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ALAMBIC, subst. masc.
A.− Appareil composé essentiellement d'une chaudière en forme de cornue surmontée d'un gros tuyau terminé par un serpentin placé dans une cuve d'eau froide, et qui sert à distiller :
1. Un pandémonium! où sur la même ligne, Se heurtent mille objets fantasquement mêlés. − Maigres chauves-souris aux diaphanes ailes, Se cramponnant au mur de leurs quatre ongles frêles, Bouteilles sans goulot, plats de terre fêlés, Crocodiles, serpents empaillés, plantes rares, Alambics contournés en spirales bizarres, Vieux manuscrits ouverts sur un fauteuil bancal, Fœtus mal conservés saisissant d'une lieue L'odorat, et collant leur face jaune et bleue Contre le verre du bocal! T. Gautier, Albertus,1833, p. 127.
2. − Savez-vous, dit-elle, Monsieur le Comte, que vous êtes un terrible argumentateur, et que vous voyez le monde sous un jour quelque peu livide? Est-ce donc en regardant l'humanité à travers les alambics et les cornues que vous l'avez jugée telle? Car vous aviez raison, vous êtes un grand chimiste, et cet élixir que vous avez fait prendre à mon fils, et qui l'a si rapidement rappelé à la vie... A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 766.
3. La cuisine est en même temps le laboratoire. Un alambic monstrueux y courbe parmi les casseroles l'effrayante longueur de son cuivre qui fume et souvent on ne peut mettre le pot au feu à cause des préparations pharmaceutiques. G. Flaubert, Correspondance,1853, p. 316.
4. La sève s'écoule alors dans le récipient et devient, après fermentation, une boisson gazeuse assez agréable. Soumise à l'alambic, elle se réduit de moitié et donne une eau-de-vie blanche de vingt-deux degrés. M. Du Camp, Le Nil, Égypte et Nubie,1854, p. 297.
5. Mais la curiosité de la maison était, au fond, de l'autre côté d'une barrière de chêne, dans une cour vitrée, l'appareil à distiller que les consommateurs voyaient fonctionner, des alambics aux longs cols, des serpentins descendant sous terre, une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards. É. Zola, L'Assommoir,1877, p. 404.
6. La mer est l'alambic d'où jaillit son éveil [de la goutte de pluie]. Cet alambic (...) Présente (...) l'équateur pour chaudière. Les hauts confins de l'air en sont le chapiteau. J. Richepin, La Mer,1886, p. 336.
7. Les lois les plus élevées des sciences physiques ont été constatées par des manipulations fort peu différentes de celles de l'artisan. Si les plus hautes vérités peuvent sortir de l'alambic et du creuset, pourquoi ne pourraient-elles résulter également de l'étude des restes poudreux du passé? E. Renan, L'Avenir de la science,1890, pp. 212-213.
8. On sait que l'affaire capitale en Armagnac est de « brûler », de distiller son vin. Or, le premier voisin passe pour dégustateur-né. Dès que le fin filet blanc parfumé coule de l'alambic, tiède encore du feu éprouvé, on met des châtaignes sous la cendre, et on « galope » pour le chercher. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 1, 1925, p. 17.
9. Ces études sur les explosifs me passionnaient maintenant pour elles-mêmes. Un problème d'ordre technique, en particulier, s'était posé : le même que Turpin a résolu plus tard. Peinant ainsi entre mes creusets, mes alambics et mes cornues, avec le bruit de la canonnade dans le lointain, un étrange sentiment se développait en moi : ces substances, ces gaz, ces acides, ces métaux que je manipulais, autant de forces naturelles au repos devant moi et dans mon laboratoire, mais qui portaient cachées en elles, de formidables puissances de destruction. P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 13.
10. Il y a, dans l'art et dans le sport, des questions de chambre noire et d'alambic qui passionnent les foules. L.-P. Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 10.
11. Il était une fois un alchimiste qui étudiait les mystères de la vie. Il se fit que de ses cornues, de ses alambics, de ses drogues il retira un minuscule fragment de pâte vivante. A. de Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 693.
Rem. 1. En raison de ses formes souvent complexes et bizarres pour le profane, l'alambic apparaît parfois comme un objet chargé de mystère quand il évoque le domaine de la chim. (ex. 2, 3, 7, 9), voire celui de l'alchim. (ex. 1, 10, 11). Noter aussi l'assoc. fréq. alambic/cornue (ex. 2, 9, 11). 2. Syntagmes rencontrés alambic de verre, alambic de cuivre, alambic de terre, le bec d'un alambic, le col d'un alambic, la panse d'un alambic, la voûte d'un alambic, déflegmateur ou rectificateur d'un alambic-; carafe à col d'alambic « à goulot recourbé » :
12. Les assiettes et les carafes à col d'alambic réverbéraient comme des vers luisants les mille points de lumière des briques trouées, à travers l'énorme nature morte. A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 604.
B.− Au fig., vieilli. [Pour suggérer une idée de recherches très compliquées, de raisonnement subtil] Ce raisonnement est tiré à l'alambic (Littré); poésie à l'alambic (Lar. 19e).
Passer par l'alambic. Passer une affaire par l'alambic (Besch. 1845) :
13. ... quel dommage qu'en passant par l'alambic la pensée humaine prenne le chemin contraire à celui de l'eau de roses, et qu'à la troisième ou quatrième épuration elle se dessèche, au lieu de s'exprimer en quintessence! A. de Musset, Le Temps,1831, p. 138.
Passer à l'alambic :
14. Cette vie parisienne, dans les bas-fonds, a passé l'homme à l'alambic, l'a concentré, brûlé, gâté. Avec du vin, elle a fait du trois-six. H. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, p. 44.
Se mettre l'esprit/la cervelle à l'alambic :
15. ... craignant d'avoir blessé cet homme, il s'était mis l'esprit à l'alambic pour réparer sa gaffe, lui avait fait un galimatias qui avait toute l'apparence d'être des excuses, et enfin ne se tint pour lavé à son endroit que six ans plus tard, par le cadeau de première communion qu'il fit à son fils. H. de Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 803.
Rem. Cf. aussi H. de Montherlant, Les Jeunes filles, 1936, p. 1021.
Stylistique − En raison du mystère et de la complexité qu'il suggère (cf. A rem. 1), alambic est entré dans un certain nombre de métaph. pour désigner p. ex. : les villes, où se concentre toute la vie hum. (A. de Musset, La Coupe et les lèvres, 1832, I, 1, p. 271); l'âme, où l'on fait passer le monde pour en extraire Dieu (V. Hugo, Les Rayons et les ombres, Sagesse, 1840, p. 1118), etc. : 16. Inépuisable puits de sottise et de fautes! De l'antique douleur éternel alambic! À travers le treillis recourbé de tes côtes Je vois, errant encor, l'insatiable aspic. Ch. Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857, p. 169.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [alɑ ̃bik]. Passy 1914 note [ɑ ̃ ˑ] mi-long (cf. aussi Barbeau-Rodhe 1930). Il donne également la possibilité d'une prononc. : -bi sans [k] final. D'apr. Fouché Prononc. 1959, pp. 376-377, c final se prononce gén. [k]. Ex. : bac, bric à brac, bivouac, tillac, vrac, avec, échec, salamalec, alambic, basilic, lombric, porc-épic, syndic, trafic, estoc, roc, bouc, aqueduc, viaduc, etc. (pour c final muet, cf. accroc). 2. Dér. et composés : alambiquage (cf. Lar. encyclop.), alambiquer, alambiquer. − Rem. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787 insistent sur la durée longue de la 2esyllabe du mot. Fér. 1768, s.v. alambic renvoie à alembic et Fér. Crit. t. 1787, s.v. alambic fait la rem. suiv. : ,,Trév. écrit avec un e : alembic; l'Acad., le dict. d'orth., le Rich. portatif avec un a.``
Étymol. ET HIST. − 1269-77 « appareil à distiller » (Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, v. 6.353 : Je voi maintes foiz que tu pleures comme alambit seur alutel). Empr. à l'ar. al − anbīq « chapiteau de la cornue » (attesté dep. le xes., Kitāb al-asrār de ar-Rāzī, d'apr. FEW t. 19, s.v. anbīq), prob. par l'intermédiaire du lat. médiév. des alchimistes (cf. xiie-xiiies., Geberus, alchimiste arabo-lat., Summa perfectionis sive perfecti magisterii, 1, 47, p. 576 ds Mittellat. W. s.v., 442, 21 : alembicus cum laxo naso). L'intermédiaire esp., proposé par Dauzat 1968, Bl.-W.5, FEW, est à rejeter à cause de l'ancienneté du mot en fr. (l'esp. alambique n'est attesté que dep. 1444, d'apr. Cor.). L'ar. anbīq est issu lui-même du gr. α ́ μ β ι ξ, α ́ μ β ι χ ο ς de même sens.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 109.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Chesn. 1857. − Daire 1759. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 43. − Fér. 1768. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 89. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 29. − Lar. comm. 1930. − Littré-Robin 1865. − Mont. 1967. − Nysten 1814-20. − Uv.-Chapman 1956.