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ABORDER, verbe trans.
[Le sujet est un navire, ou (par analogie avec le langage de la navigation) un véhicule, ou une personne se trouvant à bord d'un navire, sur un véhicule.] Achever un mouvement d'approche vers quelque chose ou quelqu'un.
A.− Emploi trans.
1. [Le compl. est un inanimé.]
a) Au propre. Atteindre un lieu ou un mobile (avec parfois une idée d'hostilité).
Atteindre (un rivage) :
1. Des brumes presque éternelles enveloppent les côtes de la baie de Monterey, ce qui en rend l'approche assez difficile; sans cette circonstance, il y en aurait peu de plus faciles à aborder aucune roche cachée sous l'eau ne s'étend à une encablure du rivage; et si la brume est trop épaisse, on a la ressource d'y mouiller, ... Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 2, 1797, p. 248.
2. ... j'avais été chercher mon fusil à deux coups, afin que, si quelque naufragé était tenté d'aborder les rochers à la nage, pour échapper à une mort imminente, une balle sur l'épaule lui fracassât le bras, et l'empêchât d'accomplir son dessein. Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 207.
3. Quand le radeau heurta le nouvel embarcadère ce fut comme si, toutes amarres rompues, ils abordaient une île dans les ténèbres, après des jours de navigation effrayée. A. Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1658.
Rem. Ex. 2 : le suj. est une pers. se déplaçant sur l'eau à la nage.
Atteindre (un vaisseau) :
4. ... l'empereur, entouré de ses officiers, aborda le Bellérophon; je me trouvai à l'échelle du vaisseau pour lui nommer le capitaine Maitland, auquel il dit : « Je viens à votre bord me mettre sous la protection des lois d'Angleterre ». E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 27.
Rem. Sur le suj., cf. ex. 2.
P. anal :
5. ... la machine et son tender avaient abordé le fourgon de tête, d'un choc sourd, et l'on vit le chef d'équipe serrer lui-même la vis de la barre d'attelage. É. Zola, La Bête humaine,1890, p. 16.
Heurter (un navire) pour l'attaquer :
6. Quand le beau temps reparut, une voile se montra à l'horizon. C'était un pirate colombien qui arrivait après la tempête, en véritable oiseau de proie des mers. Le pauvre navire désemparé essaya vainement de fuir. Le pirate était fin voilier; il aborda le navire, le pistolet au poing, s'en empara, jeta l'équipage à la mer, ... P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,Le Club des valets de cœur, t. 3, 1859, p. 32.
S'approcher (d'un syst. défensif terrien pour l'attaquer) :
7. La barricade fut dix fois abordée, assaillie, escaladée, et jamais prise. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 492.
8. Les alliés avaient maintenant à aborder le redoutable système défensif que l'adversaire avait érigé, au cours de l'hiver de 1916-1917, sur le front Cambrai-Saint-Quentin-La-Fère-Saint-Gobain. (...). Pour chasser l'ennemi de cet ensemble fortifié, pour briser cet obstacle, il était nécessaire de l'attaquer en poursuivant et soutenant les attaques de nos armées déjà victorieuses. F. Foch, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918,t. 2, 1929, p. 206.
P. ext. S'approcher d'(un lieu) :
9. Cook représente les îles les plus australes de la mer du sud couvertes d'éclats de roches en si grand nombre, qu'on ne peut aborder le pied de leurs montagnes, ni gravir sur leurs flancs, sans risquer de se rompre le cou. J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 173.
10. À peine arrivé à Aix, je suis allé à la chapelle. Si l'on aborde l'église par la façade, voici comment elle se présente : ... V. Hugo, Le Rhin, Lettres à un ami,1842, p. 67.
11. ... la plante s'enfonce. Elle aborde la seconde assise du sol. Elle y rencontre des calcaires, des phosphates, des silicates, du fer : ... J. de Pesquidoux, Le Livre de Raison,t. 2, 1928, p. 195.
CHIR. Pratiquer une voie d'abord (vers un organe) :
12. C'est bien là la plus hardie des entreprises humaines, − une pénétration et une modification immédiate des tissus de notre corps, − qui ne se refuse point désormais à toucher aux plus nobles d'entre eux, aux plus susceptibles, − qui ne craint d'aborder par le fer ni le cerveau, ni le cœur, ni l'aorte; c'est-à-dire, des organes dont le temps est si précieux qu'une fraction de minute perdue par eux peut entraîner la perte brusque de tout l'être. P. Valéry, Variété 5,1944, p. 46.
b) Au fig. Commencer à s'occuper de (toute activité phys. ou intellectuelle comportant une suite) :
13. ... car tu n'abordes pas les sujets de conversation aussi spontanément qu'autrefois les Autrichiens. E. Scribe, A.-F. Varner, Le Mariage de raison,1826, I, 7, p. 389.
14. Suivant ce que l'on veut faire, on aborde directement le cuivre, ou bien, dans le cas d'un dessin à interpréter dans les mêmes dimensions, on se sert du calque; ... M. Lalanne, Traité de la gravure à l'eau forte,1866, p. 23.
15. ... la qualité toujours rare et neuve de ce qu'il écrivait se traduisait dans sa conversation par une façon si subtile d'aborder une question, en négligeant tous ses aspects déjà connus, qu'il avait l'air de la prendre par un petit côté, d'être dans le faux, de faire du paradoxe, ... M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 551.
16. J'ai reçu votre lettre. Elle m'a un peu surpris. Mais, avant d'aborder le fond, comme on dit au palais, je voudrais faire une remarque. H. de Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1247.
S'approcher, s'occuper de qqc. de difficile :
17. Il se prépara donc encore une fois à tourner la vérité, au lieu de l'aborder de front. J. Sandeau, Mademoiselle de la Seiglière,1848, p. 263.
18. Marie, très modeste, dans une simple robe de laine sombre, causa de son mari qui, la veille, était rentré enrhumé, et du prix de la viande, qu'on ne pourrait plus aborder bientôt. É. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 77.
19. ... les modérés s'efforcent de faire oublier par des concessions et des bravades sociales leur impuissance à aborder le problème de l'État. Comme si ce problème premier ne devait pas être résolu avant tous, afin d'aborder les difficultés sociales dans de bonnes conditions et pour garder quelque chance de le résoudre! Ch. Maurras, Kiel et Tanger,Épilogue, 1914, p. 235.
20. « ... vous mourrez plus tard si vous ne mourez pas aujourd'hui. La même question se posera alors. Comment aborderez-vous cette terrible épreuve? » J'ai répondu que je l'aborderais exactement comme je l'abordais en ce moment. A. Camus, L'Étranger,1942, p. 1206.
21. Quand Joseph doublait une voiture puissante, quand il prenait, à la corde, dans le ruisseau, un tournant difficile, ou quand il abordait à grande allure une rampe longue et sinueuse, Joseph serrait un peu les dents et il se donnait alors toutes les illusions subjectives de l'héroïsme et de la virtuosité. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 31.
Rem. Dans l'ex. 21, le verbe a une valeur techn. (lang. de l'autom.).
c) Emploi pronom. [En parlant d'une embarcation] Se heurter volontairement ou accidentellement :
22. ... Et vous ne craignez pas, mes amis, cependant, Que ces frêles esquifs, l'un l'autre s'abordant, Se submergent sous l'onde, ou que leurs blanches ailes, Se froissant dans leur vol, se déchirent entre elles, ... A. de Lamartine, Jocelyn,1836, p. 759.
23. ... la bataille navale s'engagea. Sur les deux escadres la huée ne cessait pas. Chacun cédait à son tour. Souvent elles se rapprochaient et se lançaient du feu grégeois; des incendies s'allumaient sur le pont et, quand deux bateaux s'abordaient, les coups pleuvaient des deux côtés. R. Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 263.
2. [Le compl. est un animé] S'approcher de (qqn).
a) Avec des intentions hostiles, attaquer :
24. C'est à cette bataille que la 57emérita le nom de terrible. Seule elle aborda la ligne autrichienne à la baïonnette et renversa tout ce qui voulut résister. E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 565.
b) S'approcher (de qqn) pour lui parler, entrer en relation avec lui :
25. La troisième espèce est, de beaucoup, la plus nombreuse : vous reconnaissez les gens dont elle se compose, à leurs prévenances, à leurs civilités obséquieuses, à l'empressement qu'ils mettent à vous apprendre la nouvelle du jour, à vous arracher une réponse insignifiante qui leur donne le prétexte de lier conversation aujourd'hui, et de vous aborder le lendemain comme une ancienne connaissance. V. de Jouy, L'Hermite de la chaussée d'Antin ou Observations sur les mœurs et les usages français au commencement du XIXesiècle,t. 2, 1812, p. 236.
26. Je suis d'une timidité stupide au début. Je n'ai jamais su aborder une femme dans la rue. Je les suis, je tourne autour, je m'approche, et jamais je ne découvre la phrase nécessaire. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,Les Sœurs Rondoli, t. 1, 1884, p. 1260.
27. Il faut comprendre, aimer Pascal avec toute notre sensibilité de catholique. Je ne dis pas de croyant, c'est une autre affaire. Mais l'aborder et l'aimer comme un des héros de notre espèce, de notre race, de notre sol, de notre culture, comme l'un des chefs de notre famille. M. Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1909, p. 172.
28. De loin on hait merveilleusement. Au contraire, quand on aborde, on trouve le semblable. Mais ce fut une pudeur, encore après la guerre, de ne point vouloir aborder l'ennemi, et de ne négocier qu'avec ceux qu'on sentait d'accord. Alain, Propos,1934, p. 1218.
c) Emploi pronom. (Corresp. aux emplois a et b ci-dessus)
S'attaquer :
29. Deux partis se formèrent. On s'aborda, les poings s'abattirent sur les chapeaux défoncés, les tables se renversèrent, les verres volèrent en éclats, les quinquets s'éteignirent, les femmes poussèrent des cris aigus. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 254.
S'approcher pour se parler, entrer en relation :
30. Il avait en ce moment un chien sur ses traces; le mien ne me quittait jamais. Les deux chiens s'abordèrent, grondèrent, jouèrent ensemble, et forcèrent ainsi leurs maîtres à s'aborder. Après l'échange de quelques paroles de circonstance entre deux promeneurs qui désiraient également une occasion de se rencontrer, la conversation s'engagea entre nous sur les livres, la littérature, la poésie. A. de Lamartine, Nouvelles confidences,1851, p. 106.
B.− Emploi intrans. Aborder + (généralement) préposition ou adverbe de lieu, avec l'idée qu'une fois le lieu atteint on pense y demeurer.
Rem. Le compl. est un inanimé.
1. Atteindre (le rivage en parlant d'une embarcation ou parfois d'hommes) :
31. L'alarme régnoit dans l'île : notre vaisseau étoit le premier bâtiment d'un grand port qui y eût jamais abordé et qui eût osé mouiller dans la rade dangereuse où nous nous trouvions; ... F.-R. de Chateaubriand, Essai historique, politique et moral sur les révolutions,t. 2, 1797, p. 383.
32. J'exprime, alors à MM. Churchill et Eden mon étonnement de constater que le plan des alliés ne vise pas, avant tout, Bizerte. Car c'est évidemment par là que les Allemands et les Italiens vont arriver en Tunisie. Faute, pour les Américains, de vouloir courir le risque d'y aborder directement, on aurait pu, pour peu qu'on me l'eût demandé, y débarquer la division Kœnig. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Unité, 1956, p. 42.
2. Atteindre un lieu :
33. Que faites-vous? Ne viendrez-vous pas nous voir? Ou à Paris, ou à Saint-Point, près Mâcon, abordez chez moi. Vous retrouver sera toujours un de mes vifs plaisirs. A. de Lamartine, Correspondance générale,1835, p. 94.
34. Elle rouvrit les yeux, vit le soir aborder à la terre, vit une feuille bouger, un reflet mourir, une larme couler des paupières du ciel. H. de Montherlant, Encore un instant de bonheur,1934, p. 723.
3. MÉD. Affluer :
35. Le corps caverneux n'est rempli, outre cela, depuis le commencement de ses racines jusqu'au gland, que par un tissu inextricable de vaisseaux sanguins, capable de prendre très-promptement une grande extension en tous sens, par l'afflux du sang qui peut y aborder, ou de se vider aussi promptement de la plus grande partie de ce liquide qui s'y trouve renfermée. G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 5, 1805, p. 70.
4. Arriver, avec allus. plus ou moins nette au sens propre :
36. Et vous avez touché dans le commun naufrage Au bord d'une autre côte et sur des mâts flottants. Et vous avez joué sur le bord d'un autre âge, Comme un enfant qui joue au bord d'un autre temps. Vous avez abordé dans le commun naufrage Au bord d'une autre côte et sur des mâts flottants. Comme les naufragés abordaient dans des îles, Vous êtes abordée au bord d'un autre temps. Vous êtes abordée à des guerres civiles Et sur un appareil et vers des habitants. Comme les naufragés abordaient dans des villes, Vous êtes abordée au bord d'un autre temps. Vous êtes abordée aux batailles serviles Entre nos plats commis et leurs plats commettants Comme des naufragés qui demandaient asile, Vous avez abordé dans cet âge nouveau. Vous avez abordé sur un ponton fragile Noué de quelque corde à quelque soliveau. Comme les naufragés abordaient dans des ports, Vous avez abordé dans de nouveaux climats. Vous voici désormais reine parmi les morts, Passagère échappée au long de quelques mâts. Ch. Péguy, Ève,Les tapisseries, 1913, p. 787.
37. Goethe aborde aux régions sublimes avec tant de naturel que l'on s'y sent, avec lui, toujours de plain-pied. A. Gide, Journal,1940, p. 32.
5. Aborder + prép. de,approcher :
,,Il signifie encore simplement approcher, et alors il se construit avec la prép. de. On ne saurait aborder de cette église, tant la foule s'y presse. Ce sens vieillit.`` (Ac.1835).
,,Aborder de, s'approcher de. Cet emploi est maintenant hors d'usage; mais on le trouve dans de bons auteurs du xviies.`` (Littré).
C.− Emploi absolu
1. Atteindre (notamment le rivage) :
38. J'ai une foi profonde dans l'avenir de la civilisation et de la France, mais je ne me dissimule pas les chances de la tempête. Nous pouvons sombrer comme nous pouvons aborder; je crois à deux possibilités : un naufrage horrible, un port magnifique. V. Hugo, Correspondance,1849, p. 2.
2. Atteindre (un navire) :
39. Vers midi, je retournai à bord, dans ma biscayenne, et les chaloupes m'y suivirent de très-près. : il me fut difficile d'aborder, parce que les pirogues environnaient nos deux frégates, et que notre marché ne désemplissait point. Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 3, 1797, p. 192.
3. Attaquer :
40. ... il n'y a plus de stratégie, plus de génie militaire, plus de capitaine? Une bataille devient une immense lutte à main plate. Et la guerre s'en retourne droit à la barbarie, avec ces soldats qui n'abordent plus à la même baïonnette, qui assomment avec la crosse du fusil : c'est le Tomahawk. E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1859, p. 610.
D.− Locutions
1. FAUCONN. Aborder la remise. ,,S'approcher de l'endroit où la perdrix s'est réfugiée.`` (Ac. 1842). ,,Aborder (fauconn.) : lorsque la perdrix poussée par l'oiseau de proie gagne quelque buisson, on aborde la remise sous le vent.`` (Baudr. Chasses1834).
2. MARINE :
a) Aborder à l'ancre. ,,Se mettre en panne, au vent du navire qu'on veut aborder, et se laisser dériver sur lui en lui présentant toujours le côté, en manœuvrant ses voiles de manière à ne le point dépasser, et en mouillant une ancre avant de l'accrocher.`` (Besch. 1845).
b) Aborder au vent. ,,C'est se placer sur la hanche de son adversaire, et l'allonger vivement sur son travers ou de l'arrière, quand on a l'avantage de la marche, et en se plaçant au vent.`` (Besch. 1845).
c) Aborder de bout au corps ou en belle. ,,C'est frapper par le côté le bâtiment abordé.`` (Besch. 1845).
Rem. ,,Au xviiesiècle on disait encore très logiquement, bien que l'orthographe fût vicieux, tirer dans l'embelle, aborder dans l'embelle.`` (Le Clère 1960).
d) Aborder de franc étable. ,,Se dit de 2 navires qui se choquent par les étraves.`` (Littré).
e) Aborder de long en long. ,,Joindre côte à côte.`` (Besch. 1845).
f) Aborder en travers. ,,Couler un vaisseau à fond en l'abordant.`` (Besch. 1845).
g) Aborder par le travers. ,,On appelle travers le côté d'un navire. Dans ce sens être abordé par le travers.`` (Le Clère 1960) :
41. Rocambole s'arracha à son linceul de sable, se rhabilla en trois secondes, se jeta bravement à l'eau, se laissa dériver de quelques brasses au-dessous de l'embarcation, l'aborda par le travers et se suspendit à la corde à nœuds qui pendait en guise d'échelle. P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,l'Héritage mystérieux, t. 1, 1859, p. 621.
h) Aborder par l'avant, par la hanche, par l'arrière, etc. ,,C'est heurter par l'avant, par la hanche, par l'arrière, etc.`` (Besch. 1845).
i) Aborder par sous le vent. ,,Allonger le bâtiment ennemi par-derrière et sous le vent, en s'approchant jusqu'à avoir le gaillard d'arrière par le travers du grand mât de son adversaire et venant au vent avec vivacité pour aborder de long en long.`` (Besch. 1845).
3. CH. DE FER :
a) Aborder une aiguille en pointe. ,,Se présenter sur un appareil de bifurcation du côté de la pointe des lames d'aiguille, en parlant d'un véhicule sur rails. (Ce sens de marche permet la bifurcation dans l'une ou l'autre des directions données par l'appareil).`` (Lar. encyclop.).
b) Aborder une aiguille en talon. ,,En parlant du même véhicule, arriver sur l'appareil dans le sens opposé, c'est-à-dire se diriger sans bifurcation possible vers la direction unique placée à l'orig. de l'appareil.`` (Lar. encyclop.) :
42. On emploie quelquefois des aiguilles à ressort qui, lorsqu'elles sont abordées en talon, peuvent s'écarter du rail... afin de donner passage aux véhicules,... J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,t. 2, 1885, p. 816.
c) Aborder une rame en stationnement. ,,Se placer, en parlant d'une locomotive, devant une rame de voitures ou de wagons [cf. ex. 5] pour lui être attelée.`` (Lar. encyclop.).
4. Dans la lang. de l'autom.S'engager dans (un virage, la partie inclinée ou rampe d'une route ou tout autre segment dangereux d'un itinéraire).
5. Loc. adv., avec inf. substantivé : À l'aborder « au premier abord ».
Rem. Le verbe aborder ne se conçoit guère sans l'idée, au moins sous-jacente, de la difficulté qu'on vient de surmonter ou à laquelle on se prépare. Aborder déborde largement les 2 sens mar. que lui confère la double signif. de la racine bord (bordage; rivage), pour en venir à de nombreux sens fig. ou p. ext. Un véhicule peut en aborder (en heurter) un autre, comme 2 navires s'abordent. On peut aborder abstraitement, une entr. ou une situation; concrètement, un lieu quelconque, une position ennemie, ou une pers. (avec ou sans hostilité). Si l'on n'aborde pas la chose ou la pers. jusqu'à la heurter, ou se battre avec elle (on parle alors d'abordage), mais simpl. pour s'en approcher à une fin quelconque, la chose, et surtout la pers., seront d'un abord plus ou moins facile. La difficulté plus ou moins gde d'une pareille entr. pourra être réduite (et même réduite à rien) : le lieu, la chose, la pers. seront abordables, et inabordables dans le cas contraire.
Stylistique − La gde vitalité du verbe ne concerne que certains de ses emplois. Il se localise d'abord dans la lang. de la mar. (aborder un rivage, un port, un vaisseau, etc.), d'où sa fréquence dans des récits de voyages ou d'aventures (Voyage de La Pérouse autour du monde; J. Dusaulx, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées; A. de Lamartine, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient ou Note d'un voyageur; A. Dumas, Le Comte de Monte-Cristo; J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant; A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes; R. Grousset, L'Épopée des croisades, etc.). La vitalité du verbe semble s'être surtout concentrée, d'une part sur le sens fig. (cf. sém. A 1 b), c.-à-d. sur des domaines plus intellectuels, où l'on aborde des « probl. » philos., artistiques, écon., pol., hist., etc.; d'autre part, sur le sens aborder qqn (cf. sém. A 2), d'où sa fréquence dans des ouvrages autobiographiques (F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe; A. de Musset, La Confession d'un enfant du siècle; G. Sand, Histoire de ma vie, etc.). Nombreuses loc. très techn. principalement dans les domaines de la mar., de la chir., de la fauconn. ainsi que du ch. de fer (cf. sém.). Aborder appartient à la lang. soutenue, que ce soit dans son sens propre où il s'oppose à des termes plus généraux tels que atteindre, heurter, approcher, toucher, ou au sens fig. où il apparaît nettement plus litt. que les verbes commencer ou entamer. S'agissant d'une pers., cette distinction est encore plus nette puisque le terme accoster témoigne d'un niveau de lang. plus fam. En effet, on aborde gén. une pers. distinguée à qui l'on veut parler, dans une ass. ou un salon; on accoste dans la rue une pers. que généralement on connaît, qui fait partie de nos relations familières. Aborder une pers. (pour lui parler), c'est aller à elle, alors qu'on la voit, en surmontant une certaine réserve que l'usage imposerait; l'atteindre, c'est parvenir à entrer en rapport avec elle, alors qu'il a d'abord fallu se mettre à sa recherche. On peut aborder qqn à la suite de circonstances fortuites, mais on ne l'atteint jamais qu'après l'avoir cherché. ,,On aborde une pers. à qui l'on veut parler, on approche d'elle quand on recherche ses bonnes grâces; on a accès auprès d'elle quand on en est connu, on l'accoste quand on est admis dans sa familiarité`` (Besch. 1845). L'emploi intrans. du verbe, qui s'est prêté à une ext. moindre, semble davantage suggérer l'idée de difficultés surmontées; l'emploi trans., davantage l'idée de difficultés qui commencent. En abordant à un lieu (comme le naufragé aborde à une terre), on y trouvera peut-être la sécurité un péril que l'on a couru; en abordant une situation ou une entr., on se préparera à y affronter qqc. Ac. 1835 donne de l'expr. aborder à un bâtiment, la déf. suiv. « diriger une embarcation de manière qu'elle arrive à toucher un bâtiment sans le heurter ». Empl. intransitivement, aborder signifierait donc accoster, toucher une terre ou un navire sans les heurter (en ayant pris des dispositions en conséquence). On peut facilement appliquer aux domaines extra-mar., des rem. voisines. L'apparition du terme dans l'emploi trans. est souvent liée à l'évocation de chocs ou de manœuvres guerrières (cf. ex. 6, 7, 8). Aborder une situation ou une entr., c'est s'attendre à certaines difficultés. Mais il est vrai que, sans même quitter le domaine mar., l'affirmation de R. Gruss (1952) selon laquelle ,,pour la signification du verbe aborder, il y a lieu de remarquer que lorsqu'il s'agit d'un fait de guerre ou d'un bloc inopiné on aborde un bâtiment ou un objet, mais que si l'on veut accoster un quai ou un navire on aborde à ce lieu ou à ce navire``, est démentie par les ex. (cf. ex. 3, 4). Qq. emplois insolites du verbe aborder : 43. Devant le paquet de boyaux tout frais, tout saigneux qui gisait à terre, une seule idée lui aborda la tête : ... H. Pourrat, Le Château des sept portes, 1922, p. 186. 44. Une idée terrible l'aborda : ... Id., La Tour du Levant, 1931, p. 295. Avec fig. étymol. : 45. Nous continuâmes à marcher le long de la falaise, silencieusement, attirés par ces étendues plates, si tristes, qui s'étalent du côté de la campagne. La terre ici aborde la mer avec plus de décence qu'ailleurs, sans arbres, sans cette parure un peu folle des riches campagnes,... J. Gracq, Un Beau ténébreux, 1945, p. 92.
Prononc. − 1. Forme phon. : [abɔ ʀde], j'aborde [ʒabɔ ʀd]. Enq. : /abo2 ʀd/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : abord, abordable, abordage, abordée subst. fém., abordeur. Cf. bord.
Étymol. − 1. 1306 trans. « heurter un navire afin de l'attaquer, d'y monter » terme mar. (Guill. Guiart, Royaux lignages, éd. Buchon, II, 989 ds T.-L. : cil des galïes françoises Assaillent les sarrazinoises; Ja en ont pluseurs abordees); 1remoitié xives. aborder contre « attaquer (qqn; combat singulier) » (Perceforest, III, 28 ds Gdf. Compl. : Quant la chevalerie fut toute assemblee, ilz coucherent leurs lances et aborderent l'une contre l'autre le grant randon); 2emoitié xives. aborder a « attaquer (combat naval) » id. (Hugues Capet, éd. La Grange, 238, ibid. : A sarrasins alerent si en haste aborder Que tout ly plus hardi se prent a effraer); 2. 1416-18 trans. « amener sur le rivage » terme mar. (Arch. mun. Orléans, Compte de Gilet Baudry, Despense, LV ds Gdf. Compl. : Pour faire pescher et aborder deux pelz qui estoient avallez au Portereau); 1440-1475 aborder a « arriver près de (qqn) [en franchissant une rivière] » (Chastellain, Chron., I, 224-20 ds Heilemann, Wortschatz, 35 : riviere, laquelle il falloit passer, premier que aborder a eux); 3. id. aborder a « s'approcher de (qqn) » (ibid., V, 503, 12, ibid. : vint aborder a luy tout a l'ombre de bonne foy); id. aborder a « s'adresser à (qqn) » (ibid., I, 42, 20, ibid., 76 : abordans premierement a maistre Jehan de Toisy); 1539 trans. « id. » (Est., Dict. fr.-lat. : Viens m'aborder si tu oses, pourveu que ce ne soit que sur le cas des crimes dont il est question). Dér. de bord* 1 et 2; préf. a-* et suff. -er*; formation du mot, cf. arriver. HIST. − Les sens originels du mot sont tous deux mar. : d'une part « heurter un navire pour l'attaquer », apparu en 1306 (cf. étymol.) et continuellement attesté dep. (cf. ex. 6), ainsi que aborder à « attaquer dans un combat naval », apparu dans la 2emoitié du xives. (cf. étymol., pas d'attest. post.); d'autre part « amener (un navire) sur le rivage », attesté pour la 1refois en 1416-18 (cf. étymol.) et continuellement attesté dep. L'aspect mar. s'est ensuite estompé, faisant place à l'idée que l'on peut attaquer, approcher ou heurter autre chose qu'un navire, et joindre (autrement qu'à bord d'un navire) autre chose qu'un rivage. I.− Historique des sens. − A.− « Heurter un navire pour l'attaquer » a pu dégager, successivement ou simultanément, les idées d'attaque, d'approche et de heurt (accidentel), d'où les sens et emplois suiv. : 1. « Attaquer ». L'obj. de l'attaque devient autre chose qu'un navire; apparaît ds Fur. 1690 « attaquer l'ennemi ». À noter ds Trév. 1771 : Aborder, se dit dans le même sens des hommes qui se battent, et signifie, non l'action d'attaquer l'ennemi (...) mais l'action de l'approcher hardiment, pour l'attaquer. L'idée d'approche de l'ennemi domine en effet par la suite, et « approcher d'un endroit que l'on veut attaquer » apparaît à la fin du xixes. (cf. ex. 7). − Rem. Aborder contre « attaquer dans un combat terrestre », 1remoitié du xives., sans attest. post. : Quand la chevalerie fut toute assemblee ilz coucherent leurs lances et aborderent l'un contre l'autre de grant randon. Perceforest, vol. III, ch. 28 (Gdf. Compl.). De même aborder sur « attaquer dans un combat terrestre », xves., sans attest. post. : Affin... qu'il seust mener les crestiens si proprement que sans faillir ils peussent sur leurs ennemis abourder. Chevalereux Comte d'Artois (Gdf. Compl.). Également aborder à « attaquer dans un combat sur terre succédant à une traversée », 2emoitié du xves., sans attest. post. : Lors le conte de Salsebery, admonestant ses gens de bien faire en escriant : Saint George! sa banniere devant luy, passa l'eaue et vint aborder a ses ennemis. Wavrin, Cron. d'Englet., I, 247 (Gdf. Compl.). 2 « Approcher ». a) Aborder à « s'approcher de (qqn) ». Attesté en 1440-75 (cf. étymol.). Pas d'attest. post. b) Aborder ensemble « avoir commerce ensemble ». Attesté ds Gdf. Compl. Pas d'attest. post. : Philippe de Bourgogne fut amoureux de la comtesse de Salsebri, mais ils n'aborderent point ensemble. P. de Fenin [✝ 1506] Mem. an 1424 (Gdf. Compl.). c) « S'approcher de qqn pour lui parler ». 1reattest. en 1539 (cf. étymol.) et continuellement attesté dep. d) « Approcher d'un navire ». Apparu ds Fur. 1690, mais sans doute ant. se trouve attesté durant toute notre période. e) Aborder de « s'approcher d'(un lieu) ». 1reattest. ds Vaug. 1934 (✝ 1650) : La ville était battue des flots de tous côtés (...) et le mur qui était avancé dans la mer et escarpé empêchait qu'on ne pût en aborder. Vaugelas, Quinte-Curce, 209 (Littré). Continuellement attesté jusqu'à Ac. 1835 qui le donne comme vieilli. Noté hors d'usage par Littré, il ne se trouve pas, pour notre période en dehors des dict. 3. « Heurter ». a) « Heurter accidentellement un navire », apparaît seulement ds Ac. 1798; mais le subst. abordage « heurt accidentel » se trouve déjà ds Rich. 1680. Attesté durant toute la période. b) « Heurter accidentellement une terre ou un corps quelconque. » Apparaît ds Besch. 1845. Cet emploi n'est pas noté dans d'autres dict., mais qq. attest. à la fin du xixeet au xxes. (cf. ex. 5). B.−De même, « amener (un navire) sur le rivage » a pu dégager l'idée d'arrivée, d'où les accept. suiv. : 1. « Parvenir à un lieu quelconque ». Apparaît ds Rich. 1680 et constamment attesté dep. À noter ds Fur. 1690 la 1reattest. de la loc. aborder la remise (cf. sém. C 1). 2. P. ext. « affluer ». Noté pour la 1refois ds Fur. 1701, avec l'ex. suiv. (déjà cité ds Rich. 1680 pour illustrer la déf. « arriver ») : Les présens abordaient chez moi de toutes parts. Ablancourt (Rich.). Dernière attest. en 1805 (cf. ex. 59), mais à propos de cette accept., il est à remarquer, d'une part, qu'elle n'est illustrée dans les dict. que par un petit nombre d'ex. dont le cont. suggère toujours l'afflux; d'autre part, que les mêmes ex. sont parfois interprétés différemment selon les dict. Ainsi, dans l'ex. précédent, aborder est défini « affluer » ds Fur. 1701, Trév. 1704, 1752 et 1772, mais « arriver » ds Rich. 1680 et Lar. 19e. De même dans : Elle y voit aborder le marquis, la comtesse, le bourgeois, le manant, le clergé, la noblesse. Boileau, Sat. Aborder est défini « affluer » ds Littré (sous réserves), mais « arriver » ds DG. Également pour : Un flot continuel de peuple qui abordait dans cette église. Racine, Port-Royal, 1. Aborder est défini « affluer » ds Rob., mais « arriver » ds DG. La distinction demeure donc incertaine. C.− Enfin, plus tardivement, l'idée d'attaque jointe à celle d'arrivée, a pu donner, au fig., « entamer une entreprise physique ou intellectuelle plus ou moins difficile », qui apparaît ds Ac. 1798. Cf. également : Voici encore des phrases du langage révolutionnaire qui ne me déplurent pas moins : aborder la question... Mmede Genlis, Mém. (Brunot, X, p. 886). Constamment attesté dep. II.− Vitalité des sens. − A.− Sens et emplois disparus. 1. Av. 1789. a) Du sens A 1 l'emploi intrans. b) Du sens A 2 les emplois a et b. 2. Apr. 1789. a) Du sens A 2 l'emploi e. b) L'accept. B 2. B.− Parmi les loc., aborder la remise (1reattest. ds Fur. 1690) n'est plus attesté dep. Littré. Les loc. mar. semblent avoir subi le déclin de la mar. à voile; 2 d'entre elles, attestées dès Fur. 1701, se trouvent encore dans certains dict. aborder de bout au corps ou en belle; aborder de franc étable. Enfin, les loc. ferroviaires (attestées de Lar 20eet Lar. encyclop. Cf. également ex. 42) ne semblent pas d'une vitalité considérable. C.− Les sens contenant l'idée d'attaque subsistent uniquement sous la forme trans.; « entamer une entreprise plus ou moins difficile » est le sens actuel le plus vivant.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 2 453. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 548, b) 2 770; xxes. : a) 3 038, b) 3 092.
BBG. − Baudr. Chasses 1834. − Dainv. 1964. − Gramm. t. 1 1789. − Gruss 1952. − Guilb. Astronaut. 1967. − Hartoy 1944. − Jal 1848. − Le Clère 1960. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831.