| ![]() ![]() ![]() ![]() BOUCHÉ, ÉE, part. passé et adj. I.− Part. passé de boucher1*. II.− Adjectif A.− [Avec une idée d'emplissage] 1. [Correspond à boucher1* I A; en parlant d'un orifice, d'une cavité] Rempli, comblé. Lézardes bouchées. 2. [Correspond à boucher1* I B] a) [Correspond à boucher1* I B 1; en parlant d'une ouverture aménagée dans un bâtiment] Fermé. Des façades où, sous un cintre à moitié bouché et maçonné (E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 232);ces fenêtres bouchées, barricadées (Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 1058): 1. Dans les douces tiédeurs des chambres d'accouchées
Quand à peine, à travers les fenêtres bouchées,
Entre un filet de jour, j'aime, humble visiteur,
Le bruit de l'eau qu'on verse en un irrigateur,
Et les cuvettes à l'odeur de cataplasme.
Ch. Cros, Le Coffret de Santal,Cœur simple, 1873, p. 117. b) [Correspond à boucher1* I B 2 b (en parlant du ciel, du temps)] . Couvert, très nuageux, très gris. Un ciel sombre et bouché : 2. Ne permettant pas aux hommes de se réjouir d'un temps bouché, comme d'une invitation au repos, il les tenait en haleine vers l'éclaircie, ...
Saint-Exupéry, Vol de nuit,1931, p. 92. 3. Si bien qu'avec son ciel presque toujours bas et bouché, gris de fer uniformément huit mois sur douze, le paysage inspirait dès l'abord une sensation de malaise et d'étouffement.
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 85. − P. métaph. Figures nuageuses, bouchées (Renard, Journal,1887-1910, p. 660);l'avenir paraît bouché. Impossible de rien voir. On avance dans une nuit totale (Green, Journal,1942, p. 268): 4. Un rayon, un éclair qui illumine une destinée bouchée sur laquelle les brouillards se referment.
A. Arnoux, Pour solde de tout compte,1958, p. 58. − P. méton. Journée, nuit bouchée : 5. ... tout le long des pentes montagnardes, suintaient de lourdes brumes noires, épaisses comme des forêts; on les voyait gonfler leurs énormes feuillages. Il fallait attendre que le vent les saisisse et les couche. Alors, ce serait la grande nuit sans lune toute bouchée.
Giono, Le Chant du monde,1934, p. 270. 6. Le couchant, après cette journée bouchée, resplendissait dans le cuivre rouge ou jaune.
A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 166. − P. anal., PEINT. Ton bouché. Ton ,,qui manque de transparence`` (Hugues, Expressions d'atelier). Rose bouché. Le rose bouché spécial aux nuages nocturnes des villes (M. Butor, Passage de Milan,t. 1, 1954, p. 41). B.− [Avec une idée d'obstacle] 1. [Correspond à boucher1* II A 1; en parlant d'une bouteille, d'un flacon, etc.] Fermé par un bouchon*. Bouteille bien, mal bouchée. Fiole bouchée à l'émeri*. − P. méton. Vin, cidre bouché (vieilli). Vin, cidre de qualité mis en bouteille (p. oppos. au vin, au cidre ordinaire tiré directement du tonneau). Mod. Cidre bouché. Cidre de bonne qualité. Vin bouché. Vin vieux, de qualité, gardé en bouteille cachetée. Subst. Le bouché. Vin bouché : 7. ... Georgette a décidé de ne plus voir sur sa table de vin ordinaire (...) elle l'a remplacé par un vin bouché (...) le bon sens lui indique que du vin à un franc, un franc vingt la bouteille (...) est plus digne qu'un gros vin bleu pour charretier d'accompagner son gigot d'agneau...
Romains, Les Hommes de bonne volonté,Verdun, 1938, p. 246. 2. [Correspond à boucher1* II A 2; en parlant d'un tuyau, d'une conduite, d'une canalisation, etc.] Engorgé, obstrué par un corps étranger gênant ou empêchant le passage de quelque chose, en partic. d'un liquide. Tuyau, lavabo bouché; baignoire bouchée : 8. ... le mufle de lion, qu'on pouvait encore discerner au besoin, ne vomissait plus d'eau, n'en recevant pas des conduits bouchés ou détruits.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 4. − P. anal., MUS. Tuyaux (d'orgue) bouchés. Tuyaux (d'orgue) fermés à leur partie supérieure à une hauteur fixée en fonction du ton que l'on veut obtenir. (cf. H. Bouasse, Instruments à vent, 1930, p. 278).Jeux (d'orgue) bouchés. Anton. Jeux (d'orgues) ouverts(cf. M. Brenet, Dict. pratique et hist. de la mus., 1926, p. 216).Sons bouchés (du cor). Sons assourdis par l'introduction de la main du musicien dans le pavillon de l'instrument et variant en fonction du mouvement imprimé à la main. Anton. sons naturels ou ouverts(cf. A. Lavignac, Musique et les musiciens, 1895, p. 132 et Rougnon 1935, p. 225). ♦ [D'où] Trompette bouchée : 9. La légende des bruits excentriques produits sur le saxophone a probablement pris naissance ... dans certains effets de trompette bouchée...
H. Panassié, Le Jazz hot,1934, p. 37. 3. [Correspond à boucher1* II B] a) [Correspond à boucher1* II B 1; en parlant d'une voie de circulation] Encombré, barré par des obstacles rendant le passage difficile ou impossible. Chemin, passage bouché. − Figuré : 10. ... il s'aperçut, (...) que pendant tout ce temps il avait en quelque sorte oublié sa femme, pour s'appliquer tout entier à la recherche d'une ouverture dans les murs qui le séparaient d'elle. Mais c'est à ce moment aussi que, toutes les voies une fois de plus bouchées, il la retrouva de nouveau au centre de son désir, ...
A. Camus, La Peste,1947, p. 1344. ♦ Vie bouchée. Vie sans perspectives : 11. ... comme il n'y a dans la vie la plus bouchée que de fausses impasses, comme des carrefours les plus étroits il faut sortir en définitive, bon gré, mal gré, sinon sans avaries, tu sortiras de celui-ci, ...
Fromentin, Dominique,1863, p. 144. b) [Correspond à boucher1* II B 2] − Oreilles bouchées. Oreilles obturées par la pression d'un doigt ou par un bouchon* de cérumen. Avoir les oreilles bouchées. ♦ Fig. [Pour signifier que qqn ne veut pas entendre, ne veut pas savoir qqc.; pour signifier sa volonté d'ignorer] :
12. ... la troublante indifférence du cœur humain à l'universalité du malheur; une indifférence qui n'était pas calcul, ni même égoïste, qui n'était peut-être pas autre chose que l'instinct de survivre, oreilles bouchées, yeux fermés, de survivre dans sa pauvreté quotidienne.
G. Roy, Bonheur d'occasion,1945, p. 65. Rem. 1. Pour bien rendre compte du refus de savoir, du refus de la réalité, de l'évidence, cette loc. se rencontre associée à cette autre : les yeux fermés. 2. Lar. 20eet Lar. encyclop. attestent l'emploi de la loc. avoir les oreilles bouchées au fig. avec le sens « ne pas être capable de saisir, de comprendre quoi que ce soit ». − Nez bouché. Narines comprimées par la pression des doigts (pour ne pas respirer quelque odeur désagréable) ou obstruées du fait d'un rhume. Avoir le nez bouché. Costals, le nez bouché, éternue et se mouche. Est-ce la rhinite (Montherlant, Les Lépreuses,1939, p. 1487). C.− Fig., péj., fam. − [P. oppos. à ouvert; en parlant d'une pers.] Dont l'esprit n'est pas ouvert, ou s'ouvre difficilement; dont l'esprit est fermé, étroit, borné : 13. ... il devient un petit bourgeois, fermé de tous les côtés de l'intelligence et de son autre vie; une espèce de petit boutiquier en goguette, aplati, bouché, méconnaissable, hébété par les ragots de femmes et bercé par les âneries et les rabâchages imbéciles...
E. et J. de Goncourt, Journal,1867, p. 365. 14. ... il avait distingué les petits élèves les plus fermés, les plus bouchés, et les avait interrogés pour faire éclater leur incapacité, ...
Barrès, Mes cahiers,t. 6, 1907-08, p. 167. − [À l'oppos. ouvert/fermé, s'ajoute une allusion aux bouteilles bouchées à l'émeri, c'est-à-dire fermées hermétiquement. Cf. supra B 1] Bouché à l'émeri. Dont l'esprit est tout à fait, − et irrémédiablement − fermé. Ma petite cousine, bouchée à tout, fermée à tout, morte à tout. Une seule corde, une seule âme, le chic (E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 136): 15. Ah! Ma future belle-mère pouvait s'éreinter! Bouché à l'émeri sur ces matières, j'écoutais tout sans comprendre et elle en était pour ses paraboles.
Léautaud, In memoriam,1905, p. 196. STAT. − Fréq. abs. littér. : 360. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 194, b) 643; xxes. : a) 621, b) 642. |