| ![]() ![]() ![]() ![]() ÉRAILLER2, verbe trans. A.− 1. Emploi trans. Tirer les fils (d'un tissu) en les rompant ou en les distendant. Érailler de la soie, du satin (Ac.1932). − P. ext. Entamer superficiellement la surface de (quelque chose). Synon. rayer, érafler.La cange glisse lentement, en éraillant avec bruit ses parois contre la tête des récifs (Du Camp, Nil,1854, p. 123).Pencroff n'avait pas appuyé assez vivement, craignant d'érailler le phosphore (Verne, Île myst.,1874, p. 42). 2. Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une étoffe, un tissu, un obj. fait de tissu] S'effiler, se déchirer superficiellement. Il s'était engagé sur l'arbre à califourchon (...) aux dépens de sa culotte dont le fond s'éraillait aux rugosités de l'écorce (Gautier, Fracasse,1863, p. 410).MmeAstier l'avait soigneusement visité (...) cet habit de cérémonie. La soie des palmes s'éraillait, la doublure ne tenait plus (A. Daudet, Immortel,1888, p. 37). − P. ext. [Le suj. désigne une chose considérée du point de vue de sa surface] S'écailler, se couvrir de rayures. Les invités se montraient du coude les fenêtres poussiéreuses, les taches sur les lambris, la peinture s'éraillant (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 75). ♦ Spéc. Se rider, se crevasser. Le roi du Magne a vu, le long de sa muraille, Ces têtes, dont la peau se dessèche et s'éraille, Blanchir, chacune au clou qui s'enfonce au travers (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 65). B.− P. anal. et au fig., usuel 1. Emploi trans. Rendre (la voix) rauque ou voilée. Elle répond d'une voix qu'éraille l'alcool (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 123): 1. ... à plus de soixante-dix ans d'âge, elle pouvait encore chanter « Faust », mais elle prenait des précautions... elle se gavait de boules de gomme pour pas s'érailler la voix...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 128. − [Le compl. désigne l'organe vocal] Il parlait, parlait parlait, ne s'interrompant guère que lorsque le râclement d'un râle éraillait sa gorge (Maran, Batouala,1921, p. 180). − [Le compl. désigne une production sonore] Éraillant les sons, déhanchant le rythme, avec des staccati canailles (Péladan, Vice supr.,1884, p. 211).Les trompettes (...) éraillent (...) le Glaubensthema (Willy, Mouche des croches,1894, p. 135). 2. Emploi pronom. à sens passif. [En parlant de la voix] Devenir rauque ou voilée : 2. « J'ai entendu Gambetta avec sa voix pleine, sonore, aux accents cuivrés, très belle sauf quand il la forçait. Alors elle s'éraillait. Il était très inégal, mais faisait un effet quasi mécanique sur l'assemblée. »
Barrès, Cahiers,t. 10, 1913, p. 235, Rem. On rencontre ds la docum. une attest. de l'adj. érailleur. euse. [En parlant d'un cor de chasse] Sa trompe érailleuse (Céline, op. cit., p. 672). Prononc. et Orth. Cf. érailler1. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1220 esraaillier les ielz « rouler les yeux en signe de colère » (Perlesvaus, éd. W. A. Nitze et T. A. Jenkins, 9103); ca 1223 esraaillié « furieux » (G. de Coinci, éd. V. F. Kœnig, I Mir. 44, 134); b) 1493 spéc. méd. « dont le bord est retourné (d'un œil) » (Kalend. des berg., p. 143 ds Gdf. Compl.); 2. 1690 « relâcher les fils d'un tissu » (Fur.); 3. 1690 « écorcher superficiellement » (ibid.); 4. a) 1833 voix éraillées (Borel, Champavert, p. 66); b) 1846 s'érailler (en parlant de la voix) (Flaub., Corresp., p. 21). Altération de esröeillier (soi) « rouler les yeux (en signe de colère) » (1ertiers du xiiies. ds T.-L.), dér. de roeillier « id. » (ca 1130, ibid.) cf. roeillier les ueilz « id. » (ibid.) prob. sous l'infl. de raillier « aboyer, parler en fanfaron » (ca 1200, v. railler) cf. raillier les ex « rouler les yeux » (ca 1260, Beaudous, 2034 ds T.-L.) et ieus raillans « yeux éraillés » (début xiiies., P. de Beauvais, Bestiaire ds Gdf., s.v. röeillier), Röeillier représente en lat. vulg. *roticulare, dér. de rotare « rouler ». Fréq. abs. littér. : 23. Bbg. Meier (H.). Lateinisch rotundus und seine Familie in Vierfacher romanischer Gestalt. In : Vermischte Beiträge. 1. Heidelberg, 1968, p. 75. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 193, 194. |