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ARTISAN, ANE, subst. et adj.
I.− Subst. masc.
A.− Personne exerçant, pour son propre compte, un art mécanique ou un métier manuel qui exige une certaine qualification professionnelle :
1. Ainsi, par exemple, l'artisan est plus heureux que le riche désoccupé, parce qu'il est soumis à un travail impérieux... Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2,1803, p. 387.
2. Outre la mise en œuvre des procédés qui font l'objet de l'apprentissage, un ouvrage réussi exige de l'artisan quelque chose d'autre, (...) quelque chose qui ne s'apprend pas et qu'en désespoir de cause nous appelons le « tour de main »... Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 42.
Rare. [Qualifié par domestique] Personne exerçant un métier manuel pour le compte d'autrui (cf. Flaubert, Salammbô, t. 1, 1863, p. 149).
[Antéposé à un autre subst. qui indique la spécialisation de l'artisan, ou, plus rarement, une fonction que l'artisan ajoute à l'exercice proprement dit de son métier] Artisan serrurier, maître artisan ferronnier, artisan relieur, − forgeron, − tailleur, − coiffeur, − boutiquier.
[Postposé à un autre subst. (qui désigne une fonction, une activité par rapport à laquelle celle d'artisan n'est que secondaire)] Des petits inventeurs-artisans (Céline, Mort à crédit,1936, p. 399).
DR. COMM. ,,Chef ou gérant statutaire d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers qui justifie d'une certaine qualification professionnelle et prend part personnellement à l'exécution du travail. (...) Le titre d'artisan ou de maître artisan (...) est conféré par la Chambre des Métiers sur décision d'une commission de qualification ou de la Commission nationale des Métiers`` (Barr. 1967).
SYNT. Admirable, délicat, grand, habile, honnête, humble, médiocre, merveilleux, modeste, obscur, pauvre, simple artisan; artisan capable, habile, industrieux, laborieux, méticuleux, obscur, talentueux, timide; atelier, corporation, œuvre, travail d'artisan.
Emplois styl. partic.
a) [Introd. par l'art. déf. et gén. précédé d'un adj. mélioratif] Dieu. La perfection de l'artisan divin (Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 42),la gloire du Sublime Artisan (J. Rostand, La Genèse de la vie,1943, p. 24).
b) Arch. Artiste (cf. infra I B 2) :
3. Déjà qualifiés du titre de comédiens du Roy, ils travaillaient à s'affranchir du tribut humiliant qu'ils payaient à la confrérie. Elle subsistait toujours, en effet, sinécure joyeuse, réunion d'artisans débauchés, qui s'enivraient et s'engraissaient aux frais du théâtre. Sainte-Beuve, Tableau hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIes.,1828, p. 255.
Rem. 1. Attesté ds Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Rob. et Quillet 1965 avec la mention ,,vieilli``. Rob. précise qu'il eut ce sens jusqu'au xviiies. 2. Oppos. artisan/artiste. ,,Les deux mots [artisan et artiste] ont été synon. jusqu'à la fin du xviies.; de nos jours, artiste appliqué à celui qui pratique un métier manuel est un compliment, parfois ironique : Artiste capillaire.`` (Bénac 1956). De même, artisan qualifiant un peintre, un sculpteur, un musicien, peut avoir une valeur dépréc. (cf. artiste) : vers d'artisan-poète (L. Veuillot, Les Odeurs de Paris, 1866, p. 91).
B.− Au fig.
1. Celui qui réalise une chose (souvent avec une idée de patience, de minutie, de dextérité); auteur d'une chose :
4. ... et lorsque maintenant sa vie est semée de jouissances, lorsqu'il [l'homme] peut compter chacun de ses jours par quelques douceurs, il a le droit de s'applaudir et de se dire : « C'est moi qui ai produit les biens qui m'environnent; c'est moi qui suis l'artisan de mon bonheur; (...) ». Volney, Les Ruines,1791, p. 43.
Plus rarement (avec une nuance dépréc.). Celui qui provoque quelque chose, qui est la cause de quelque chose :
5. Ce qu'il y avait peut-être encore en lui [mon chagrin] de plus cruel, c'est que j'en fusse moi-même l'artisan conscient, volontaire, impitoyable et patient. Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 610.
Rare. Ce qui provoque quelque chose :
6. Quand ce n'est pas par émiettement, c'est par éboulement que périssent les édifices de terre. L'eau est leur principal artisan de destruction. Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum.,1921, p. 153.
2. Artisan de la parole, artisan de mots (Benda, La France byzantine, 1945, p. 166), artisan du verbe (Béguin, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 381), artisan d'idées (Valéry, Regards sur le monde actuel, 1931, p. 210). Celui qui sait manier les mots, les idées, qui en possède les techniques, qui sait les agencer, les rapprocher habilement, les ordonner avec minutie.
II.− Subst. fém.
A.− Femme qui exerce un métier artisanal :
7. Le plus grand prince, avec tous ses trésors, ne saurait acheter l'amour que l'artisane, la villageoise donne gratis au jeune artisan ou au jeune villageois. Renan, Drames philos.,L'Eau de jouvence,1881, III, 2, p. 478.
Rem. Noter toutefois que la notion de pers. travaillant pour son propre compte semble moins nette qu'au masculin.
Rare, vx. Femme d'un artisan (cf. Littré, rem.)
B.− Au fig. :
8. Mais c'est à cause de cela aussi que je marquais à mon tour dans un précédent journal qu'une fois la conversion pleinement accomplie, c'est une forme de sainteté qui se substitue à la pensée : plus précisément, jointe désormais et comme adhérente à notre vie quotidienne, la pensée est toute requise par ce travail du modelage intime; − et, à son plan de ce travail, l'introspection, telle que j'ai essayé de la définir, reste, d'un point de vue chrétien, une précieuse artisane. Du Bos, Journal,1927, p. 171.
Rem. 1. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Littré (avec la mention : ,,Dans les anciens dictionnaires, on trouve noté que artisane ne se dit qu'au figuré : La sagesse est l'artisane de toute chose``), Guérin 1892 (qui le note comme néol.), Nouv. Lar. ill., Ac. 1932, Rob., Quillet 1965. 2. La forme artisanote est rare et pop. : ,,(...) il en passait de ces effrontées artisanotes`` (P. Arène, Vers la calanque, 1896, p. 102).
III.− Adjectif
A.− Composé d'artisans, relatif à l'artisan :
9. On avait cru trop facilement, dans le principe, qu'on parviendrait à transformer des familles urbaines et artisanes en familles d'agriculteurs, et qu'avec la terre et les outils donnés, on en ferait de petits fermiers, vivant de leurs produits et pouvant en outre payer un bail à la société. Du Camp, En Hollande,1859, p. 195.
B.− Digne d'un artisan, c'est-à-dire d'une personne qui effectue son travail avec beaucoup de soin et de minute :
10. J'y ai renoncé en faveur de la phrase excellente d'Odette elle-même à Guenne : « Il faut vivre dans un cercle dont le diamètre est très proche de soi », − phrase qui a l'avantage d'éclairer en fournissant tout ensemble l'explication et la justification, la phrase de La Bruyère, et ces deux épigraphes ont un sérieux, une dignité, je ne sais quel caractère de probité toute artisane qui vont si parfaitement à Odette qu'il ne faut rien ajouter. Du Bos, Journal,1928, p. 116.
Rem. D'apr. notre docum., cet adj. semble ne s'employer qu'au féminin.
PRONONC. ET ORTH. : [aʀtizɑ ̃]. Enq. : /aʀtizã/. Fér. 1768 a pour le fém. une orth. artisanne (v. aussi Besch. 1845). Les mots en -an ont d'abord formé leur fém. en [ɑ ̃-nə], puis, après dénasalisation de [ɑ ̃] (avant le xvies., v. Fouché t. 2 1958, p. 386), en [a-nə]. Corrélativement on a écrit -anne et, dans les mots apparus postérieurement à la dénasalisation de [ɑ ̃], -ane. Forment leur fém. en -ane tous les mots en -an ds Ac. 1935, et notamment artisan (entré dans la lang. au xvies.), excepté paysan et rouan (Thim. 1967, p. 254 et Thim. Code 1970, p. 45). L'orth. proposée par Fér. 1768 n'a de sens que s'il s'agit de généraliser, arbitrairement, les fém. en -anne. Et, de fait, il écrit par ex. courtisanne, à côté il est vrai de courtisane. Pour le même corpus (Ac. 1935), Thim. 1967, p. 254, indique en ce qui concerne la dérivation : ,,la consonne nasale n'est jamais doublée``, excepté dans les familles an, tyran, tan, van, ahan, chouan, pan, paysan et, irrégulièrement, dans les familles ban et ruban. Artisanal, artisanat et artisanerie, s'ils ne figurent pas tous dans le corpus de Thimonnier (Ac. 1935 n'a que artisanat), sont cependant conformes à la règle.
ÉTYMOL. ET HIST. A.− Subst. 1. 1546 artizan « celui qui exerce un art manuel » (Rabelais, Tiers liv. ch. I ds Gdf. Compl. : Artizans de tous mestiers); 1563 (B. Palissy, Recepte véritable à Mgr le mareschal de Montmorancy ds Dict. hist. Ac. fr.); 2. 1560 artizant « artiste, écrivain » (Du Bellay, Sonnets divers, 31, éd. Chamard, II, 280 ds Hug. : Les artizants qui les premiers seront En marbre, en table, aux chansons et au livre); 1575 artisan (Baïf, Amours de Meline, L. I, [I, 16] ds Hug.) − 1735 (Du Bos, Réflexions critiques sur la Poésie et sur la Peinture, I, p. 4 ds Brunot t. 6, p. 682); 3. 1658 fig. (Balzac, Aristippe, disc. II ds Dict. hist. Ac. fr. : Les courtisans sont la matière, et le prince l'artisan, qui peut bien rendre cette matière plus belle, mais non pas meilleure qu'elle n'est). B.− Adj. 1577 (R. Belleau, Berg. 1rej., fo14 vods Gdf. Compl.). Empr. à l'ital. artigiano (Sar., 19; Nyrop t. 1, § 43; Sain. Lang. Rab., 55; Wind, 143; Kohlm., 29; Brunot t. 2, 109) attesté au sens 1 dep. le xves. (Piovano Arlotto [1396-1484], Motti e facezie del Piovano Arlotto, 173 ds Batt.); l'ital. est dér. de arte « art » avec le suff. -igiano (lat. -ēnsem + -ānum), DEI. Pour les rapports entre artisan et artiste, v. artiste et Brunot loc. cit.).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 678. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 911, b) 500; xxes. : a) 1 038, b) 1 212.
BBG. − Barr. 1967. − Bible 1912. − Cap. 1936. − Cohen 1946, p. 45. − Foulq.-St-Jean 1962. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 70. − Jossier 1881. − Lacr. 1963. − Lar. comm. 1930. − Lemeunier 1969. − Marcel 1938. − Mét. 1955. − Noël 1968. − Pujol 1970. − Romeuf t. 1 1956. − Sar. 1920, p. 19. − Suavet 1970. − Wind 1928, p. 143, 200, 201.