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ACHARNER, verbe trans.
A.− Emploi trans., vx, rare, VÉN.
1. Donner le goût de la chair :
1. On acharne les chiens en leur donnant le goût et l'appétit de la chair. Baudr.Chasses1834.
2. Lancer un faucon ou un chien de chasse à la poursuite du gibier :
2. Parmi les personnes qui emploient le verbe acharner, combien peu savent qu'il signifie proprement lancer le faucon sur la chair? A. France, La Vie littéraire,t. 1, 1888, p. 295.
Au fig.
[Avec une idée d'hostilité] Acharner contre ou sur :
3. On sait avec quelle fureur ils [mes calomniateurs] ont acharné contre moi la populace de la plume... P.-A. Beaumarchais, Époques,1793, p. 77.
[Avec une idée d'obstination] Acharner à :
4. Toute ma volonté n'est pas de trop, qui m'acharne à ce travail où je ne cherche plus avantage. A. Gide, Journal,févr. 1918, p. 670.
3. Acharner un leurre. Le garnir de chair.
Au fig. :
5. Depuis long-temps je voulais trancher mon existence qui me lasse et m'importune, mon leurre était encore acharné de quelque espoir, je remettais de jour en jour; enfin, misérable porte-faix des misères humaines, je romps sous le fardeau, et viens le déposer. P. Borel, Champavert,Passereau, l'écolier, 1833, p. 192.
4. Attirer (l'oiseau) à l'aide du tiroir :
6. On dit acharner l'oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, ou en attachant le tiroir au leurre. Baudr.Chasses1834.
B.− Emploi pronom., usuel. [Le suj. désigne un animé personnel ou une force agissant à la manière d'une pers.]
1. [L'idée dominante est celle d'hostilité] S'acharner + prép. + subst. animé ou inanimé.Poursuivre avec une hostilité opiniâtre.
S'acharner contre :
7. ... le vent hargneux du nord (...) s'acharnait contre le toit. G. de Maupassant, Une Vie,1883, p. 90.
8. On l'a bien vu dans cette affaire Dreyfus où l'opinion publique était aussi peu disposée que possible à manifester la moindre sympathie en faveur du condamné, tandis qu'une notable partie de la presse s'acharnait contre lui, en sa qualité de Juif, avec une ardeur sans pareille. G. Clemenceau, L'iniquité,1899, p. 14.
9. ... c'est contre ce réalisme-là que s'acharne, au contraire, l'« intellectualisme » tel que l'entendait Éleuthère. H. Massis, Jugements,t. 2, 1924, p. 228.
S'acharner sur :
10. ... il lança quelques jurons et force soupirs en exigeant de l'espace et de l'air, puis, comme on s'acharnait sur lui de plus belle, à son corps défendant, et qu'on le persécutait de cris et de prières en le serrant contre les poitrines au point de l'empêcher de jouer des poumons selon ses besoins, il se renfrogna pour tout de bon et montra les gencives... L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 46.
11. Et voilà, couché devant leurs pas le squelette du village. Ce n'est plus qu'un tas d'os brisés sur lequel s'acharne le vent. Le long fleuve d'air mugit dans les maisons vides. Les ossements luisent sous la lune. J. Giono, Colline,1929, p. 95.
Rem. Dans les ex. suivants, la prép. est à par réf. archaïsante au sens propre en vén. avec l'interférence probable de l'idée (et de la constr.) de s'attacher à :
12. Les souvenirs de la terre les poursuivent encore; leurs passions sans but s'acharnent à leur cœur; elles s'agitent sur le passé, qui leur semble encore moins irrévocable que leur éternel avenir. G. de Staël, Corinne,t. 1, 1807, p. 76.
13. Est-ce parce que je vous aime que vous êtes affligée? Le sort s'acharne à tout ce qui m'entoure de près ou de loin! G. Flaubert, Correspondance,1872, p. 46.
S'acharner après :
14. Quoique la procédure soit environnée du plus profond mystère, (...), et dirigée par le fiscal général Rassi, dont la seule charité chrétienne peut m'empêcher de dire du mal, mais qui a fait sa fortune en s'acharnant après les malheureux accusés comme le chien de chasse après le lièvre; quoique le Rassi, dis-je, dont votre imagination ne saurait s'exagérer la turpitude et la vénalité, ait été chargé de la direction du procès par un prince irrité, j'ai pu lire les trois dépositions du Vetturino. Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 202.
Rem. 1. L'ordre de fréq. croissante des prép. est le suivant : après, contre, sur. 2. Les prép. contiennent des souvenirs précis de l'emploi du verbe comme terme de vén. Sur rappelle le vol du faucon qui fonce sur sa proie; dans après se perçoit l'image de chiens courant derrière le gibier; contre renvoie à l'affrontement ultime entre le poursuivant et le poursuivi. 3. L'idée d'hostilité est particulièrement nette lorsque le compl. prép. désigne un animé personnel ou animal. La nuance péj. apparaît là avec une netteté partic.
2. [L'idée dominante est celle d'opiniâtreté]
a) Constr. prép. Persévérer avec opiniâtreté.
Rare. [Le compl. est un inanimé] S'acharner dans :
15. Il brossait son carrelage, cirait le dessous du lit, commençait la lessive de son linge, d'un mouchoir, d'une chemise, la recommençait deux fois, trois fois, dix fois, s'acharnait dans une stupide besogne inutile, pour s'épuiser, s'occuper, donner à cette étrange bête qui habitait son crâne et qu'on nomme la pensée un aliment, quelque chose à dévorer. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 282.
[Le compl. est un verbe à l'inf. ou un subst.] S'acharner à :
16. Les Pélasges industrieux ont été traités par les races guerrières de l'antiquité, comme la ville de Tyr le fut par les Assyriens de Salmanazar et Nabucadnézar, qui, par deux fois, s'acharnèrent à sa perte;... J. Michelet, Histoire romaine,t. 1, 1831, p. 21.
17. ... il avait les bronches faibles, et respirait avec peine. Asthme, catarrhe, bronchite, s'acharnaient après lui : et la trace des luttes qu'il lui fallait subir (...) était gravée dans les plis douloureux de sa longue figure, maigre et rasée. R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 552.
Rem. 1. À est de beaucoup la prép. la plus fréq. après s'acharner. 2. Dans certains emplois avec un inf., s'acharner a la valeur d'une sorte de semi-auxil. de l'amplification :
18. ... il est des hommes faits pour éprouver tous les malheurs, des hommes que le destin s'acharne à poursuivre sans relâche, et sur qui pèse invariablement la main de la fatalité. J.-H.-F. La Martellière, Robert, chef des brigands,1793, IV, 5, p. 46.
b) Emploi abs. :
19. Elle ne m'aime point du tout. Elle est dans un tourbillon qui l'étourdit. Elle ne m'aimera jamais. Je m'use et m'acharne sans but et sans espoir. Il faut guérir de ceci comme d'une maladie. B. Constant, Journaux intimes,sept. 1814, p. 410.
20. Le paysan fut admirable d'endurance et de foi. Comme les fourmis qui refont grain à grain leur fourmilière bouleversée, il refit le patrimoine motte à motte. Plus la désolation était grande, plus il s'acharnait. Sa fidélité à la terre malade tenait de la grandeur... J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 98.
C.− Principales assoc. notées.
1. Syntagmes. Acharner comporte toujours l'idée d'obstination, appliquée à une entreprise quelconque (s'acharner sans but, B. Constant, Journaux intimes, 1803-1816, p. 410; s'acharner à ses tâches quotidiennes, R. Rolland, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 225) ou accompagnée d'hostilité (s'acharner à détruire, Id., ibid., Les Amies, 1910, p. 1144; s'acharner à la poursuite, H. de Balzac, Un Épisode sous la Terreur, 1846, p. 434; s'acharner à poursuivre, Mme Cottin, Mathilde, 1805, p. 323; s'- à vaincre, H. de Balzac, Annette et le criminel, 1824, p. 125) souvent vigoureuse (s'acharner à le faire souffrir, J.-K. Huysmans, Marthe, 1876, p. 27); assoc. avec persécuter, se ruer, cf. inf. Lutte ou entreprise peuvent s'exercer au point de vue des idées (s'acharner à convaincre, J.-J. Tharaud, Dingley, L'illustre écrivain, 1906, p. 119; la passion qui s'acharne, G. Sand, Histoire de ma vie, 1855, p. 59; s'acharner à prouver, H. de Montherlant, Les Lépreuses, 1939, p. 1373 et L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 80), et l'adversaire, être représenté par une force abstraite : la fatalité s'acharne, A. Gide, Souvenirs de la Cour d'Assises, 1913, p. 640; la fatalité qui s'acharne, É. Estaunié, L'empreinte, 1896, p. 245; le malheur s'acharne, É. Zola, Le Docteur Pascal, 1893, p. 236.
2. Assoc. paradigm. : acharner/combattre (A. de Lamartine, Voyage en Orient, 1835, p. 325), acharner/exterminer (J. Michelet, L'Oiseau, 1856, p. 85), acharner/persécuter (H.-F. Amiel, Journal intime, 1886, p. 529).
Prononc. − 1. Forme phon. : (s') [aʃaʀne] (je m') [aʃaʀn]. Enq. : /aʃaʀn/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : acharné, acharnement. Cf. chair.
Étymol. ET HIST. − 1. Emploi fig. a) ca 1170 part. passé adjectivé, acharné sor « qui s'attaque violemment à (qqn dans un combat) » (B. de Sainte Maure, Chron. ducs de Norm., éd. Fahlin, 29 556 : Poi lor duroent les meslees, Sor eus esteient [les femmes] acharnees); b) 1240-1280 réfl. « s'attacher passionnément à (d'une pers.) » (B. de Condé, Dits, Le ver de la char, 16, I, 148 ds T.-L. compl. : Il n'est si biele carneure D'oume né de feme carnel C'aprés ton mors s'i acarne el [la Mort personnifiée] Que li vier qui de la char naissent [jeu de mot avec char]); c) 1409 « exciter, irriter (qqn contre qqn) » (Bouciquaut, Livre des faits de Jean de Maingre dit Bouciquaut, II, 20 ds Gdf. Compl. : Tant estoit sur eulx acharné); 2. sens propre 1352-1361 part. passé adjectivé, vén. « auquel on a donné le goût de la chair » (Jeh. Le Bel, Chron., éd. Polain, 1, 106 ds Quem. t. 1 1959 : Par chiens et limiers pour ce affaitiez et acharnez); 1394 réfl. « se mettre en appétit de chair (des chiens) » vén. (Hardouin, Trés vén., éd. Michelant, 860 ds T.-L. : lesserér... Tous vos chiens a celuy cerf prendre, Qui tretout le devoreront Et par ainsi s'acharneront). − 1771, Trév.; xvies. « garnir de chair » (Ronsard, Voyage d'Hercueil, var (v. 465) ds Hug. : Ces corbeilles Achernon de jambons gras, De pastez, de pain d'epices, De saussisses, De boudins, de cervelas), spécialisé très vite comme terme de vén. et fauconn. (Nicot 1606, Fur. 1690). Dér. de chair*; préf. a-1*, dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 593. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 278, b) 864; xxes. : a) 1 490, b) 922.
BBG. − Bar 1960. − Baudr. Chasses 1834. − Bénac 1956. − Darm. Vie 1932, p. 97. − Remig. 1963. − Spr. 1967.