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BÊLER, verbe.
I.− Emploi intrans.
A.− [Le suj. désigne le mouton, l'agneau, la brebis] Pousser des bêlements :
1. Auprès d'eux tout à coup, frissonnante et plaintive, Au fond du taillis noir une brebis bêla. SamainLe Chariot d'or1900, p. 197.
P. ext. [Le suj. désigne un autre animal tel que la chèvre, ou plus rarement le bouc, la génisse, etc.] :
2. ... la clochette des dromadaires tinte à vos oreilles, et de grands troupeaux de chèvres noires passent dans la rue, bêlant au milieu des chevaux, des ânes et des marchands. Flaubert, Correspondance,1850, p. 148.
P. anal. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Produire un bruit évoquant un bêlement :
3. En ce moment-là, une cloche fêlée, qui semblait bêler, dans les ténèbres, sonna minuit. Hugo, Le Rhin,1842, p. 209.
B.− Au fig., péj. [Le suj. désigne une pers.] Se plaindre ou gémir; parler sur un ton plaintif et larmoyant ou d'une manière affectée de sensiblerie. Elle était désespérée, la pauvre dame; elle bêlait dans l'appareil (R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1147):
4. J'ai eu l'idée d'entrer dans le Luxembourg, où j'ai vu toutes sortes de fantasmagories; ça m'a remué le cœur extraordinairement; il m'y pousse des élégies; je bêle et je roucoule; je me métamorphose moitié agneau, moitié pigeon. Regardez donc un peu, je dois avoir de la laine et des plumes. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 55.
Proverbes
La brebis bêle toujours de même, ,,on ne change guère les manières qui viennent de la nature`` (Ac. 1835-1878).
Rem. Attesté dans la plupart des dictionnaires.
Brebis qui bêle perd sa goulée [ce qu'elle peut mettre dans sa gueule], (...) ,,à trop parler on perd le temps de manger, et aussi d'agir`` (Littré).
Rem. Attesté dans la plupart des dict. Chez Lamartine, Cours familier de litt., 40eentretien, 1859, p. 262, on trouve la var. ,,Brebis qui bêle perd sa dentée d'herbe.``
II.− Emploi trans. (avec compl. d'obj. interne)
Au fig. et péj.
A.− [Le suj. désigne une pers.] Dire ou répéter d'une manière sotte ou plaintive; chanter avec des chevrotements dans la voix. Bêler la paix; bêler une romance sentimentale :
5. Épreuve du chapelet quotidien à la Basilique... Recueillement impossible avec les prétendues adoratrices, qui bêlent ou roucoulent des prières en français, tous les quarts d'heure, devant le saint Sacrement éternel... Bloy, Journal,1905, p. 254.
[En prop. incise] Maître, bêla Fronval, je m'excuse (P. Vialar, Tournez, jolies gosses,1956, p. 51).
B.− P. métaph. [Le suj. est un inanimé abstr. représentant un sentiment] :
6. ... encore une fois, soyez hommes; et pendant que la peur s'en va bêlant ses niaises lamentations, tendez à vos frères une main, et posez l'autre sur votre épée. Lamennais, L'Avenir,1831, p. 177.
Rem. On rencontre dans la docum. les hapax a) Bêleur, subst. masc. Personne qui parle ou chante sur un ton larmoyant ou d'une manière bêtement sentimentale. Autour des bêleurs de romances, les dactylos changeaient de visage. (Montherlant, Les Célibataires, 1934, p. 831). b) Bêlerie, subst. fém. Synon. affectif de bêlement. Des troupes d'agneaux aux tendres bêleries desquels répondait le charme de tes flûtes d'azur (F. Jammes, Correspondance [avec A. Gide], 1893-1938, p. 113).
PRONONC. : [bε ˑle] ou [beˑle], (il, elle) bêle [bε:l]. Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Dub. et Pt Lar. 1968 transcrivent [ε] ouvert pour l'initiale (cf. aussi Fér. 1768, Land. 1834, Gattel 1841 et DG). Pt Rob. transcrit l'initiale par [e] fermé (harmonisation vocalique). Pour [e] cf. aussi Fér. Crit. t. 1 1787 (qui écrit béler), Fél. 1851 et Littré. Warn. 1968 réserve la prononc. avec [ε] au lang. soutenu, celle avec [e] au lang. cour. Au sujet de l'harmonisation vocalique, cf. Buben 1935, § 25. Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 notent [ε ˑ] ouvert mi-long pour l'inf. [bε ˑle] et [ε:] ouvert long pour la forme conjuguée [bε:l]. Pour l'indication d'une durée longue cf. aussi Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787. G. Straka, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 31 note : ,,les voyelles [accentuées] devant consonnes non allongeantes sont [...] longues dans des mots onomatopéiques : il bêle, il beugle, il meugle, etc.``; il ajoute, p. 36 : ,,En syllabe inaccentuée, toutes les voyelles, orales et nasales, tendent à s'abréger. Elles ne sont jamais longues dans la prononciation correcte. [Parfois pourtant] on saisit un léger allongement sous l'effet de l'analogie, mais presque uniquement dans les verbes − où l'analogie joue le plus − et pour les voyelles è et : les formes nous fêtons, nous quêtons, nous aimons, nous beurrons ont un è demi-long d'après il fête, il quête [dans le cas de notre verbe : bêler, bêlons d'après il bêle]; un è ou bref est choquant, bien qu'on entende cette prononciation assez souvent et depuis déjà la fin du xviiesiècle.`` Au sujet de la durée longue dans ce verbe, cf. aussi Buben 1935, § 25 : ,,Bêler dans lequel l'allongement est d'origine affective.``
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. xiies. « pousser un bêlement » (Eneas, éd. Salverda de Grave, 5375 dans T.-L. : Tot ensement Turnus faiseit come li lous ki est al plain Et vient a la falde al vilain : Environ vait molt fameillos, Les berbiz veit dont est gelos, Les aignels ot dedenz beler); 2. p. ext. xiiies. « se plaindre, pleurer » (Godefroi de Bouillon, 26 dans T.-L., s.v. herler : Ses trois fiex commanda une soie pucele, Li uns d'ax s'esveilla forment crïe et herle [var. bëele]). Du lat. bālāre « pousser un bêlement » (dep. Varron, Men., 3 dans TLL s.v., 1709, 6 : mugit bovis, ovis balat); sens fig. (Varron Rust., 2, 3, 1, ibid., 34 : quoniam satis balasti, inquit o Faustule noster); en b.lat. aussi bēlāre (CGL t. 4, p. 591, 19), l'inf. baler (fin xiiies., Ysopet de Lyon dans T.-L.), du lat. bālāre; l'inf. beler supra, du lat. bēlāre; l'inf. beller (1174-1200, Renart, éd. Roques, 5301) refait d'apr. l'ind. bęle, de bálat; la forme beele supra et le fr. mod. bêler sont des altérations onomatopéiques.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 116.