Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
ATTENDRIR, verbe trans.
I.− Emploi trans. Rendre tendre ou plus tendre.
A.− [Le compl. désigne une chose appartenant au monde sensible]
1. Domaine du toucher.Rendre moins dur, diminuer la résistance, la consistance, la solidité d'un corps.
a) [En parlant des aliments] La gelée attendrit les choux. Il faut battre ce gigot pour l'attendrir (Ac. 1835-1878) :
1. Ayant ensuite, par un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates, terrassé ce sexagénaire affaibli, je me saisis d'une grosse branche d'arbre qui traînait à terre, et je le battis avec l'énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefsteack. Baudelaire, Petits poèmes en prose,1867, p. 218.
b) [En parlant de la matière en gén.]
Dans la lang. techn. :
2. L'Académie définit ce mot, rendre tendre et facile à manger. − On attendrit aussi ce qui ne se mange pas : On peut attendrir le fer en le mettant au feu. Lav.Diffic.1892.
Dans la lang. littér. :
3. C'est le premier recul, le garrot se desserre, le ciel se détend et s'aère. Voici revenu le bruit des sources que le soleil noir de la peste avait évaporées. L'été s'en va. Nous n'aurons plus les raisins de la treille, ni les melons, les fèves vertes et la salade crue. Mais l'eau de l'espoir attendrit le sol dur et nous promet le refuge de l'hiver, les châtaignes brûlées, le premier maïs aux grains encore verts, la noix au goût de savon, le lait devant le feu... Camus, L'État de siège,1948, p. 280.
2. P. ext., rare et littér., domaines des autres sensations (ouïe, vue, etc.). Adoucir, atténuer :
4. La chaleur attendrit l'eau dormante et l'air bleu, L'été vert, tout feuillu, tout fleuri, tout mielleux, Crépite sur le bord des routes soleilleuses, La vie afflue et joue au sein de l'herbe heureuse Où la grasse journée embaume et se répand; ... A. de Noailles, Le Cœur innombrable,Fraternité, 1901, p. 167.
B.− Domaine de l'affectivité.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un inanimé abstr. tel que le cœur, l'âme] Susciter une émotion, rendre accessible ou plus accessible à des sentiments de tendresse, de compassion, de pitié :
5. Je ne suis pas Mahomet : je ne lui demande pas de croire à moi; mais son art au moins... son art, mon ami! Elle l'exerce comme une jolie femme, rien de plus. La musique? Elle joue du piano, − et c'est tout. Rien qui la remue, qui la touche, qui l'émeuve, qui l'attendrisse, qui désarme seulement son caractère. E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 301.
6. Racine, qui avait une connaissance habituelle, quotidienne, du pouvoir absolu, fut hanté par le néant de cette toute-puissance devant les passions de l'amour. Si Oreste pour attendrir Hermione, si Hermione pour fléchir Pyrrhus ne possèdent rien que leur tendresse même, en revanche Néron, Mithridate, Roxane détiennent le suprême pouvoir et peuvent dire à ceux qu'ils chérissent : « Aime-moi ou meurs. » Mauriac, La Vie de Jean Racine,1928, p. 114.
SYNT. Attendrir qqn sur qqn ou qqc.; attendrir l'âme, le cœur; se laisser attendrir.
Absolument :
7. Je suis ému, je pleure. Oui, que je te baise sur ce pauvre cœur qui bat pour moi! Oh! Tu es bonne, dévouée! Et fusses-tu née laide, ton âme rayonne dans tes yeux et te rend charmante, d'un charme qui touche et attendrit. Flaubert, Correspondance,1846, p. 311.
2. [Le compl. d'obj. dir. est un inanimé abstr.]
a) [Il représente une attitude, un sentiment tel que la colère, la cruauté, un système ou une doctrine caractérisée par sa sévérité, sa rigueur] Synon. adoucir, assouplir, atténuer, tempérer :
8. Est-il plus vivante et plus persuasive manière de fonder et d'attendrir la méthode d'autorité que celle que Jansénius tire de saint Augustin sans doute, mais qu'il développe ici avec un génie propre? Pascal a résumé le tout en deux mots : « La foi parfaite, c'est Dieu sensible au cœur. » Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 125.
Spéc., chez Chateaubriand. Attendrir la victoire :
9. « Tandis que le triomphateur s'avance entouré de ses légions, que feront les tranquilles enfants des muses? Ils marcheront au-devant du char pour joindre l'olivier de la paix aux palmes de la victoire, pour présenter au vainqueur la troupe sacrée, pour mêler aux récits guerriers les touchantes images qui faisaient pleurer Paul-Émile sur les malheurs de Persée. Et vous, fille des Césars, sortez de votre palais avec votre jeune fils dans vos bras; venez ajouter la grâce à la grandeur, venez attendrir la victoire et tempérer l'éclat des armes par la douce majesté d'une reine et d'une mère. » Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 278.
b) [Il représente une qualité, un sentiment considéré comme positif] :
10. Dieu ne fait pas de différence Entre le zodiaque et toi. L'être insondable est sans frontière. Il est juste, étant l'unité. La création tout entière Attendrit sa paternité. Hugo, Les Chansons des rues et des bois,Liberté, égalité, 1865, p. 268.
II.− Emploi pronom. Devenir tendre ou plus tendre.
A.− [Le suj. désigne une chose appartenant au monde sensible]
1. Domaine du toucher.
a) [En parlant des aliments] Devenir moins dur, moins coriace, plus facile à manger. Les choux s'attendrissent à la gelée (Ac. 1798-1932). Le gibier s'attendrit quand il se faisande (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.) :
11. ... sur terre, elles [les anguilles] dévorent les vers, les insectes, les larves des grenouilles, les chenilles et les limaces. Elles sont en un mot omnivores. Car elles adorent aussi les pois nouvellement semés. Dès que le fruit s'attendrit en germant elles le déterrent et le croquent. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 67.
b) [En parlant de la matière en gén.] :
12. Les grolles! ... Depuis huit jours, on les soigne, on les réchauffe, on les masse, on les imprègne patiemment de la graisse des boîtes de singe, dans l'espoir qu'elles s'attendriront, mais à chaque fois qu'il faut y pousser les pieds gonflés, meurtris, saignants : − Hein! Hein! ... Oh, bon Dieu! ... J'peux pas! ... J'y va nu-pattes moi, à leur saloperie de truc! Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 14.
2. P. ext., littér., domaines des autres sensations (ouïe, vue, odorat) :
13. ... c'est au nez que je reconnaîtrai la patrie de mon enfance. Senteurs d'une fruiterie, fraîches, acides et qui, vers le soir, s'attendrissent, virent doucement au relent de marécage, de verdure fanée, d'aliment mort. Fumet de la blanchisserie qui sent le linge roussi, le réchaud, la fille en nage. Remugle de la boucherie qui tient le « bouillon et bœuf », fade et terrible parfum des bêtes sacrifiées; note résineuse, forestière de la sciure de sapin répandue sur le dallage. Émanations, comme d'un vase, d'une boutique vide que l'on est en train de repeindre. Concert de l'épicerie, aromates, momies d'odeurs, messages de continents perdus au fond des livres. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 92.
B.− Domaine de l'affectivité.
1. Devenir accessible ou plus accessible à des sentiments de tendresse, de pitié.
a) [Le suj. désigne une pers. ou un inanimé abstr. tel que le cœur, l'âme] :
14. Mon cœur soudain s'attendrit, se brisa, s'emplit de pitié, de tendresse, d'amour pour ce pauvre innocent que j'avais voulu tuer. Je le baisai longtemps sur ses cheveux fins : puis je revins m'asseoir devant le feu. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Confession, 1884, p. 462.
SYNT. S'attendrir sur soi-même, sur son sort; s'attendrir pour qqn, pour qqc. Plus rare : s'attendrir de qqc.
Spéc., arg. ,,Arriver à cette période de l'ivresse où l'on sent des flots de tendresse monter du cœur aux lèvres`` (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1866, p. 15). Cf. l'expr. avoir le vin tendre :
15. Le premier avait l'ivresse mauvaise, batailleuse, tandis que l'autre, au contraire, de terrible chenapan qu'il était à jeun, s'attendrissait davantage à chaque verre de vin, devenait d'une douceur et d'une bonhomie d'apôtre soûlard. Zola, La Terre,1887, p. 63.
b) [Le suj. désigne un inanimé abstr. tel que la bonté, la pitié, etc.] :
16. Il n'était pas un mauvais homme, mais un homme demi-bon, ce qui est peut-être pire, faible, sans aucun ressort, sans force morale, au reste se croyant bon père, bon fils, bon époux, bon homme, et peut-être l'étant, si pour l'être il suffit d'une bonté facile, qui s'attendrit aisément, et de cette affection animale, qui fait qu'on aime les siens, comme une partie de soi. R. Rolland, Jean-Christophe,L'Aube, 1904, p. 31.
2. [Le suj. est un inanimé abstr. représentant un sentiment tel que le regret, le désespoir] Devenir moins violent, moins âpre. S'adoucir, s'atténuer :
17. A ces sons plus puissants que la froide parole, Dans l'œil humide encor tu vois les pleurs tarir, Le regret s'attendrit, la douleur se console, L'espérance descend, l'amertume s'envole, Le cœur longtemps fermé s'ouvre par un soupir; ... Lamartine, Harmonies,La Voix humaine, 1830, p. 450.
Rem. On rencontre le néol. fam. attendrifier, verbe (Flaubert, Correspondance, 1853, p. 373); dér. du rad. de attendrir*, suff. -ifier*. Rendre plus tendre ,,Il m'a ouvert en lui des horizons de sentiment qu'à coup sûr je ne lui connaissais pas et qu'il n'avait pas il y a un an. Est-ce lui qui change, ou moi? Je crois que c'est lui. Son concubinage avec Léonie l'a attendrifié. Moi, je me suis recuit dans ma solitude. Ma mère prétend que je deviens sec, hargneux et malveillant. Ça se peut! Il me semble pourtant que j'ai encore du jus au cœur. L'analyse que je fais continuellement sur moi me rend peut-être injuste à mon égard`` (Flaubert, Correspondance,1853, p. 373).
PRONONC. ET ORTH. : (s')attendrir [atɑ ̃dʀi:ʀ], j(e m)'attendris [ʒatɑ ̃dʀi]. Enq. : /atãdʀi/ (il) attendrit. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. atendrir avec un seul t.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1176-81 intrans. atenroier « s'émouvoir, faiblir » (Expl. du Cant. des cant., ms. du Mans 173, fo44 vods Gdf. : De grace encroisse et atenroie Le cuer); début xiiies. atendrir (Auberi, éd. A. Tobler, 66, 29 ds T.-L.) − xviies. ds Hug.; ca 1243-65 soi atenrir (Ph. Mousket, Chron., éd. Reiffenberg, 19175, Bruxelles 1838), attest. isolée, repris au xviies. par Balzac, Lettres, livre IV, 3 ds Dict. hist. Ac. fr., t. 4, p. 311b; b) 1erquart xiiies. trans. atenroiier « émouvoir, amollir » (Reclus de Molliens, Charité, Ars. 3142, fo217a ds Gdf. : Riens ne doit roi atenroiier); ca 1285 atendrir (Chastelain de Coucy, éd. Crapelet, 419 ds T.-L.); 1778 attendrir (qqc.) « tempérer, adoucir » (Gilbert, Mon apologie ds Dict. hist. Ac. fr., t. 4, p. 310b : Mais toujours critiquer en vers pieux et froids... sans qu'une fois au moins votre muse en extase Du mot de tolérance attendrisse une phrase); 2. av. 1280 « rendre moins dur » (Rutebeuf, II, 173 ds Gdf. Compl. : Durs fu li pains et crouste et mie : Li dui n'en menjaissent demie ... Se il atendri ne l'eussent); 1538 attendrir « devenir plus tendre » (H. Est., Apol. pour Hér., p. 365 ds Littré). Dér. de tendre*; préf. a-1*; dés. -er.
STAT. − Attendrir. Fréq. abs. littér. : 1 113. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 634, b) 1 881; xxes. : a) 1 887, b) 1 195. Attendrifier. Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. − Canada 1930. − Gir. t. 2 Rem. 1834, p. 31. − Gottsch. Redens. 1930, p. 413. − Larch. 1880. − Lasnet 1970. − Mont. 1967. − Pierreh. Suppl. 1926.