| APPRÉCIER, verbe trans. A.− Percevoir, saisir par les sens : 1. On dit que l'œil du cheval perçoit les objets qui l'entourent dix fois plus volumineux qu'ils ne le sont en réalité. Le chanteur voit, apprécié avec l'œil du cheval.
L. Melchissédec, Pour chanter: ce qu'il faut savoir..., 1913, p. 204. 2. Toute oreille un peu exercée, si elle ne peut apprécier les différentes octaves doubles, entendra au moins... l'octave du son grave, ...
H. Reber, Traité d'harmonie,1949. B.− Évaluer; mesurer quantitativement, chiffrer d'une manière approximative : 3. Il [Gobsek] marmottait de vagues paroles...
− Beaux diamants! ... En connaissez-vous le prix? Non, non, Gobsek est le seul à Paris qui sache les apprécier.
Balzac, Gobsek,1830, p. 413. 4. ... sans doute si on évaluait les poids avec une bonne balance, au lieu de les apprécier à la main, on distinguerait le poids de 11 grammes de ceux de 10 et de 12 grammes...
H. Poincaré, La Valeur de la science,1905, p. 70. 5. Les recherches concernant le protestantisme sont plus difficiles. M. Stuart R. Schram a cependant démontré que pour les régions où la densité des populations protestantes est importante, il est possible de déterminer les zones où l'influence électorale du protestantisme est assez forte pour pouvoir être appréciée, et parfois mesurée.
Traité de sociol.,t. 2, 1968, p. 55. ♦ Emploi pronom. : 6. Surtout dans les régimes de concurrences très incomplètes, l'entreprise n'exerce ses fonctions que par sa vitesse de réaction et sa vitesse d'adaptation. La vitesse de réaction s'apprécie par le temps qui s'écoule entre un événement réalisé ou un événement anticipé...
Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 552. − Au fig. 1. Porter un jugement de valeur sur une personne ou une chose; déterminer l'importance d'un fait, d'un événement. Apprécier l'importance de... : 7. La somme des jours ne compte plus, quand il s'agit d'apprécier la capacité intellectuelle d'une figure sérieuse.
Lautréamont, Les chants de Maldoror,1869, p. 327. ♦ Emploi pronom. : 8. Toute cette vitalité multiforme peut s'apprécier sous le rapport ornemental.
Valéry, Variété 1,1924, p. 260. 2. Plus fréq. Porter un jugement favorable sur une personne ou une chose, en reconnaître la valeur, la qualité, l'importance... a) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ou abstr. dont on reconnaît l'agrément] Aimer, trouver agréable : 9. ... tout était merveilleux, cuit à point et d'une délicatesse rare; les vins furent appréciés surtout par de véritables connaisseurs.
Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 363. 10. Ces poëmes, il faut s'y résigner, seront peu goûtés et peu appréciés.
Leconte de Lisle, Poèmes antiques,1852, p. XVII. 11. Un peu d'insomnie n'est pas inutile pour apprécier le sommeil...
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 651. SYNT. Apprécier un livre, une œuvre, les qualités de, la musique; apprécier qqc. à sa juste valeur. b) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Reconnaître sa valeur, surtout au plan intellectuel, professionnel, social, etc.; être sensible à ses qualités : 12. ... il était assez fier pour juger qu'on l'avait apprécié; mais il ne savait pas au juste ce que grand-père avait le plus admiré en lui : si c'étaient ses talents d'auteur dramatique, de musicien, de chanteur, ou de danseur.
R. Rolland, Jean-Christophe,L'Aube, 1904, p. 84. ♦ Emploi pronom. réciproque : 13. Lisant l'autre matin le début de l'étude de Paule Régnier sur Drouot, je notai plus d'un trait par où Rivière et lui étaient faits pour se comprendre et s'apprécier.
Du Bos, Journal,1925, p. 350. ♦ Emploi pronom. réfléchi : 14. Les soirs où je m'apprécie particulièrement, je me contemple en chemise dans la glace longue...
Colette, Claudine à Paris,1901, p. 255. PRONONC. ET ORTH. : [apʀesje], j'apprécie [ʒapʀesi]. Enq. : /apʀesi/ (il) apprécie. Fér. Crit. t. 1 1787 admet la var. aprécier. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1391 « déterminer le prix, la valeur » (Cout. d'Anjou et du Maine, I, 365, B-B. ds R. Hist. litt. Fr. t. 2, p. 257 : Et quant aux monstreées sur les restablissemens, le monstreur ne sera point contraint de monstrer les choses restablies ou cas qu'elles seront apreciees et ne seront en essence); 2. 1403 « juger, évaluer » (Le Livre de l'Internelle consolacion, II, 50 ds Dict. hist. Ac. fr. : Aymer ce qui est à aymer, loer ce qu'il vous plaist souverainement, et aprecier ce qui vous est precieux); p. ext. 1712 « faire cas de, estimer » (Collin d'Harleville, Le Vieux Célibataire, I, 2, ibid.).
Empr. au lat. chrét. appretiare; 1 « déterminer, évaluer » dep. Itala, Cod. Lugd. lev., 27, 8 ds TLL s.v., 308, 58. STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 127. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 293, b) 3 198; xxes. : a) 2 678, b) 2 909. BBG. − Bonnaire 1835. − Gramm. t. 1 1789. − Jossier 1881. |