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ADRESSE3, subst. fém.
(Se rattache pour le sens à adroit).
I.− Qualité d'une personne (ou, p. méton., d'une partie du corps ou d'une entité abstraite) ou d'un animal parvenant aisément à atteindre un but ou à obtenir un résultat.
A.− [Le but visé est la réussite dans des actions nécessitant l'utilisation du corps et en partic. des mains] Synon. habileté, dextérité :
1. ... ce qu'ils [les prêtres orientaux] durent à la possession exclusive des facultés intellectuelles, les tyrans grossiers de nos faibles ancêtres l'obtinrent par leurs institutions et par leurs habitudes guerrières. Couverts d'armes impénétrables, ne combattant que sur des chevaux invulnérables, comme eux, ne pouvant acquérir la force et l'adresse nécessaires pour dresser et conduire leurs chevaux, pour supporter et manier leurs armes, que par un long et pénible apprentissage, ils pouvaient opprimer avec impunité, ... A. de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,1794, p. 97.
2. ... l'industrie se compose de la théorie, de l'application, de l'exécution. Ce n'est qu'autant qu'une nation excelle dans ces trois genres d'opérations, qu'elle est parfaitement industrieuse. Si elle est inhabile dans l'une ou dans l'autre, elle ne peut se procurer des produits qui sont tous les résultats de toutes les trois. (...). Les nègres de la côte d'Afrique ont beaucoup d'adresse : ils réussissent dans tous les exercices du corps et dans le travail des mains; mais ils paraissent peu capables des deux premières opérations de l'industrie. J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832, p. 80.
3. Il osait jadis offrir sa poitrine à qui voulait y poser les doigts, le jeunet, et maintenant il la dérobait constamment à l'étreinte. Adroit, sans doute, il l'était devenu; mais l'adresse ne vaut pas la force, et l'on ne le verrait peut-être plus se planter au milieu de l'arène et, là, résister inflexible comme une barre de fer aux ceintureurs les plus hardis. L. Cladel, Ompdrailles,1879, pp. 199-200.
4. L'on chasse pour chasser. C'est le jeu des forts, la lutte de l'homme contre la bête, de l'adresse contre la brutalité. En dangers fertile, la chasse prépare à la guerre. Prouve qui peut son habileté, son courage, sa vigueur, son endurance. Œil sûr, pied agile, allure souple, soutenue, inlassable, sans s'essouffler, sans s'arrêter, sans haleter, il faut pouvoir courir longtemps après la bête que l'on a blessée. R. Maran, Batouala,1921, pp. 156-157.
5. Je connais un certain biologiste de salon qui réussit dans les congrès, dans les banquets et les palabres, mais qui n'est peut-être pas capable de faire un repiquage sans gâter ses cultures. − Je me permets de te dire, au vol, que rien n'est plus injuste qu'une insinuation telle : l'adresse de M. Chalgrin fait notre admiration, et, dans l'ordre technique, c'est l'homme le plus habile que j'aie rencontré jusqu'ici. Que cette question d'habileté ne te déroute point trop : un biologiste doit être ingénieux opérateur, à peine de tout gâter. On fait de la biologie avec son cerveau et avec ses mains. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, pp. 187-188.
6. Pour l'augure, la droite et la gauche sont les sources d'où viennent le faste et le néfaste, comme pour moi ma main droite et ma main gauche sont l'incarnation de mon adresse et de ma maladresse. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 330.
Rem. 1. Adresse peut être suivi des prép. à ou dans, qui introduisent un n. de chose ou d'action (traduisant l'activité dans laquelle s'exerce l'adresse); la prép. à peut également introd. un inf. d'action. 2. Syntagmes fréq. : adresse manuelle; acquérir de l'adresse; essayer, exercer son adresse; exercice, jeu d'adresse. Le tour avec adresse est très fréq., notamment avec le verbe manier, avec éventuellement des déterminations intensives (merveilleux, remarquable, etc.). 3. Adresse s'emploie fréquemment en oppos. avec force, ou autres termes anton. (ex. 3 et infra ex. 7, 8); les 2 qualités peuvent aussi être présentées comme compl. (cf. les expr. force et adresse ou force ni adresse).
B.− [Le but visé est la réussite dans des actions nécessitant l'utilisation des fac. d'intelligence ou d'intuition, notamment dans l'action, la conduite des affaires hum., les relations soc., etc.]
1. [L'adresse est envisagée du point de vue de la pers. agissante dont elle manifeste les qualités] :
7. L'oppression et le mépris furent donc, et durent être généralement, le partage des femmes dans les sociétés naissantes. Cet état dura dans toute sa force jusqu'à ce que l'expérience d'une longue suite de siècles leur eût appris à substituer l'adresse à la force. Elles sentirent enfin que, puisqu'elles étaient plus faibles, leur unique ressource était de séduire; ... P.-A.-F. de Laclos, De l'Éducation des femmes,1803, p. 459.
8. Jusqu'à lui [Louis XI] le gouvernement n'avoit guère procédé que par la force, par les moyens matériels. La persuasion, l'adresse, le soin de manier les esprits, de les amener à ses vues, en un mot, la politique proprement dite, politique de mensonge et de fourberie sans doute, mais aussi de ménagement et de prudence, avaient tenu jusque là peu de place. Louis XI a substitué dans le gouvernement les moyens intellectuels aux moyens matériels, la ruse à la force, la politique italienne à la politique féodale. F. Guizot, Hist. générale de la civilisation en Europe,1828, p. 13.
9. ... mettez un individu gauche, maladroit, un individu dont le caractère est de n'en avoir point, absolument dénué de cette adresse si commune qui sait se frayer le chemin et se créer une existence; (...) il fera mieux de se retirer à l'écart que d'aller s'embarquer dans un monde où la fortune ne favorise que les audacieux, ... M. de Guérin, Correspondance,1829, pp. 29-30.
10. Les jeux d'adresse et de combinaison sont tolérés. Si l'on entend ici par jeux d'adresse et de combinaison ceux pour lesquels il faut employer l'adresse-ruse et certaines combinaisons-calculs qui aident à prévenir ou à corriger les chances. C. Moreau, Les Français peints par eux-mêmes,Les Détenus, t. 4, 1841, p. 85.
11. Dans la sphère des calculs spéculatifs, le banquier déploie (...) autant d'esprit, d'adresse, de finesse, de qualités qu'un habile diplomate dans celle des intérêts nationaux. H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 236.
P. méton. [L'adresse est envisagée du point de vue d'une chose abstr. manifestant les qualités de celui qui l'a conçue] :
12. Les Grecs, disputeurs subtils, comme tous les esprits foibles, commencèrent ces controverses épineuses, qui durent encore, où l'on met l'adresse de la dialectique à la place de la force des raisons; ... L.-G.-A. de Bonald, Législation primitive,t. 1, 1802, p. 18.
Rem. Syntagmes fréq. : déployer beaucoup d'adresse, une grande adresse; avoir l'- de faire qqc., employer son - (mettre de l'-) à faire qqc.; un coup d'-, un tour d'-. Vieilli : avoir de l'esprit d'-.
2. [L'adresse est envisagée comme condition du but visé exprimé par le suj.] :
13. La poursuite de la richesse, des jouissances et des honneurs publics qui s'y attachent, développe le caractère, l'audace, l'adresse, la fourberie de l'homme qui la veut. É. Faure, L'Esprit des formes,1927, p. 24.
Rem. Syntagmes fréq. : demander, exiger de l'adresse.
En partic., dans le domaine des arts plast., musicaux ou littér. (en tant qu'ils mettent en œuvre des qualités d'intelligence et l'expérience artisanale du « métier ») :
14. Il faut beaucoup d'adresse et beaucoup d'attention pour parvenir à vaincre toutes les difficultés qui résultent d'un ensemble aussi nombreux [six chœurs], mais on vient à bout de tout par le travail et avec une organisation flexible. Cherubini, Cours de contrepoint et de fugue,1835, p. 61.
15. Quelque niais dira : M. Coppée nous montre, par un exemple charmant et déplorable, que l'habileté sans l'inspiration ne saurait s'élever à ces hauteurs où... (laissons-le finir sa phrase). On dirait plus justement : l'admirable chose que le « métier », le « sens artiste », la science des procédés du style, l'adresse à arranger les mots, l'art de la composition! (...). Il n'est guère de poète plus détaché de son œuvre, plus purement orfèvre que M. François Coppée : ... J. Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 91.
16. J'ai de la peine à m'habituer à ne voir dans l'art dramatique qu'un métier comme un autre. Ce n'est pourtant qu'un métier. Il ne s'agit pas de savoir si M. Berr est un homme de talent, mais si sa pièce est bien fabriquée. Elle ne l'est pas trop mal. Il y a de l'adresse, des mots d'esprit, des scènes qui n'ennuient pas. J. Renard, Journal,1904, p. 926.
Rem. 1. Syntagmes fréq. : (croquis) exécuté avec une grande adresse; (un peintre) sans adresse; adresse du pinceau. 2. Ces expr. ne sont dépréc. que si l'habileté manuelle l'emporte sur le talent ou l'inspiration proprement artistiques :
17. ... que dire du portrait de M. Grévy posé comme un manche à balai, sur le fond sombre et encore éclairé, d'en haut, sans doute, par un châssis qui laisse s'égoutter des lueurs bleuâtres sur le front, sur les mains brossées avec mille simagrées de retouches, avec mille préciosités de détails. C'est le portrait le plus illettré et la rubrique la plus absolue, c'est de l'adresse manuelle, du travail soigné de contre-maître, et voilà tout. J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 159.
II.− Gén., au plur. [Le but visé est le plus souvent la réussite dans des actions nécessitant l'utilisation des fac. intellectuelles] Moyen ou ensemble de moyens mis en œuvre par une personne pour atteindre un but. Synon. diplomatie, doigté, finesse, manœuvre, procédé, ruse :
18. ... la diplomatie byzantine n'avait pas voulu porter le coup de grâce aux Turcs, de peur d'accroître la puissance des Francs. Elle entendait fonder son hégémonie sur le maintien de l'équilibre entre les premiers et les seconds. Politique trop adroite, adresses qui allaient bientôt se retourner contre leurs auteurs. R. Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 189.
En partic., dans le domaine des arts :
19. Lui, le spirituel croqueur, l'habile aquafortiste, le maître au cochon, affecte doctoralement de n'admirer, de n'estimer que les maîtres primitifs, de répudier toutes les habiletés, toutes les adresses, tous les procédés, tout ce dont est fait son petit, mais réel talent. E. et J. de Goncourt, Journal,juill. 1853, p. 112.
Rem. Adresse dans ces emplois est souvent dépréc. (ex. 18).
Prononc. : [adʀ εs]. Enq. : /adʀe2s/.
Étymol. ET HIST. I.− 1177-1179 « chemin de traverse [chemin droit] » (Chrét. de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 1501 : Une forest aprés le plaing truevent et vont par une adresce) [cf. fin xiies. : nule sente ne quierent ne nule adrece (nulla viae compendia captet), St Bernard, éd. Förster, 157, 33 ds T.-L.]. − Cotgr. 1611, d'où : 1. ca 1280 « bon chemin » emploi fig. (Escanor, éd. Michelant 3244 ds T.-L. : Il en fust si bien en l'adrece C'aillours aler n'en covenist) et p. ext. : 1370-71 « conseil, renseignement, information » (Froissart, Chron., I, 227, ms. Amiens, fol. 3 ds Gdf. : En yaux vous trouveres toutte adrece de bon conseil); 1630, fondation par Théophraste Renaudot du Bureau d'adresse et de rencontre qui publie en 1633 la Feuille... du Bureau d'adresse (d'apr. Hatin, Bibl. hist. de la presse périodique fr., 1866, pp. 17-18); 2. 2emoitié xves. « action de s'adresser à, d'avoir recours à qqn » (Olivier de La Marche, Mém., I, 460 ds Lacurne : le Seigneur de Crouy et les siens faisoient plus grande adrèce à Monsieur le Dauphin qu'il ne sembloit bon) empr. par l'angl. adress, voir infra II, et spécialisé comme terme de chancellerie 1690 « action d'adresser un acte diplomatique à un destinataire » (Fur. s.v. : l'adresse des Édits et des Déclarations est toujours aux Cours Souveraines), sens qualifié de vieilli par DG; 3. 1559 « habileté » [= art d'aller droit au but] (Amyot, Fab., 15 ds Littré : Quand ce vint à combattre à coups d'espée, où il n'est moins besoing d'adresse et d'art que de force); 4. 1690 « indications sur le lieu où se trouve un destinataire » (Fur. : Adresse, se dit aussi de la suscription des lettres ordinaires, qui marque le lieu, ou la personne, où on les veut faire tenir. Il a fait tenir ce paquet à son adresse). II.− 1. 1656 pol. « requête, vœu présenté au roi d'Angleterre (en réf. au cont. pol. angl.) » (Du Gard, Nouv. ord. de Londres, 1196 ds Mack. t. 1 1939, p. 75); 1687 « id. » (Miège ds Barbier ds Modern Language Notes, XVI, 139 : On appelle aussi addresse [en terme anglois] les requêtes par écrit que le parlement lorsqu'il est assemblé présente de tems en tems au roi et en general toutes ces soumissions formelles qu'une société fait au roi par des deputez en des occasions extraordinaires. Du tems des derniers parlemens, on appeloit addresses les instructions que les électeurs donnoient par ecrit aux membres qu'ils avoient eleus); 2. 1789 pol. « déclaration, généralement exprimée par écrit, présentée au roi (cont. révolutionnaire) » (Mirabeau, Discours et opinions, 1, p. 170, 10 mai ds Mack. t. 1 1939, p. 113 et M. Frey, Les Transformations du vocab. fr. à l'époque de la Révolution, 1925, p. 65 : Je demande qu'il soit fait à S. M. une très humble adresse pour lui exprimer l'attachement inviolable de ses fidèles); 1789 « pétition présentée au roi ou à un corps constitué (même cont.) » (Duvergier, Lois..., t. 1er, 2eéd., p. 67 : Les citoyens actifs ont le droit de se réunir... pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au corps législatif, soit au Roi...). I déverbal de adresser*; 3 a été, par étymol. seconde, rapproché de adroit* « habile ». II empr. à l'angl. address, attesté comme terme pol. au sens de « a discourse specially directed to anyone, a formal speech of congratulation, respect, thanks, petition... » (dans le cont. de la vie parlementaire angl.) seulement dep. 1751 (Chambers, Cyclopaedia ds NED : a discourse presented to the King in the name of a considerable body of his people); constitue une spécial. du sens « the act of addressing or betaking oneself to anyone » dep. 1611 (Cotgr. : acheminement, an addresse, introduction, entrie, ingression) empr. au fr. adresse « action d'avoir recours à qqn » dep. xves. (voir supra). 1 en référence au cont. pol. angl., 2 transposition au cont. pol. fr. − Brunot t. 9, p. 783; Nyrop, p. 340; Boulan 1934, p. 98; Bonn. 1920, p. 1.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 3 647. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 6 169, b) 6 096; xxes. : a) 4 191, b) 4 458.
BBG. − Ac. Can.-Fr. 1968. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barb. Infl. 1919, p. 7. − Baudhuin 1968. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Blanche 1857. − Boiss.8. . − Bonnaire 1835. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Brun 1968. − Canada 1930. − Cap. 1936. − Comm. t. 1 1837. − Comte-Pern. 1963. − Daire 1759. − Dheilly 1964. − Dup. 1961. − Éd. 1913. − Électron. 1959. − Fér. 1768. − Gir. 1834. − Gramm. t. 1 1789. − Guilh. 1969. − Guizot 1864. − Jal 1848. − Kold. 1902. − Laborde 1872. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lar. comm. 1930. − Lav. Diffic. 1846. − Le Clère 1960. − Lep. 1948. − Le Roux 1752. − Pil. 1969. − Pissot 1803. − Pol. 1868. − Prév. 1755. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Spr. 1967. − Synon. 1818.