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BOUFFER, verbe.
I.− [Le suj. désigne un animé, gén. une pers.] Enfler les joues.
A.− Emploi intrans., vieilli. Enfler les joues par jeu.
Rem. Attesté dans Ac. 1798-1878, Besch. 1845 et DG avec les mentions ,,vieilli`` ou ,,peu usité``.
Lang. littér. Gonfler et dégonfler bruyamment les joues pour manifester du mécontentement; p. ext., être en colère :
1. « − Vous marcherez, ou j'y perdrai mon nom! » leur dit [aux gardes nationaux] le brave général Bravida; et tout bouffant de colère, il alla demander des explications à la mairie. A. Daudet, Contes du lundi,1873, p. 79.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. à partir de Ac. 1798.
[Par personnification du vent] Souffler violemment. Le mistral bouffait sur la mer violette (L. Daudet, Le Rêve éveillé,1926, p. 106);cf. également bouffée de vent).
Rem. À rapprocher de l'arg. des matelots ça bouffe, ça va bouffer. Attesté dans Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Rob. avec la mention ,,fam.``, Quillet 1965.
B.− Emploi trans., p. ext., p. réf. au gonflement des joues et avec l'idée dominante d'excès.
1. Pop. Manger avec avidité. Bouffer comme un loup à jeun, comme un ogre, comme un chancre. Synon. bâfrer :
2. − Comment, encore à bouffer! Eh bien! vous n'avez pas le trac! Quand on a soixante jours de prison dans la peau ce n'est pas pour qu'on emploie le temps à s'empiffrer comme des oies? Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, IIIepart., 3, p. 237.
SYNT. Bien, mal bouffer; avoir de quoi bouffer; ne penser qu'à bouffer.
En partic. [Le suj. désigne un bois, un meuble, un vêtement] Être bouffé aux vers, aux mites.
P. métaph. :
3. − Ah! mon vieux, ça, alors, c'est un beau spectacle : le dogue de la maison Old England, le seul vrai, Hong-kong soi-même, il pourrit sur pied, il est bouffé aux vers! Malraux, Les Conquérants,1928, p. 32.
Rem. 1. Attesté dans les dict. gén. du xixeet du xxes. à partir de Ac. Compl. 1842. Ne figure pas dans l'Ac. 2. Bouffer est le plus souvent empl. absol. mais on trouve aussi fréquemment des constr. avec compl. dir. d'obj. telles que bouffer de la charcuterie, de la conserve, son dîner, son pain, de la viande.
2. Expr. métaph. et fig., lang. arg. et pop. Bouffer qqc. ou qqn.
a) [Avec l'idée d'une consommation très ou trop poussée]
Bouffer du fric, du pognon, la dot de sa femme. Dépenser sans discernement, dilapider.
[Le suj. désigne un piéton, un cycliste ou un automobiliste] Bouffer du, des kilomètre(s). Marcher ou rouler beaucoup, voire trop :
4. [le chauffeur :] − « Nous entrions à Moulins à deux heures (...) et nous étions partis à huit! Jamais M. Xavier n'a bouffé tant de kilomètres en si peu de temps... P. Bourget, Un Drame dans le monde,1921, p. 235.
P. anal. [En parlant d'un véhicule] Bouffer dix litres au cent, bouffer de l'huile. Consommer abondamment.
Vouloir tout bouffer. Avoir des désirs immodérés. Ils avaient l'air de vouloir tout bouffer : on verrait jusqu'où ils iraient (Sartre, Le Sursis,1945, p. 30).
b) [Avec l'idée d'une opération difficile ou pénible pour le suj.]
Bouffer des briques. Ne plus rien avoir à manger (cf. danser devant le buffet*). Bouffer du lion. Avoir toutes les audaces. Bouffer de la vache enragée. Être éprouvé par le sort.
Iron. Bouffer les pissenlits par la racine. Être mort et enterré :
5. Il [François] savait bien que Jules présenterait mille compliments de lui, répéterait que, sans lui, il serait en train de bouffer les pissenlits par la racine, ou de donner à manger aux crabes, et le nommerait un fieffé débrouillard, ... Queffélec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 169.
Bouffer de la tête de cochon. ,,Recevoir un coup dans l'estomac`` (Rob.).
c) [Avec l'idée d'une opération pénible pour l'obj.]
Bouffer du curé, du bicot, du juif. Être, généralement par bêtise, anticlérical, raciste, antisémite. Bouffer les foies, le nez à qqn; avoir envie de bouffer qqn. Chercher violemment querelle à quelqu'un :
6. − Comme des quoi? ... répète-le! Veux-tu que j'te bouffe les foies? avait dit Gaspard. Et depuis cinq minutes c'était une dégelée d'injures et de menaces. Benjamin, Gaspard,1915, p. 10.
Se bouffer (le nez). Se quereller violemment.
Se laisser (être) bouffer par qqc. ou qqn, se laisser bouffer par les femmes. Il est en train de se laisser bouffer par la politique et par son personnage public (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1945, p. 346).
II.− [Le suj. désigne une chose concr.] Prendre du volume en se distendant; gonfler.
A.− Emploi intrans., trans. abs.
1. [Le suj. désigne une étoffe] Une chemise, une culotte, un foulard, un taffetas bouffent.
[Empl. en constr. factitive] Faire bouffer des dentelles, une jupe, une manche, une robe; bouffer la laine en la cardant :
7. Toutes tenaient à paraître à leur avantage : les moins douées faisaient bouffer leur corsage et onduler leur jupe; d'autres s'efforçaient d'aplatir de trop évidentes rondeurs; ... G. Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 117.
P. anal. [Le suj. désigne des arbres feuillus] Se gonfler sous l'action du vent. Des arbres bouffaient, subitement retroussés par un coup de vent (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 205).
[Le suj. désigne les cheveux] Cette chevelure argentée qui bouffait sous les bords du haut-de-forme (Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 110).
2. [Le suj. désigne un fruit] Grossir plus d'un côté que de l'autre. Ces pêches bouffent.
Rem. Attesté dans qq. dict. du xixedep. Ac. Compl. 1842.
3. [Le suj. désigne le pain] Gonfler dans le four sous l'effet de la chaleur.
4. [Le suj. désigne un plâtre, un papier peint] Gonfler, faire des cloques (cf. également boucler). Un mur bouffe (cf. bomber).
Rem. (valable pour 3 et 4 ci-dessus). Bien attesté dans les dict. gén. à partir de Ac. 1835.
B.− Emploi trans. (factitif), BOUCH. Bouffer un animal. Souffler la peau d'une bête tuée avant de l'écorcher. Bouffer un veau, un mouton.
Rem. 1. On rencontre dans les dict. le subst. masc. bouffoir qui désigne un soufflet employé par les bouchers pour insuffler de l'air sous la peau ou dans le tissu cellulaire des bêtes tuées. (Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixe, dans Quillet 1965 et dans Mont. 1967; ne figure pas dans l'Ac.). 2. On rencontre dans la docum. les dér. de bouffer : a) Bouffable, adj. (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 122). Mangeable. J'vous aurais bien porté d'leur couenne, mais c'est trop dur, c'est pas bouffable! (Id., ibid.; attesté également dans C. Lambert, Le Lang. des Poilus, 1915, p. 8). b) Bouffage, subst. masc., fam. (Gyp, Le Charivari, 8 sept. 1891). Bouffage de nez (cf. supra I B 2 c). Tandis qu'avec les autres, c'est tout l'temps des beignes, des bouffages de nez (Id., ibid.). Pour bouffaré, cf. bouffi rem. en fin d'article.
PRONONC. ET ORTH. : [bufe], (je) bouffe [buf]. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. boufer avec un seul f.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1160-70 « enfler les joues en aspirant de l'air » (Béroul, Tristan, 1895, dans T.-L.), qualifié de ,,bas`` dans Ac. 1694 et considéré comme hors d'usage dep. Ac. 1718; b) ca 1226 fig. « témoigner d'un sentiment (colère, orgueil) par un certain gonflement de la face » (Hist. G. le Maréchal, 11657, dans T.-L.), qualifié de ,,bas`` et ,,pop.`` dans Trév. 1704 et jugé de faible emploi dep. Ac. 1718; c) 1remoitié xvies. « gonfler ses joues par excès d'aliments » et p. ext. « manger goulûment » (C. Marot, 2eEpist. du Coq a l'Asne, p. 205 dans Gdf. Compl.) qualifié de ,,pop.`` dans Boiste 1800; d'où 1867 p. métaph. arg., (A. Delvau, Dict. de la lang. verte : Bouffer (se), Se battre [...] on dit aussi Se bouffer le nez); 2. xves. part. prés. adj. « gonflé » (Superfluité des habitz dans Anc. Poés. fr., éd. Montaiglon, VIII, p. 296; un habit [...] bouffant); 1530 « se maintenir gonflé, en parlant d'une matière légère » (Archives de la Gironde, t. 4, p. 158 dans IGLF Techn.). Forme expressive se rattachant à la racine onomatopéique *buff- qui désigne quelque chose de gonflé en général, et suggère plus partic. l'action de lâcher l'air après avoir gardé la bouche close et gonflée; bouffer 1 c par l'intermédiaire de bouffard* étymol. 1 et de bouffeur*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 329. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 58, b) 276; xxes. : a) 381, b) 969.
BBG. − Bruneau (C.). Noms créés au moyen du suffixe -ment, contribution à l'ét. de la néol. chez les écrivains décadents. In : [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, p. 24. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 149. − Robert (I.). La Tentation de l'arg. Déf. Lang. fr. 1969, no49, p. 10. − Sain. Lang. par. 1920, p. 35, 48, 148, 424. − Tournemille (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1967, p. 682.