| ![]() ![]() ![]() ![]() BATEAU2, subst. masc. Fam. ou pop. Mensonge, mystification, plaisanterie. Un amusant bateau, des bateaux invraisemblables, homériques; monteur de bateaux : 1. Mes grandes joies, ce sont des chahuts à Loule, à Océana, des bateaux aux bizuths! ...
Alain-Fournier, Correspondance[avec Rivière], 1905, p. 207. − Monter un bateau à qqn A.− Duper quelqu'un, lui en faire accroire. Synon. conduire, mener (qqn) en bateau, monter le bateau (à qqn) : 2. Quant à Séménoff (...) il servait de tête de Turc à Paul Arène, qui lui montait de formidables bateaux.
L. Daudet, Fantômes et vivants,1914, p. 67. 3. − (...) Non, il s'agit d'un don, tout simplement un don.
− On ne donne pas comme ça des sommes pareilles. Un don de qui?
− J'ai promis le secret, dit Luc.
− À qui? dit Henri avec un sourire. Allons, tu me mènes en bateau; le généreux donateur, ça ne prend pas.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 233. Rem. ,,La var. [de monter un bateau] mener en bateau est plus particulièrement usitée chez les voleurs dans un sens... donner le change, chercher à égarer la justice en lui faisant prendre une fausse piste`` (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 31). Cf. aussi L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 248, pour l'expr. meneur en bateau, de sens correspondant. ,,Certains criminels ont réussi à mener en bateau la justice pendant des mois entiers`` (G. Grison, Paris horrible et Paris original, 1882, p. 198). SYNT. (var.) Conter un bateau (Bruant 1901, p. 315). Pousser un bateau. ,,Mentir, inventer une histoire, dans le même argot [des faubouriens]`` (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1866, p. 405). Faire aller en bateau. ,,Trimballer quelqu'un et le remettre toujours au lendemain`` (Ch. Virmaître, Dict. d'arg. fin-de-siècle, 1894, p. 110). Faire monter en bateau. ,,Duper`` (Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]). Monter en bateau. ,,Croire à une plaisanterie, être dupé`` (Id., [Lang. fam., Lang. pop.]). B.− Fatiguer quelqu'un par une plaisanterie (une affirmation, une question) trop prolongée ou trop répétée (cf. Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e). ♦ Être bateau. Être ennuyeux. C'que t'es bateau quand t'es soûl! (Esn.1966). Prononc. : [bato]. Enq. : /bato/. Étymol. ET HIST. − 1866 arg. « mystification » notamment dans des expr. : poussées de bateaux (Delvau, Dict. de la lang. verte, s.v. poussée : [...] se dit [...] d'une chose vantée d'avance et trouvée inférieure à sa réputation, ainsi que de toute besogne ridicule et sans profit. On dit mieux : Une belle poussée de bateaux); 1867 monter un bateau (Id., ibid., p. 396); 1872 mener un bateau (Larch.).
Prob. même mot que l'a. fr. bäastel, bastel « instrument d'escamoteur », p. ext. « escamotage », ca 1220 (G. de Coincy, Mir. Vierge, éd. Poquet, 491, 102 dans T.-L. : Aus bâastiaus ou un gien seroient bien demi jor droit) dont le dér. bateleur* a pu influencer le sens de bateau « mystification », d'orig. obsc.; peut-être à rapprocher de l'a. fr. baiasse « servante » (baastel aurait signifié à l'orig. « marionnette »), d'orig. pré-i.-e., v. bagasse et bachelette (cf. FEW t. 23, p. 139). Le syntagme mod. monter un bateau, empr. aux saltimbanques (avec monter au sens de « organiser, mettre sur pied », cf. monter un coup) répond à jouer des bateaux (xive-xves. dans Gdf.), v. Sain. Sources, p. 464-65. La loc. mener en bateau où mener se rattache au sémantisme « promener qqn » au sens de « lui donner le change », est issue du croisement de promener avec monter un bateau (Guiraud, Cah. Lexicol. t. 16, p. 74), avec contamination probable de bateau1. BBG. − Duch. 1967, § 11, 48, 55, 64. − Gottsch. Redens. 1930, p. 261, 264, 265, 323. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 127. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 212. − Guiraud (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t. 16, no1, p. 74. − Kemna 1901, p. 47, 81, 99. − Sain. Lang. par. 1920, p. 173, 179, 400. |