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BORNE, subst. fém.
I.− [L'idée dominante est celle de limite et/ou de séparation]
A.− Bloc de pierre, poteau, etc. indiquant la limite d'un champ. Borne mitoyenne; planter, déplacer une borne :
1. En Normandie, quand deux paysans se sont mis d'accord sur leurs limites, ils font un trou de six pieds, y déposent une marque, par exemple, des bouteilles, recouvrent le tout avec de la terre et plantent une borne visible au-dessus. Tous les deux sont voleurs, et voudraient bien reculer la borne; en ce cas, la marque sert de témoin. Mais souvent, dès la première nuit, le plus rusé se relève, déterre les bouteilles, va les enfouir dix mètres plus avant dans le champ du voisin, laisse soigneusement la borne en place. Un an après, il se plaint qu'on a déplacé la borne. Enquête, vérification; la marque fait foi, et c'est le volé qui passe pour le voleur. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 273.
2. Chaque hectare a son propriétaire, et l'on se dispute autour des bornes et des canaux d'irrigation. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 65.
P. métaph. :
3. ... l'oncle Gustave, l'astronome, nous montrait, délimité entre des bornes que deux savants allemands déplaçaient chaque nuit, le petit champ obscur qu'il explorait et où il découvrait, avec des étoiles de onzième ou de dix-septième grandeur, le vrai journal du ciel. Giraudoux, Bella,1926, p. 18.
P. compar., expr. (Être, rester) planté comme une borne. (Être, rester) debout et immobile. Qu'est-ce que tu fais là, planté comme une borne? (Miomandre, Écrits sur de l'eau,1908, p. 81).
P. métaph. :
4. Ton extase opposait à mes brûlants esprits D'une entière beauté le marbre et le mépris... Mes pleurs n'ébranlaient point cette invincible borne! Valéry, Cantate du Narcisse,1939, p. 257.
B.− P. ext. [Le plus souvent au plur.]
1. [Pour indiquer les limites d'un territoire, d'un État, etc.] :
5. Regardez un peu ici, docteur Parpalaid. Vous connaissez la vue qu'on a de cette fenêtre. (...). Tout là-bas, le mont Aligre marque les bornes du canton. Romains, Knock,1923, p. 18.
Borne internationale :
6. Une cabane de terre et de pierres crevée, inhabitée, ancien poste de frontière sans doute, en face de la borne internationale, se montre seule, et dit en raccourci la désolation du lieu. Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 178.
P. anal. Les bornes du ciel, de l'horizon :
7. Le plus bel effet est au fond de la grotte dont il s'agit, quand le soleil y donne. J'en ai vu les rayons s'amortir insensiblement dans ce long détroit; comme on voit aux bornes de l'horizon, et sur le déclin du jour, cet astre radieux éteindre son flambeau dans les ondes frémissantes. Dusaulx, Voyage à Barège,t. 2, 1796, p. 94.
8. La rêverie devint solennelle et profonde, vague comme le lac brumeux, immense comme le ciel sans bornes. G. Sand, Lélia,1833, p. 37.
2. Au fig. [Domaine moral] Les (dernières) limites (de quelque chose). Sa passion n'eut désormais ni bornes, ni mesure (Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 471);sa corruption semblait ne pas avoir de bornes (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 78);mais la patience humaine a des bornes, et la mienne est à bout (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 287):
9. Un jour viendra, et tout prochain qu'il est il me semble encore bien éloigné, où mes désirs n'auront plus de bornes comme mon bonheur, où ma vie sera complète, où mon âme appartiendra à ton âme, perpétuellement et éternellement. Hugo, Lettres à la fiancée,1822, p. 225.
10. ... le pays devait fixer à l'assemblée constituante une limite à sa durée, des bornes à ses attributions, un règlement quant à ses rapports avec l'exécutif. De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 264.
a) Loc. verbales. [Le compl. du nom est un subst. abstr.]
Franchir les bornes de. Je ne crois pas franchir les bornes du respect dont je fais profession pour le prince (Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 471):
11. Telle est la faiblesse humaine, que le talent, le génie, la vertu même, peuvent quelquefois franchir les bornes du devoir. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 276.
Passer, dépasser les bornes de. ,,Passer les bornes de la raison, de la modestie`` (Ac.1835-1932).Monsieur, dit le prince, vos équipées dépassent les bornes (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 424);le lendemain, Paul se sentit ridicule. Il s'avouait que son algarade passait les bornes (Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 120):
12. ... toutes les lettres qu'il [Malherbe] a écrites sont d'un négligé et d'un trivial qui passent les bornes de la licence épistolaire. Sainte-Beuve, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIes.,1828, p. 163.
13. ... une veuve de trois mois ne doit pratiquer aucun exercice, mais se promener à cheval sans garde du corps, cela dépassait les bornes. Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 124.
Absol. Aller trop loin :
14. ... vous en arrivez à vouloir me faire croire que la femme de mon neveu est ma femme! Vous comprenez que cela dépasse les bornes! Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, p. 72.
Sortir des bornes de. Le discours ne sortit pas encore des bornes de la civilité (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 51):
15. « Pourquoi ai-je été si long-temps sans vous voir? ... » Il y avoit, dans cette interrogation, toute la finesse, toute l'innocente coquetterie qu'une vierge, pure comme Annette, pouvoit y mettre sans sortir des bornes de la décente tendresse; ... Balzac, Annette et le criminel,t. 2, 1824, p. 171.
Reculer les bornes de. Le vacillement crapuleux des bougies reculait à l'infini les bornes de l'audace (Montherlant, Le Songe,1922, p. 208).
Mettre des bornes à. Mettre des bornes à son ambition; mettre des bornes au despotisme, à la puissance de quelqu'un. M. Necker cherchait sans cesse à mettre des bornes au pouvoir ministériel (Mme de Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 1, 1817, p. 70):
16. Simple commis parfumeur, il ne mettait point de bornes à son ambition; il avait embrassé la société par un coup-d'œil haineux en se disant : tu seras à moi! et il s'était juré à lui-même de ne se marier qu'à quarante ans. Balzac, César Birotteau,1837, p. 58.
b) Loc. adv. Sans bornes. Sans mesure; au plus haut degré. Une joie, un dévouement sans bornes.
II.− [L'idée dominante est celle de repère]
A.− Bloc de pierre, de maçonnerie, etc. servant de repère sur une voie, un parcours, etc.
1. ANTIQ. ROMAINE. Borne milliaire. Pour indiquer les milles sur les voies romaines. Borne du cirque. Bloc de pierre ou colonne placée à l'extrémité de la carrière et que devaient doubler les coureurs.
2. Moderne
Borne kilométrique. Pour indiquer les distances en kilomètres :
17. Au sortir de l'agglomération, la route nationale − R.N. 92, lisait-on à une borne − tourne brusquement à droite, pour éviter les côtes du bois de Rothone. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 398.
P. méton., pop. Borne. Synon. de kilomètre.Une étape de cinq cents bornes.
Borne d'incendie. Bouche* d'incendie en forme de borne. Borne militaire. Pour indiquer les limites des terrains militaires.
Rem. Péj. stèle :
18. Le Nivernais est un être plat, sans esprit pratique, et le moins littéraire qui soit. Des peintres au mètre, oui, des sculpteurs pour bustes sur bornes, mais pas un artiste! Renard, Journal,1904, p. 932.
B.− [À l'idée de repère s'ajoute celle de protection] Bloc de pierre que l'on mettait à côté des portes, le long des murs, etc. pour les protéger du choc des roues des voitures. Mettre des bornes à une porte (Ac.1835-1932).Il s'adossa à l'une des bornes du porche Gondelaurier, déterminé à attendre que le capitaine sortît (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 428):
19. Un trottoir étroit, très haut en été, se trouvait en hiver, quand la neige montait le niveau de la chaussée, à une hauteur raisonnable; d'anciennes bornes de pierre en marquaient le bord, les angles des rues. E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 273.
P. transpos. La rue. Un enfant de la borne. Orateur de borne. Orateur de place publique.
Expr. fig., vieilli. Mettre qqn à la borne. (À la rue).
C.− P. anal.
1. [Dans les jardins publ.] Siège circulaire dont le dossier central rappelle la forme d'une borne.
2. MAR. Bitte d'amarrage. Les ballots encombrent les trottoirs qu'hérissent des bornes en fonte, enroulées de câbles (Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 218):
20. En faisant nos démarches, on se méfiait aussi du port, de passer trop près, à cause des bornes et des cordages, où l'on trébuche très facilement. Céline, Mort à crédit,1936, p. 138.
3. ÉLECTR. Partie d'un appareil électrique à laquelle on attache un fil pour le relier à un circuit extérieur. Borne positive, borne négative; les bornes d'une batterie (cf. cosse) :
21. ... le courant continu de la batterie traverse le récepteur. Il faut avoir bien soin de monter les écouteurs dans le bon sens. Ils portent gravé sur le boîtier, près de l'une des bornes, le signe (...). Il faut que la borne (...) soit reliée au fil positif : sans cette précaution on désaimante l'écouteur. A. Leclerc, Manuel de télégraphie et téléphonie,1924, p. 237.
P. métaph. :
22. L'intervention sans cesse promise céda la place au refus de descendre dans le monde vulgaire où nous vivons − et où nous vivons mal. Cette absence, et le sentiment que la direction des affaires humaines lui incombe, sont les deux bornes de la contradiction où s'enferme la philosophie bourgeoise. Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 99.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. bornillon, subst. masc. Petite borne (E. et J. de Goncourt, Manette Salomon, 1867, p. 363).
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bɔ ʀn]. Enq. : /boʀn/. 2. Forme graph. − Littré signale pour le sens fig. : ,,Sans bornes s'écrit avec un s; cela du moins est le plus usité; mais rien n'empêche d'écrire : sans borne``. Ac. (éd. 1798-1878) écrit l'expr. avec s. Cf. aussi Besch. 1845, Lar. 19e, Quillet 1965 et Dub. À comparer avec Rob. qui l'écrit sans s. Lar. encyclop. admet sans bornes ou sans borne.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1121 bodne (Voyage de Saint-Brendan, Oxford, éd. Waters, 1928, 1520 [trad. du lat. nuda petra ... in modum silicis de la Navigatio S. Brendani, v. éd. Waters, p. XCVII et 128] : Par un rochét sa veie tint, Une bodne puis i survint); ca 1175 bodnes « pierre plantée en terre pour servir de limite » (Chron. des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 10597-10600); ca 1280 bosne (G. d'Amiens, Escanor, 2815 dans T.-L., s.v. bone); entre 1180 et 1190 bornes (Lambert le Tort, A. de Bernay, Alexandre, 316, 25, ibid.); 2. entre 1200 et 1220 bone fig. « limite, terme » (R. de Houdenc, Méraugis, 3594, ibid.); 3. p. ext. a) 1680 « chasse-roue » (Rich.); b) 1701 borne de cirque (Fur.); c) 1867 borne kilométrique (Lar. 19e); d) 1899 électr. « serre-fil » (Nouv. Lar. ill.). Du b. lat. bodǐna, botǐna « borne », attesté dans la 1remoitié du viies. sous la forme butina (Loi Ripuaire, tit. 60 dans Nierm., s.v. bodina), et sous la forme bodina en 831-832 (De Monsabert, Ch. de Nouaillé, no13 p. 25, ibid.). Le b. lat. bodǐna est représenté en a. fr. par trois formes : bonne (d'où dérive abonner*), bosne et borne. En pic., le groupe δ /n a abouti à r/n (Fouché, p. 862; Gossen, Gramm. de l'a. pic., p. 107 § 50) d'où la forme borne*, qui l'a emporté en fr. mod. Botina, bodina serait d'orig. celt. (FEW t. 1, pp. 465-466, s.v. botina; REW4, no1235, s.v. *botǐna; Dottin, p. 235).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 298. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 700, b) 2 762; xxes. : a) 2 558, b) 1 888.
BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 222. − Nigra (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 8. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 126. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 9. − Thurneysen 1884, p. 91.