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AFFLIGER, verbe trans.
A.− Emploi trans.
1. [Le suj. désigne un événement malheureux, une calamité] Accabler et faire souffrir.
a) Vieilli. [L'obj. désigne un pays, une collectivité] :
1. ... et ce qu'il y a de bien singulier c'est qu'une disette terrible qui affligea Rome à cette époque fut regardée par l'opinion publique comme un châtiment de cette faute. J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,t. 2, 1821, p. 195.
b) [L'obj. désigne une pers., une partie de l'être] :
2. La plus grande force peut-être de la religion catholique, c'est que c'est la religion des tristesses de la vie, des malheurs, des chagrins, des maladies, de tout ce qui afflige le cœur, la tête, le corps. Elle s'adresse aux gens qui pleurent, aux gens qui souffrent. Elle promet des consolations à ceux qui en ont besoin; elle montre l'espérance à ceux qui désespèrent. E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1860, p. 844.
Emploi mod. affaibli. Décevoir profondément, affecter désagréablement :
3. La maison m'a paru chétive, ruineuse, mal exposée. Des chiens, dans le jardin galeux, clabaudaient à l'écho de leur voix, ce qui toujours m'afflige comme l'image désespérante de presque toutes nos querelles. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Vue de la terre promise, 1934, p. 68.
2. [Le suj. et l'obj. désignent un nom de pers.]
a) Vieilli, dans un cont. relig. Accabler pour humilier. Dieu a voulu affliger son peuple. Job fut affligé en son corps et en ses biens (Ac.1798-1932).
En partic. Mortifier pour humilier. Affliger son corps par des jeûnes, par des macérations (Ac. 1798-1932).
b) Affliger qqn de qqc.L'accabler :
4. Il suffit souvent d'écarter une autorité trop pressante pour qu'ils reprennent de l'élan : tel cet enfant qui ne fit plus de fautes d'orthographe du jour où on ne lui imposa plus de dictées ou cet autre qui se passionna de musique dès que, découragé d'en rien obtenir, on cessa de l'affliger des leçons d'un professeur autoritaire. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 505.
c) Vieilli. Affliger qqc. à qqn.Synon. par confusion de infliger :
5. Il s'excuse de ne pas lui avoir écrit aujourd'hui, parce que sa main tremblait trop, mais qu'il va écrire demain et qu'il lui dira que s'il fait cet éreintement, il ne craindra pas de lui affliger un fort gnon et qu'il affirmera mes dires. E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1894, p. 579.
B.− Emploi pronom.
1. Vieilli, dans un cont. relig. Se laisser accabler par la souffrance :
6. ... ainsi une âme est dans la peine et le Seigneur profère simplement en elle ces mots « ne t'afflige pas » et aussitôt la bourrasque dévie et la joie renaît. J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 173.
2. Éprouver ou témoigner de l'affliction :
7. Nous sommes donc toujours triste, pauvre ange! Pourquoi t'affecter à plaisir, t'affliger outre mesure? À trente-trois lieues de distance, je ne peux pas essuyer les larmes qui coulent de tes bons yeux; ... G. Flaubert, Correspondance,1946, p. 277.
Vieilli. S'affliger de qqc.Se laisser accabler par quelque chose :
8. − Ainsi, Madame la Marquise, demanda M. Levrault en appuyant sur chaque mot, c'est l'intention formelle de M. Gaston, votre fils; c'est sa volonté bien ferme, bien nette, bien arrêtée, de se rallier à la nouvelle dynastie, et vous n'y mettez point obstacle, vous ne cherchez pas à l'en détourner? − Que voulez-vous? J'en souffre bien un peu; je mentirais si j'affirmais le contraire, et vous ne me croiriez pas. J'en souffre, je m'en afflige en secret; mais je me dis qu'en fin de compte, quel que soit le drapeau qui flotte sur les Tuileries, c'est toujours le drapeau de la France. J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 34.
C.− Emploi passif. Être affligé (cf. aussi infra affligé).
1. Absol. Devenir triste, souffrir par déception :
9. Aussi fus-je plus affligé que surpris quand j'appris qu'un élève intelligent, que j'ai dû renvoyer depuis pour son mauvais esprit, qualifiait Monsieur le professeur d'éloquence de prêtre « fin de siècle ». A. France, L'Orme du mail,1897, p. 27.
Arg. et dial. Être malade :
10. Pourriez-vous m'indiquer si c'est ici que reste mon frère (...) dont l'épouse est affligée d'une jambe? [L.-F. L'Héritier,] Suppl. aux Mémoires de Vidocq, t. 1,1830, p. 292.
2. (Être) affligé de qqc. ou de qqn.En être accablé, comme d'un mal ou d'un malheur.
a) [En parlant d'un mal physique] Il était affligé d'un rhumatisme chronique (Dub.).
b) [En parlant d'un malheur ou d'un être importun] :
11. D'abord chacun devait reconnaître dans sa compagne la pauvre parente venue de province, de laquelle peut être affligée toute famille parisienne. H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, pp. 181-182.
12. Honoré fut vivement affligé du malheur où sa mère avait été réduite, et plus encore d'en avoir été le témoin. M. Aymé, La Jument verte,1933, p. 245.
Avec une connotation relig. :
13. Loin d'être un zélateur, il a porté le fer rouge dans la plaie, dénoncé l'horreur et les ridicules de ces passions vieilles comme l'humanité, considérant que les êtres qui en sont affligés portent une croix qui les écrasera tôt ou tard. J.-É. Blanche, Mes modèles,1928, pp. 139-140.
Par hyperb. [Dans le style de la politesse mondaine] Je suis vraiment affligé de votre contre-temps (Land. 1834).
Par antiphrase et iron. Être doté d'un bien qui écrase comme un malheur. La voilà affligée de cent mille livres de rentes (Ac. 1835-1932) :
14. La passion et le désintéressement du vicomte ne pouvaient être mis en doute, et Laure avait assez de raison pour se dire qu'une occasion pareille ne se présente pas deux fois dans la destinée d'une jeune fille affligée d'un million de dot. J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 12.
Rem. Cet emploi est relevé par Besch. 1845 en ces termes : ,,Se dit par antiphrase et en plaisantant. Cette jeune fille est affligée de dix-huit ans, d'une grande beauté, d'un heureux naturel et d'une dot de cent mille écus. Cet homme est affligé de cent mille francs de rente.``
3. (Être) affligé de (+ verbe à l'inf.), de ce que (+ verbe à l'ind.), que (+ verbe au subj.).Être profondément attristé. Je suis affligé de voir les choses en cet état (Littré) :
15. Je voyais mon père profondément affligé de ce que je n'étais plus libre, et de ce que je le forçais à plier son caractère, à manquer à la fierté dont toute sa vie avait été la preuve, en ne quittant pas pour jamais l'indigne pays où, pour prix de ses services, il venait de recevoir un si cruel affront. G. de Staël, Lettres de jeunesse,1787, p. 165.
16. Je vous remercie de vos renseignements sur Lyon et suis bien affligé que vous ne veniez pas. A. de Lamartine, Correspondance,1834, p. 35.
Rem. La constr. attestée dans l'ex. 15, où de ce apparaît comme un pléonasme (cf. Vinc. 1910), est jugée ,,correcte, mais peu élégante`` ds Thomas 1956. Littré ne mentionne pas la constr. avec de ce que.
Stylistique − 1. Affliger et les mots de sa famille appartiennent à la lang. soutenue : 17. ... la passion parle le plus pur français de M. Prudhomme. Il y avait dans une scène : « Je vous ai fâché, mon père? − Non, tu m'affliges. » Il me dit « tu m'affliges... ça te va-t-il, tu m'affliges? » Je ne peux m'empêcher de dire : « mets : tu me fais de la peine... » Il réfléchit : « non, j'aime mieux tu m'affliges. » Il trouvait son verbe plus noble. Oh! vraiment, le succès d'une machine comme ça serait une objection contre la langue française! E. et J. de Goncourt, Journal, déc. 1858, pp. 570-571. D'où l'emploi (auj. vieilli) dans la lang. relig. (cf. supra). 2. À une époque plus récente, leur force expressive s'atténue si bien qu'à la limite, affligé tend à n'être qu'un synon. distingué de déçu, et affligeant, un synon. de sans intérêt. À noter encore que affliger est parfois associé à une évocation musicale : 18. Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige. Ch. Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857-1861, p. 77. 19. Que la flûte, aujourd'hui, guerrière qui s'afflige, Se souvienne un moment, pendant que sur sa tige Tes doigts semblent danser un menuet d'oiseau, Qu'avant d'être d'ébène, elle fut de roseau; ... E. Rostand, Cyrano de Bergerac, 1898, IV, 3, p. 160.
Prononc. − 1. Forme phon. : [afliʒe], j'afflige [ʒafli:ʒ]. Enq. : /afliʒ/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : afflictif, affliction, affligeant. 3. Forme graph : j'afflige, nous affligeons; j'affligeais; affligeant (pour les verbes en -ger, cf. abroger).
Étymol. ET HIST. − Mil. xiies. « frapper durement, accabler, tourmenter » (Liv. des Ps., Cambridge, LXXVII, 40 ds Gdf. Compl. : Par quantes fiedes le purvuchierent el desert, affligerent lui en sultiveté); début xiiies. « id. » (Li Sermon saint Bernart, éd. Foerster, 89, 7 ds T.-L. : Cum longement serai ju tormenteiz en travail et en dolor ed affliiez de mort tote jor); av. 1701 par affaiblissement pronom. « s'attrister » (Boileau ds Fur. 1701 : Pourquoy à la lecture de mes satires, aimez vous mieux vour affliger avec les ridicules, que de vous rejouïr avec les honnêtes gens). Empr. au lat. affligere attesté au sens propre « jeter à terre, abattre » dep. Plaute (Rud., 1010 ds TLL s.v., 1233, 6 : adfligam ad terram te), fig. « frapper, tourmenter (physiquement) » (Cicéron, Pis., 85 ds TLL s.v., 1234, 43 : qui [milites] cum uno genere morbi adfligerentur neque se recreare quisquam posset); « id. (moralement) » (Id., Verr., 3, 37, ibid., 1236, 48 : Siculos superioribus edictis satis perdiderat atque adflixerat). A supplanté l'a. fr. afflire, de formation pop. (xes., S. Léger ds Gdf.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 062. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 199, b) 1 635; xxes. : a) 932, b) 348.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Blondheim (D. S.). Essai d'un vocabulaire comparatif des parlers romans des Juifs au Moyen Âge. Romania 1923, t. 49, pp. 19-20. − Canada 1930. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Fér 1768. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Laf. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Marcel 1938. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Thomas 1956. − Timm. 1892. − Vinc. 1910.