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ABLUTION, subst. fém.
Action de laver, d'abluer.
A.− Action de se laver le corps ou une partie du corps par mesure d'hygiène :
1. ... des domestiques, vers la fin du dessert, distribuent aux convives des bowls pleins d'eau froide, au milieu desquels se trouve un gobelet d'eau chaude. Là, en présence les uns des autres, on plonge les doigts dans l'eau froide, pour avoir l'air de les laver, et on avale l'eau chaude, dont on se gargarise avec bruit, et qu'on vomit dans le gobelet ou dans le bowl. (...) Je ne suis pas le seul qui se soit élevé contre cette innovation, également inutile, indécente et dégoûtante. (...) Indécente; car il est de principe généralement reconnu que toute ablution doit se cacher dans le secret de la toilette. J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 324.
2. Elle sortit du lit et fit les deux ablutions de l'âme et du corps, sa prière et sa toilette. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 446.
3. Ce défaut d'hygiène, (...) n'indiquait pas une répugnance de l'eau et du savon, car il arrivait à MmeHaudouin de se laver les pieds et toujours avec satisfaction; il était simplement la conséquence d'une modestie chrétienne, (...) le curé ne défendait pas expressément aux femmes de se laver où bon leur semblait, mais il cernait habilement la question en les rappelant à chaque instant à la pudeur, et évitait avec un grand soin de commenter tel passage des écritures qui pût faire soupçonner l'excellence des ablutions. M. Aymé, La Jument verte,1933, p. 24.
4. Laurent, demeuré seul, commença par enlever sa blouse et par déboutonner sa chemise. Puis il se tint la tête sous un robinet d'eau froide et s'offrit une longue ablution pour mettre en fuite jusqu'aux dernières vapeurs de la colère. Enfin il éprouva le besoin de rire et de crier. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 173.
Rem. 1. Accept. renouvelée directement du lat. ou dér. de l'emploi B à l'époque mod., par oppos. à lavage réservé au linge et à lavement pris dans des emplois méd. ou relig. très partic. (cf. ces mots); le cont. est plus ou moins sav. ou techn. 2. Dans l'exemple-limite (ex. 2) se mêlent étroitement la simple mesure d'hygiène (toilette), la pratique relig. (ablution du corps) et l'emploi fig. (ablution de l'âme-prière). L'oppos. paradigm. ablutions de l'âme et du corps/prière et toilette exprime les princ. valeurs sém. dont peut se charger ablution. La transition entre les accept. A et B est déjà sensible dans l'ex. 4.
Emploi partic., dans la lang. méd. :
5. Hugo fait un cours d'hydrothérapie. Il nous entretient de l'ablution qu'il prend chaque matin, ablution qu'il enrichit de quelques carafes d'eau glacée qu'il se verse lentement sur la nuque, dans le cours de la journée, -vantant fort ce réconfortant pour les travaux de l'intelligence et autres. E. et J. de Goncourt, Journal,1873, p. 940.
B.− Action de se laver le corps ou une partie du corps à des fins de purification religieuse. (Pour la purification des objets, il semble que la langue moderne préfère le mot lustration, à la différence de la langue classique. Cf. hist.) :
6. Le nombre trois (...) est écrit (...) dans toutes les cérémonies religieuses, antiques ou modernes, légitimes ou illégitimes, aspersions, ablutions, invocations, exorcismes, charmes, sortilèges, magie noire ou blanche; ... J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,1821, p. 130.
a) En partic. dans la liturg. cath. romaine : usage de l'eau bénite au baptême et au lavement de pieds du jeudi saint; à la messe, rite du prêtre se lavant les doigts :
7. Dans l'axe de l'atrium (des monastères) s'élevait originairement une fontaine ... destinée aux ablutions ... Les bassins d'ablution furent portés ensuite sous le porche, et plus tard dans l'église, où ils furent remplacés par les bénitiers. A. Lenoir, Architecture monastique,1856, pp. 99-100.
8. La Teuse, (...) passant les burettes à Vincent pour les ablutions, se tourna, dit à haute voix : − Taisez-vous donc, Mademoiselle Désirée! (...) Désirée resta un instant debout, (...) regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rien des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu'il revint, tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l'index le vin et l'eau de l'ablution, qu'il but également. É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1225.
Rem. Noter les assoc. syntagm. : fontaine aux ablutions, bassin d' (ou des) ablution(s) (ex. 7), le vin et l'eau de l'ablution (ex. 8).
b) Dans les relig. anc. et chez les Orientaux (musulmans); l'emploi peut s'étendre à des choses (cf. ex. 12, 14) :
9. Le contact ou le simple aspect d'un cadavre, chez les anciens, imprimait une souillure que force ablutions lustrales et autres expiations pouvaient à peine effacer. P.-J. Borel, Champvert, les contes immoraux,1833, p. 77.
10. Il me donna sur les ablutions des détails très circonstanciés; il ne sera peut-être pas sans intérêt pour toi de les connaître et de savoir les oraisons particulières attachées à cette cérémonie préparatoire et indispensable de toute prière. En s'approchant de la fontaine ... le mahométan dit : « Louange à Dieu qui nous a faits musulmans et qui nous a donné cette eau bienfaisante pour que nous puissions nous purifier de nos péchés! » Puis il ... prend de l'eau dans sa main, s'en rince trois fois la bouche (chaque ablution partielle se fait toujours trois fois) ... il lave ses narines ..., le bras droit ... se lave depuis l'extrémité du médium jusqu'au coude ... Le bras gauche est lavé de la même façon ... un musulman fait l'ablution de la tête de différente manière ... Les maléhites ... baignent d'eau le sommet seul de la tête à l'endroit où pousse la mèche ... que doit porter tout croyant. L'iman Malek, chef de cette secte, prétend que là finit le cerveau, et que la fraîcheur de l'eau, en y pénétrant, éteint les péchés et les pensées coupables ... Trois fois on lave les oreilles ... En voyage, lorsque l'eau est rare, les ablutions doivent être faites avec du sable. A la suite de certains actes corporels, l'ablution générale et complète est de rigueur ... M. du Camp, Le Nil, Égypte et Nubie,1854, p. 31, 32, 33.
11. Le malade qui venait chercher du soulagement dans les asclepions était d'abord soumis à quelques préliminaires qui, sous un appareil religieux, l'obligeaient à des jeûnes prolongés, à des purifications, à des ablutions, à des onctions de toutes sortes. C. Bernard, Principes de la médecine expérimentale,1878, p. 39.
12. On fait l'ablution du temple, dont on arrose et dérouille les chaînes. Les gonds et les verrous, pour les fêtes prochaines. (...) Les Lévites portiers lavent la triple enceinte Et s'arrêtent parfois pour baiser les pavés, ... V. Hugo, La Fin de Satan,1885, p. 825.
Rem. Assoc. syntagm. : ablutions lustrales (ex. 9), ablution générale et complète, ablution partielle, ablution de la tête (ex. 10). Ablution se trouve fréquemment en assoc. avec faire : faire l' (ou les) ablution(s) de (ex. 5, 10, 12), faire des ablutions (ex. 10). Le plur. s'explique sans doute par la suite des ablutions partielles dont se compose la cérémonie de l'ablution chez les Musulmans (ex. 10). Les assoc. paradigm. purifications / ablutions / onctions (ex. 11) opposent une lustration par l'eau (ablutions) à une lustration par l'huile (onctions); elles situent ablutions et onctions dans le cadre plus gén. des purifications.
c) Emploi fig. Purification (cf. ex. 4) :
13. ... les larmes sont des ablutions saintes; elles contiennent le sel qui empêche la corruption de l'homme. J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 127.
14. Cœur tant de fois lavé D'ablutions, Terrain mal emblavé D'alluvions. Vase mal délavé D'ablutions Terrain mal emblavé D'alluvions. Ch. Péguy, Quatrains,1914, p. 617.
Rem. Dans ces strophes finales des Quatrains, ablution reprend, en les résumant, toutes les formes d'expiation et de purification précédemment évoquées. Noter un élargissement de l'emploi de ablution à des obj. (vase).
Stylistique − Ce mot, réputé vieilli, semble connaître, du moins dans la lang. litt. et à des niveaux styl. divers, un regain de vitalité, comme l'attestent des emplois p. ex. en style fam. (iron.) : 15. Cassé une glace, griffonné ceci, et comme je subis l'effet nerveux des ablutions de thé que j'ai faites avec Mmede F, vais lire une partie de la nuit. Voyons! J. Barbey d'Aurevilly, Deuxième mémorandum, 1839, p. 359. ou au contraire dans une lang. très recherchée : 16. Je trouvais la mimique de Jupien aussi curieuse que ces gestes tentateurs adressés aux insectes, selon Darwin, par les fleurs dites composées, haussant les demi-fleurons de leurs capitules pour être vues de plus loin, comme certaine hétérostylée qui retourne ses étamines et les courbe pour frayer le chemin aux insectes, ou qui leur offre une ablution, et tout simplement même comparable aux parfums de nectar, à l'éclat des corolles qui attiraient en ce moment des insectes dans la cour. M. Proust, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 630.
Prononc. − [ablysjɔ ̃]. Enq. : /ablysiõ/.
Étymol. − Corresp. rom. : prov. mod. ablucioun; esp. ablución; cat. ablució; ital. abluzióne. xiiies. terme relig. « purification par l'eau du baptême » (Barlaam et Josaphat ms. de Besançon ds J. Sonet, Le Roman de Barlaam et Josaphat I, 1949, 219 ds A. Goosse, Fr. mod., t. XXI, p. 216) : ... ablucïons de la Sainte Onde..., empl. en relation avec le mot péché, synon. de « souillure », dont il faut se purifier; début xives. « ablution baptismale » (Ovide moralisé, Ars. 5069, fo231 rods Gdf. Compl. : ... cil sont de nouviaus regnez [lire rengez]... Ou cors sainte eglise... par batoiable ablucion ...). Empr. au lat. chrét. ablutio (« absolution » dep. Tertullien, De Baptismo, 5 ds TLL s.v. : per ablutionem delictorum) attesté au sens de « purification par l'eau du baptême », « baptême » dep. Saint Ambroise (De paenitentia 2, 11, 98 ds Blaise s.v. : ad senectutem differre ablutionis gratiam; cf. lat. médiév. 1243-1248, Albert le Grand, De sacramentis 46, 34 ds Mittellat. W. s.v. : ablutio ... baptismi). HIST. − A.− le sens relig. anc. se maintient avec des accept. diverses : 1. Dès le xvies., ablution peut signifier, p. ext. « purification religieuse » (1551, Calvin, Inst. Chrét., 523 ds Littré). 2. Vers la fin du xviies., ablution est réservé presque exclusivement aux rites de la messe. Selon le même dict. : ,,c'est aussi le vin et l'eau qui ont servi à laver les doigts du Prêtre``. Selon Fur. 1690 : ablution n'est en usage en françois que pour signifier cette goutte de vin qu'on prend après la communion pour consommer plus facilement la Sainte Hostie, ou qui sert à laver les doigts du prêtre qui a consacré. Cette accept. semble (?) tirée par les lexicogr. de l'expr. prendre l'ablution (cf. Rich. 1680; Ac. 1694 à 1798; Saint-Simon, Mém. 329 ds Littré). 3. Au xves. ablution est attesté pour le lavage des autels (cf. Ord. XVI, 267, sept. 1464 ds Gdf. Compl.); de la fin du xviieau xixes., pour l'action de blanchir les habits des relig. vêtus de blanc (cf. Fur. 1690); au xixes., pour le lavage des linges ayant servi durant la messe (cf. Lar. 19e). 4. Le sens de purification du corps par l'eau dans les relig. anc. ou orientales mod. est attesté à partir de la fin du xviies. (cf. 1687, Fontenelle, Histoire des Oracles I, 15 ds Littré; 1796, C.-F. Dupuis, Abrégé de l'origine de tous les cultes, p. 560; Ac. 1835). B.− Un emploi techn. en pharm. et en méd. est attesté du xvieau xviiies. : Et subit lui fait ablution d'Egyptiac avec un petit d'eau de vie. (A. Paré, VIII, 15, [1575] ds Littré); « lavement » (?) ds Nicot 1606; « a washing away » (?) ds Cotgr. 1611. Les médecins et les chirurgiens appellent ablution une préparation du médicament dans quelque liqueur pour le purger de ses immondices ou de quelque mauvaise qualité. Fur. 1701 et Trév. 1704. On appelle de ce n. plusieurs opérations qui se font chez les apothicaires. Encyclop. 1751 (cf. Brunot t. VI, 1, 2, p. 564, qui note que le sens plus ou moins méd. paraît avoir été au xviiies. encore fort imprécis; Quem. Méd. 1955, p. 42). C.− Dans le 1erquart du xixes. apparaît un sens non relig. (cf. ci-dessus 1erex.; Ac. 1835; Poit.; Lar. 19equi note que l'emploi est fam. et abusif et donne les expr. recommencer une ablution, faire son ablution du soir; DG qui note ce sens comme fam. en citant l'expr. faire ses ablutions; Lar. 1897; Journet-Petit; ex. non datés de De Cussy et d'E. Sue).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 100.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Allmen 1956 (s.v. laver, pureté). − Bible 1912 (s.v. lustration).Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Gay 1967 [1887]. − Marcel 1938. − Mont. 1967. − Nysten 1814-20. − Pissot 1803. − Théol. cath. Table 1929.