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ÉPAVE, subst. fém.
I.− Rare (en constr. d'appos. avec valeur d'adj.). DR. [En parlant d'un animal ou d'un inanimé concr.] Qui est égaré, dont le propriétaire est inconnu. Un cheval épave; des bêtes épaves; biens épaves (Ac. 1835-1932).
P. ext. (Quasi-)synon. épars.Le cochon, qui est corpulent et fainéant, − s'occupe (...) à glaner les feuilles épaves qui sont tombées des choux (Baudel., Nouv. Hist. extr.,1857, p. 254).
II.− Subst. fém.
A.− DR. et usuel. Objet mobilier égaré, abandonné, dont on ne connaît pas le propriétaire. Cet éventail, aussi, vendu, acheté, revendu, sali dans les tiroirs, brisé par les enfants, (...) finira peut-être dans un clair incendie, ou bien épave d'égouts, il descendra les rivières pour s'émietter, pourri, dans la mer immense (Cros, Coffret santal,1873, p. 126).
1. En partic.
a) Domaine mar.Débris de navire, de cargaison, objet quelconque abandonné à la mer, coulé au fond, flottant ou rejeté sur le rivage (souvent à la suite d'un naufrage). Un lot d'épaves. Il y a quelque chose. On dirait une épave à demi enfoncée dans le sable. − Ah! s'écria Pencroff, je vois ce que c'est! − Quoi donc? demanda Nab. − Des barils, des barils, qui peuvent être pleins! répondit le marin (Verne, Île myst.,1874, p. 221).L'épave d'un navire démâté qui flotte au gré des courants (Claudel, Soulier,1929, 1rejournée, I, p. 652):
1. Cette semaine-là, qui fut brumeuse, une grosse barque de Nantes se perdit sur un écueil de la chaussée de Sein. Des épaves arrivèrent à la côte : des rames, des morceaux de coque, un canot en bon état, des tonneaux d'eau potable, un baril de vin rouge, et trois cadavres... Queffélec, Un Recteur de l'Île de Sein,1944, p. 25.
b) Domaine des transp.Colis en souffrance, qui n'est réclamé ni par son destinataire ni par son expéditeur. Avant d'être versés aux épaves, les objets abandonnés [dans les chemins de fer] sont soigneusement examinés par les soins de la S.N.C.F. (L'Œuvre,27 janv. 1941).
Locutions
Droit d'épave(s). Droit de s'approprier des choses épaves. Ramassez-moi ce cavalier démonté. Il m'appartient vu que j'ai le droit d'épave sur cette route (Sand, Beaux MM. Bois-Doré,t. 1, 1858, p. 250).Il y a toujours dans une tempête un moment où vous avez droit d'épaves (Toulet, Demois. La Mortagne,1920, p. 21).
Aller aux épaves. Aller recueillir les épaves. Les plus audacieux (...) vont en même temps « au bois » et aux épaves. La mer n'a pu ne pas charrier sur la côte toutes sortes de débris (Queffélec, Recteur,1944, p. 116).
Au fig., vieilli. Ramasser son épave. Prendre un bénéfice, tirer parti de. Bixiou! (...) un diable enragé d'avoir dépensé tant d'esprit en pure perte, furieux de ne pas avoir ramassé son épave dans la dernière révolution (Balzac, Mais. Nucingen,1838, p. 593).
2. P. compar. et p. métaph. Des groupes animés se pressent devant les boutiques de victuailles, et je flotte comme une épave au gré de ces flots vivants (A. France, Bonnard,1881, p. 302):
2. ... je ne vois pas pourquoi on nous prêcherait d'obéir à la première sommation de la nécessité politique, quand l'homme navigue contre vent, par sa propre industrie, depuis tant de siècles. Sur cette mer politique, il serait bien lâche et bien au-dessous de l'homme de céder au premier flot, et d'aller d'abord comme une épave où le courant me mène, et non point où je veux aller. Encore mieux si je forme équipage avec des hommes qui vont justement où je vais. Hardi, donc, et tiens ta route. Alain, Propos,1927, p. 706.
B.− P. ext.
1. Domaine concr.Reste, débris, déchet. Des épaves de cuisine, des trognons de légumes et des morceaux d'affiches (Huysmans, En mén.,1881, p. 3).
Avec une nuance métaph. Il s'emparait des derniers débris de pain traînant sur la table; mais quelquefois aucune épave ne restait pour lui. Tout avait été englouti (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 400).
2. Au fig.
a) Reste, débris qui subsiste après une ruine, un changement de situation, ou au terme d'une évolution.
[À propos d'un inanimé] Il [Jean] guide l'abbé jusqu'à l'ancien salon, son cabinet, qu'il a meublé avec les épaves de sa vie active : ses bibliothèques, son bureau, et, sur la cheminée, seul et nu, le douloureux « Esclave enchaîné » (Martin du G., J. Barois,1913, p. 533):
3. ... j'ai calculé approximativement que, toutes nos dettes payées, il nous resterait un capital de cent vingt à cent cinquante mille francs. Il est difficile qu'une fortune qui s'élevait à cinq millions ne nous laisse pas au moins cette épave. Feuillet, Le Roman d'un jeune homme pauvre,1858, pp. 20-21.
[À propos d'une pers.] Elle [la reine] lui montra [à Méraut] le pauvre infirme, blotti dans ses jupes, leur chef-d'œuvre écroulé, ce débris, cette épave d'une grande race (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 460).L'aristocratie mondaine en France survit aux révolutions et subsiste par des noms de famille d'une belle sonorité que l'on a toujours plaisir à entendre... On trouve encore des épaves royales à Lausanne et à Lisbonne (Chardonne, Ciel,1959, p. 32).
P. ext. [À propos d'un inanimé ou d'une pers.] Ce qui demeure, survit. Épave du bonheur. Elle partageait tout avec nous. (...). Elle savait toutes nos habitudes, elle avait connu toutes nos maîtresses. Elle était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse (Goncourt, Journal,1862, p. 1111).Les vestiges de la bourgeoisie. Qu'est-ce qu'une famille bourgeoise? (...) : c'est une famille riche, en ordre avec des domestiques... Chez nous, pas d'argent, pas d'ordre et pas de domestiques. (...) Mais les phrases et les principes tiennent bon. L'épave de la bourgeoisie! (Cocteau, Par. terr.,1938, I, 2, p. 193).Son collier, là-haut... L'envie le prit de tenir entre ses doigts cette épave du passé (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 907).
b) Personne qui, à la suite de malheurs, de revers, est diminuée physiquement ou moralement. (Quasi-) synon. déchet, loque.Cet absurde instinct vital qui rive encore à l'existence les plus misérables épaves humaines (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1368).On y jugeait [à la correctionnelle] un pauvre bougre, une épave de la société. Il n'attirait plus la foule, il ne faisait pas attraction (Arnoux, Paris,1939, p. 14).
Emploi adj. Pourtant je me sens ce matin un peu moins épave; j'écris sans trop de peine trois lettres (Gide, Journal,1929, p. 908).
Souvent p. compar. ou p. métaph. Je reconnus des Anglaises. Car, de toutes les épaves, celles-là sont les plus ballottées. À tous les coins du monde, il en échoue, il en traîne dans toutes les villes où le monde a passé (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Épaves, 1881, p. 1219).Il était à peu près sans ressources, pour des années une épave qui surnage ou sombre au hasard du flot (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, préf., p. 211):
4. Ce fut sur elle [Noémie], pendant huit autres jours, une de ces tempêtes morales qui démâtent une âme de toute sa réflexion et la livrent en proie, douloureuse épave, au plus léger reflux des événements. Bourget, L'Irréparable,1884, p. 122.
Prononc. et Orth. : [epa:v]. Enq. : /epav/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1283 espave « chose égarée ou dont le propriétaire est inconnu » (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, chap. 25, § 738); 2. 1581 « objet échoué après un naufrage » (Froumenteau, Finances, 1erliv., p. 17 ds Littré). Substantivation de l'adj. espave « qui est égaré » (1283, Ph. de Beaumanoir, op. cit., § 737), du lat. class. expavidus « épouvanté, qui s'enfuit sous l'emprise de la peur » dér. de pavere « avoir peur ». Fréq. abs. littér. : 490. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 29, b) 1 119; xxes. : a) 975, b) 872.