| ![]() ![]() ![]() ![]() AFFADI, IE, part. passé et adj. A.− Part. passé de affadir* 1. [Appliqué à une chose concr.] Rendu (plus) fade : 1. L'eau fraîche et vive me remettrait, ce me semble. Mais l'eau fade du lac, affadie encore par son passage à travers mille canaux, et son double séjour dans le réservoir de zinc sous nos tuiles et dans la pierre à eau de cet appartement, n'est qu'une caricature de l'onde cristalline des sources; ce breuvage crayeux et sans fraîcheur, tout juste potable, n'a aucune vertu hygiénique.
H.-F. Amiel, Journal intime,18 avr. 1866, p. 249. 2. [Appliqué au « cœur », à l'estomac, à la bouche] Écœuré, dégoûté : 2. ... moi aussi, l'estomac affadi par la boisson et le cœur ému par les larmes de Marianne, je me suis mise à sangloter comme une Madeleine...
O. Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 104. − Au fig. Avoir le cœur affadi de qqn. Être dégoûté de quelqu'un : 3. les péchés. − Parleront-elles? quel entêtement voyons, essayons!
Holà hé! célestes, où est l'ermite? est-ce qu'il s'est niché sous vos jupes?
Les Vertus ne répondent pas.
Prenez garde de l'y faire mourir, il va étouffer là-dessous, l'air manque.
Les Vertus ne répondent pas.
Dégagez-le donc! il asphyxie. Ne voyez-vous pas qu'il a le cœur affadi de vous, tant vous empestez l'encens, tant vous suintez l'eau bénite, tant vous êtes toutes détraquées comme des calvaires pourris!
G. Flaubert, La Tentation de saint Antoine,1849, p. 342. 3. [Appliqué à une pers.] Affaibli, amolli. Synon. énervé « privé de nerf » : 4. ... ils voudraient rester hommes. Ils cherchent, autant qu'ils peuvent, une fausse énergie dans le vin. En faut-il beaucoup pour être ivre? observez au cabaret même, si vous pouvez surmonter ce dégoût : vous verrez qu'un homme en état ordinaire, buvant du vin non frelaté, boirait bien davantage, sans inconvénient. Mais, pour celui qui ne boit pas de vin tous les jours, qui sort énervé, affadi par l'atmosphère de l'atelier, qui ne boit, sous le nom de vin, qu'un misérable mélange alcoolique, l'ivresse est infaillible.
J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 89. B.− Adjectif 1. [Appliqué à une chose concr.] Fade, douceâtre, écœurant : 5. ... aux saisons différentes, Durtal y pratiquait des fouilles, découvrait de ces lunelles, nommées vulgairement monnaie du pape, dont les tiges balancent de vertes rondelles marquées de points de dominos, par l'arrêt des graines et qui deviennent des disques de parchemin argenté, en se séchant : des basilics puant le graillon de cuisine, le roux, et aussi on ne sait quelle odeur affadie de mélisses et de sauges; ...
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 102. 2. [Appliqué à un sentiment, à un produit de l'esprit hum., à une notion abstr...] (Rendu) fade (douceâtre), amoindri : 6. Ses compositions académiques (...) ne nous donnent la sensation des mâles terreurs de l'antiquité qu'affadie et profanée dans une molle traduction.
E. et J. de Goncourt, L'Art français au XVIIIesiècle, t. 2, 1880-1882, p. 68. 7. À son réveil, elle [la Faustin] s'était tout à coup découvert une espèce de désintéressement affadi et écœuré de tout ce qui l'intéressait le plus, les autres jours.
E. de Goncourt, La Faustin,1882, p. 172. 8. Ils avaient pour professeurs des hommes brillants d'intelligence qui leur livraient la connaissance dans son intacte splendeur. Mes vieilles institutrices ne me la communiquaient qu'expurgée, affadie, défraîchie. On me nourrissait d'ersatz et on me retenait en cage.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 123. 3. [Appliqué aux organes ou aux facultés d'une pers.] (Devenu) fade, dont les qualités originelles de vigueur ont fléchi; amolli : 9. Sais-tu ce que c'est que l'amour, Rosette? écoute! le vent se tait; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t'aime! tu veux bien de moi, n'est-ce pas? on n'a pas flétri ta jeunesse? on n'a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d'un sang affadi? tu ne veux pas te faire religieuse; te voilà jeune et belle dans les bras d'un jeune homme. Ô Rosette, Rosette, sais-tu ce que c'est que l'amour?
A. de Musset, On ne badine pas avec l'amour,1834, III, 3, p. 61. − P. méton. [Appliqué à la pers. elle-même] :
10. Je restai comme immobile pendant plusieurs jours, en présence de mon chapitre préparé de Dinan et Liège, faible, affadi, sans unité intérieure.
J. Michelet, Journal,août 1842, pp. 468-469. 11. En général, les barbares furent reçus à bras ouverts. Les évêques, et tout ce qu'il y avait d'éclairé, saint Augustin, Salvien, leur tendaient les bras. Au contraire, les derniers représentants de la vieille société polie, corrompue, affadie, Sidoine Apollinaire, Aurélius Victor les insultent obstinément, et se cramponnent aux abus du vieil empire, sans voir qu'il était décidément condamné.
E. Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 523. 12. Il lui ressemblait beaucoup. C'était le baron, mais amoindri, diminué, affadi, le sanglier devenu petit, pâle et mou.
A. France, Hist. contemporaine,L'Anneau d'améthyste, 1899, p. 122. 13. ... j'étais orphelin de père. Fils de personne, je fus ma propre cause, comble d'orgueil et comble de misère : j'avais été mis au monde par l'élan qui me portait vers le bien. L'enchaînement paraît clair : féminisé par la tendresse maternelle, affadi par l'absence du rude Moïse qui m'avait engendré, (...) je me trouvai en m'opposant, je me jetai dans l'orgueil et le sadisme, ...
J.-P. Sartre, Les Mots,1964, p. 91. − En partic., dans le domaine des B.-A. ou de la création littér. : 14. Pas d'accents dans le dessin, pas d'accents dans la couleur. Tout est adouci, affadi, amoindri, énervé.
Castagnary, Salons 1876,1892, p. 232. 15. − Tu n'as pas de sang, répétait Christophe. Avec cela, tes diables d'idées chrétiennes!... votre éducation religieuse, en France, réduite au catéchisme; l'Évangile châtré, le Nouveau Testament affadi, désossé... une bondieuserie humanitaire, toujours la larme à l'œil... et la Révolution, Jean-Jacques, Robespierre, 48, et les Juifs par là-dessus!... Prends donc une bonne tranche de vieille Bible, bien saignante, chaque matin.
R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 996. 16. Certainement il ressemblait à Julius; mais davantage encore à quelque portrait du Titien; et Julius ne donnait de ses traits qu'une réplique affadie, comme il n'avait donné dans l'air des cimes qu'une image édulcorée de sa vie, et réduite à l'insignifiance.
A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 726. Prononc. : [afadi]. STAT. − Fréq. abs. litt. : 25. |