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ACCABLANT, ANTE, part. prés., adj. et subst.
I.− Part. prés. du verbe accabler*.
II.− Adj. [En parlant d'un inanimé indiquant la nature ou l'orig. de l'accablement. Correspond à accabler B] Qui accable en raison notamment :
1. D'une charge physique excessive (rare) :
1. Il prenait la croix et il suivait Jésus. Il l'alourdissait, la rendait accablante, n'avait pas de plus grande joie que de succomber sous elle, de la porter à genoux, l'échine cassée. É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1480.
2. De souffrances physiques intolérables, effets résultant :
a) Des conditions atmosphériques :
2. ... le soleil est dans toute sa force, la chaleur est accablante : c'est un supplice que de courir la campagne; (...) le gibier se tapit au plus épais des buissons; le chasseur, exténué de fatigue, ne trouve plus rien, et cherche à son tour un abri commode; ... V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 183.
3. L'excès du froid ou de la chaleur, l'ennui, certains mouvements de tête, des irritations internes contribuent à cela. Je n'imagine plus rien alors. Une étrange stupeur me saisit, je demeure immobile, ne sentant rien que la fixité lourde, accablante de la vie, qui paraît s'arrêter dans un état de mal-être incompréhensible, ... M. de Guérin, Journal,1835, p. 234.
4. De courtes aurores, des midis plus longs, plus pesants qu'ailleurs, presque pas de crépuscule; quelquefois, une expansion soudaine de lumière et de chaleur, des vents brûlants qui donnent momentanément au paysage une physionomie menaçante et qui peuvent produire alors des sensations accablantes; ... E. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 183.
5. La température est accablante; non qu'il fasse très chaud; mais l'air est si lourd, si vaporeux, que l'on ruisselle. A. Gide, Voyage au Congo,1927, p. 760.
b) De la fatigue, du sommeil, de la vieillesse, etc. :
6. Chaque pas qu'il faisait en allant d'un meuble à l'autre l'exténuait, et il était obligé de s'asseoir. Ce n'était point de la fatigue ordinaire qui dépense la force pour la renouveler; c'était le reste des mouvements possibles; c'était la vie épuisée qui s'égoutte dans des efforts accablants qu'on ne recommencera pas. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 703.
7. C'était un de ces sommeils qui semblent durer des années, − accablé, accablant, comme du plomb au fond d'un lac. On est la proie de la lassitude amoncelée et des hallucinations monstrueuses qui rôdent éternellement aux portes de la volonté. Il voulait s'éveiller, brûlant, brisé, perdu dans cette nuit inconnue; il entendait des horloges sonner d'éternelles demies; il ne pouvait respirer, ni penser, ni bouger; il était ligoté, bâillonné, comme un homme que l'on noie, il voulait se débattre et retombait au fond... R. Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1336.
3. Des circonstances psychiques ou mor., particulièrement pénibles de l'existence :
8. Toute joie exaltée est nécessairement peu durable. Il est entre nos sensations, comme entre toutes les forces de la nature, une sorte d'équilibre qui modère les unes pour ne pas détruire les autres. Dans leurs oscillations une impulsion trop grande produit une réaction inévitable. Une tristesse accablante suivra la joie immodérée; l'action est convulsive, le repos sera léthargique... É. de Senancour, Rêveries,1799, p. 85.
9. Il n'est donc point vrai qu'aujourd'hui, plus qu'autrefois, l'homme soit disposé à se résigner au despotisme. Une nation fatiguée par des convulsions de douze années a pu tomber de lassitude, et s'assoupir un instant sous une tyrannie accablante, comme le voyageur épuisé peut s'endormir dans une forêt, ... B. Constant, De l'Esprit de conquête et de l'usurpation,1813, p. 240.
10. ... un peuple qui avait supporté sans se plaindre, et comme s'il ne les sentait pas, les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s'en allège. (...) Il n'y a qu'un grand génie qui puisse sauver un prince qui entreprend de soulager ses sujets après une oppression longue. A. de Tocqueville, L'Ancien régime et la Révolution,1856, p. 277.
11. « Pendant plus de trois ans, notre rêveur sera comme un exilé, chassé du territoire du bonheur commun, car il est arrivé maintenant à une Iliade de calamités, il est arrivé aux tortures de l'opium. » Sombre époque, vaste réseau de ténèbres, déchiré à intervalles par de riches et accablantes visions : C'était comme si un grand peintre eût trempé Son pinceau dans la noirceur du tremblement de terre et de l'éclipse. (...) c'est bien là le ciel morne et l'horizon imperméable qui enveloppent le cerveau asservi par l'opium. Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Un Mangeur d'opium, 1860, p. 421.
12. J'ai beau chercher dans les cendres de mon bonheur détruit, je n'y retrouve plus rien des sentiments que je devrais avoir, que j'ai eus, et qui m'auraient encore aidée à porter le poids de cette accablante misère! Je n'ai plus de fierté, je n'ai plus de volonté, je n'ai plus de raison, je n'ai plus même, non, je n'ai plus, en face de ma conscience éteinte, cette pudeur de la souffrance qui répugne à s'avouer... Je suis horriblement malheureuse, et si désertée de ma force que je ne sais rien faire que de confesser mon impuissance. Ah! si je peux mourir, et vite, bien vite, ... J.-A. de Gobineau, Les Pléiades,1874, p. 295.
13. Nous constatons ainsi que le pessimisme le plus découragé est le dernier mot de cette littérature d'enquête. De plus en plus, au cours des romans qui relèvent de cette doctrine, la nature humaine est montrée misérable, dans ses dépressions sous le poids des circonstances trop accablantes, dans ses impuissances contre les forces trop écrasantes. P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine,1883, p. 182.
14. Maintenant qu'il en était privé, il éprouvait une défaillance de tout son être, une impression d'implacable découragement, d'accablant ennui. J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 16.
15. Parmi les victimes du milieu, il en est qui sont comme perpétuellement écrasées par lui, parce que son incidence est toujours trop proche et par suite trop brutale. (...) Tel est le monde accablant des asthéniques. Toutes les saccades du milieu − bruits, précipitation, changements, difficultés − retentissent contre eux plus fort et plus douloureusement que chez les autres. Ils sentent toujours le monde trop près d'eux, oppressant par sa proximité. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 79.
4. De témoignages défavorables, d'accusation pouvant entraîner condamnation :
16. Et la peau du lapin, preuve accablante, dernière et terrible pièce à conviction, fut découverte dans la paillasse. Alors les gendarmes rentrèrent en triomphe au village avec le prisonnier et leurs trouvailles. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Lapin, 1887, p. 249.
17. Comment! Il existerait, depuis 1894, un témoignage aussi accablant, dont la publication suffirait à annuler, d'un coup, tout le branle-bas − et, depuis quatre ans, personne n'aurait pensé à le produire? R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 374.
18. Le prévenu sera-t-il acquitté ou bénéficiera-t-il seulement de circonstances atténuantes? Il est dommage que les délits de presse ne soient plus guère réprimés, sans quoi nous assisterions bientôt à un procès de ce genre; l'accusé a publié un livre qui attente à la morale publique; sur la plainte de quelques-uns de ses concitoyens « les plus honorables », il est également inculpé de diffamation; on a retenu contre lui toutes sortes d'autres charges accablantes, telles qu'injures à l'armée, provocation au meurtre, au viol, etc. L'accusé tombe, d'ailleurs, aussitôt d'accord avec l'accusation pour « flétrir » la plupart des idées exprimées. A. Breton, Les Manifestes du surréalisme,1930, p. 71.
5. D'un excès de bien, de bonheur, de faveurs, etc. :
19. Tels, après tout, les cœurs des hommes : plus ils sont tendres et délicats, plus ils sont vite émoussés, dégoûtés et à bout. Qui de vous, amants humains, parmi les plus comblés, et au sein des accablantes faveurs, qui de vous n'a subi l'ennui? Ch.-A. Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 169.
20. La nature paraît bien grande lorsque, dans un long recueillement on entend le roulement des ondes sur la rive solitaire, dans le calme d'une nuit encore ardente et éclairée par la lune qui finit. Indicible sensibilité, charme et tourment de nos vaines années; vaste conscience d'une nature partout accablante et partout impénétrable, passion universelle, sagesse avancée, voluptueux abandon; ... É. de Senancour, Obermann,t. 1, 1840, p. 22.
21. ... il se pourrait aussi que l'humanité fût, dans son ensemble, incapable de soutenir la vérité de la science. Vérité ardue, accablante, oppressante... Parmi ses zélateurs eux-mêmes, il en est qui ne s'y rendent point sans détresse. Bien sûr, ils ne peuvent faire autrement que d'y rester fidèles, mais il leur arrive d'envier ceux-là qui ne sont point empêchés, par la forme de leur esprit, d'en concevoir une autre. J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 206.
Rem. 1. Emplois rares
a) [En parlant d'une pers.] :
22. ... elle est la forme bénigne de l'autoritarisme des timides ou des inquiets, qui reportent sur autrui leur propre insécurité : voyageurs qui assassinent leurs voisins d'obligeances indiscrètes, parents qui ne savent pas laisser leurs enfants apprendre seuls un jeu ou découvrir seuls un plaisir, donneurs de conseils inséparables de tout incident de rue, et jusqu'à ces femmes accablantes qui ne savent pas combien l'homme aime agir de lui-même et avoir un peu d'air autour de ses gestes. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 511.
b) Subst. Ce qui accable :
23. Bonhomme d'église et de Sorbonne, onctueux, pesant, naïf, maladroit jusque dans ses finesses, il n'a pas grand air. (...) Quand il écrit, il passe, avec une placidité irritante, du plus haut sublime à l'accablant, à l'ennuyeux. H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921, p. 6.
Rem. 2. a) Contrairement à accablé, accablant peut être antéposé (cf. ex. 11, 12, 14, 19). b) À la différence de accablé, accablant qualifie gén. un inanimé; il correspond donc à accabler B.
Rem. 3. a) Syntagmes fréq. Comme le montrent les ex., les subst. avec lesquels accablant forme le plus fréquemment syntagme sont : air, chaleur (très fréq.), charge, coup, effet, ennui, fait, fardeau, fatigue, idée, lassitude, mystère, pensée, poids, preuve, réflexions, sentiment, silence, soleil, sommeil, témoignage, température, tristesse. b) Accablant est volontiers associé avec des adj. ou des part. prés. (et qqf. passés) : amer, chargé, chaud, cruel, dangereux, douloureux, dur, écrasant, écrasé, fort, funeste, grand, long, lourd (fréq.), monotone, obsédant, pénible, poignant, sinistre, terrible, triste, vaste, vif; anton. léger.
Prononc. : [akɑblɑ ̃], fém. [-ɑ ̃:t]. Enq. : /akablã, -t/.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 527. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 667, b) 658; xxes. : a) 869, b) 795.