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TROUÉE, subst. fém.
A. −
1. Trou, cavité formé(e) par l'action de creuser ou d'entailler (le sol, la roche, etc.). On n'apercevait (...) que des moulins, les roues des grues aux trouées des carrières, et la pépinière de Cels (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 167).
En partic. Large brèche laissée dans le sol (ou dans un objet quelconque) par l'explosion d'un engin de guerre. Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 400).
2. Ouverture, passage fait(e) dans un élément naturel (forêt, haie, etc.) ou dans un ensemble urbanisé pour le percement de rues, d'avenues. Synon. percée.On profita de la trouée déjà faite lors de la dernière excursion pour ouvrir une route praticable (Verne, Île myst., 1874, p. 542).
3. Ouverture, percée naturelle (due généralement à l'absence de végétation) permettant de découvrir certains éléments du paysage. Synon. échappée.Au travers des murs de charmille on apercevait çà et là, par les trouées du feuillage, une belle lune éclairant un paysage étendu et tranquille (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 311).D'antiques hêtres ombrageaient la scène, et, par une trouée, on apercevait un beau château assis sur une pelouse qui dominait la mer (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 113).
P. anal. Percée faite à travers un écran plus ou moins dense (brume, nuages, etc.) et laissant apparaître le ciel, le soleil, la lune. Synon. déchirure.Trouée d'azur, de lumière, de bleu, d'or. La brume était moins épaisse. Parfois, des trouées, des tunnels en elle, permettaient d'apercevoir les phosphorescences de l'eau à un mille (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 203).Tout à coup la lune se leva et, par une large trouée, inonda le sol (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 155).
P. métaph. C'était, brusquement, l'horizon fermé qui éclatait, une trouée de lumière s'ouvrait dans la vie sombre de ces pauvres gens (Zola, Germinal, 1885, p. 1278).
4. GÉOGR. Dépression naturelle entre deux massifs montagneux facilitant le passage d'une région à une autre, notamment en temps de guerre pour les armées en campagne. La trouée de Charmes, de l'Oise, d'Avranches, de Saverne. Du nord au sud, les armées entrent successivement en action. Le 14 [novembre 1944], c'est au tour de la IreArmée française. Il s'agit pour elle de forcer la trouée de Belfort et de déboucher en Haute-Alsace (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 135).
B. − P. anal.
1. ART MILIT. Brèche, percée faite dans les rangs ennemis et préparant ainsi le passage à d'autres troupes. On sait le reste: (...) les Français refoulés (...), une nouvelle bataille se précipitant à la nuit tombante sur nos régiments démantelés, toute la ligne anglaise reprenant l'offensive et poussée en avant, la gigantesque trouée faite dans l'armée française (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 406).Dans cette situation tragique, il [Jocelin II] résolut de s'ouvrir une trouée à travers les assiégeants. Les Arméniens (...) prirent le parti désespéré de le suivre (Grousset, Croisades, 1939, p. 164).
2. SPORTS (rugby). ,,Se dit de l'attaquant qui fonce et tente de franchir en force le rideau défensif`` (Petiot 1982). Lémond tente une descente, profitant d'une trouée, mais il échoue (L'Œuvre, 24 févr. 1941).
C. − Au fig., littér. ou vieilli
1. Passage à vide, moment de repos, de rupture avec le quotidien. Synon. coupure, interruption.J'ai été à la campagne passer trois jours ce qui a fait une grande trouée dans ma vie, et de là bien des retards (Sainte-Beuve, Corresp., t. 6, 1846, p. 526).Brusquement, il eut une de ces minutes de vertige, qui s'ouvrent de loin en loin dans la plaine de la vie. Une trouée dans le temps. On ne sait plus où on est, qui on est, dans quel siècle l'on vit, depuis combien de siècles on est ainsi (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 628).
2. Ouverture, voie ouverte à quelqu'un par un modèle, un précurseur. Enfin l'idée est lancée, la trouée est faite, c'est l'important. Plus d'un compositeur français voudra profiter des idées salutaires émises par Wagner (Baudel., Art romant., Richard Wagner, 1861, p. 517).
3. Progression spectaculaire, avancée rapide permettant de faire dans le monde une percée incontestable (par son talent, sa volonté, sa ruse, ses qualités d'orateur, intellectuelles, littéraires, etc.). L'avocat de Karr, avec une grande habileté mêlée à une certaine éloquence, poussa la plus belle trouée dans la déclamation de l'accusation (Goncourt, Journal, 1853, p. 98).J'ai souvent pensé avec étonnement à la trouée que les impressionnistes et que Flaubert, de Goncourt et Zola ont fait dans l'art (Huysmans, Art mod., 1883, p. 94).
Loc. Faire sa trouée. Faire son chemin, s'assurer une position confortable et stable dans la vie sociale et professionnelle. Synon. faire son trou*, faire une percée*.Il n'y a pas bien longtemps encore, un homme de bonne volonté faisait aisément sa trouée et choisissait sa voie (Taine, Notes Paris, 1867, p. 287).Je crois que maintenant notre trouée mondaine est faite et que je serai reçue partout (L. Daudet, Phryné, 1937, p. 90).
Prononc. et Orth.: [tʀue]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. Fin xves. trauee « ouverture, trou » (dans un mur par ex.) (Jean Molinet, Devise de Jehan du Gaughier, 21 ds Faictz et ditz, t. 2, p. 756); trauwee (Id., Prenostication de la Comette, 1, 72, ibid., p. 911); 1611 trouee « id. dans une haie » (Cotgr.); a) av. 1750 « (dans une forêt) endroit sans arbres, où les arbres ont été abattus » (St Sim., 29, 82 ds Littré); b) 1887 « endroit d'un champ où les plantes sont fauchées » (Zola, Terre, p. 141: les faucheurs élargissaient encore leurs trouées); 2. a) 1798 « ouverture faite dans une ligne ennemie par une charge, le canon, etc... » (Ac.); 1840 faire sa trouée « faire son chemin, réussir » (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, p. 21); 3. 1849 « espace dans les nuages découvrant le bleu du ciel » (Flaub., Tentation, p. 429); 1852 une trouée du ciel (Gautier, Italia, p. 15); 4. 1892 géol. « large passage naturel dans une chaîne de montagnes, entre deux massifs » la trouée de la Forêt-Noire (Zola, Débâcle, p. 11). Part. passé fém. subst. de trouer*. Fréq. abs. littér.: 396. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 224, b) 865; xxes.: a) 770, b) 565.