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ABSTRUS, USE, adj.
Difficile à comprendre, à pénétrer.
A.− [En parlant de conceptions intellectuelles, philos., sc., etc.] :
1. Puis, M. Redon présentait les traductions d'Edgar Poë, s'attaquant aux pensées les plus subtiles et les plus abstruses du poète, interprétant des membres de phrases... J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 300.
2. ... il passa bientôt les matinées, en compagnie de M. Smithson, à dérouiller sa plus abstruse et sa plus profonde arithmétique. E. Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 154.
3. Il n'y a pas au monde une notion psychologique, une expérience métaphysique, une intuition mystique, si abstruses, si profondes et si inattendues qu'elles puissent être, qu'il ne nous soit possible, s'il le faut, de reproduire et de faire vivre un instant en nous-mêmes, afin de nous assurer de leur identité humaine; ... M. Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 106.
4. Lorsqu'ils étaient encore tout petits, − et les problèmes les plus abstrus, les plus confondants de la théologie les attiraient alors avec une passion étrange, − Albert appelait Herminien son âme damnée. J. Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 181.
Rem. 1. Les princ. assoc. relevées sont les suiv. : arithmétique, abstruse, méditations abstruses, métaphysique abstruse, mysticisme -, science abstruse, spéculations abstruses, théologie abstruse, vérités philosophiques abstruses. 2. Except., dans l'ex. suiv., qualifie l'œil considéré non pas dans sa réalité phys., mais comme le miroir de la pensée :
5. Et l'œil de l'amant ou de la mère, par exemple, n'est-il pas mille fois plus abstrus, impénétrable et plus mystique que ce livre, pauvre et explicable, après tout, comme tous les livres, qui ne sont jamais que des mystères morts, dont l'horizon ne se renouvelle plus? M. Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 102.
B.− [En parlant de créations litt. ou artistique ou, plus gén., des façons de s'exprimer] :
6. Ce n'est jamais impunément... qu'on fait miroiter aux yeux du peuple des formules abstruses, dont on se réserve le sens. E. Renan, Hist. des origines du Christianisme,Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 1881, p. 120.
7. L'un (M. Pissarro), coloriste surtout, se servant d'une formule inusitée, abstruse, arrivant à rendre la vibration de l'atmosphère, la danse des poussières lumineuses dans un rayon, abordant franchement le grand jour, ... J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 267.
8. Je me suis lancé pour cette revue amie dans une manière de poème symbolique en diable et abstruse comme il n'est pas possible, ... A. Gide, P. Valéry, Correspondance,lettre de A. G. à P. V. févr. 1891, p. 50.
9. Le plus abstrus sonnet de Mallarmé n'est pas plus difficile à comprendre que, pour le spectateur non prévenu, non apprivoisé par avance, l'enchevêtrement de cet amphigouri sublime. A. Gide, Voyage au Congo,1927, p. 820.
10. Troxler fut, en effet, parmi les disciples de Schelling, celui dont l'expression abstruse et violemment originale frappe le plus. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 88.
11. Il s'était fait une culture particulière, − commençant par s'imprégner, tout jeune encore, des œuvres les plus abstruses, les plus audacieuses de la littérature contemporaine. J. Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 51.
P. ext. [Peut qualifier une pers., un écrivain] Dont l'œuvre est difficile à interpréter ou à comprendre (cf. styl., rem. 1).
Rem. 1. Les assoc. les plus intéressantes sont les suiv. : cryptogrammes -, cryptographie abstruse, formule abstruses, style -, terminologie abstruse. 2. Synon. ésotérique, hermétique.
Stylistique − Mot rare; cont. gén. noble. La nuance péj. est très nette dans l'ex. suiv. : 12. Il y a quatre jours M. Miskiewicz... s'avisa de faire une tartine du mysticisme le plus abstrus, un véritable sermon dans le genre de Jérémie. P. Mérimée, Lettres à la Comtesse de Montijo, 1853, p. 89. Rem. 1. Elle a été marquée par Ac. 1835 dans ces termes : Il se dit quelquefois Des écrivains, dans un sens défavorable. Ce philosophe m'a paru abstrus. 2. Dans l'ex. suiv. abstrus calque le mot lat. avec son sens concr. (cf. étymol.) d'« impénétrable » (fig. étymol.) : 13. C'est une écume de toute race, un troupeau Carnassier de soudards chrétiens, de Juifs, de Druses, Et d'Arabes qui n'ont que les os et la peau. L'un descend du Taurus ou des gorges abstruses De l'Horeb, celui-ci du Liban, celui-là Des coteaux du Vieux Rhin, cet autre des Abruzzes. Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, Le Lévrier de Magnus, 1886, p. 126. Pour l'oppos. abstrus/abscons, voir abscons.
Prononc. − 1. Forme phon. : [ab̭stʀy], fém. [ab̭stʀy:z]. 2. Dér. et composés : abstrusion.
Étymol. − Corresp. rom. : esp. abstruso; cat. abstrus; ital. astruso. 1531 (ca 1327) « difficile à découvrir, à comprendre, obscur » (Jean de Vignay, Miroir historial, IX, 130, éd. 1531 ds R. Hist. Litt. Fr., I, 182 : Plusieurs enquierent les choses abstruses). Empr. au lat. abstrusus, part. passé de abstrudere « cacher ». Attesté au sens propre dep. Pacuvius, au sens fig. dep. Varron (De ling. lat., 9, 109 ds TLL s.v., 204, 39; cf. 1remoitié xiies., Conrad Hirsaugiensis, Dialogus, 1516 : abstrusior litera lectorem ducat ad aliud intelligendum). Seul le sens fig. abstr. subsiste en fr. HISTORIQUE I.− Pas de sens disparus av. 1789. II.− A.− Ac. 1718 à 1798, Trév. 1771 insistent sur l'emploi abstr. du mot : Abstrus (...) Il ne se dit qu'en parlant de sciences et de choses d'esprit. Trév. 1771. B.− Grande stab. sém. de ce terme monosém., du xvies. (cf. étymol.) à nos jours (cf. sém.) : xvies. (avec sans doute un reste de valeur concr. et faisant donc image) : J'ai leu en Tite-Live cent choses que tel n'y a pas leu; Plutarque en y a leu cent, oultre ce que j'y ay sceu lire, et à l'adventure oultre ce que l'aucteur y avoit mis : à d'aulcuns c'est un pur estude grammairien; à d'aultres, l'anatomie [= analyse détaillée] de la philosophie, en laquelle les plus abstruses parties de nostre nature se penetrent. Montaigne, Essais, De l'institution des enfants, Paris, Didot, 1802, t. 1, ch. 25, p. 169. xviies. : L'Algèbre, les sections coniques, sont des sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent penetrer. Fur. 1960. xviiies. : Afin que le peuple Juif, qui étoit encore aux rudimens, ne pouvant bien entendre les sens abstrus et cachés des écrits, se contentât de les admirer. (Trév. 1752).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 32.
BBG. − Lal. 1968.