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ADMINISTRER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− [Le suj. désigne une pers. ou une entité personnifiée; l'obj., des biens ou des moyens d'action placés sous la responsabilité du suj.]
1. [L'obj. désigne un service public ou privé] Assurer, en tant que responsable, le fonctionnement de ce service, dont on assume la direction, l'impulsion, le contrôle :
1. Selon moi (à la vérité je n'ai jamais administré, je n'ai que commandé, et je me soumets aux lumières des plus expérimentés), mais enfin, selon moi, M. de Séranville, qui écrit fort bien, a abusé de la lettre administrative. Stendhal, Lucien Leuwen,t. 3, 1836, p. 121.
2. Un mot célèbre dit : « les Juifs possèdent New-York, les Irlandais l'administrent et les nègres en jouissent ». P. Morand, New-York,1930, p. 273.
3. Observez au demeurant, que nous, Russes, avons reconnu le Comité polonais de la libération nationale, que ce Comité gouverne et administre la Pologne à mesure que l'ennemi en est chassé par nos troupes et que, par conséquent, c'est à Lublin que vous devrez vous adresser pour tout ce qui concerne vos intérêts dans le pays, ... Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 69.
Péj. Paralyser le fonctionnement sous la masse des règlements :
4. Vous êtes une pâte sans levain. Une terre sans graine. Une foule sans souhaits. Vous administrez au lieu de conduire. Vous n'êtes que témoins stupides. Et les forces obscures qui pèsent, elles, contre les parois de l'empire se passeront bien d'administrateurs pour vous noyer sous leurs marées. A. de Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 560.
ou par des méthodes impersonnelles :
5. Le dieu, qui, selon la tradition orphique, est le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres, va toujours droit devant lui; la justice le suit, prête à récompenser les bons et à punir les méchants, mais cette justice administre le monde comme une loi impersonnelle. É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 2, 1932, p. 129.
2. DR. CIVIL. Avoir la responsabilité des biens d'une personne non capable d'en assumer elle-même la responsabilité. Il a sagement administré les biens de sa pupille (Ac. 1835-1932).
P. ext. [En parlant du propriétaire notamment d'un grand domaine, d'une grosse fortune] Il administre lui-même son bien (Ac. 1835-1932). (Cf. aussi infra ex. 14).
P. anal., littér., souvent péj. Ordonner une chose avec méthode :
6. L'opinion commune est qu'une ordonnance règne dans la vie et l'œuvre de Racine et qu'elle ne règne pas, au même titre et tant s'en faut, dans la vie et l'œuvre de Corneille. Qu'il y a une ordonnance dans la vie et l'œuvre de Racine, il faut s'entendre, sur ce mot, sur le sens de ce mot. Racine est administré avec une certaine ordonnance impeccable, intelligente, qui règne sensiblement dans la construction de la vie, presque souverainement dans la construction de l'œuvre, qui se poursuit, (mais alors souverainement), jusque dans le moindre détail. Ch. Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 780.
7. Soucieux d'éviter tout éclat en ce monde ou dans l'autre, il administre sa conscience avec dégoût, tel un boutiquier renié par sa clientèle à son comptoir désert. G. Bernanos, L'Imposture,1927, pp. 315-316.
Rem. 1. Remarquer la facilité avec laquelle ce verbe, comme d'autres de sens voisin, s'emploie en constr. abs. (ex. 1, 4). Cette constr. permet de souligner les modalités de l'action, dont l'obj. passe momentanément au second plan. 2. Les ex. ci-dessus permettent de dégager l'originalité du mot par rapport à ses synon. immédiats : conduire (ex. 4) contient l'idée d'un but gén. à atteindre avec sagesse et habileté : administrer une chose présuppose que l'on n'a sur elle qu'une autorité limitée, p. ex. parce qu'on n'en est pas le possesseur (ex. 2); gérer (cf. administration ex. 3), c'est administrer pour le compte d'autrui; gouverner (ex. 3) implique l'idée d'une direction souveraine et a trait aux intérêts supérieurs, aux choix politiques d'un pays.
B.− [Le suj. désigne une pers.; l'obj. est un nom de chose concr. ou abstr.] Donner, fournir, distribuer. L'explicitation de ce sens diffère selon le domaine d'application et la nature de l'objet.
1. [En parlant de la justice] Rendre la justice (cf. administration ex. 6).
2. [En parlant d'un remède, d'un poison] Faire absorber un remède à un malade, un poison à un ennemi, etc. :
8. [pendant la course de taureaux] ... un prêtre et un médecin se tiennent dans une chambre à la plaza de Toros, prêts à administrer, l'un les remèdes de l'âme, l'autre les remèdes du corps ... T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 88.
3. Rare. [En parlant des sacrements] Conférer les sacrements (en général, en précisant p. ex. le soin, la régularité, etc. de la distribution sacramentelle par un ecclésiastique dûment habilité) :
9. Quant à l'exercice même de la profession, on peut bien penser qu'il laisse fort à désirer : beaucoup de curés ne résident pas dans leur paroisse; ils négligent de se rendre aux synodes et chapitres; promus à la prêtrise, ils ne se présentent point aux ordinations et passent des années sans célébrer; ils exigent salaire pour administrer les sacrements et pour dire la messe. E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis,1942, p. 47.
P. ell. Administrer un malade, un mourant. Lui conférer le sacrement de l'extrême-onction. On l'administra une heure avant sa mort (Ac.1835-1932).(Cf. supra ex. 8).
4. Fam. [En parlant de coups] Infliger des coups à quelqu'un :
10. mongicourt. − Quoi, « ah! oh! » comment! ton oncle, à propos de rien, sans provocation de ma part, m'administre une paire de gifles ...! G. Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, III, 6, p. 60.
5. Lang. de la procédure etlang. commune. [En parlant d'une preuve] Fournir la preuve (de quelque chose) :
11. Que le camp regorgeât de zlotys, alors que nous ne touchions, et pour cause, aucun salaire, c'est un phénomène qui l'irritait profondément. Non pas qu'il eût le moindre doute sur l'origine de nos ressources : il n'était pas si neuf que d'ignorer quel trafic se faisait du camp à la ville et de la ville au camp. Mais ce n'était rien que d'en avoir la certitude sans en administrer la preuve, et pour nous prendre sur le fait, l'ingénieux compère déclencha une opération de vaste envergure. F. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 329.
6. [En parlant d'un test psychol.] Le faire passer.
Emplois fig., parfois péj. :
12. On pourrait dire de Zola que l'érotisme que donnent mes livres à dose homéopathique, par gouttes infinitésimales, ses romans à lui l'administrent au public par baquets, par cuveaux. E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1882, p. 150.
13. ... − la vie! pourquoi vous en retirez-vous? Votre Debussy est un grand artiste; mais il vous est malsain. Il est complice de votre torpeur. Vous auriez besoin qu'on vous réveillât rudement. − Tu veux nous administrer du Strauss? − Pas davantage. Celui-là achèverait de vous démolir. R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 1026.
II.− Emploi pronom.
A.− Sens I A. Emploi réfl. :
14. Je suis incapable, ce soir, de m'administrer moi-même. G. Duhamel, Le Journal de Salavin,1927, p. 106.
B.− Sens I B
1. Emploi passif :
15. Au fond des sacristies, au fond des confessionnaux, le nom de M. Delangre était balbutié; il ... s'administrait d'oreille à oreille, comme un sacrement ... É. Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 323.
2. Emploi réciproque :
16. Je n'entends parler que de horions que l'on s'administre à cause des mauvaises mœurs. G. Flaubert, Correspondance,1857, p. 87.
3. Verbe + obj. dir. + pron. réfl. indir. :
17. ... que tout homme qui trouvera l'air humide, le temps long et l'atmosphère difficile à porter; que tout homme qui sera tourmenté d'une idée fixe qui lui ôtera la liberté de penser : que tous ceux-là, disons-nous, s'administrent un bon demi-litre de chocolat ambré, à raison de soixante à soixante-douze grains d'ambre par demi-kilogramme, et ils verront merveilles. J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 118.
18. Et elle s'administra, sur la cuisse, une claque. O. Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 291.
Prononc. − 1. Forme phon. : [administʀe], j'administre [ʒadministʀ ̥]. Enq. : /administʀ/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : administrant, administrateur, administratif, administration, s'administrationaliser, administré, administreressé. Cf. ministre. − Rem. Littré note : ,,Le d ne s'écrivait guère dans l'ancienne langue``. Cf. aussi Fouché t. 3 1961, p. 871; Bourc.-Bourc. 1967, § 146, rem. III.
Étymol. ET HIST. I.− Intrans. 1. Début xiiies. relig., aministrer (+ datif de pers.) « servir » (Guill. le Clerc, Joies N. D., éd. Reinsch, 530 : Tant que Deus li dist en apert : Va t'en, Sathan, fui tei de ci! − Si tost come il l'out guerpi, Li angre, qui pres de lui erent, Maintenant li aministrerent). xvies.; 1214-1227 id., aministrer « servir (à l'autel) » (Perceval [Continuation de Manessier], éd. Potvin, 39992 ds T.-L. : devant l'autel amenistra); 2. xvies. « servir, exercer une fonction » (Amyot, Vies, Luc., chap. VII ds Gdf. Compl. : il avoit administré en l'office du questeur). II.− Trans. 1. (L'obj. est une pers.) mil. xiies. amenistrer « prendre soin (de qqn) » (Aiol et Mirabel, éd. Raynaud et Normand, 141 : S'il venoit en bataille ne al jouster, Molt tost le poroit Dieus amenistrer). − Fin du xiiies. ds T.-L.; 2. (l'obj. est un inanimé) : a) fin xiie-début xiiies. administreir « s'occuper de » (Trad. des « Moralia in Job » ds Dial. Greg., éd. Förster, 311, 7 : ... cant il trop voient estre mal dignes, laissent administreir a lur proimes choses qui prout lor pois[sen]t faire); 1262-68 « gouverner, diriger (affaires publiques) » (Brunet Latin, Tresor, éd. Chabaille, p. 397 : ... Platons dit que cil qui contendent qui miels amenistre la cité, font autressi comme se li Marinier estrivoient entre eulx li quels governe miels la nef); b) début xiiies. aministrer « fournir, livrer » (Guill. Le Clerc, Lég. Madeleine, éd. Schmidt ds T.-L. : E si lor fist aministrer Trestot quanque mestier lor fu). Empr. au lat. administrare (de minister, ministrare), d'abord attesté au sens de « prêter son aide (cont. relig. : sacrifice) ds Plaute, Stich., 397 ds TLL s.v., 731, 16 : iube famulos rem divinam mi apparent : : vin administrem? (de même Epid., 418, ibid., 731, 17); très rare dans cet emploi où domine ministrare, spécialisé au sens de « célébrer le culte divin » (dep. Plaute, Amph., 983 ds TLL s.v. ministrare, 1017, 45 et durant toute la latinité, très largement attesté en lat. chrét.; cf. avec I 1 Vulg., Mat., IV, 11 : et ecce angeli accesserunt et ministrabant ei; et ves. Pomerius, Vita contemplativa, 2, 7, 3 ds Blaise 1954 : ministrare altari); aussi I 1 est-il plutôt exprimé par l'a. fr. menistrer (dep. début xiies., Ps. Oxford; voir ce mot); cf. cependant emploi isolé lat. médiév. 1073-1083, Grég. VII, Registr., 2, 62 ds Mittellat. W. s.v., 211, 44 : eorum ordinum qui sacris altaribus administrant. Administrare, très rarement construit avec acc. de pers. (de même ministrare); cf. cependant avec II 1 Tert., Adv. Marc., 2, 9 ds TLL s.v. administrare, 731, 19 : animae hominis angeli administrant, et aussi Tert., Op. cit., 5, 7, ibid., s.v. ministrare, 1020, 31 : angelis, qui mundo administrant. Au sens de « regere, gerere » (obj. inanimé) ministrare entre à peine − et très tard − en concurrence avec administrare; celui-ci attesté au sens II 2 a (affaires privées) dep. Varron, Menipp., 255 ds TLL s.v., 731, 60, fréq. en lat. médiév. Capit. reg. Franc., 173, p. 355, 35 ds Mittellat. W. s.v., 210, 61 : utrum rem suam familiarem et domestica officia per honestas... an per turpes... personas tractari atque administrari velit; « gouverner (affaires publiques) » dep. iies. av. J.-C. : C. Gracchus, Orat. ds Gell., 11, 10, 3 ds TLL s.v., 732, 2 : rem publicam administrare; fréq. en lat. médiév. : Constitut. imperat., III, 263 ds Mittellat. W. s.v., 210, 56 : civitates ex nostra commissione amministravit et rexit; I 2 intrans. « exercer une fonction » en lat. class. (TLL s.v., 733, 14 sq.), plus fréquemment constr. avec acc. : officium administrare. II 2 b : exprimé en lat. par ministrare, rarement par administrare et parallèlement concurrence de l'a. fr. amenistrer et menistrer (voir ce mot); administrare chez Varron, Rust., 3, 16, 5 ds TLL s.v., 731, 22 au sens de « présenter, servir à table »; lat. médiév. au sens de « fournir, distribuer » : 937-1192, Chart. archiep. Magdeburg., 327 ds Mittellat. W. s.v., 209, 59 : cuilibet fratri... prebenda... cum omni plenitudine amministretur; [Rem. a) administrare et ministrare aussi en concurrence au sens de « conférer (un sacrement) », voir Blaise 1954 s.v. administrare et ministrare; b) lat. médiév., emploi méd. de administrare dep. xiiies. Brunus Longoburgensis ds Mittellat. W., 211, 24]. Aucun mot héréditaire issu de administrare dans Romania (voir cependant Rheinfelder ds St. rom., Gedenkschrift für Eugen Lerch, 1955, p. 350). Formes adaptées : amenistrer, amenestrer fréq. en a. fr. (cf. lat. amministrare, admenestrare ds TLL s.v., 731, 12-15 et aministrare, amministrare ds Mittellat. W. s.v., passim).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 494. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 916, b) 666; xxes. : a) 600, b) 599.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Caput 1969. − Éd. 1913. − Lasnet 1970. − Marcel 1938. − Rheinfelder (H.). Ein Vergessener französischer Wortsprössling. In : [Mélanges Lerch (E.)]. Stuttgart, 1955, pp. 348-352. − Sommer 1882.