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ADVENTICE, adj. et subst.
I.− PHILOS. et SCIENCES
A.− PHILOS. (adventice ou très rarement adventif)
1. [Dans la métaphys. cartésienne, en parlant des idées] Qui viennent à l'esprit de façon passive sous l'influence des impressions externes. Anton. idées factices, idées innées :
1. I. La vérité est la connoissance des êtres, et de leurs rapports; la raison est la connoissance de la vérité; elle est l'esprit éclairé par la vérité. II. La raison est donc acquise ou adventive, adventitia. L'homme naît esprit, et il apprend à raisonner; il est intelligence, il a de la raison. L.-G.-A. de Bonald, Législation primitive,t. 1, 1802, p. 266.
2. M. de Bonald semble vouloir concilier ces deux opinions opposées. Il accorde exclusivement au langage plus qu'aucun nominaliste, il donne la priorité aux signes et cependant il admet les idées innées : ces idées ne sont rien elles-mêmes sans les signes du langage articulé qui les fécondent ou les manifestent. Il suit de ce point de vue que tout vient du dehors à l'esprit ou lui est adventice... Maine de Biran, Journal,1819, p. 237.
3. ... il [Kant] aura toujours la gloire d'avoir, dans la description du phénomène de la connaissance, marqué avec une rigueur inconnue avant lui la distinction de la forme et du fond, du moule et de la matière, de ce qui est adventice et tient au mode d'influence des choses du dehors, et de ce qui tient à la constitution même de l'intelligence douée de la capacité de connaître. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 587.
Rem. Chez Descartes (1641, L. du 23 juin, III, 382 ds Foulq.-St-Jean 1962; cf. Descartes, Les Méditations métaphysiques, 2eéd., 1642, III, p. 57 ds P.U.F., Les Grands textes, 1961. ,,Ex his autem ideis aliæ innatæ, aliæ adventitiæ, aliæ a me ipso factæ mihi videntur``), désigne les idées qui viennent à l'esprit de façon passive sous l'influence des impressions externes − contrairement aux idées factices élaborées par l'esprit lui-même (fictions, inventions) et aux idées innées, nées avec l'esprit même et n'appartenant pas à l'expérience de la réalité environnante (parce que universelles et nécessaires) ni au travail de l'esprit (parce que simples, essentielles, immuables).
2. [En parlant des composantes de l'être hum.] Qui est à l'origine extérieur et de soi étranger à la personnalité :
4. Je regarde mon corps lui-même avec surprise et mon nom me paraît celui d'un autre, tant il m'est aisé et presque naturel de me distinguer de mes annexes et de me séparer de mes formes. Tout me paraît fortuit, adventice, conventionnel, dans ce qui ne sont pas des profondeurs de ma spontanéité. Tout le tourbillon des états temporaires de mon individu me fait l'effet d'être hors de moi, comme la voie lactée est hors de notre globe. H.-F. Amiel, Journal intime,22 oct. 1866, p. 487.
5. Elles [les intelligences lentes] fonctionnent à leur rythme naturel, et ne voient leurs moyens diminués par cette lenteur que si de l'extérieur on les bouscule, provoquant des inhibitions adventices. La vitesse propre de l'intelligence doit être distinguée des perturbations rythmiques qui proviennent de causes organiques accidentelles (état de santé, sous-alimentation). E. Mounier, Traité du caractère,1946, pp. 626-627.
6. Or, la philosophie de la vie semble être naturellement destinée à saisir dans notre devenir organique lui-même la loi intérieure de notre développement, la maturation de notre mort. Autorisée dès lors à distinguer une mort authentique et intérieure d'une mort simplement adventice et extérieure à l'homme, elle commentera conceptuellement les symboles par lesquels les poètes cherchent dans la nature une évocation immédiate de la mort. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 281.
7. Par le corps, par les douleurs adventices que la chair nous apporte, les complications et associations fortuites qu'elle nous vaut, les messages discontinus que l'émotion nous transmet, les saillies continuelles de la vie affective et sensible, c'est l'extériorité sous toutes ses formes − matérielle, sociale, viscérale − qui inscrit en nous son précieux graphique. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 109.
Emploi substantivé. Ce qui est adventice :
8. D'autre part, la mort n'est pas seulement l'intervention, le pur adventice, ni seulement la tragédie totale : elle est encore l'isolement de l'ipséité dont elle dénoue tous les liens avec le monde, c'est-à-dire avec la fiction;... V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957p. 181.
B.− SCIENCES
1. BOT. [En parlant d'une plante]
a) Qui croît sur les terres de culture indépendamment de tout ensemencement par l'homme :
9. La pince couvre-joints a pour but d'enlever dans les terres meubles (...) les plantes adventices qui poussent dans la vigne... R. Brunet, Le Matériel viticole,1909, p. 150.
10. Les plantes adventices, que l'on nomme communément plantes nuisibles ou mauvaises herbes, sont des plantes annuelles ou bisannuelles, des plantes vivaces ou des plantes parasites. Parmi les premières, les plus nuisibles sont la moutarde des champs et la ravenelle, le coquelicot (...), l'ivraie, la folle avoine. Parmi les plantes vivaces, il faut citer le chiendent (...); parmi les plantes parasites, la cuscute, l'orobanche, le mélampyre sont les plus communs. Lar. 20e.
b) Qui croît (avec ou sans intervention de l'homme) en dehors de son habitat originel :
11. ... mon père tenta donc d'acclimater, sur la vaste table, des cultures adventices. Colette, Le Képi,1943, p. 151.
12. ... le détournement d'un cours d'eau, le comblement d'un estuaire, créent des places vides, qu'une végétation nouvelle peut envahir. On appelle adventices des plantes étrangères (du latin adventicius étranger) qui s'introduisent dans une nouvelle contrée. Encyclopédie de la Pléiade, Botanique, 1960, p. 1252.
2. MÉDECINE
a) MÉD. GÉN. [En parlant d'une maladie] Qui n'a pas son origine dans la constitution héréditaire.
b) HISTOL. Adventice ou très rarement adventif. [En parlant d'un élément du tissu conjonctif qui forme la tunique externe d'un organe gén. tubulé (artère, bronche, etc.)] Surajouté et non fonctionnel :
13. Les premiers [espaces lymphatiques] se constituent principalement dans l'épaisseur des parois du cœur, dans celle du péricarde et dans la tunique adventive des vaisseaux, ... E. Perrier, Traité de zoologie,t. 3, 1893, p. 2501.
14. Les parois des artères sont formées de trois tuniques superposées : (...) 3oUne tunique externe ou adventice... G. Gérard, Manuel d'anatomie humaine,1912, p. 15.
15. Il existe, en outre, des formations tubulées (...), entourées par une adventice délicate de longues cellules fusiformes... Thibaut ds(F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouveau traité de médecine,fasc. 5, 1920-1924, p. 111).
P. ext. Kyste adventice. ,,Celui dont la paroi propre, en continuité vasculaire avec les tissus de l'animal affecté par les hydatides, n'appartient pas à ces dernières.`` (Littré-Robin, 1865).
3. PHYS. [En parlant de la matière] ,,Qui est jointe accidentellement à un corps, qui ne lui appartient pas en propre.`` (Besch. 1845).
4. ZOOL. [En parlant d'une espèce animale] Ne subsistant que temporairement dans une région après un vain essai d'acclimatation par l'homme.
II.− Lang. cour. [En parlant des éléments qui entrent dans la constitution d'une chose] Qui, de l'extérieur et fortuitement, s'ajoute comme un accessoire :
16. M. de Fleury, procureur général, disait devant quelques gens de lettres : « Il n'y a que depuis ces derniers temps que j'entends parler du peuple dans les conversations où il s'agit du gouvernement. C'est un fruit de la philosophie nouvelle. Est-ce que l'on ignore que le Tiers n'est qu'adventice dans la Constitution? » (Cela veut dire, en d'autres termes, que vingt-trois millions neuf cent mille hommes ne sont qu'un hasard et un accessoire dans la totalité de vingt-quatre millions d'hommes). Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 124.
17. ... mais, outre qu'il serait chimérique de prétendre à une connaissance universelle, on serait encore fondé à considérer le système planétaire comme formant dans l'univers un système à part, qui a sa propre théorie; et l'on ne devrait pas confondre les événements dont la série est déterminée par les lois et par la constitution propre du système, avec les perturbations accidentelles, adventices, dont la cause est en dehors de ce système. Ce sont ces influences externes, irrégulières et fortuites, qu'il faut considérer comme entrant dans la connaissance à titre de données historiques, par opposition avec ce qui est pour nous le résultat régulier des lois permanentes et de la constitution du système. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, pp. 449-450.
18. Dans l'ordre du langage, les figures, qui jouent communément un rôle accessoire, semblent n'intervenir que pour illustrer ou renforcer une intention, et paraissent donc adventices, pareilles à des ornements dont la substance du discours peut se passer, − deviennent dans les réflexions de Mallarmé, des éléments essentiels : la métaphore, de joyau qu'elle était ou de moyen momentané, semble ici recevoir la valeur d'une relation symétrique fondamentale. P. Valéry, Variété 3,1936, p. 28.
19. Ainsi l'existence plastique de l'œuvre d'art est-elle essentielle. Son apparence n'est pas seulement traductrice d'une réalité spirituelle (...), cette apparence acquiert sa vie et sa valeur propres. Elle peut être dorénavant jugée pour elle seule; elle répond à certaines exigences et elle provoque certains effets sur la sensibilité qui lui sont inhérents et peuvent se passer de toute justification adventice. R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, pp. 389-390.
20. Le langage n'est pas seulement la cause des brouilles factices et adventices : il favorise bien plutôt un accord spécieux qui nous voilera, jusqu'au jour du drame, notre mésentente profonde. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 186.
21. Pour l'énoncé des faits, on ne retient que ce qui est nécessaire, écartant toutes les circonstances adventices ou secondaires qui sont inutiles à la solution, en droit, du litige. R. Lindon, Le Style et l'éloquence judiciaires,Paris, Albin Michel, 1968, p. 77.
Rem. 1. Terme de fréq. très moyenne, nettement plus attesté au xxes. qu'au xixes., adventice semble prendre une importance croissante, au détriment de son doublet adventif. L'emploi IA, le plus fréq., figure dans les dict. et les textes (spécialisés ou non) du xixes. comme du xxes. Il appartient initialement au vocab. des philosophes innéistes, et progressivement au vocab. philos. commun. Il n'est affecté d'aucune valeur impressive, sauf lorsqu'il tend à élargir sa portée, perd sa technicité et se rapproche de l'emploi gén. : il peut prendre alors également une légère nuance péj. (ex. 4, 6). L'emploi IB1 relève du vocab. spécialisé (bot., agric.) : dans son accept. a, il est assez anciennement et couramment attesté par les dict. gén. (xixes. et xxes.) quoique très rarement attesté par les textes spécialisés; dans son accept. b, il semble d'usage plus récent (figurant dans les textes du xxes., mais non encore dans les dict., sauf Pt Rob.). L'emploi IB2, relevant de la techn. méd., paraît hors d'usage dans son accept. a [figurant dans les dict. du xixes. essentiellement : Besch. 1845, Littré, Littré-Rob. 1865, DG, Quillet 1934, mais ne se trouvant pas attesté dans le discours, sinon de façon douteuse, cf. E.-M. de Vogüé, Les Morts qui parlent, 1899, p. 425 ,,rejet des corps adventices par nos tissus``, et Teissier, Tanon (F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouveau traité de médecine, fasc. 2, 1920-1924, p. 35) ,,agents bactériens adventices``]; dans son accept. b, il est attesté par les dict. (Littré-Rob. 1865, Quillet 1934, Lar. encyclop., Lar. 3) et les textes spécialisés du xxes. surtout; il paraît donc toujours en usage, principalement à la forme substantive. L'emploi IB3 (techn.) paraît complètement tombé en désuétude (1 seule attest. au xixes., cf. art.). L'emploi IB4 (techn.) sans doute néologique, est attesté ds Lar. encyclop. et Lar. 3 (cf. art.) mais paraît encore absent des textes (spécialisés ou non). L'emploi II, assez fréq., attesté par les dict. du xxes. surtout, quoique attesté dans les textes du xixes. aussi bien que du xxes., semble d'usage relativement récent. À l'orig. il doit dériver de l'emploi philos. IA, mais de nos jours il paraît prédominer dans le concept du mot. Il dénote des énoncés au style soutenu, à valeur éthique, didactique (ex. 16, 17, 20, 21) ou à intérêt artistique (ex. 18, 19). Il prend parfois une légère nuance péj. (ex. 16, 18, 19, 20, 21). Rem. 2. Adventice se trouve associé avec les synon. suiv. : accessoire, accidentel, acquis, annexe, artificiel, circonstanciel, complémentaire, contingent, épenthétique, étranger, extérieur, externe, factice, fortuit, inédit, inopportun, inutile, irrégulier, mauvais, momentané, nouveau, nuisible, occasionnel, parasitaire, parasite, quelconque, récent, secondaire, spécieux, superficiel, superflu, supplémentaire, surajouté, temporaire; et avec les anton. suiv. : authentique, constituant, constitutif, cultivé, essentiel, fondamental, héréditaire, immanent, inhérent, inné, intégré, intérieur, interne, intime, intrinsèque, majeur, naturel, nécessaire, permanent, principal, profond, propre, régulier, semé, utile, véritable. Rem. 3. Pour l'emploi jur., où adventice est en concurrence avec adventif, cf. adventif A ex. 1, 2. Rem. 4. Adventice est considéré gén. comme un adj., sauf dans qq. emplois où il se trouve parfois substantivé : En IA, il est présenté − exceptionnellement et par un certain souci de l'effet littér. − avec le genre neutre d'un subst. classificateur, ce qui accentue sa valeur abstr. (ex. 8). En IB1b et IB4, il est donné comme adj. et subst. fém. par Lar. encyclop., mais dans les textes il s'emploie uniquement à la forme adj. En IB2b, il est signalé comme adj. ds Littré-Robin 1865, comme subst. fém. ds Quillet 1934, comme adj. et subst. fém. ds Lar. encyclop. et Lar. 3. Dans les textes, il prend, le plus souvent, la forme adj. À noter pourtant que cette dernière forme tend à vieillir et se trouve évincée (dans les textes récents, ex. 15) par la forme subst. fém. (résultat de l'ellipse, procédé fréq. dans le lang. techn. : l'adventice se dit abréviativement pour tunique adventice, etc.).
Prononc. : [advɑ ̃tis]. D'apr. Kamm. 1964, pp. 164-165 : ,,en position atone, les groupes [en] et [em] se prononcent généralement par [ɑ ̃] lorsqu'ils sont suivis d'une consonne (...). [ainsi] dans les mots techniques ou savants déjà anciens : centurie, centurion, centumvir, centaure, adventice, appentis, perpendiculaire, calendrier, compendieux, dysenterie``. Cf. advenir. − Rem. Mart. Comment prononce 1913, p. 142 observe un flottement dans la prononc. de la nasale de ce mot entre [ɑ ̃] et [ε ̃]. Enq. : /advãtis/.
Étymol. ET HIST. − 1776 log. et bot. (Encyclop. suppl. : Adventice... ce qui n'est pas naturellement dans une chose, ce qui y survient du dehors. Adventice, terme de jardinier. Les plantes adventices sont celles qui croissent sans avoir été semées). Emploi philos., supra A, rem. Empr. au lat. adventicius au sens de « ce qui vient du dehors, qui est acquis », p. oppos. à « ce qui est inné » dep. Cic., Top., 69 ds TLL s.v., 834, 55 : specie... comparantur, ut anteponantur... innata atque insita adsumptis atque adventiciis.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 41.
BBG. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Dupin-Lab. 1846. − Foulq.-St.-Jean 1962. − Goblot 1920. − Lal. 1968. − Lav. Diffic. 1846. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Piguet 1960. − Séguy 1967. − Thomas 1956.