Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
BLESSER, verbe trans.
A.− Emploi trans.
1. [L'agent, exprimé ou non, est un être vivant] Causer, involontairement ou avec l'intention − en général − de nuire, une blessure; au passif, recevoir une blessure. Blesser mortellement, à mort, grièvement; il la frappa de nouveau et la blessa jusqu'au sang (Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 238):
1. Cependant, ses trois autres compagnons avaient réussi à se jeter dans le canot, et déjà ils faisaient force de rames, tandis que les hommes de Koupriane, entrés dans l'eau jusqu'à la poitrine, déchargeaient leurs revolvers dans la direction des fuyards... Ceux-ci, peut-être dans la crainte de blesser Natacha, ne répondirent point aux coups de feu. G. Leroux, Rouletabille chez le tsar,1912, p. 147.
[L'objet désigne un arbre, une plante, etc.] Faire une entaille. On obtient ces sucs en blessant les plantes (Deschamps d'Avallon, Compendium de pharm. pratique,1868, p. 144).
Emploi abs. :
2. En certaines parties de l'Afrique du Sud, le vol était un délit d'ordre privé et la partie lésée était indemnisée, mais blesser ou tuer était un crime et l'on payait l'indemnité au chef, et non à la victime ou à sa famille. R.-H. Lowie, Manuel d'anthropol. culturelle,1936, p. 313.
2. [L'agent est une chose]
a) Occasionner une blessure. La boue et les gravillons frottent, râpent et blessent la peau qui s'infecte (E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 138):
3. Il ne verra longtemps dans les puissances élémentaires que des causes insensibles et quelquefois nuisibles. La terre blesse ses pieds; il court risque de se noyer dans l'eau; l'air et les vents l'offensent... Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 133.
b) Causer de la douleur, faire mal :
4. Ferdinand présentait des revendications gémissantes au sujet d'une paire de chaussures qui le blessaient. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 105.
P. ext. Frapper désagréablement, produire une sensation pénible. La lumière la blessa, elle souffla la bougie (Zola, Le Rêve,1888, p. 130):
5. Mozart disait : « ... même dans les situations horribles la musique ne doit jamais blesser les oreilles et cesser d'être de la musique ». E. Delacroix, Journal,t. 1, 1852, p. 290.
6. Le jeune homme, la fenêtre fermée, s'assit, baissa un peu l'abat-jour car la lumière blessait ses yeux, puis il s'expliqua posément. Barrès, Sous l'œil des Barbares,1888, p. 208.
B.− Au fig.
1. Blesser qqn.
Littér. Toucher, atteindre par (les traits de) l'amour; marquer profondément. Car Vénus l'a blessé [Pluton] soudain des mêmes traits (Moréas, Poèmes et sylves,1896, p. 229):
7. Toi qui blessas Vénus, ah, si Vénus te blesse, Diomède, bénis sa force et sa faiblesse. Toulet, Les Contrerimes,1920, p. 125.
Offenser, choquer, déplaire, faire du mal :
8. À la fin, se levant de sa chaise et se promenant par le cabinet, le comte fort embarrassé, se prit à enfiler des protestations. − Loin de lui l'intention de blesser la personne à qui cette lettre était adressée! Comment l'avait-elle pu supposer? Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 65.
9. S'il ressentait comme des offenses personnelles les mesures les plus générales, c'est qu'elles le blessaient au vif, dans son instinct profond de chef de guerre, cet instinct des routiers qui se débandaient, le combat fini, et retrouvaient au moins la liberté, à défaut de la bataille! Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 91.
Loc. proverbiale. C'est là que le bât blesse (qqn). C'est là la cause des désagréments, des inquiétudes :
10. Nous écririons donc comme tout le monde, quitte à compiler comme quelques autres, n'était certain lieu où le bât nous blesse. Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet,1837, p. 748.
Emploi abs. :
11. ... non seulement elles [les vieilles filles] blessent, mais elles éprouvent du plaisir à blesser, et à faire voir à leur victime qu'elles l'ont blessée. Balzac, Le Curé de Tours,1832, p. 180.
12. Certains jours, il ne voulait pas parler; ou il avait des accès de malice diabolique, il cherchait à blesser. R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 1011.
2. Blesser qqc.
Blesser la vue, les regards de qqn. Importuner, déplaire :
13. Ainsi il a été convenu que l'empereur pourrait aller désormais dans l'île; que l'officier que les instructions attachaient à sa personne n'exercerait qu'une surveillance lointaine, qui ne pourrait blesser les regards de l'empereur; ... Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 288.
[En parlant de sentiment, de tout ce qui peut correspondre à des normes : pudeur, vraisemblance, bon goût, etc.] Aller contre. Honoré avait déjà oublié les paroles coupables qui blessaient la pudeur de son frère (Aymé, La Jument verte,1933, p. 143):
14. Son style [de Victor Hugo] pourtant ne blesse jamais la grammaire ni le vocabulaire de la langue, et ne présente ni mots, ni tours inusités. Sainte-Beuve, Premiers lundis,t. 1, 1869, p. 186.
Blesser l'amour-propre de qqn.
Blesser les intérêts. Léser, porter préjudice :
15. L'abolition de la servitude faite de manière à ne blesser les droits de personne, est tellement difficile, qu'il y a un siècle que le Danemarck y travaille sans avoir achevé ce bel ouvrage. Bonstetten, L'Homme du Midi et l'homme du Nord,1824, p. 38.
16. La loi est uniforme, les mœurs, les terres, les intelligences ne le sont pas; or, l'administration est l'art d'appliquer les lois sans blesser les intérêts, tout y est donc local. Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 59.
C.− Emploi pronom. Se faire une blessure, se faire du mal. Mais Gustave se meurt, madame : il s'est blessé, En tombant de cheval (Dumas Père, Christine,1830, IV, 3, p. 259).
P. métaph. :
17. ... ces malheureux personnages de Racine ... même quand ils ne sont pas ennemis, même quand ils ne se battent pas, ils se blessent toujours. Ils sont naturellement blessants. Ils blessent par métier, par office, par nature. Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 778.
Prononc. : [blεse] ou [ble-], (je) blesse [blεs]. [ε] ouvert pour l'inf. dans Barbeau-Rodhe 1930 (qui transcrit la forme pronom. avec plusieurs possibilités : səblεse, sb-, zb-) et dans Pt Lar. 1968 (cf. aussi Nod. 1844 et Littré). [e] fermé dans Dub. et Pt Rob.; Warn. 1968 réserve la prononc. avec [ε] au lang. soutenu, celle avec [e] au lang. cour. À ce sujet, cf. également Buben 1935, § 51. Pour Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,Le 1erè [est] moyen entre l'ouvert et le fermé``. Enq. : /bles/ (il) blesse.
Étymol. ET HIST. − 1. Mil. xies. blecier « meurtrir (des olives, des fruits, pour les faire mûrir) » (Raschi, Gloses dans Levy Trésor), encore attesté dans les dial. du Nord et de l'Est, notamment le liég. blessi « broyer, piler » (Haust), le suisse romand (Genève) blyési « amollir (un fruit), blettir » (Pat. Suisse rom., s.v. blesser); ca 1100 blecer « mettre à mal, porter atteinte à (qqn) » (Roland, éd. Bédier, 590); 2. 1165-70 « porter une blessure à qqn » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, 3792 dans T.-L.); 1176 fig. (Id., Cligès, 2119, ibid.); 2etiers xiies. paroles blesantes (Everard de Kirkham, Distiques de Caton, str. 102adans Gdf. Compl.); 1541 « enfreindre, offenser » (Calv., Instit., 103 dans Littré). D'un gallo-roman *blettiare « meurtrir » dér. du subst. a.b.frq. corresp. au subst. a.h.all. bleizza « ecchymose suscitée par un coup; trace d'une blessure, cicatrice » (Steinmeyer, Sievers, Die althochdeutschen Glossen, 2, 198, 61 dans Karg-Gasterstädt et Frings, s.v. bleizza) et attesté lui-même dans le composé frq. freobleto, frioblitto « plaie qui s'étend » (Pactus legis salicae, éd. Eckhardt, II, 1, 65 Titel-Text, art. XVII, § 7, p. 176); ce subst. a.b.frq. est aussi à rapprocher de l'adj. ags. blate « pâle, blême » (ca 1000, Cod. Vercell., I, 63 dans NED, s.v. blate). Blesser, au sens 2, a supplanté l'a.fr. nafrer, navrer* un peu plus anc. que lui en ce sens (Roland), également d'orig. germ. Voir aussi blèche et blet.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 886. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 388, b) 2 961; xxes. : a) 2 480, b) 2 050.
BBG. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 260-264. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 298. − Sigurs 1963/64, p. 37, 97.