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BAISER1, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− Effleurer, toucher de ses lèvres quelque partie d'une personne (surtout la main, la joue) ou quelque objet la symbolisant.
1. Domaine des rapports affectifs.[En signe d'affection, d'amitié, etc.] :
1. Enfin la tentation l'emporta, − la tentation de voir son fils heureux et de le voir heureux à cause d'elle. Elle accorda sa permission. Elle avait espéré un élan, qu'il l'embrasserait, qu'il aurait un mot du cœur. Mais il ne pouvait pas avoir d'élan pour quelqu'un qu'il ne désirait pas. C'était devenu pour Mmede Bricoule une véritable désespérance qu'il ne la baisât jamais spontanément, qu'elle non plus ne pût pas le baiser sans qu'il se crispât, ... Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 391.
P. ext. [L'obj. désigne un animal] ... flattant ses longues oreilles, la baisant sur le museau... (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Mademoiselle Cocotte,1883, p. 813).
2. Domaine des rapports soc.
a) [En signe de soumission, de réconciliation] Baiser humblement. Humilié aux genoux de l'impitoyable Achille, baisant les mains terribles... (Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 326).
Baiser la poussière des pieds (de qqn). César (...) de mes pieds baisant la poussière (Quinet, Napoléon,1836, p. 239).
b) [En signe de respect, par règle d'étiquette] Baiser (avec respect, respectueusement) la main du roi :
2. On raconte qu'un jour Napoléon se promenait dans l'une des salles du palais des Tuileries, recevant divers grands personnages qui étaient admis à l'entrée et venaient lui baiser la main. Plusieurs membres de la famille impériale se trouvaient de ce nombre. Madame Bonaparte arriva lorsqu'il ne restait plus que quelques-uns de ces derniers. Lorsqu'elle s'approcha, l'Empereur, avec un gracieux sourire, lui présenta sa main à baiser, ainsi qu'il avait fait avec ses sœurs et ses frères. Mais elle, la repoussant doucement, et offrant au contraire la sienne aux lèvres de son fils, lui dit en italien : « Vous êtes l'empereur, le souverain de tous les autres, mais vous êtes mon fils! » et l'Empereur saisissant cette main qu'elle lui tendait, l'embrassa avec tendresse et respect, ... Musset, Revue des Deux Mondes,1833, p. 241.
c) [En signe de politesse, en hommage galant] :
3. Au moment du départ, Marat leur baisa la main, − parce que cela lui faisait plaisir de presser leur main contre ses lèvres et aussi de s'incliner devant elles; et ce fut certainement ainsi qu'elles l'entendirent. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 137.
Baiser la (les) main(s), etc. Formule de politesse utilisée à la fin d'une lettre, d'une visite. ... vous baiser la main et (...) mettre mes hommages et mon admiration à vos pieds (Hugo, Correspondance,1831, p. 487).
P. iron., littér., vieilli. Je vous baise les mains. Se dit pour signifier un refus (cf. la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.).
3. Domaine des rapports spirituels.[En signe de déférence, de vénération] Baiser l'anneau (de l'Évêque), le crucifix, la mule (du pape) :
4. ... le Révérendissime lava les deux pieds du frère, les essuya, avec une serviette dont il se servit ensuite pour couvrir seulement les doigts, en laissant le reste des pieds à nu, puis il les baisa, et chacun vint à son tour s'agenouiller et les baiser. À la façon dont s'appliquait la bouche, l'on pouvait se rendre compte du plus ou du moins de ferveur et d'affection des pères et des frères; les uns appuyaient les lèvres, embrassaient réellement, voyant en ce nouveau venu, ainsi que dans tout hôte, l'image du Christ; les autres embrassaient aussi fortement, par affection fraternelle; d'autres, au contraire, frôlaient seulement, se bornaient à remplir un devoir, sans y attribuer plus d'importance. Durtal, lui, rêvait à cette coutume, issue des premiers âges, perpétuée par l'Église, à cette leçon d'humilité que saint Benoît infligeait à tous ses moines... Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 218.
P. ext. Baiser la terre, le sol. Se prosterner et appliquer ses lèvres sur le sol en signe d'humilité. ... punir de la manière la plus bête et la plus humiliante (...) faire (...) baiser la terre (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3,1855, p. 92).
B.− Domaine des rapports amoureux.
1. Appliquer, presser ses lèvres sur quelque partie d'une personne (notamment la bouche, avec mouvement actif de caresse, succion, préhension, etc.) ou sur quelque objet la symbolisant, en signe d'amour. Baiser doucement, tendrement, avec transport :
5. ... se jetant sur le cadavre, elle l'enlaça à pleins bras, le baisant sur les yeux, sur la bouche, ouvrant de ses lèvres les lèvres mortes, y cherchant un souffle, et la profonde caresse des amants. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Confessions d'une femme, 1882, p. 803.
6. ... il s'agenouilla devant elle, lui prit les mains, les baisa et la regarda longtemps avec un émerveillement craintif et fier. Puis il posa, prosterné, ses lèvres sur le bout de la bottine. − Qu'est-ce que vous faites? − Je baise vos pieds qui sont venus. Il se releva, la tira doucement à lui, et, cherchant ses lèvres, il lui mit un long baiser sur la bouche. Elle restait inerte, la tête renversée, les yeux clos. Sa toque glissa, ses cheveux se répandirent. Elle se donna (...). A. France, Le Lys rouge,1894, p. 211.
7. L'obscur désir qui le gonflait éclata tout d'un coup. Il se jeta sur elle, par derrière, l'empoigna par la taille, lui renversa la tête en arrière, lui enfonça dans la bouche entr'ouverte sa bouche. Il baisa les lèvres sèches et gercées, il se heurta aux dents qui le mordirent de colère. R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 268.
Baiser les pas/la trace des pas (de qqn) :
8. ... la neige et les chemins des aigles Conviennent, ô déesse, à ta virginité. Car rien ne doit ternir ta pureté première Et souiller par un long baiser matériel Ta belle chair, pétrie avec de la lumière. Ton véritable amant, chaste fille du ciel, Est celui qui, malgré ta voix qui le rassure Et ton regard penché sur lui, n'oserait pas D'une lèvre timide effleurer ta chaussure Et baiser seulement la trace de tes pas. Banville, Les Cariatides,1842, p. 164.
SYNT. Baiser + subst. : baiser le bas (de la robe, etc.), la chevelure, les cheveux, les doigts, le front, les gants, les genoux, la joue, la nuque, la tempe.
Rem. Noter le mot composé baise(z)-moi-(ma)-mignonne, désignant sans doute une couleur. Rubans (...) couleur (...) « baise-moi-ma-mignonne » (E. Rostand, Cyrano de Bergerac, 1898, p. 27), une bouche rose à la baisez-moi-mignonne (H. Bazin, Lève-toi et marche, 1952, p. 26).
P. anal. [Le suj. ou l'obj. désigne un élément naturel] Attoucher, comme en témoignage de tendresse :
9. − D'où que vienne le vent, Il rapporte de ses voyages, À travers l'infini des champs et des villages, On ne sait quoi de sain, de clair et de fervent. Avec ses lèvres d'or frôlant le sol des plaines, Il a baisé la joie et la douleur humaines... Verhaeren, La Multiple splendeur,1906, p. 82.
P. métaph. [Le suj. ou l'obj. désigne une chose abstr.] Adhérer à, marquer de l'intérêt, de la passion pour... baiser les siècles ses aînés... (M. Blondel, L'Action,1893, p. 5).
Baiser la camarde. Mourir (cf. Sue, Mystères de Paris, 1842-43, p. 45).
2. P. euphém., pop. Baiser qqn.Posséder charnellement quelqu'un :
10. Je jouissais d'elle ici bien plus profondément que je ne fis jamais à Paris, et d'une manière à la fois plus voluptueuse et plus haute. En cette personne innocente, si intelligente (avec tant d'enfance), pure lumière et toujours vierge, j'aimais, admirais, possédais, tranchons le mot : je baisais la nature. Michelet, Journal,1857, p. 344.
Absol. Faire l'amour :
11. Elle pensa : parbleu! il y a six mois qu'il n'a pas eu de femme; il fait l'amour comme un soldat dans un bordel. Quelque chose remua en elle, un battement d'ailes; mais non : rien. (...); il avait pris un air dur et tendu, il baise comme on se saoule, sûrement qu'il veut oublier quelque chose. Il finit par se laisser tomber sur elle, à demi mort; elle lui caressa machinalement la nuque et les cheveux; elle était froide et tranquille mais elle sentait de grands coups de cloche qui lui remontaient à toute volée du ventre à la poitrine : c'était le cœur de Boris qui battait en elle. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 175.
3. P. ext., arg. Se faire baiser ou baiser (qqn, qqc.).
Prendre (qqn) sur le fait ou tromper, avoir (qqn, qqc.) :
12. Fièvre ou pas, je bourdonne toujours et tellement des deux oreilles que ça peut plus m'apprendre grand'chose. Depuis la guerre ça m'a sonné. Elle a couru derrière moi, la folie... tant et plus pendant vingt-deux ans. C'est coquet. Elle a essayé quinze cents bruits, un vacarme immense, mais j'ai déliré plus vite qu'elle, je l'ai baisée, je l'ai possédée au « finish ». Voilà! Je déconne, je la charme, je la force à m'oublier. Céline, Mort à crédit,1936, p. 40.
Attraper, voler (qqc.) :
13. [Le Marquis à Ducreux, charbonnier] − Tu m'as toujours dévalisé. Y a soixante-sept ans que tu m'as baisé mes billes d'agate, en trichant à la marelle, près de ma grille... J'oublie rien! J. de La Varende, La Dernière fête,1953, p. 30.
II.− Emploi pronom. (réciproque).
A.− Se donner mutuellement des marques d'amour par pression des lèvres :
14. Ils se baisèrent aux lèvres, sans bruit, entre leurs mains qui s'étaient jointes, paume à paume et les ongles hauts. − Chéri! − Chérie! Les mots ne furent pas, ou furent si peu! La confusion de deux souffles, rien de plus... Devant l'avidité gloutonne de la bouche qui pressait la sienne, Gabrielle, pourtant, (...) tâchait à se dérober, charmée et affreusement inquiète, sans force pour ravir ses dents au baiser de ce gentil garçon qu'elle sentait, si vivant contre elle, la respirer comme une fleur, ... Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, p. 145.
P. ext. [Le suj. désigne des animaux] (Quasi-) synon. se becqueter :
15. Elles vont... Elles se promènent en roucoulant au bord de l'eau... Elles boivent, se baignent, mangent; puis sur un rameau leurs becs s'entrelacent, elles se polissent leur plumage l'une à l'autre... (...). Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles, Se baisent. Pour s'aimer les dieux les firent belles. Chénier, Bucoliques,Les Colombes, 1794, p. 234.
P. anal. [Le suj. désigne des éléments naturels] Entrer en contact avec, se joindre, se frôler :
16. ... Mais la vague endormie et le feuillage épais Se touchaient sur la grève et se baisaient en paix. L'arbre trempait ses pieds dans l'écume des plages; Et les flots attiédis s'obscurcissaient d'ombrages. Le couple voyageur savourait à la fois Les doubles voluptés des ondes et des bois. Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 915.
B.− P. euphém., pop. Se posséder charnellement :
17. Prédiction : ils se baiseront (...), elle te soutiendra encore qu'il n'y a rien et qu'elle aime seulement notre ami de cœur ou de tête. Ce brave organe génital est le fond des tendresses humaines; ce n'est pas la tendresse, mais c'en est le substratum comme diraient les philosophes. Flaubert, Correspondance,1852, p. 24.
PRONONC. : [bεze] ou [beze], la 2eforme avec la mention ,,cour.`` chez Warn. 1968. Grammont Prononc. 1958 fait intervenir le concept d'harm. vocalique en indiquant : ,,on dit bèz « baise », bèzõ « baisons », bézé « baiser »``.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 950-1000 trans. « appliquer ses lèvres sur une partie d'un être ou d'une chose en signe d'affection ou de respect » (Passion de Clermont-Ferrand, 28 dans K. Bartsch. Chrestomathie de l'a. fr., p. 7 : Judas li fel ensenna fei : ,,celui prendet cui baisarei``); b) 1578 baiser la (les) main(s) « prendre congé, remercier, ne pas prendre en considération » (H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., II, 108-109 dans Hug.); 2. a) xiies. trans. dans les relations amoureuses (Mém. Ant. Normandie, 3es. VII, 527 : Alques se torne à sa mesure O lie se coche, molt li plest Qu'il la conoisse et qu'il la best, Et si fait il, c'est veritez); b) 1461 intrans. (Villon, Testament, 1478 : Sur mol duvet assis, un gras chanoine [...] A son costé gisant dame Sidoine [...] Boire ypocras, a jour et a nuytes, Rire, jouer, mignonner et baisier, Et nu a nu, pour mieulx des corps s'aisier, Les vy tous deux, par ung trou de mortaise); 3. ca 1500 « posséder, tromper, attraper » (Test. de Path., p. 187 dans Moisy : Je suis basi, se Dieu ne m'ayde), attest. isolée; 1881 « posséder, tromper, attraper » (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod.; Baiser − Se faire −. Se laisser tromper grossièrement, se laisser voler. − Etre baisé, être trompé, avoir le dessous dans une affaire d'amour, dans une affaire quelconque, dans une partie de jeu [...] atout, ratatout, le poil de mes ... moustaches et je prends tout ... vous êtes baisée, ma petite mère). Du lat. basiare « donner un baiser » attesté aussi bien pour désigner un baiser entre amants (Catulle, 8, 18, dans TLL s.v., 1773, 46) qu'un baiser de politesse ou de respect (Martial, 10, 72, 7 dans TLL s.v., 1773, 57).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 3 183.
BBG. − Duch. 1967, § 61, 74. − Gall. 1955, p. 97, 381, 525. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Orr (J.). Le Rôle destructeur de l'euphémie. In : O. (J.). Essais d'étymol. et de philol. fr. Paris, 1963, pp. 29-30.