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ACCOUTRER, verbe trans.
1. Vx. Arranger des vêtements, vêtir des pers. avec un soin ou une élégance recherchées.
a) Arch. Arranger des vêtements avec un soin recherché :
1. Il y avait en effet du beau linge bien net, et des habits si proprement accoutrés qu'on les aurait crus faits à ma taille. Ch. Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 88.
b) Vx. (Se) vêtir avec une élégance recherchée :
2. « Grand dieu! lui dis-je en m'unissant de grand cœur à la gaieté universelle, que vous voilà magnifiquement accoutrée, Fée aux miettes, et que j'aurais plaisir à vous voir de la sorte dans une meilleure occasion!... » Ch. Nodier, La Fée aux miettes,1831p. 143.
3. Même simplicité, même propreté recherchée dans leur linge; et, au milieu de la gaucherie un peu lourde de leurs mouvements, cette assurance de jeunes lords qui, accoutrés en vue du but qu'ils se proposent, ont compté sur leur tailleur pour être à l'aise, sur leur bonne mine pour se faire distinguer,... R. Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 391.
4. ... j'avais cru pouvoir savourer in-petto la satisfaction d'être un sublime génie, non en portant, comme aujourd'hui, une barbe et un habit extraordinaire, mais en restant accoutré de la même façon que les honnêtes gens, distingué seulement par ma supériorité... F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 24.
Rem. Ce sens, donné comme vieux par toute les éd. d'Ac. jusqu'en 1878 et, curieusement, comme vieilli par Ac. t. 1 1932, est le sens gén. usité jusqu'au xviies. (Rich. t. 1 1680).
2. Vieilli. (S') équiper pour la guerre, la chasse, le voyage... Accoutré en chasseur, accoutré pour le voyage :
5. Une autre fois Karle, accoutré d'une casaque de peau de brebis, va à la chasse avec les grands de Pavie, vêtus de robes faites de peaux d'oiseaux de Phénicie, de plumes de coucous, de queues de paons mêlées à la pourpre de Tyr et ornées de franges d'écorce de cèdre. F.-R. de Chateaubriand, Études historiques,t. 5 bis, 1831, p. 401.
3. Cour., fréquemment iron. ou péj.
a) (Se) vêtir en comédien :
6. Iphigénie était accoutrée comme Mmede Sévigné, lorsque Boileau adressait ces beaux vers à son ami : Jamais Iphigénie en Aulide immolée... F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 39.
7. Scapin, l'œil à gauche. On est en train d'accoutrer Sylvestre en lui piquant des moustaches sur les lèvres. P. Claudel, Le Ravissement de Scapin,préf., 1952, p. 1333.
b) (Se) vêtir de façon comique, bizarre, à la manière d'un étranger, etc; se déguiser :
8. Quelquefois on apercevait ... une file de bêtes de somme, conduites par un piéton, accoutré à l'orientale. G. Flaubert, Trois contes,La Légende de Saint Julien l'Hospitalier, 1877, p. 57.
9. ... elle ne relevait plus des traditions bibliques, ne pouvait même plus être assimilée à la vivante image de Babylone, à la royale prostituée de l'apocalypse, accoutrée, comme elle, de joyaux et de pourpre, fardée comme elle;... J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 74.
10. ... une petite fille appela aussi « Chat botté » le jeune et maigre Bonaparte, un jour qu'elle le vit ridiculement accoutré en général de la République. A. France, Crainquebille, Putois, Riquet,1904, p. 80.
11. Lorsqu'il eut accoutré toute la campagne [comme tailleur ambulant], il lui vint une grande ambition. Il voulut habiller la ville. G. d'Esparbès, La Légende de l'outil,1902, p. 187.
Syntagmes fréq. : singulièrement, bizarrement, grotesquement accoutré; accoutré en pagode, en vieille dévote, en saltimbanque, à l'orientale, à la grecque.
Rem. L'ex. 11 marque bien la distinction entre accoutrer (toute la campagne), terme péj., et habiller (la ville).
c) (Se) vêtir de façon misérable :
12. Qu'eût-on dit, en effet, de voir le Baron de Sisognac accoutré comme un gueux de l'hostière ou comme un cueilleur de pommes du Perche? T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 19.
Syntagmes : accoutré de nippes bigarrées, accoutré d'une loque; (si) mal accoutré, abominablement accoutré.
Rem. Cette dernière accept. est l'aboutissement d'une succession de séries associatives, qui fait qu'un mot qui signifiait à l'orig. « vêtir », puis « parer d'habits », c.-à-d. « vêtir mieux que tout le monde », en est venu à vouloir dire « vêtir moins bien que tout le monde ». Du vocab. de la parure et de l'élégance, le mot après être passé dans celui du déguisement de comédien, puis de vêtement com., de l'extraordinaire (Guérin 1892), puis du ridicule, est associé à l'idée de la pauvreté. Alors que être accoutré a signifié être « bien mis », il signifie auj. tout le contraire.
Au fig., rare
Être accoutré de, s'accoutrer de (+ subst. désignant une chose abstr.) :
13. Le nom diffamé de sa race correspond à celui de Caïn, dont vous me savez accoutré,... L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 68.
14. ... mais plus encore que ses rogues manières, on redoutait la bonhomie pateline et froide dont il s'accoutrait quelquefois : ... M. Genevoix, Raboliot,1925, p. 24.
Vx. Accoutrer qqn.Le maltraiter en paroles :
15. Cet homme est bien accoutré, accoutré de toutes pièce, il a été fort maltraité, ou l'on a dit beaucoup de mal de lui. Ac.t. 11932.
Rem. Ds l'ex. suivant, Léon Bloy combine avec vigueur accoutré et injures. L'expr. en acquiert une force plus grande que si l'adj. avait été couvert ou revêtu :
16. Après tout, il a sa croix, le seigneur qui meurt. Il a son église, − maintenant accoutrée d'injures, il est vrai. L. Bloy, Journal,1894, p. 107.
Région. :
17. Accoutrer (la lessive). Ranger le linge dans le cuvier. J.-M. Rougé, Le Folklore de la Touraine,1943.
18. Accoutrer (s'). Ajuster un habit et aussi se lier avec quelqu'un. J.-M. Rougé, Le Folklore de la Touraine,1943.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [akutʀe], j'accoutre [ʒakutʀ ̥]. Enq. : /akutʀ/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : accoutrement, accoutreur, raccoutrer (cf. Poit. 1860). − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. acoutrer avec un seul c. Ac. Compl. 1842 réserve une entrée à accoustrer ,,V. lang.``.
Étymol. ET HIST. − [1295 emploi pronom. « s'installer » (J. de Meung, Le Testament, 1809 ds Le Roman de la Rose, éd. Méon ds T.-L. : Luxure confont tout la ou elle s'acoutre, Car maint droit heritier desherite tout outre) hapax]. I.− 1. xiiies. trans. « mettre en place (qqc.) » (Rutebeuf, Œuvres complètes, II, 438, éd. Kressner, ibid. : Mauvès samblant d'amors me moustre Cil qui m'efforce que j'acoutre Tant de vin en mon ventre, et boute, Se le hanap ne boi tout outre); id. « disposer (qqc.) » (Renart, III, 98 ds DG : les hardeillons moult bien acoutre Desor son dos); 2. 1525 « préparer, accommoder (des aliments) » (Exec. test. de Jehan Chotin, A. Tournai ds Gdf. Compl. : Lors iceulx executeurs communicquerent avecq le dit cuisinier, afin de savoir quelz vivres ilz feroient acoustrer pour les disner et sonne du dit feu); 1569 « préparer une terre pour la cultiver » (Calvin, Serm. sur le liv. de Job 15, XXXIII, 191 ds Hug. : Comme un laboureur, quand il veut semer, il faut qu'il face passer la charrue devant, il faut que la terre soit accoustree); 3. 1509 « orner, décorer » (Lemaire de Belges, Illustr., II, 17, ibid. : La littiere fut tantost preste et accoustree de royaux aornemens); 4. 1549 « arranger qqn de la belle manière, le maltraiter, en dire du mal » (Estienne, Dict. françois-lat. : Je t'accoustreray tantost bien mal, ego nunc te non mediocri mactabo infortunio B. ex Plauto). II.− 1509 emploi pronom. « se vêtir, se parer » (Lemaire de Belges, op. cit., I, 39 ds Hug. : La Nymphe s'accoustra de ses plus riches habillemens); 1680 « habiller d'une manière grotesque » (Rich. t. 1 : acoutrer v. a. habiller, ajuster, parer [il y avoit des singes acoutrez en charlatans. Abl. Luc.]). 2 hyp. 1. D'un lat. vulg. *ac-cons(u)turāre (dér. de *consutura, couture*; Diez5, I, s.v. cucire; G. Paris ds Romania, XIX, 287) qui aurait signifié à l'orig. « rapprocher en cousant, raccommoder » d'où « préparer, orner », cf. développement sém. de bâtir*. La conjug. aurait d'abord été *acostur (prés. 1), nous acostrons (prés. 4) avec généralisation du rad. d'apr. les formes (faibles); témoin des formes du type *acostur, l'a. fr. racousturer, 1remoitié xiiies. « recoudre (une plaie) », 2emoitié xiiies. « raccommoder (un vêtement) ». L's- devant consonne s'étant amui dans la prononc. au xives., sa présence, dans les formes tardives en -st-, n'est pas un argument en faveur de cet étymon, car il peut très bien avoir été réintroduit. Tobler (ds Sitzungsberichte der Akad. der Wissenschaften zu Berlin, 1889, 2, LI, 1092-1097) oppose à cet étymon le fait que les verbes dér. de subst. en -ura conservent tous leur -u- : amesurer, afaiturer, empasturer 2. Dér. de coutre*, lat. culter « coutre », Tobler, loc. cit., convient du point de vue phonét., un -s- graph. ayant pu être ajouté au xives., voir sup. Cf. aussi navarr. acutrar « cultiver la terre », REW3, 2382 et Puissergnier (Hérault) acoutri « préparer la terre à la charrue » FEW, t. 2, 1503a. L'évolution sém. serait alors : − soit « équiper d'un soc » > « équiper, préparer, disposer »; − soit en partant du sens « couteau tranchant » (Rohlfs ds Z. fr. Spr. Lit., XLIX, 174; cf. bressan « couteau servant à dégrossir les blocs de bois ») « ébaucher » > « préparer » (> « parer, vêtir »), cf. évolution sém. de habiller*. L'a. prov. acotrar, xiiies. « équiper, parer » ds Rayn. est empr. au fr.; ds prov. mod. acoutra, acoutri « cultiver, disposer, préparer » (Mistral t. 1 1879) se rencontrent prob. le continuateur de l'a. prov. acotrar « équiper » et le dér. mod. de coutro « coutre ». Dans les 2 hyp., l'évolution sém. fait difficulté. De plus des contaminations sont possibles : Tobler, loc. cit. voit dans l'attest. de 1295, J. de Meung, une forme de accoter* avec introd. possible d'un -r- parasite dans le groupe -te. L'étymon lat. cultura (Scheler 1873) au sens de « soin, mise, toilette » fait difficulté du point de vue sém., les représentants rom. de cultura étant tous dér. du sens « culture de la terre ». L'étymon lat. culcita « couette » (courte-pointe*) Ulrich ds Z. rom. Philol. III, 226, no3, est à rejeter, le sens de « couvrir, vêtir » étant secondaire par rapport à celui de « préparer ».
STAT. − Fréq. abs. litt. : 64.
BBG. − Bar 1960. − Bénac 1956. − Jal 1848. − Remig. 1963.