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ABREUVOIR. subst. masc.
I.− Point d'eau naturel ou aménagé, généralement d'eau courante, où les animaux vont boire.
A. Point d'eau naturel :
1. Elle [la maison du commandant] est située sur une place fort irrégulière, à l'angle de laquelle coule un ruisseau, servant d'un côté de fontaine et de l'autre d'abreuvoir. E. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 114.
2. Le rose de la nature passe au violet, puis au bleu sombre... En bas, dans les cailloux de la rivière, luisait comme un miroir à main une petite flaque d'eau claire. C'était l'abreuvoir des fauves. A. Daudet, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon,1872, p. 121.
Rem. Ex. 2, nuance iron.; abreuvoir n'est gén. empl. que pour les anim. domestiques.
B. Bassin ou auge recevant l'eau dont viennent s'abreuver les anim. :
3. Abreuvoir. Petit vaisseau dans lequel on met l'eau pour faire boire les oiseaux dans les cages; dites, augat, diminutif d'auge. Gasconismes corrigés,1823.
4. Le comte, voyant que les deux époux commençaient à parler par paraboles, prit l'air distrait, et regarda avec l'attention la plus profonde et l'approbation la plus marquée Édouard qui versait de l'encre dans l'abreuvoir des oiseaux. A. Dumas, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 23.
5. ... − aux extrémités des routes centrales, des touffes de palmiers font flotter leurs larges feuilles au-dessus des citernes, abreuvoirs des éléphants. A.-M. de Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, Épilogue, l'Annonciateur, 1883, p. 374.
6. Il convenait de profiter de ces loisirs et de cette abondance d'eau coutumière. Restait, en effet, à creuser le fossé-abreuvoir, aussi indispensable aux bêtes que la fontaine aux hommes. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 2, 1928. p. 147.
7. On entendait couler l'eau du côté de la grange. C'était un abreuvoir creusé dans un tronc d'arbre. Dans la boue, tout autour, des empreintes d'hommes comme d'un troupeau avaient effacé les empreintes de moutons et de vaches, on n'en voyait plus que quelques-unes vers le pré, à l'endroit sec. J. Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 44.
8. Devant l'église de Santa Cecilia, une admirable fontaine dresse un fronton triangulaire au-dessus d'une auge d'abreuvoir : rien de plus net ni de plus constructif. A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 136.
9. ... la plupart des fermiers consacraient les bénéfices exceptionnels du marché noir à l'amélioration de l'outillage mécanique de leur exploitation : écrémeuses électriques, eau courante à l'étable, abreuvoirs automatiques, faucheuses ramasseuses, moissonneuses lieuses. R. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 140.
Rem. 1. Ex. 3, il s'agit ici du petit récipient dans lequel boivent les oiseaux et non du piège : ,,prendre les oiseaux à l'abreuvoir``, (cf. Littré). 2. Les ex. suiv. montrent que l'abreuvoir peut accessoirement servir pour la toilette, surtout des hommes :
10. Enfin, nos salles contenaient encore une pierre immense où restaient en tout temps deux seaux pleins d'eau, espèce d'abreuvoir où nous allions chaque matin nous débarbouiller le visage et nous laver les mains à tour de rôle en présence du maître. H. de Balzac, Louis Lambert,1832, p. 51.
11. Les hommes se lavent à l'abreuvoir. Lui, il s'humecte la face, où l'eau sèche instantanément, tant la peau brûle; rafraîchit sa bouche parcheminée, où un peu de salive colle en croûte verdâtre au coin des lèvres. H. de Montherlant, Le Songe,1922, p. 171.
II.− P. ext. Tout lieu ou source où l'homme s'abreuve (au propre ou au fig.).
A. Emplois concr.
Fam. Partie d'un ménage :
12. Les fortifications d'acier poli élevées autour d'une femme anglaise, encagée dans son ménage par des fils d'or, mais où sa mangeoire et son abreuvoir, où ses bâtons et sa pâture sont des merveilles, lui prêtent d'irrésistibles attraits. H. de Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 227.
Arg. et fam. Cabaret :
13. Savez-vous ce qui est trivial, hommes difficiles, gens de goût? C'est de ramasser dans les égouts des répertoires et les ordures des almanachs des idées mortes de vieillesse, de traîner sur les tréteaux des guenilles qui ont servi à tout le monde, et d'aller comme les bestiaux désaltérer votre soif de gloire et d'argent dans les abreuvoirs publics. A. de Musset, Articles publiés dans le journal« Le Temps », 17 mai 1831, p. 141.
14. Abreuvoir. Cabaret. On dit aussi et avec plus juste raison Assommoir. C'était primitivement le nom d'un cabaret de Belleville. France1907.
15. Il semble que, désormais, en réaction contre un Freud et un Proust, ceux qui s'aiment ne souhaitent plus que de courber sous le même joug leurs têtes rapprochées, de les pencher en même temps vers l'abreuvoir qui est un bar de nickel et d'acajou. F. Mauriac, Journal,1937, p. 179.
Rem. Ex. 13, 15, noter l'environnement styl. : trivial, bestiaux, joug.
B. Emplois abstr. :
16. Pourquoi a-t-elle refusé de boire aux eaux troubles, aux eaux lourdes de la passion, seul abreuvoir de la déplorable humanité? J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 61.
17. Tu t'enivres [pauvre siècle!] À l'abreuvoir banal des journaux et des livres Qui te gonflent avec l'espoir empoisonneur Que tu vivras demain dans le parfait bonheur J. Richepin, Les Blasphèmes,1884, p. 308.
18. Seule assise au foyer, Au coin du feu, Sur un banc de noyer, Voûtée un peu. Cœur tant de fois lavé À l'abreuvoir, Tant de fois abreuvé Au dépotoir. Ch. Péguy, Quatrains,1914, p. 558.
19. La dernière fois que nous nous étions ainsi penchés de front, âmes à l'abreuvoir, sur le même volume, il se trouvait que c'était sur un texte allemand, sur Schopenhauer. J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 116.
III.− P. anal. Abreuvoir désigne diverses réalités concrètes rappelant la forme d'un abreuvoir en auge.
Arg. Abreuvoir à mouche. Balafre sur le visage ou au cou (cf. hist.) :
20. « Oui, dit Cornu [condamné à mort], tout cela serait bel et bon, s'il ne s'agissait pas de la coloquinte (tête), mais... ce n'est pas déjà si réjouissant d'aller faire des abreuvoirs à mouches. F. Vidocq, Mémoires de Vidocq, chef de la police de sûreté jusqu'en 1827,t. 1, 1829, p. 384.
21. − Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue, et je veux y peindre un damier. − Là-dessus, vli-vlan! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure. P. Mérimée, Carmen,1847, p. 33.
Emplois techn.
BÂT., CONSTR. :
22. ... en creusant dans les joints verticaux des abreuvoirs, c'est-à-dire des canaux obtenus en creusant symétriquement les deux faces du joint, qu'on remplit en mortier mou de ciment Portland, [on évite la chute des avant-becs d'un viaduc] Bricka, Cours de chemins de fer,t. 1,1894, p. 178.
FOREST. Gélivure, gouttière.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [abʀoevwa:ʀ]. − Rem. DG note la 2eSyllabe avec [ø] fermé. Enq. : /abʀøvwaʀ/. 2. Dér. et composés : cf. abreuver. 3. Hist. − Le mot apparaît sous sa forme actuelle au xvies. (cf. ex. de Hug.), et régulièrement sous cette forme dans les dict. à partir de Ac. 1740. Le mot entre dans la lang. au xiiies. sous la forme abreveor (cf. étymol.). Au xvies., on rencontre la forme abbreuvoir (cf. ex. ds Gdf. et ds Hug.) empl. comme vedette de Nicot 1606 à Ac. 1718.
Étymol. − 1. xiiies. « lieu disposé pour abreuver les animaux » (St Graal II, 218 ds Gdf. Compl. : Li abreveors de cevax del chastel, si estoit tous pavés de marbre); 1284 « id. » (Jean de Meun, Art Chevalerie, 95 ds Cohn, Bemerk. TL ds Arch. St. n. Spr. CXXXIX, 64) : li abuvroirs. 2. 1390 « verre à boire » (Arch. nat., JJ 139, pièce 224 ds Gdf. : Gillot tenant en sa main un abuvroir ou abuvoir ou il buvoient plein de vin...), attest. unique. Dér. de l'a. fr. abevrer (abreuver*), suff. -oir*; corresp. lat. médiév. abrevatorium au sens 1 dep. 1219 (Du Cange s.v.). HIST. − Le sens propre « lieu disposé pour abreuver les animaux » est attesté dep. le xiiies. (cf. étymol. 1) et reste stable jusqu'à l'époque contemp., avec qq. nuances néanmoins : durant les xviieet xviiies., il se dit surtout à propos de chevaux (cf. abreuver, hist. A) et d'oiseaux; il connaît un élargissement à partir de Ac. 1798 qui ajoute ,,pour se baigner``; enfin, aux xixeet xxes., il concerne également les hommes (cf. sém.). Un emploi p. anal. « verre à boire » attesté au xives. (cf. étymol. 2) a disparu. Au cours des siècles apparaissent en outre des sens fig. et techn. 1. Au fig. a) Abreuvoir à mouches « plaie où les mouches peuvent s'abreuver », attesté dep. le xvies. et mentionné par tous les dict., subsiste et appartient à la lang. fam. et imagée : Vous le recognoistrez à ses grandes moustaches noires, retroussées en dents de sanglier, et à un grand abreuvoir à mouches qu'il a sur la joue gauche. Tournebu, Les Contens [1584], III, 1 (Hug.). b) « Cabaret » (lang. pop.), cf. DG. 2. Techn. a) Maçonn., 1reattest. lexicogr. chez Fur. 1690, subsiste. b) Eaux et forêts « gélivure, gouttière », 1reattest. lexicogr. ds Trév. 1771, subsiste (cf. Lar. encyclop.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 120.
BBG. − Baudr. Chasses 1834. − Blanche 1857. − Chabat t. 1 1875. − Dainv. 1964. − Gay 1967. − Jossier 1881. − Privat-Foc. 1870. − Réau-Rond. 1951.