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BERNER, verbe.
A.− Vx, rare. Molester quelqu'un en le faisant sauter sur une couverture (berne) que secouent plusieurs personnes (cf. berne2B) :
1. Voiture a-t-il été réellement berné, c'est-à-dire lancé sur une couverture, ce qui serait à la rigueur possible (...) ou bien n'est-ce là de sa part qu'une folle invention et un badinage? Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 12, 1851-62, p. 196.
2. ... j'avais voulu apprendre le français au régiment, et j'avais acheté une grammaire sur ma paye. Mais les hommes se sont fichus de moi, et ils m'ont berné dans mes draps. A. France, Pierre Nozière,1899, p. 100.
B.− Au fig. Harceler quelqu'un de plaisanteries; se moquer de lui en lui faisant croire ce qui n'est pas, le tourner en ridicule. Un vieillard amoureux berné par une jeune femme rusée (R. Dumesnil, Hist. illustrée du théâtre lyrique,1953, p. 126).Synon. bafouer, jouer, leurrer, railler, ridiculiser :
3. − Jamais, monsieur, dit la Grisette, on peut berner un homme, mais lui faire tort dans sa carrière, jamais! Musset, Mimi Pinson,1845, p. 227.
P. ext. Tromper :
4. Il [Durtal] éprouvait ce réveil douloureux du malade qu'un médecin berne pendant des mois... Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 231.
5. D'abord, il [Maximilien] s'est laissé berner par de mauvaises promesses, lui qui avait cru faire un mariage d'inclination et d'argent. M. Aymé, Le Puits aux images,1932, p. 43.
Rem. On rencontre dans la docum. a) L'adj. bernable, fam., vieilli (1736-38, Voltaire, Enfant Prodigue, I, 1 dans Littré; dér. de berner*, suff. -able*). Qui peut être berné ou qui mérite d'être berné. C'est un homme bernable (Ac. 1835-78); b) Le subst. masc. et adj. berneur, fam. (Chevalier, Amours de Calotin, 1664, I, 2 dans R. Hist. litt. Fr., t. 4, 1898, p. 288; dér. de berner*, suff. -eur2*). (Celui) qui berne. Je ne crains ni la berne, ni les berneurs (Ac. 1798-1878). Être berneur.
PRONONC. : [bε ʀne], (je) berne [bε ʀn̥].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1486 berner « moquer » (J. Michel, Le Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 1264 : Nostre regne est des estrangiers cerné; Si grant n'y a qui n'ait esté berné); [1508 lat. bernare « faire sauter qqn en l'air sur une couverture pour s'en moquer » (G. Budé, Annotations in Pandectarum, fo10 d'apr. Brault, v. bbg., p. 234 : Caeterum quod Tranq. in sublime sago iactare dixit : vulgo bernare dicunt : id. est sago excutere sursum versus)]; 1534 berner (Rabelais, Gargantua, éd. J. Plattard, Paris, 1961, p. 13 : En ce gueret peu de bougrins sont nez, Qu'on n'ait berné sus le moulin à tan); 1611 berner « se moquer de, tromper » (Cotgr.). Dér., avec métathèse, de l'a.fr. bren « son » (v. bran), berner ayant eu sans doute d'abord le sens de « vanner le blé » (cf. Est. 1549 : Berner ou Vanner, Excutere; cf. aussi le sens 1 de berne II), d'où « faire sauter en l'air ». Cette hyp. émise d'abord par Barb. (v. bbg.), a été reprise et complétée par W. Von Wartburg (v. bbg.), puis par REW3, Bl.-W.5et Guir. (v. bbg.). J. Orr, (v. bbg.), suivi par EWFS2, s'y est rallié sur le plan phon. mais non sur le plan sém. : constatant que le sens fig. « moquer » est ant. au sens de « vanner » et s'appuyant sur une interprétation scatologique très plausible de l'expr. de Rabelais, il pense que le sens primitif serait « souiller d'excréments », berner étant alors dér. de bren « matière fécale »; cependant cette évolution sém. n'est pas confirmée. N'est pas dér. de berne2* (Dauzat 1968), plus tardif.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 94.
DÉR.
Bernement, subst. masc.,rare. Action de berner, manière dont on berne quelqu'un. P. ext. Moquerie, raillerie. [bε ʀnəmɑ ̃]. 1reattest. 1661 (Molière, École des Maris, III, 5 dans Ch.-L. Livet, Lex. de la lang. de Molière, t. 1, 1895, p. 241); dér. de berner, suff. -ment1*. Rem. On rencontre dans la docum. le synon. bernerie, subst. fém. (G. Sand, Les Beaux Messieurs du Bois-Doré, t. 1, 1858, p. 190; dér. de berner*, suff. -erie*). ... le bon marquis n'était pas encore assez fou pour ne pas appréhender d'être l'objet de quelque « bernerie » (Id., ibid.).
BBG. − Barb. Misc. 1925-28, pp. 28-29. − Brault (G. J.). The Date of French berner. Rom. Philol. 1958/59, t. 12, pp. 232-234. − Griffin (D.). French berne, Spanish bernia. Rom. Philol. 1950/51, t. 4, pp. 267-274. − Guiraud (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, no1, pp. 96-109. − Guir. Étymol. 1967, p. 14. − Lindfors-Nordin (E. G.). Berne, berner. expr. rabelaisiennes. Ét. hist. et étymol. Stockholm, 1948, 30 p. [Bourciez (J.). R. Lang. rom. 1948, t. 70, p. 88]. − Orr (J.). Autres étymol. scabreuses. Archivum romanicum. 1945, t. 9, pp. 28-43; Id. In : Essais d'étymol. et de philol. fr. Paris, 1963, pp. 41-46. − Wartburg (W. von). Eine Neue Erklärung von fr. berner. Z. rom. Philol. 1952, t. 68, pp. 415-417.