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ALARME, interj. et subst. fém.
I.− Interj., vx, rare. Alarme! Aux armes!
1. Le jeune prince était déjà dans le cabinet en charpente, au milieu du pont. Le duc s'avança, laissant ses gens un peu derrière lui. La foule qui se pressait devant les barrières au bout du pont le vit ôter son chaperon de velours noir, puis mettre un genou en terre devant le dauphin. À peine s'était-il relevé, qu'on entendit crier : « Alarme, alarme! Tue, tue! » et l'on aperçut les gens du dauphin frappant le duc de leurs haches et de leurs épées. P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 4, 1821-1824, p. 257.
2. Les charrois, les prolonges, les bagages, les fourgons pleins de blessés, voyant les Français gagner du terrain et s'approcher de la forêt, s'y précipitaient; les Hollandais, sabrés par la cavalerie française, criaient : Alarme!... V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 403.
3. Soudain les fenêtres du couvent s'ouvrirent, et les religieuses apparurent, riant et chantant à gorge déployée. Elles chantaient un vieux Noël en patois lorrain, un Noël gothique, comme on dit dans le pays, tout plein d'images paysannes de guerre et de pillage. Alarme, Compagnons, Car je vois de bien loin Une grosse troupe de gendarmes et soldats Qui nous prendront nos troupeaux tout à l'heure. M. Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 183.
II.− Subst. fém.
A.− Signal pour appeler aux armes, pour annoncer l'approche de l'ennemi, et par extension pour avertir de tout danger matériel ou moral, réel ou supposé. Cloche d'alarme, cri d'alarme; donner, sonner l'alarme :
4. Au seizième siècle, quand la mode arriva de nommer l'empereur à Francfort, tantôt dans la salle du Roemer, tantôt dans la chapelle-conclave de Saint-Barthélemy, l'élection devint une cérémonie compliquée (...). Dès le matin du jour fixé pour l'élection, on fermait les portes de la ville, les bourgeois prenaient les armes, les tambours du camp sonnaient, la cloche d'alarme tintait; les électeurs, vêtus de drap d'or et revêtus de la robe rouge doublée d'hermine, coiffés, les séculiers du bonnet électoral, les archevêques de la mitre écarlate, recevaient solennellement le serment du magistrat de la ville, qui s'engageait à les garantir de la surprise l'un de l'autre;... V. Hugo, Le Rhin,1842, p. 274.
5. En ce moment, un sifflement assourdissant se fit entendre au-dessus des bruits de l'ouragan. La vapeur fusa avec violence, non du tuyau d'échappement, mais des soupapes de la chaudière; le sifflet d'alarme retentit avec une force inaccoutumée; le yacht donna une bande effroyable, et Wilson, qui tenait la roue, fut renversé par un coup de barre inattendu. J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, pp. 52-53.
6. Les enfants étaient partis pour Étretat à bicyclette. Par besoin de m'occuper, j'ai voulu aller à Criquetot porter deux lettres et prendre possession de l'enveloppe chargée que je savais être arrivée. Le tocsin s'était tu; après l'immense alarme promenée sur tout le pays, il n'y avait plus qu'un oppressant silence. Une pluie fine tombait par instants. Dans les champs quelques gars prêts à partir continuaient leur labour; j'ai croisé sur la route Louis Freger, notre fermier, appelé le troisième jour, et sa mère qui va voir s'en aller ses deux enfants. Je n'ai su que leur serrer la main sans rien dire. A. Gide, Journal,1914, p. 451.
7. Nulle part les pompiers ne circulent autant qu'ici. À toute occasion ils s'élancent. Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours; à chaque pas, un poste d'alarme et des bouches à eau, grosses comme des canons de siège; les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre quarante secondes après l'alerte. Aussitôt qu'on entend la plainte déchirante de leur sirène, suivie du glas de la cloche, tout s'interrompt et les pompes, aussi belles que le feu lui-même, passent, rapides comme la flamme. P. Morand, New-York,1930, pp. 214-215.
8. Les contrôles de l'atmosphère sont faits par des appareils enregistreurs fixés auprès des grandes installations au voisinage des centres atomiques, et dans l'ensemble du pays. Ces appareils peuvent être munis de dispositifs d'alarme quand une dose dangereuse est atteinte. Un service de protection est appelé à surveiller chaque opération délicate et à fixer le temps qu'un opérateur peut passer dans des zones actives. B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, pp. 224-225.
Spécialement
CH. DE FER. Signal, sonnerie ou sonnette d'alarme. Dispositif mis à la portée des voyageurs pour provoquer l'arrêt immédiat du train en cas de danger :
9. Les feux rouges des signaux du chemin de fer brillaient dans la vitre. La sonnerie d'alarme résonnait, grêle, soutenue, et Rose-Anna crut entendre un appel désespéré qui la tirait du sommeil. Quelqu'un avait besoin d'elle... Quelqu'un l'appelait... G. Roy, Bonheur d'occasion,1945, p. 451.
MÉD. ou PSYCHOL. Réaction d'alarme. Réaction de défense de l'organisme contre une lésion en un point particulier (cf. homéostasie) ou réaction à des stimulations subites et anormales :
10. ... je sentirai d'abord un grand tumulte des muscles et du sang, une défense commencée, un trouble total, d'où je démêlerai ensuite, par une exploration active et prudente, la douleur de brûlure ou de piqûre en un point déterminé. Les esprits attentifs remarqueront que lorsqu'ils se trouvent réveillés par quelque cause, c'est d'abord leur propre tumulte qui les réveille, c'est-à-dire les premiers mouvements de la défense. Bref, c'est toujours une alarme musculaire qui nous avertit, ce qu'exprime très bien le sursaut. Alain, Propos,1931, p. 994.
11. L'harmonie des fonctions organiques donne le sentiment de la paix. Quand la présence d'un organe atteint le seuil de la conscience, cet organe commence à mal fonctionner. La douleur est un signal d'alarme. A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 130.
B.− Par métaph. et au fig. État de trouble, d'agitation, suscité par la crainte d'un ennemi, d'un danger.
1. Au sing. :
12. Le comte de Blois s'employa encore, et, par menaces et par exhortations, il parvint à sauver Valenciennes. Si l'on fût entré à Gand, comme on l'eût pu faire au premier moment, lorsque la victoire de Roosebeke y avait jeté l'alarme et le trouble, la guerre eût été finie; mais les pillages de l'armée française, et le peu d'obéissance qu'on y trouvait, furent cause que les Gantois eurent le temps de se remettre. P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-1824, p. 268.
13. Nous aurons apparemment été saisis d'une frayeur subite de la république; l'ombre sanglante de la Convention nous sera apparue; nous nous serons vu proscrit de nouveau, et dans notre terreur panique, nous aurons cru devoir sonner l'alarme. F.-R. de Chateaubriand, Polémique,1818-1827, p. 490.
14. Une effroyable panique s'était déclarée dans un bataillon de zouaves composé de recrues, le reste des troupes venait d'être emporté, au milieu d'une débandade telle, que ce galop de déroute ne s'arrêta que derrière les remparts, dans Paris, où l'alarme fut immense. É. Zola, La Débâcle,1892, p. 568.
15. Ai-je parlé à une seule âme vraiment chrétienne? Je n'ose le croire. Ah! que ne puis-je crier en vous! sonner l'alarme au fond de vos cœurs charnels! vous donner l'inquiétude salutaire, la sainte peur de trouver votre Rédempteur parmi vos victimes? L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 284.
16. Pour le patriotisme, il faut une patrie. Et il n'y a point de patrie sans justice. Il n'y a pas de patrie sans droit. Ceux-là seuls aujourd'hui sont des patriotes clairvoyants qui jettent le cri d'alarme, et montrent la France elle-même menacée par le privilège d'infaillibilité galonnée qui hier nous a perdus, qui demain nous conduirait aux abîmes. G. Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 140.
17. De son regard impétueux, vigilant, éperdu, [il] avait l'air, avec une impassibilité militaire ou une foi surnaturelle − allégorie de l'alarme, incarnation de l'attente, commémoration du branle-bas − d'épier, ange ou vigie, d'une tour de donjon ou de cathédrale, l'apparition de l'ennemi ou l'heure du jugement. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, pp. 325-326.
18. Cependant la confusion s'aggravait dans le pays. Les Anglais et les Navarrais dévastent les campagnes. Des bandes armées, les grandes compagnies, se livraient au brigandage. Paris, qui s'entourait en hâte de murs, s'emplissait de réfugiés qui répandaient l'alarme et la fièvre. J. Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 98.
19. Jusqu'ici, nous ne possédions que des indices d'attaque. La première alarme fut donnée par des déserteurs qui, les 6 et 7 février, signalèrent des concentrations de troupes importantes sur la rive gauche de la Meuse et dans la région de Damvillers. J. Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 204.
20. Je me dirigeai vers Saintes afin d'y prendre le contact des troupes du colonel Adeline. La Saintonge, sous les drapeaux de la libération qui paraissaient partout aux fenêtres, vivait en état d'alarme. Car les Allemands occupaient, d'une part Royan et l'île d'Oléron, d'autre part La Rochelle et Ré. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 16.
Proverbe. L'alarme est au camp. Expression traduisant une grande inquiétude ou un grand trouble collectif :
21. ... vous verrez la droite bâiller, le ministère se moucher, le centre aller à ses affaires. Mais que Foy, dans ce moment de verve applaudi de toute la France, prélude une espèce d'apostrophe, sans autrement, peut-être, y penser, on dresse l'oreille aussitôt, l'alarme est au camp, les muets parlent, tout s'émeut; et, s'il eût continué sur ce ton (mais il aima mieux rendre hommage aux classes élevées), s'il eût pu soutenir ce style, la scène changeait; M. Pasquier, surpris comme un fondeur de cloches, eût remis ses lois dans sa poche; et moi, petit propriétaire, ici je taillerais ma vigne, sans crainte des honnêtes gens. Ô puissance de l'apostrophe! P.-L. Courier, Pamphlets politiques,Lettres au rédacteur du « Censeur », 1819-1820, p. 41.
(Être) en alarme. (Être) dans un état d'inquiétude et sur le qui-vive :
22. Mmede Villeparisis entendit ces derniers mots. Elle en parut contrariée. S'il ne s'était agi d'une chose qui ne pouvait intéresser un sentiment de cette nature, il m'eût paru que ce qui semblait en alarme à ce moment-là chez Mmede Villeparisis, c'était la pudeur. Mais cette hypothèse ne se présenta même pas à mon esprit. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 283.
23. Il n'aimerait jamais plus comme il avait aimé; il se prêtait, mais ne se donnait pas, susceptible et toujours en alarme, surveillant tout son moi comme un garde-chasse aux aguets. On n'entreprendrait plus rien sur lui, on n'entrerait plus dans son âme. J. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 44.
2. P. ext., le plus souvent au plur. Vive inquiétude :
24. ... ma plume est libre encore, et tant que vous serez au timon des affaires, elle vous poursuivra sans relâche : sans cesse elle dévoilera vos malversations, sans cesse elle éventera vos projets funestes, sans cesse elle publiera vos attentats; pour vous ôter le temps de machiner contre la patrie, elle vous arrachera au repos, elle rassemblera autour de votre chevet les noirs soucis, les chagrins, les craintes, les transes, les alarmes, jusqu'à ce que laissant tomber de vos mains les chaînes que vous nous préparez, vous cherchiez vous-même votre salut dans la fuite. Marat, Les Pamphlets,Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, pp. 195-196.
25. Dans Manon Lescaut et Des Grieux, le libertinage est peint de ses couleurs; l'amour et la bonté du naturel l'excusent, mais ils ne le déguisent pas : dans Julie et Saint-Preux il a si bien le ton, le langage, la contenance de la vertu, qu'on le prendrait presque pour elle. Tout ce que la faiblesse peut avoir de grâce et de décence dans ses faux pas et dans ses chûtes, les premières alarmes de la pudeur, ses timides délicatesses, ses imprudences, ses oublis, ses refus attrayants, ses résistances inutiles; tout cela, dis-je, est nuancé avec un artifice qui enchante au lieu d'épouvanter. J.-F. Marmontel, Essai sur les romans,1799, p. 330.
26. Ma mère ne vivait pas tant elle était dominée par l'imagination qui lui peignait tout en noir et en terrible : elle craignait tout, redoutait tout, souffrait de tout, se blessait à tout, se faisait des monstres de tous. Elle ne vivait que d'allarmes et de frayeurs, et son imagination, ingénieuse à la tourmenter, multipliait sans cesse autour d'elle toutes les tortures de la crainte, et souvent du désespoir. J'ai malheureusement hérité de cette terrible imagination de ma mère et j'ai subi ses désastreuses conséquences. Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du Journal,1833, p. 155.
27. ... ne vous y trompez pas, le scrupule n'est pas l'alarme d'une conscience délicate, qui porte à craindre et à éviter avec sollicitude le péché, mais la vaine appréhension mal fondée et pleine d'angoisse qui, avec un art diabolique, cherche et arrive à voir le péché là où il n'est pas. E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 200.
28. L'histoire démontre (...) que le mouvement, la guerre, les alarmes sont le vrai milieu où l'humanité se développe, que le génie ne végète puissamment que sous l'orage, et que toutes les grandes créations de la pensée sont apparues dans des situations troublées. E. Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 419.
29. Forcément dans ces heures où las de se battre contre des phrases, il jetait sa plume, il regardait devant lui et ne voyait dans l'avenir que des sujets d'amertumes et d'alarmes; alors il cherchait des consolations, des apaisements, et il en était bien réduit à se dire que la religion est la seule qui sache encore panser, avec les plus veloutés des onguents, les plus impatientes des plaies;... J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, pp. 21-22.
30. L'homme est ainsi (...) pétri de rêves et de visions, tissé dans une étrange étoffe, invisible, changeante, captieuse. L'étoffe de la peur (...)! Et nous peuplons ainsi de fantômes le chemin où nous marchons. De craintes en alarmes, de peurs en angoisses, nous avançons alors vers le mystère définitif. Mais ces fantômes ne méritent pas qu'on s'y arrête. Les vrais malheurs de l'homme sont autrement sérieux, ... A. Camus, Un Cas intéressant,adapté de D. Buzzati, 1955, pp. 620-621.
Prononc. ET ORTH. : [alaʀm]. − Rem. Fér. 1768 écrit le mot allarme avec deux l. Littré fait à ce suj. la rem. suiv. : ,,Dans le xviies. on écrivait volontiers allarme et beaucoup de livres ont cette orthographe.`` Il rappelle également que ,,Dans le xvies. on faisait indifféremment alarme masculin ou féminin.`` (cf. aussi Quillet 1965).
Étymol. ET HIST. I.− Interj. 1. av. 1307 « cri, signal pour faire courir aux armes, pour annoncer l'approche de l'ennemi (sens propre) » (Guiart, Roy. lingn., I, 2650, Buchon ds Gdf. Compl. : Criant partout alarme, alarme), « id. » (Id., ibid., 5292 ds T.-L. : a l'arme!); 2. 1569 « id. » emploi fig. (Calvin, Serm. sur le liv. de Job, 150 [XXXV, 394] ds Hug. : N'attendons point que le jour du combat soit venu : car c'est bien tard quand les trompettes auront sonné à l'arme, et qu'on chocque, de dire alors, Appointons). II.− Subst. 1470 « frayeur, vive inquiétude » (Trahis. de France, chron. belg., p. 97 ds Gdf. Compl. : L'ost, duquel sourdist ung gros alarme); 1571 « id. » (M. de La Porte, Epithètes ds Hug. : Alarme... Ceste diction est prinse tant au masc. que fém. genre). Empr. à l'ital. all'arme (> allarme) littéralement « aux armes » interj. puis subst.; attesté comme interj. dep. le déb. xives. (G. Villani, Cronica, 8, 8 ds Batt. t. 1 1961). Malgré la date anc. de l'empr. l'hyp. ital. est préférable à une orig. fr. (FEW, 2ehyp.), car en cette lang. l'interj. aurait été as armes.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 816. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 2 088, b) 992; xxes. : a) 770, b) 693.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bonnaire 1835. − Bruant 1901. − Daire 1759. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Gottsch. Redens. 1930, p. 320. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Piéron 1963. − Pope 1961, § 57, 606, 777. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − St-Edme t. 1 1824. − Synon. 1818.