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ALARMER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− Rare. [Avec un compl. désignant une ou plusieurs pers.] Donner l'alarme, appeler aux armes :
1. Par malheur, les soldats à minuit trois quarts qu'il était alors, n'étaient pas encore endormis; pendant qu'il marchait à pas de loup sur le toit de grosses tuiles creuses, Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur le toit, et qu'il fallait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 365.
P. ext. Avertir d'un danger, mettre en garde, alerter (avec le cas échéant une idée de trouble) :
2. ... vos paroles, animées d'une vertueuse énergie, lanceraient tour à tour sur les hommes dépravés les foudres de l'indignation et les traits pénétrants du sarcasme. Vous n'iriez point contrister le pauvre, alarmer la conscience du faible, et baisser, devant le vice puissant, un œil indignement respectueux; mais votre voix, généreuse autant que sévère, flétrirait jusque sous la pourpre les bassesses de la flatterie et de la corruption des cours. P.-L. Courier, Pamphlets politiques,Procès de Paul-Louis Courier, 1821, p. 106.
3. Cette translation des religieuses eût, laissé libre leur bâtiment de Paris : le bruit courut que les Jésuites le voulaient acheter et y établir un séminaire. Ici les amis de Port-Royal s'agitèrent trop. Ils espéraient toujours qu'un temps prochain viendrait où l'on pourrait réintégrer les captives dans leur monastère, et où Sion, comme on disait, reverrait sa tribu fidèle. Pour cela ils désiraient que la maison fût conservée libre et vacante, et, croyant mieux parer à cette migration des sœurs de Paris aux Champs, ils eurent l'idée d'alarmer et de mettre en mouvement Messieurs de Saint-Sulpice, qui, naturellement, n'auraient pas vu avec plaisir un séminaire rival s'élever dans le faubourg Saint-Jacques sous la direction des Jésuites. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, pp. 587-588.
4. L'Angleterre, alarmée par la réunion de la Savoie et de Nice, soupçonnait la France napoléonienne de préparer d'autres conquêtes. D'autre part, le principe des nationalités, auquel l'empereur restait fidèle, et qu'il n'aurait pu abandonner sans soulever contre lui l'opinion libérale, l'introduisait dans de nouveaux embarras ajoutés à ceux qu'il rencontrait déjà en Italie. J. Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, p. 205.
5. J'ai dû m'interrompre pour mener Gustave chez le docteur. Dieu soit loué! Je suis sortie de la consultation très rassurée. Marchant nous avait alarmés, de sorte qu'heureusement nous avons pris le mal à temps. A. Gide, L'École des femmes,1929, p. 1281.
Emploi abs. :
6. Pour cet homme-là les jours de fêtes sont des jours d'inquiétude; le brouillard est son ennemi. Il ne dîne point alors; il ne dort point. Je l'imagine allant et venant, sur sa puissante voiture, le long des dangereuses lignes de sortie, tombant à l'improviste, à la manière du petit caporal, sur les sentinelles isolées ou sur les subalternes dormants. Par lui-même il observe les feux verts et les feux rouges; et, d'après ce qu'il remarque, il alarme, il ralentit, il bloque, il dégage. Je ne conçois pas d'autre manière de diriger un réseau; ou bien alors ceux qui prétendent diriger se moquent de nous. Alain, Propos,1934, p. 1199.
B.− Effaroucher, mettre dans un état de grand trouble, d'inquiétude en raison d'un danger.
1. [Le compl. dir. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] :
7. L'état craintif, chagrin, douteux, tient en moi à une sorte de mécanisme organique dont l'effet est complètement indépendant de ma volonté. Dans cet état qui est une vraie maladie, je ne suis propre à rien; toutes mes déterminations sont incertaines et extrêmement mobiles; le moindre objet me trouble et suffit pour m'alarmer; je suis mécontent de tout ce qui vient de moi; j'efface à mesure ce que je viens d'écrire; je reste une heure pour construire laborieusement une phrase qui ne fait rien au sujet principal dont je m'occupe et qu'il faudra rayer... Maine de Biran, Journal,1819, p. 218.
8. Ce soir le bureau est fermé, ce n'est que demain à neuf heures que je recevrai cette lettre qui doit me rassurer ou m'alarmer. Une heure après je pars pour Lyon, où je serai samedi matin; là encore j'espère recevoir un mot de vous. A.-M.-J.-J. Ampère, Correspondance et souvenirs,1824, p. 298.
9. Les dangers dont vous pensiez m'effrayer m'alarment si peu d'ailleurs que je croirais commencer à être coupable si je pensais à me prémunir contre eux. Ch. Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 177.
Alarmer l'opinion :
10. Il fit écrire par des hommes à sa dévotion et insérer dans plusieurs journaux officieux des articles qui, semblant exprimer la pensée même de Paul Visire, prêtaient au chef du gouvernement des intentions belliqueuses. En même temps qu'ils éveillaient un écho terrible à l'étranger, ces articles alarmaient l'opinion chez un peuple qui aimait les soldats, mais n'aimait pas la guerre. A. France, L'Île des pingouins,1908, pp. 388-389.
11. ... les troupes absentes de leurs garnisons avaient reçu l'ordre d'y rentrer; en outre, le bruit commençait à courir du rappel des deux dernières classes. Cependant, la perspective de la guerre, malgré les précautions prises pour ne pas alarmer l'opinion, commençait à se faire sentir dans le pays. Je n'en veux pour preuve que la démarche accomplie au ministère de la Guerre, dans cette journée du 29, par M. Deviès, chef de service au Creusot. J. Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 216.
Emploi abs. :
12. Dans ces découvertes des commissaires de Saint-Martin-Des-Champs, tout est fait pour alarmer, tout est fait pour jeter l'effroi dans les âmes. Encore n'est-ce là qu'un aperçu pris sur les lieux : que serait-ce, s'ils avaient approfondi l'affreux mystère, s'ils avaient eu communication des registres d'entrée et de sortie, dont le directeur en chef leur avait d'abord offert l'examen, et qu'il leur a refusé ensuite, sous prétexte de travailler à un relevé pour le comité des subsistances! Marat, Les Pamphlets,Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, p. 180.
2. Littér. [Le compl. dir. est un inanimé abstr., désignant un sentiment, une vertu ou tout autre aspect de la sensibilité] :
13. Une femme ordinaire dont on voudrait exalter l'attachement aurait besoin qu'on fût avec elle léger, inconséquent, inégal, tantôt affectueux, tantôt froid, il faudrait feindre d'autres inclinations, partir, revenir, alarmer sa vanité pour exciter sa jalousie, jouer un rôle, enfin. Je ne suis point comédien et tu es loin d'être une femme ordinaire. V. Hugo, Lettres à la fiancée,1821, pp. 58-59.
14. J'avais relié mon trésor poétique en carton vert, couleur de bon augure pour une gloire en espérance. Je l'avais caché à ma mère dont la chaste et pieuse pureté d'esprit aurait été alarmée par la volupté plus antique que chrétienne de quelques-unes de ces élégies. A. de Lamartine, Raphaël,1849, p. 246.
15. L'animosité de ses adversaires et la rancune des partis qu'il croyait avoir désarmés l'attristaient dans son âme. Il souffrait de n'avoir pas conquis, après tant de sacrifices, l'estime des conservateurs, qu'il mettait intérieurement à plus haut prix que l'amitié des républicains. Il fallait inspirer au Phare des réponses habiles et énergiques, conduire une polémique vive et peut-être longue. Cette idée troublait la paresse profonde de son esprit et alarmait sa sagesse qui redoutait toute action comme une source de périls. A. France, L'Orme du mail,t. 2, 1897, p. 216.
16. Il faut avoir son rythme à soi et faire constamment en sorte qu'il ne coïncide avec celui d'aucun autre. Marcher du même pas que quelqu'un, c'est déjà attenter un peu à sa liberté, et, parfois, alarmer sa pudeur. Il faut vivre avec des millions d'êtres qui sont nos semblables en affectant non seulement de ne pas les voir, mais encore en s'appliquant à les fuir poliment, socialement. G. Duhamel, Confession de minuit,1920, pp. 98-99.
II.− Emploi pronom. Prendre peur devant un danger, s'inquiéter vivement.
A.− [Le suj. est une pers.] :
17. Annette, par suite de sa croyance que nul ne faisoit mal, n'avoit pas été inquiète, elle ne s'étoit alarmée que pour sa mère : ... H. de Balzac, Annette et le criminel,t. 2, 1824, p. 33.
18. Trop loin de soupçonner ce qui se passait en elle pour pouvoir s'en alarmer, Mademoiselle de la Seiglière s'abandonnait sans trouble aux sensations qui affluaient à son cœur comme les flots d'une nouvelle vie. J. Sandeau, Mademoiselle de la Seiglière,1848, p. 176.
19. ... à ce moment, Angélique s'aperçut qu'elle avait les pieds nus et que Félicien les voyait. Une confusion l'envahit. Elle n'osait plus bouger, certaine que, si elle se levait, il les verrait davantage. Puis, elle s'alarma, perdit la tête, se mit à fuir. É. Zola, Le Rêve,1888, pp. 85-86.
20. Ma mère réprima un frémissement, car d'une sensibilité plus prompte que mon père, elle s'alarmait pour lui de ce qui ne devait le contrarier qu'un instant après. Les désagréments qui lui arrivaient étaient perçus d'abord par elle comme ces mauvaises nouvelles de France qui sont connues plus tôt à l'étranger que chez nous. M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 465.
B.− Littér. [Le suj. est un inanimé abstr. exprimant un aspect de la sensibilité] :
21. J'ai tremblé quelquefois pour ma Victorine sans le lui dire; je la voyais sur une mer orageuse, avec un excellent pilote à la vérité, qui est sa vertu, mais tant d'écueils étaient sur sa route, qu'il était naturel à l'amitié de s'alarmer; enfin, pour continuer ma figure, vous voilà dans le port; dans un port qui s'est trouvé près de vous, et que vous ne pouviez espérer de trouver, et le vent le plus favorable, le plus inattendu vous y a poussée à pleines voiles. G. Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1880.
22. Elle s'enveloppait dans son chiffon, avec une pudeur qui s'alarmait des moindres trous. É. Zola, Son Excellence Eugène Rougon,1876, p. 72.
Rem. Les emplois abs. de la forme pronom. du verbe sont rares (ex. 19), à moins de l'existence, dans le voisinage, d'un mot précisant les conditions de l'alarme (ex. 21). Gén. un compl. de nom indique soit la cause matérielle ou morale de la peur (prép. de, ex. 18, 22), soit la pers. qui est l'objet de l'appréhension (prép. pour, ex. 17, 20).
Prononc. − 1. Forme phon. : [alaʀme], j'alarme [ʒalaʀm]. Enq. : /alaʀm/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : alarmant, alarme, alarmé, alarmisme, alarmiste. Cf. arme.
Étymol. ET HIST. − 1. 1616-1620 trans. « donner l'alarme, appeler aux armes un corps de troupe » (A. D'Aubigné, Hist. Universelle, III, V, 12 ds Gdf. Compl. : Ils coururent alarmer le corps de garde), qualifié de vieilli par DG; 2. 1641-42, pronom. fig. « s'effrayer, s'inquiéter » (Corneille, Polyeucte, I, 1, v. 3-4 : Et ce cœur, tant de fois dans la guerre éprouvé, S'alarme d'un péril qu'une femme a rêvé!); 3. 1665 trans. fig. alarmer « éveiller, remuer (les désirs), mettre en émoi » (Molière, Don Juan, I, 2 : Oui, je ne pus souffrir d'abord de les voir si bien ensemble; le bruit alarma mes désirs). Dér. de alarme* au sens propre et fig.; dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 317. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 802, b) 388; xxes. : a) 254, b) 302.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Guizot 1864. − Lav. Diffic. 1846. − Sommer 1882. − Synon. 1818.