtres de la violence,Paris, Fleuve Noir, 1962, p. 38).
PRONONC. : [buʒe], (je) bouge [bu:ʒ]. Enq. : /buʒ/ (il) bouge.
ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1150 bougier « se remuer » (Thèbes, 7347 dans T.-L.). Du lat. vulg. bullicare, fréquentatif de bullire « bouillonner, bouillir » (bouillir*), avec transposition au domaine du mouvement; le même type lat. est postulé par les corresp. ital., prov. et cat., v. REW3, no1388.
STAT. − Fréq. abs. littér. Bouger : 3 190. Bougé : 459. Fréq. rel. littér. : Bouger. xixes. : a) 941, b) 4 350; xxes. : a) 5 809, b) 6 943. Bougé. xixes. : a) 124, b) 531; xxes. : a) 982, b) 969.
DÉR.
Bougement, subst. masc.Action de bouger (cf. Jammes, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir, 1898, p. 41).1reattest. xvies. (Nouv. Lett. de la reine de Navarre, CXIX, Génin dans Gdf.), attest. isolée; repris au xixes. 1898 id.; dér. de bouger, suff. -ment1*.
BBG. − Quem. 2es. t. 3 1972, p. 25 (s.v. bougement).