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TROU, subst. masc.
I. − Cavité de dimension variable, naturelle ou creusée à dessein dans le sol ou dans un autre élément.
A. − Creux naturel formé dans la terre, le roc ou tout autre élément.
1. [Dans la terre] Synon. creux, fondrière, nid-de-poule, ornière; anton. bosse1.Il est tombé dans un trou caché par une touffe d'herbe (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 389).Quand nous la longions, cette lande m'avait semblé plane: en réalité, ce n'était que trous et bosses! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 183).
P. anal.
Loc. Boire comme un trou. Boire beaucoup, absorber beaucoup de liquide, comme un trou absorbe l'eau. On boit comme des trous à toutes sortes de choses, à la propriété littéraire internationale, est-ce que je sais? (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 103).
Personne qui boit et mange bien. On l'invitait toujours dans les pique-niques, à cause de la tête du marchand de soupe en voyant ce sacré trou-là avaler ses douze livres de pain (Zola, Assommoir, 1877, p. 432).Monsieur, ils ont tout bu, ils en veulent encore... Quels trous, ces militaires! (Zola, Bouton de rose, 1878, ii, 10, p. 258).
2. [Dans une matière dure (rocher, roc, etc.)] Synon. cavité, anfractuosité, excavation.Partout où il y a des falaises et des trous de rochers au-dessus de la mer, les enfants dénicheurs d'oiseaux abondent (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 154).J'admirais lentement ressortir de mille trous, de mille anfractuosités du roc, tout ce que mon approche avait fait fuir (Gide, Si le grain, 1924, p. 436).
En partic.
Cavité de grande dimension pouvant servir d'abri ou de passage. Synon. caverne, galerie, grotte.Les quatre ou cinq fois qu'il m'attira dans le trou noir du rocher, je puis dire qu'il ne me donna aucun plaisir (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 100).
Excavation naturelle où vivent certains animaux. Synon. aire, antre, nid, repaire, tanière.Sortir de son trou; nicher, rentrer dans son trou. Avec ses rochers (...) Ses cavernes, ses trous de bêtes, ses halliers (...) Le bois lugubre est pris par la claire étincelle (Hugo, Année terr., 1872, p. 126).Quand au jour on grimpe jusqu'à leur trou [des hiboux] on trouve le nid propre, débarrassé de toute trace d'aliment (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 213).
Faille, creux dans un mur, souvent du(e) à son état de vétusté. J'ai fait envoler une nuée de corbeaux... Ils ont posé leur nid dans un trou du mur, en commençant par gratter le ciment et à déchausser une pierre (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 174).
3. Grande dépression géographique de forme et de disposition variables (ronde, oblongue, horizontale, verticale). Synon. abîme, aven, gouffre, pertuis, précipice, ravin.Je connaissais de nom le précipice qu'on appelle le trou de la Bastide (Dumas père, Angèle, 1834, ii, 5, p. 145):
1. Tout à coup, la ligne du pâturage (...) s'affaisse dans son milieu (...). Et on voit qu'on est arrivé parce qu'un immense trou s'ouvre brusquement devant vous, étant de forme ovale, étant comme une vaste corbeille aux parois verticales, sur laquelle il faut se pencher, parce qu'on est soi-même à près de deux mille mètres et c'est cinq ou six cents mètres plus bas qu'est son fond. Ramuz, Derborence, 1934, p. 29.
En partic. Dépression sous-marine. Près du littoral (à 4 km à peine), se trouve une profonde dépression sous-marine dans laquelle la sonde descend jusqu'à 500 m et que l'on appelle le trou sans fond (Romanovsky, Mer, source én., 1950, p. 25).
4. Trou d'eau
a) Ornière, creux rempli(e) d'eau. Ils étaient contents d'être sept bons copains (...) et de trébucher contre une racine, ou de fourrer le pied dans un trou d'eau en criant: « Nom de Dieu! » (Romains, Copains, 1913, p. 269).
b) Endroit d'une rivière ou d'une étendue d'eau où la profondeur est plus grande qu'ailleurs. La pluie m'a pris en chemin (...) et en traversant la Choue, je suis tombé dans un sacré trou d'eau (Zola, Nana, 1880, p. 1235).
En partic.
Endroit d'un cours d'eau où se forment des tourbillons. Il tomba dans un trou, une « marmite » formée par les remous (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 68).
P. anal. Trou d'air. V. air1I B 3.
Endroit profond de la rivière où se trouve une plus grande proportion de poissons. Pratiquer la pêche au trou. J'avais découvert, voilà trois ans cet été, une place, mais une place! Oh! là! là! à l'ombre, huit pieds d'eau, au moins, p't'être dix, un trou, quoi, avec des retrous sous la berge, une vraie niche à poisson, un paradis pour le pêcheur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Trou, 1886, p. 576).
5. P. anal.
a) Creux, dépression formé(e) dans une matière souple, légère par un corps plus lourd. Trou d'un duvet. [Le lit] était entr'ouvert, écrasé, montrant, par le trou creusé dans les draps, la pesée du corps qui s'était couché là (Maupass., Contes et nouv., Patronne, 1884, p. 699).Je suis là, la tête hors de mon trou de paille et les yeux grands ouverts (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1908, p. 354).
b) En partic. Endroit confortable, douillet, aménagé dans une pièce ou une partie de la pièce. Au milieu de la rue Vercingétorix, un petit trou satiné de rose, la chambre de Marcelle, ma femme (Sartre, Âge de raison, 1945, p. 190).
Fam. Faire son trou. S'installer un espace confortable. Je dormais si bien! Ah! que c'est dur de se relever, lorsqu'on a fait son trou pour la nuit! (Zola, Bouton de rose, 1878, i, 10, p. 237).
SYNT. Trou arrondi, béant, caché, dangereux, énorme, humide, immense, inconnu, noir, obscur, profond, rond, sombre, ténébreux; énorme, grand, gros, immense, large, petit, vaste, vrai trou; de nombreux trous; trou d'un arbre, d'un chemin, d'un rocher, d'une grotte, d'une montagne, d'un mur, de la pierre, de la roche, de la route, de la terre; trou sans air, sans fond; mettre le bras, la main, le pied dans le/un trou; se cacher, se coucher, demeurer, disparaître, dormir, gîter, s'enfoncer, s'enfouir, s'engouffrer, se flanquer, se glisser, se jeter, se loger, se mettre, se nicher, se précipiter, plonger, redescendre, regarder, rester, sauter, sombrer, être terré dans un/le trou; entrée, fond, rebord, sortie du trou.
B. − Excavation pratiquée dans le sol, le roc ou un autre élément, généralement dans un but précis.
1.
a) Creux ménagé dans la terre, le sol, présentant ainsi un vide destiné généralement à être comblé. Il creusa un trou dans la neige et s'y blottit avec son chien (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1080):
2. Immédiatement je me mets à l'ouvrage. Je fouisse, je creuse, je fais mon trou (...). Je me couche dedans. Je m'allonge sur le dos. Je l'élargis. Je tasse le fond des deux mains pour le rendre bien confortable. Je me fais un coussinet avec des aiguilles de pin et de la terre meuble... Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 105.
SYNT. Trou bouché, creusé, fait, pratiqué dans (la terre, le sol, le sable, la neige); trou à boucher, à combler; boucher, combler, creuser, faire, reboucher, remplir un/des trou(s).
AGRIC., JARD. Creux pratiqué dans la terre pour y effectuer certaines plantations. Trou de plantation. Il y passait volontiers une heure ou deux, coupant, sarclant, et piquant çà et là des trous en terre où il mettait des graines (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 34).Cécile commença de creuser la terre. Dans chaque trou, elle plantait une touffe de myosotis (Duhamel, Cécile, 1938, p. 272).
Fosse creusée dans la terre pour y entreposer certaines matières. Trou à purin. J'allais passer la journée dans le trou à charbon Pour lire la Bible (Claudel, Échange, 1894, i, p. 662).Le plancher était encombré de copeaux, de papiers, de paille, et ils balayaient le tout et l'on chargeait une brouette que l'on vidait dans le trou au fumier (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 262).
Grande saignée, galerie creusée dans la terre; en partic., abri aménagé en temps de guerre pour se protéger des attaques de l'ennemi. Au bout de quinze mois, le trou était achevé; l'excavation était faite sous la galerie (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 213).Regardez-les déjà sortir des trous où ils étaient embusqués, se prévalant d'avoir travaillé pour la Résistance (Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 393).
ART MILIT. Trou de loup. Excavation creusée en temps de guerre aux abords d'un ouvrage pour en rendre l'accès difficile et pour y dissimuler des sentinelles. Ils sont trop occupés à oublier leurs misères, le froid, la neige, le manque de sommeil, les longues heures passées accroupis dans des trous de loup (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 76).
Trou d'écoute. V. écoute1A 2 b.
SPORTS (golf). Cavité aménagée sur un parcours de golf, dans laquelle le joueur doit envoyer la balle. Golf à neuf, dix-huit trous; compter le jeu par coups ou par trous. Un parcours de golf comporte dix-huit trous, dont la longueur totale varie, en général entre cinq et six kilomètres, chaque trou étant de longueur différente (Jeux et sports, 1967, p. 1417).
b) En partic.
Fosse creusée dans la terre pour y enterrer les morts. Trou commun. Le trou comblé, le fossoyeur a planté la croix à coups de pioche et a été boire à son tour (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 287).Non loin de la case, deux indigènes creusaient un trou très profond et peu large, ce qui nous laissa supposer qu'on ensevelit les morts verticalement (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 784).
Mettre dans le trou. Enterrer. Le mal me tiendra jusqu'à ce qu'il m'ait mis dans le trou (Fabre, Hospit., 1880, p. 77).
Être dans le trou. Être mort, enterré. Je crois qu'il n'aura presque pas de cœur! Il en aura pour ses parents, pour ses grands-parents, pour deux ou trois amis (...). À tous les autres, il fera plaisir à voir, mais ils pourront bien aller dans le trou (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 103).
Trou d'obus. Large trouée, brèche ouverte dans la terre par l'explosion d'un engin de guerre. Une nouvelle fois cette nuit, un homme est tombé dans un de ces trous d'obus; il avait de la boue jusqu'au cou; il appelait maman, maman; on n'a pas pu le sortir (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921, p. 246).
Trou de mine. V. mine2III B.
Large brèche occasionnée par la démolition d'un ou plusieurs bâtiments. Mamitate ne sortit presque plus. Elle assista de sa fenêtre, à la démolition des pavillons de Baltard. On se rua sur les boulons, ce qui leur sembla très dérisoire. Pour hâter la destruction, on manda le général Custer lequel (...) fit donner le canon mais fut atrocement déconfit par Sitting Bull dans le « trou des Halles » (R. Jorif, Le Navire Argo, 1987, p. 217).
2. Galerie, cavité creusée et aménagée dans la terre par certains animaux fouisseurs. Synon. bauge1, gîte1, terrier.Trou de renard, de serpent, de souris, de taupe, de vipère; disparaître dans son trou. On voyait toute une légion de rats sortir de leurs trous inhabitables et fuir le sol embrasé (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 174).
Loc. fig. Faire son trou. Se faire une place dans la société, une situation stable dans la vie. Que voulez-vous? Il faut vivre. Il faut trouver sa place et faire son trou. Moi, j'ai fait le mien comme un boulet de canon (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 165).Langibout jugeait que, si jamais il [Anatole] pouvait parvenir à travailler, il était capable de faire aussi bien qu'un autre son trou et son chemin dans l'art (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 41).
3. Cavité, vide laissé(e) par l'extraction de certaines roches ou minerais contenus dans la roche. Trou d'une carrière, d'une marnière. Ah! elle la connaissait bien, cette houillère, ce grand trou noir d'où son mari n'était pas revenu (Verne, 500 millions, 1879, p. 87).
Trou de mine. Cavité pratiquée dans la roche pour y déposer une certaine quantité d'explosif. Les effets de cette pression varient à l'infini avec la compacité des roches, la disposition, le diamètre, la profondeur et la charge des trous de mines (Bourde, Trav. publ., 1928, p. 105):
3. − Oui, mon ami, répondit l'ingénieur, et cette nitro-glycérine produira d'autant plus d'effet, que ce granit est extrêmement dur et qu'il opposera une résistance plus grande à l'éclatement. − Et quand verrons-nous cela, monsieur Cyrus? − Demain, dès que nous aurons creusé un trou de mine, répondit l'ingénieur. Verne, Île myst., 1874, p. 159.
4. Creux fait dans une matière malléable. Trou dans la farine (synon. fontaine). Faites un trou dans la farine qui se trouve sur la table et mettez au milieu quinze grammes de sucre (Gdes heures cuis. fr.,J. Gouffé,1877, p. 186).
C. − P. anal.
1. [Dans une partie du corps] Creux, cavité.
Synon. de fossette.Le petit trou adorable de son menton se creusait (Zola, Nana, 1880, p. 1138).
Trou (des yeux). Synon. de orbite.Eh! Rebord, encore un verre... Oui, là, sur le tranchant de l'os qui dessine le trou des yeux... À ta santé (Ramuz, Derborence, 1934, p. 201).
Loc. pop., fam. Ne pas avoir les yeux en face des trous. À droite! dit Charlot vivement. Juste au-dessus des arbres, je te dis! T'as donc pas les yeux en face des trous? (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 37).
PATHOLOGIE
Cicatrice en creux laissée sur la peau après certaines maladies. Trous de la varicelle. M. Tassin était rayonnant; le contentement était tapi dans tous les trous de petite vérole de sa figure (Champfl., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 7).
Synon. de caverne (v. ce mot C).Je tousse éternellement et cela m'ennuie, parce que j'ai terriblement peur de ce diable de « petit trou » dont parle Pascal (Bernanos, Lettres inéd., 1905, p. 1735).
2. Endroit marqué par une coloration foncée sur une surface claire ou vice versa.
a) [Dans le ciel] Trou de nuit, de ténèbres; trou lumineux, sombre. Entre eux [les nuages] (...), voyageaient des vols d'étoiles, des clartés laiteuses, des trous d'ombre, des abîmes bleus (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 23).
ASTROPHYS. Trou noir. V. noir I A 2.Le « trou noir ». Il s'agirait de masses stellaires dont la concentration de matière est si forte, la densité si élevée, la force d'attraction si prodigieuse que même la lumière serait absorbée par ellesd'où leur nom de « trou noir » (Le Point, 29 nov. 1976, p. 121, col. 3).
b) [Dans un lieu quelconque] Le long des trottoirs, de grands trous d'ombre s'étaient creusés, devant les boutiques fermées (Zola, Curée, 1872, p. 453).La ville grossissait dans le trou gris, toute seule parmi les nuages qui moutonnaient jusqu'à l'horizon (Malraux, Espoir, 1937, p. 816).
En partic. Lieu étroit et mal éclairé. Je ne parle pas de la cuisine, un trou noir, grand comme un placard (Zola, Th. Raquin, 1878, i, 1, p. 52).Tout d'un coup, j'aperçus un trou de ténèbres: la cave, on l'avait ouverte (Sartre, Mots, 1964, p. 76).
3. Vide total, absence de matière. Il me semble que j'ai un trou à la place du cœur, comme un abîme si absorbant qu'une peine réelle me semblerait en m'atteignant ne se charger que de me défendre (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 135).
Avoir un trou à l'estomac. Avoir l'estomac vide. Synon. avoir un creux (v. creux II A 2).J'ai des trous dans l'estomac, dit Mimi, je prendrais bien du jambon (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 124).
D. − Arg., pop., fam.
1. Habitation modeste et souvent exiguë. Hein? n'est-ce pas? ça vaudrait bien mieux: travailler, manger du pain, avoir un trou à soi, élever ses enfants, mourir dans son lit (Zola, Assommoir, 1877, p. 412).Mille pardons! Chacun chez soi, chacun dans son trou (Duhamel, Journal Salav., 1927, p. 133).
2. Petite ville, village isolé(e), à l'écart de la vie moderne. Synon. bled, patelin2.Affreux, sale trou; trou perdu; trou de campagne, de province; trou de verdure; moisir, vivre dans un trou; ne pas sortir de son trou; quel trou! Hors un pèlerinage à Lourdes et ses nuits d'amour à Arcachon, il n'avait jamais quitté son trou (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 180):
4. ... on peut aller n'importe où, En France, il n'est si petit trou, Dans un coin perdu de province, Qui n'ait sa spécialité, Son mets favori, réputé, Digne de la gueule d'un prince. Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 143.
Loc. fig.
Sortir de son trou. Sortir d'un état de confinement et d'isolement social et intellectuel pour s'ouvrir au monde de la connaissance et aux idées neuves. J'ai toujours vécu comme une taupe dans sa taupinière: c'est toi qui m'as fait sortir de mon trou, et regarder l'univers! (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 1024).
Rentrer dans son trou. Se replier sur soi-même, se refuser à toute ouverture. Je savais bien que le S.R.L. n'existait plus et que Robert n'avait aucun projet neuf; j'ai tout de même eu un petit choc en l'entendant déclarer qu'il rentrait définitivement dans son trou (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 404).
3. Arg. Prison, cachot. Aller, mettre, fourrer (qqn) au trou. Ces dames n'en [revenaient] (...) pas qu'on menât leur homme au trou, un engagé volontaire (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 98).
E. − [Symbole du néant et, en partic.]
[de la peur de l'inconnu, de la solitude] Quand je considère l'avenir, si prochain qu'il soit, je ne vois qu'un grand trou noir et le vertige me prend (Flaub., Corresp., 1870, p. 192).Dans le chaos d'illusions où nous sommes jetés, une chose demeure vraie, l'amour. Le reste est néant. On se penche sur un grand trou noir, et on a peur (Green, Journal, 1931, p. 78).
[du désespoir, de la mort] Le néant final, le grand trou béant de la mort, là tout près, que rien ne déguise plus (Loti, Rom. enf., 1890, p. 267).
[du mal, de la laideur morale, de la déchéance] Si tu savais (...), tu comprendrais que j'étais justement tombée tout en bas, à ton niveau... Nous sommes au fond du même trou (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 109).
II. − Ouverture (généralement ronde) pratiquée dans un corps, une matière solide, une surface et, p. ext., dans toute matière.
A. − Ouverture naturelle, notamment dans une partie du corps.
1. Cavité anatomique. Trou de nez, des oreilles, de la bouche, des narines. Un nez horrible, aplati à sa naissance, sabré d'une entaille, au milieu, et brusquement, à son extrémité, se relevant, s'épanouissant en deux trous noirs, ronds, profonds, énormes, frangés de poils raides (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 304).
Trou (des pores). Orifice de la peau. Les pores communiquent par de petits trous au-dehors, et reçoivent sans doute par-là des vaisseaux et des nerfs (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 113).
Vulg. Trou du cul (qqf. abr. en troudu ou trouduc). Anus. V. cul I B.P. méton. Garnement effronté et stupide. Petit trou du cul. Imbécile. Un saltimbanque (...) chantait sa chanson, air, musique et paroles de Courbet: L'Institut, C'est des trous du cul (Goncourt, Journal, 1862, p. 1129).
Pop., fam. Trou de balle. Anus. Ces énormes bœufs avec un tout petit trou de balle (Renard, Journal, 1899, p. 522).P. méton. Idiot. Synon. enfoiré.Quel est le « trou de balle » qui n'a pas rendu le Grundriss en juillet dernier? (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 240).
2. ANAT. Orifice traversant de part en part une pièce anatomique et destiné généralement à laisser passer certains viscères, nerfs ou artères. Les papiers glissèrent. Le vent les dispersa sur le sol. L'arrière-cavité des épiploons s'était toute mélangée avec les trous de la base du crâne et le sphénoïde (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 248).
SYNT. Trou antérieur, condylien, coronal, déchiré (antérieur, postérieur), auditif, occipital, olfactif, optique, orbitaire, ovale, ovalaire, pariétal, sacré, sous-orbitaire, sous-pubien, vertébral.
Trou de conjugaison*.
Trou de Botal. Orifice de la cloison interauriculaire qui se ferme après la naissance. Le trou de Botal qui faisait communiquer le cœur droit et le cœur gauche, subit une occlusion physiologique (Ruyer, Cybern., 1954, p. 185).
B. −
1. Ouverture pratiquée de part en part dans une matière dure pour des raisons d'ordre pratique (écoulement, aération, passage, etc.). Trou de la cheminée, des fenêtres, des portes; trou de feu; trou de vidange; percer un trou. Ce sont des cabanes construites en terre, hautes à peine pour s'y tenir debout, larges tout au plus pour pouvoir s'y étendre, percées d'un grand trou qui sert à la fois de porte, de fenêtre et de tuyau de cheminée (Du Camp, Nil, 1854, p. 18).L'eau de vaisselle qui coule non loin de là, par le trou de l'évier, tantôt à torrents, tantôt goutte à goutte (Renard, Poil Carotte, 1894, p. 174).
Trou d'une aiguille. Synon. de chas1.Elle coupait soigneusement des bouts de fil égaux, mettait un temps infini à trouver le trou de l'aiguille (Zola, Page amour, 1878, p. 1008).
Trou (du chat). Synon de chatière. Elle surprend le pauvre prêtre (...) levant les mains au ciel ou les abaissant pour désigner du doigt, dans la boiserie, le trou dérobé de la chatière (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 236).
Loc. fig. Mettre le chat à tous les trous. Assurer une surveillance constante et vigilante. Je connais mieux que vous cette sainte maison et croyez que j'ai mis le chat à tous les trous (Claudel, Otage, 1911, ii, 1, p. 261).
2. Ouverture pratiquée dans la pierre, le bois ou le métal dans un but précis. Trou de rivet, de vrille; trou en dent de scie; trou cônique, triangulaire; trou fraisé, tamponné, taraudé; percer des trous; faire un trou avec une perceuse; trou de scellement; brique à neuf trous. Après avoir marqué la place du trou, on fait dans le bois plusieurs trous de vilebrequin très-rapprochés, on en fait sauter avec un ciseau l'intervalle (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 212):
5. La machine qui fait des trous dans une feuille de tôle, la pointe qui détache de longs copeaux de laiton, la pièce au tour qui arrive à sa perfection peu à peu parmi des jets d'eau de chaux! Les gens qui n'ont jamais essayé ne savent pas la paix qu'il y a à travailler tous ensemble... Claudel, Ours et lune, 1919, 3, p. 623.
P. compar., fam. (Avoir) les yeux en trou de vrille. Je vis (...) une grande fille et un petit gars qui se ressemblaient comme frère et sœur (...), tous deux les yeux en trou de vrille, que des sourcils en pointe coiffaient drôlement (A. France, Vie fleur, 1922, p. 328).
Spécialement
CHIR. Trou de trépanation. Ouverture pratiquée dans un os (notamment dans le crâne) avec un trépan. On repère sur un trocart, une longueur de 5 centimètres, à partir de sa pointe, et on enfonce l'instrument au centre du trou de trépanation (Brion, Jurispr. vétér., 1943, p. 240).
FOND. Trou de coulée. ,,Trou du moule destiné à recevoir le métal en fusion`` (Boissier 1975). Vers la partie inférieure de la première plaque, on trouve le trou de coulée pour fonte (Ch. Durand, Industr. minérales Lorr., 1893, p. 46).
FORAGE (mines, pétrol.). Puits foré ou en cours de forage. Trou de mine. Trou cylindrique creusé dans la roche en vue d'y recevoir une charge d'explosif. Les trous de mine, lorsqu'on peut les forer, augmentent sensiblement le rendement; on doit donc recourir au forage chaque fois qu'il est possible (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 240).Trou de sonde. Trou vertical cylindrique percé dans le sol en vue d'un forage. Il est beaucoup plus économique de pomper directement la saumure du sous-sol au moyen de trous de sonde forés jusqu'au gisement (Stocker, Sel, 1949, p. 40).
MAR. Trou d'écoute. Orifice percé dans un navire pour y laisser passer les écoutes. (Dict. xixeet xxes.).
MÉCAN. AUTOMOB. Trou de bougie. ,,Trou taraudé qui débouche dans la chambre de combustion et dans lequel on visse la bougie d'allumage`` (Automob. 1986). Trou de graissage. ,,Trou percé dans une pièce et qui, débouchant dans un canal, permet l'introduction d'huile ou graisse en un endroit de frottements`` (Automob. 1986).
MUS. Ouverture pratiquée dans un instrument pour permettre l'échappement de l'air et l'émission de sons précis. Flûte à sept trous. La flûte présente un nombre variable de trous forés sur la paroi, grâce auxquels le joueur peut raccourcir à volonté la colonne d'air, créant ainsi plusieurs sons à des intervalles déterminés (Encyclop. de la mus., Paris, Fasquelle, t. 2, 1959, p. 81b, s.v. flûte).
SERR. Trou de serrure. Trou pratiqué dans une porte et destiné à recevoir une clé. Regarder par le trou de la serrure. Les rares clients de MmePouce se plaignent de l'avoir surpris plus d'une fois l'œil au trou de la serrure, comme un enfant (Bernanos, Crime, 1935, p. 852).Je collai l'œil au trou de la serrure; Paule était agenouillée devant la cheminée, il y avait autour d'elle des liasses de papier et elle les jetait dans le feu (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 417).
En partic.
Ouverture, brèche percée volontairement dans un bâtiment, un objet ou due à l'usure, à la vétusté. Trou dans un carreau, dans la cloison, dans le plancher, dans le toit, dans la toiture. La vieille barque a des trous dans sa membrure, des trous qu'on a réparés avec des morceaux de bois neuf (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 294).Pas de fenêtre d'un côté, puis tout d'un coup, une suite de trous béants, carrés, rectangulaires, des sortes de blessures; de grands pans de murs vides (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 541).
3. Ouverture faite sur une surface pour y permettre de livrer un passage. Ce qu'on appelait boyau, on l'appelle galerie; ce qu'on appelait trou, on l'appelle regard (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 522).
Synon. de fente.Leurs yeux ressemblent à des trous de tirelire (Audiberti, Mal court, 1947, iii, p. 192).
Spécialement
MAR. Trou du chat. V. chat1III A 4 b.
TECHNOL. Trou d'homme. Ouverture de visite pratiquée dans les toits ou dans certains appareils industriels (cuves, chaudières, citernes) qui permet le passage d'un homme en vue d'une inspection, d'une réparation, d'un nettoyage. Ce bon géant qui faisait mes trente-six volontés, me montant au nid de corbeau du mât de misaine, me descendant à fond de cale par le trou d'homme de l'écubier, me promenant dans les machines et jusqu'au bout du tunnel des arbres de couche (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 26).
THÉÂTRE. Trou du souffleur. Ouverture pratiquée dans l'avant d'une scène de théâtre et ménageant un espace où se loge le souffleur. Il suffit d'un regard sur le trou du souffleur, si ingénieusement disposé qu'il est impossible qu'on ne le voie point (Alain, Propos, 1923, p. 558).
En partic. Espace occupé par le souffleur. Ces époux vivaient là, venus on ne sait d'où, La femme dans sa loge et l'homme [le souffleur] dans son trou (Coppée, Poés., t. 3, 1875, p. 27).
4. Ouverture faite dans une épaisseur et servant de passage. Synon. trouée.Monsieur Le Peyre des Norgiots (...) était occupé (...) à examiner un trou fait par des maraudeurs dans la haie de son courtil (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 229).
C. − Ouverture faite dans une matière qui se troue ou se perce facilement.
1. Absence de matière, vide généralement rond laissé dans un vêtement, un article en cuir ou un textile à la suite d'un accroc, d'une brûlure, de l'usure, etc. Synon. déchirure, patate (fam.).Trou des/dans les chaussures, de la jupe, du manteau, du pantalon; trou à la blouse, au caleçon, à la culotte, à son habit, au jupon, au manteau; trou de cigarette, d'usure; trou de mites; trou dans la toile; avoir, faire un/des trous à ses chaussettes; réparer, repriser un trou. C'est Tricot qui remue ses pouces de pieds par les trous de ses chaussures (Frapié, Maternelle, 1904, p. 289).Il y avait de grands trous très blancs dans ses bas de laine noire (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 18).
P. iron. Être habillé de trous. Presque nu sous ses haillons, habillé de trous autour desquels il y avait, par pudeur, un peu de quelque chose, l'affreux et sordide gamin avait le rayon du soleil, de la santé, de la liberté, un éclair ardent de vie animale (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 210).
En partic. Ouverture ménagée dans un vêtement pour laisser passer une partie du corps (tête, bras). (Faire) un trou pour les yeux, les oreilles. Un morceau carré de toile cirée au milieu duquel il y avait un trou pour passer la tête (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 147).Des cagoules rabattues sur la tête, percées de trois trous pour la vue et la respiration (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 7).
2. Vide laissé dans du carton, du papier ou une matière similaire par un poinçon, une perforatrice. Trou de poinçon; trou dans un ticket. Tu continueras à faire des trous dans les billets (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 11).P. métaph. Mais il ne faut à l'esprit du mal qu'un trou bien petit pour s'insinuer au cœur de l'homme (Arène, Veine argile, 1896, p. 88).
Trou d'épingle. Trou minuscule fait par une épingle dans du papier, du carton ou une matière facile à traverser. Un ballon flasque troué par l'épingle du petit trou d'épingle (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 58).
INFORMATIQUE
Chacune des perforations faites dans des cartes, des bandes, dont l'ensemble correspond à des signes (chiffres, lettres) que transcrivent automatiquement les machines. Il fit des expériences de tri et de décompte en utilisant des trous perforés dans des cartes avec des systèmes électriques pour détecter les trous et les compter (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p. 48).
Trous d'entraînement. Chacune des perforations faites en série sur le(s) côté(s) du papier d'une imprimante. Ces cartes comportent une ligne de trous d'entraînement, parallèle aux bords les plus longs (Jolley, Trait. inform., 1968, p. 181).
3. Déchirure, perforation faite dans le corps au moyen d'un objet acéré ou d'une arme à feu. Trou affreux, béant, sanglant; trou (fait) dans la chair, le corps, le crâne, la cuisse, l'estomac, la figure, la peau, la poitrine, la tête, le ventre; trou à la joue, aux entrailles; trou de lance, d'épée, de balle. Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit (Rimbaud, Poés., 1871, p. 76):
6. Il rabattit le col de sa chemise et regarda la plaie dans un méchant miroir de quinze sous accroché au mur. Cette plaie faisait un trou rouge, large comme une pièce de deux sous; la peau avait été arrachée, la chair se montrait, rosâtre, avec des taches noires... Zola, Th. Raquin, 1867, p. 81.
4. Loc. fig., vieilli. Faire trou. Faire son chemin, pénétrer, marquer profondément (une personne, l'esprit de quelqu'un). Il a dit de ces petits mots perfides et malveillants qui vont leur chemin et font trou à petit bruit dans l'esprit des gens (Sainte-Beuve, Corresp., t. 2, 1837, p. 310).Ce barbarisme [décadisme] est une merveilleuse enseigne; (...) il sonne littéraire sans pédanterie, (...) enfin fait balle et fera trou, je vous le dis encore une fois (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Hommes d'auj. (Anatole Baju), 1885-93, p. 381).
D. − P. anal. Impression de trouée, de percée donnée, par effet d'optique, par le contraste d'un objet lumineux se détachant sur un fond sombre ou inversement. Trou lumineux, de lumière, d'or, d'azur. Sous une brise légère ondulent les cinéraires, qui font des trous violet-bleu et magenta dans un gazon si neuf qu'il est encore tout bâti de fil blanc (Morand, Rococo, 1933, p. 42).Le ciel, percé de petits trous par les étoiles, était devenu d'un noir luisant de papier-carbone (H. Bazin, Tête contre murs, 1949, p. 307).
PEINT. ,,Touches trop noires, trop vigoureuses, qui, placées sur un ton clair, détruisent le modelé et donnent la sensation d'un vide, d'une ouverture, d'un trou dans la toile`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). Dans presque tous les peintres qui ne sont pas coloristes, on remarque toujours des vides, c'est-à-dire de grands trous produits par des tons qui ne sont pas de niveau, pour ainsi dire (Baudel., Salon, 1846, p. 126).
III. − P. anal. ou au fig. Solution de continuité, rupture, vide, lacune, défaut.
A. − Élément manquant dans un ensemble, rupture d'une continuité.
1. Espace, vide laissé entre des personnes disposées en continu. Il faudrait cent millions de soldats pour dresser une muraille continue. Donc entre les troupes, il est des trous (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 307).
Boucher un trou. V. boucher1I A 2 et bouche-trou.
SPORTS. Faire le trou
CYCL. Creuser un écart entre soi-même et le reste du peloton. Nous avons commencé à rouler à fond (à fond de train), pour faire le trou (acquérir une avance appréciable (...)) (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1952, p. 176).
FOOTB. Laisser passer le ballon entre deux adversaires (d'apr. Carabelli, [Lang. sportif], s.d.).
2. Vide, lacune dans une composition artistique ou littéraire.
a) BEAUX-ARTS. Espace non occupé dans un tableau. (Ds Adeline, Lex. termes art, 1884).
b) ENSEIGN. (pédag. des lang.). Exercice à trous. Exercice consistant à compléter une phrase par un mot (ou une forme) laissé en blanc. On tend maintenant à aménager, à régulariser la cacographie pour en faire un exercice à trous en invitant l'élève à compléter les finales des mots (A. Chervel, Et il fallut apprendre à lire à tous les petits Français, 1977, p. 145).
c) LITT., ART DRAM. Lacune, faiblesse dans un texte, une pièce de théâtre. On a dû depuis diminuer l'acte de moitié (...) mais on n'a pu empêcher qu'il y ait là un trou, un manque au milieu du drame (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 91).
Loc. fig. Faire tache et trou. Rompre une harmonie, se détacher dans un ensemble cohérent. Jef Last estime que le récit de Ménalque fait tache et trou dans mes Nourritures (Gide, Journal, 1935, p. 1222).
d) MUS. Solution de continuité dans la voix, dans l'émission des sons d'un instrument. Il faut que (...) les rythmes soient bien combinés et qu'il n'y ait pas à ce sujet de trous dans la sonorité (Koechlin, Écrit. fugue, 1933, p. 270).
3. Somme d'argent soustraite à un montant global dans une bourse, un budget, une comptabilité. Faire, creuser un trou dans le budget; les trous d'une dette; faire un trou dans la caisse, la comptabilité. Désirée pensait avec terreur au trou immense que ce repas improvisé allait creuser dans les pauvres ressources de la semaine (A. Daudet, Fromont jeune, 1874, p. 180).N'oublie pas que ton opération manquée contre Schoudler (...) a fait un trou sérieux dans ton capital (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 160).
Boucher un trou, les trous. Combler un déficit. V. boucher1I A 2 b.
Loc. fig. Faire un/des trou(s) à la lune. V. ce mot D 1 f.
4. Moment d'interruption dans une action, une conversation
a) Moment de silence intervenant au cours d'une discussion, d'un bruit continu. [Elle] fit de son mieux pour boucher les nombreux trous de la conversation languissante (Gyp, Passionn., 1891, p. 240).Et brusquement vint le premier silence, puis une petite toux de Ferrague (...) et de nouveau un trou de silence (Genevoix, Marcheloup, 1934, p. 175).
b) Trou normand. Pause au cours d'un repas permettant d'absorber une petite quantité d'alcool (généralement du calvados) pour faciliter la digestion. Entre chaque plat on faisait un trou, le trou normand, avec un verre d'eau-de-vie qui jetait du feu dans les corps et de la folie dans les têtes (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Farce norm., 1883, p. 65).
c) Temps libre entre deux périodes d'occupation. Synon. avoir un créneau (v. ce mot II B 2 a).Avoir un trou dans son emploi du temps. Moi, dit Rodrigue, j'ai un « trou » entre trois heures et demie et cinq heures; pourquoi n'irions-nous pas ensemble au one two two? (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 111).
5. Lacune, manque d'une ou plusieurs choses dans une série, une collection. J'ai acheté (...) vingt années de la Gazette des Beaux-Arts qui étaient justement le trou de ma collection (Toulet, Corresp. avec un ami, 1920, p. 45).
6. Solution de continuité dans un courant de pensée, marquée par l'absence d'hommes représentatifs de ce courant. L'existence d'un trou béant entre Plotin et Descartes se trouve par là même justifiée. (...) le vide n'est dans l'histoire que parce qu'il est dans les choses et l'histoire elle-même n'a rien à se reprocher (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p. 203).
7. PHYS. [Dans les semi-conducteurs] ,,Place laissée vacante, dans un édifice atomique, par le départ d'un électron`` (Laitier 1969). Trou positif; électron-trou. Les trous peuvent se déplacer dans le solide, sans qu'il y ait mouvement de l'ion: un autre électron de la bande de valence vient occuper la place libre, en laissant un autre trou ailleurs (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 304).
B. − Domaine abstr.
1. Défaillance momentanée de la mémoire concernant un fait précis à se remémorer. Synon. vide, faille2.Avoir un trou de mémoire, dans la mémoire; avoir la mémoire pleine(/criblée) de trous. Il avait devant lui le même « trou » que le comédien qui ne se souvient plus de son rôle (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 535).Eh! chère madame! qui n'a pas de trous dans la mémoire? Tenez, moi j'inscris tout sur mon carnet. Sans cela je ne me souviendrais de rien (Chardonne, Varais, 1929, p. 226).
2. Oubli, omission, lacune dans un écrit, une œuvre. Synon. manque, faille2.La biographie de Rabelais (...) est pleine de trous que je n'essayerai pas de boucher par quelque ravaudage (A. France, Rabelais, 1909, p. 129).
Péj. Insuffisance, faiblesse d'un écrit, de l'inspiration ou de la pensée de son auteur. Il y a pour les temps qui vont suivre, pour les siècles d'art de tout le monde, un terrible trou dans l'œuvre de Zola et de Daudet, c'est la complète absence du sentiment de l'art, grand ou petit, plastique ou industriel (Goncourt, Journal, 1881, p. 102).Stendhal (...) n'est pas un logicien de la composition ni du style. C'est là le trou chez lui, le défaut qui le rapetisse (Zola, Romanc. natur., Stendhal, 1881, p. 100).Insuffisance, lacune dans un texte officiel. Les lois présentement sont exténuées, ou pleines de trous, et les magistrats sont pourris (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 179).
3. Insuffisance dans le savoir, la connaissance, l'intelligence. Synon. lacune, manque, faiblesse.Dans cette intelligence si vaste de Sainte-Beuve, il y avait une lacune, un trou énorme (Zola, Doc. littér., Sainte-Beuve, 1881, p. 230).Il a des trous de pensée, des moments où ça tourne à vide dans sa tête? C'est que son jugement n'a plus la précipitation de la jeunesse (Sartre, Nausée, 1938, p. 95).
PHILOS. V. amathie2ex.
REM.
Trou-trou, subst. masc.,brod., cout., tricot. Suite de petits jours sur une pièce de lingerie ou un tricot par lesquels on fait passer un ruban, un cordon. Elle apparut à peine vêtue d'un corset d'où émergeait la fine chemise à trou-trou nouée d'un ruban bleu (Aymé, Jument, 1933, p. 260).En appos. avec valeur d'adj. Rêvons à la douceur d'autrefois, à l'époque où les doigts de fée de nos grands-mères faisaient des chefs-d'œuvre vestimentaires en maille dentelle et maille trou-trou (Le Point, 19 sept. 1977, p. 43, col. 1).
Prononc. et Orth.: [tʀu]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1176-81 tro « ouverture au travers d'un corps ou qui y pénètre à une certaine profondeur » tex tros i font (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 5578); ca 1274 trou de tarere (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 2255); en partic. a) ca 1220 un trou d'aguille trespasser (Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 3303 ds T.-L.); ca 1225 treu d'aguille (Gautier de Coinci, Mir. Vierge, éd. V.-Fr. Koenig, II Dout. 34); b) 1547 le trou de l'huys (M. de Navarre, Nativité, 750 ds IGLF M.-A.); 1732 le trou de la serrure (Lesage, Aventures du chevalier de Beau chesne, p. 282); c) α) 1558 le trou au chat « chatière » (B. Des Periers, Nouvelles Récréations et joyeux devis, éd. Kr. Kasprzyk, 68, p. 251); 1890 trou du chat « id. » (Havard); β) 1831 trou du chat mar. (Will.); d) 1800 trou du souffleur (C. G..., D. T... et Bonnin, Deux et deux font quatre, p. 23 [Huguelet] ds Quem. DDL t. 21); 2. a) ca 1225 « déchirure accidentelle de la peau et des tissus, plaie béante et profonde » plainne de treuz et de plaies (Gautier de Coinci, op. cit., II Mir. 25, 55); xiiies. [ms.] trous (La Chevalerie Vivien, éd. A. L. Terracher, 1668); b) ca 1279 tro « solution de continuité produite involontairement (du fait de l'usure, d'une brûlure, etc) » (Adenet le Roi, op. cit., 830); 3. a) 1314 anat. trou du cul (Henri de Mondeville, Chirurgie, 517 ds T.-L.: Anus est le trou du cul); 1867 arg. trou du cul « imbécile » (Delvau, p. 487); b) 1861 arg. trou de balle « anus » (Larch., p. 260); c) 1922 anat. les trous de son nez (Duhamel, Notaire Havre, p. 76); 1839 le trou des naseaux (Toepffer, Nouv. genev., p. 474); 4. a) 1862 « percée » faire un trou dans l'ennemi (Hugo, Misér., t. 1, p. 376); d'où 1905 sports « défaut de la défense qui livre un passage à l'adversaire » un trou dans la défense (L'Auto, 6 nov. ds Petiot 1982); b) 1936 id. faire le trou « (d'un coureur) s'échapper du peloton et creuser rapidement l'écart entre soi et ses poursuivants » (ibid., 4 déc., ibid.). B. 1. Déb. xiiies. trau « cavité naturelle ou creusée servant d'abri à l'homme ou à l'animal » ici proverbe (Ignaure, éd. R. Lejeune, 373: Soris ki n'a c'un trau poi dure); 1532 trou de taulpe (Rabelais, Pantagruel, IX bis, éd. V.-L. Saulnier, p. 68, ligne 348); d'où 1833 fig. faire son trou « se faire une situation tranquille et aisée » (Balzac, Méd. camp., p. 92); 2. ca 1210 « cavité creusée dans un corps ou une surface » (Dolopathos, 191 ds T.-L.); d'où expr. a) 1640 avoir un trou sous le nez « être gourmand » (Oudin Ital.-Fr.); 1844 « boire énormément, être grand buveur » (Catéchisme poissard ds Larch. 1872, p. 230); b) 1651 boire en trou « id. » (Scarron, Virgile, VI, 253b ds Richardson, p. 271); 1650-86 boire comme un trou (Chapelle et Bachaumont, Œuvres, publ. par Lefebvre de Saint-Marc, La Haye-Paris, 1755, p. 191); c) 1880 trou d'eau (Zola, Nana, p. 1235); d) 1914 trou d'air (Lar. mens., août, III, p. 498a ds Quem. DDL t. 16); 3. a) 1592 « demeure dont on veut indiquer la petitesse, l'étroitesse » des petits trous et chambrettes (Du bonheur de la Cour et vraye félicité de l'homme, p. 22 ds Havard); b) 1680 « petite ville » (Rich.); 4. 1725 « prison » (Grandval, Le Vice puni, chant XII, Paris, Pierre Prault, 1726, p. 96: Tu me laisses pourrir dans cet infâme trou); 1849 « id. » (Jargon de l'arg. réformé ds Sain. Sources Arg. t. 1, p. 217); 5. 1831 « fosse creusée pour enterrer un mort » le trou des pauvres (Balzac, Peau chagr., p. 111) [1783 un trou à mettre les morts (Marivaux, Arlequin poli par amour, p. 70)]; 6. 1895 golf (Le Vélo, 5 nov. ds Petiot 1982: l'ensemble des trous ou holes). C. 1. 1640 « dette, perte d'argent, déficit financier » desboucher un Trou pour en boucher un autre (Oudin Ital.-Fr.); 2. a) 1757 peint. « parties sombres d'un tableau » faire trou (Pernety, Dict. portatif de peint., p. 545); b) 1767 id. « vide laissé mal à propos dans une composition » (Diderot, Le Salon de 1767 ds Œuvres, éd. J. A. Naigeon, t. 14, p. 128); 3. a) 1862 « lacune préjudiciable, manque » (Hugo, Misér., t. 2, p. 620: il y avait dans sa mémoire un trou); 1936 des trous de mémoire (Montherl., Pitié femmes, p. 1206); b) 1871 « élément qui manque dans un ensemble » cet énorme trou dans notre correspondance (Flaub., Corresp., p. 230); 4. 1872 « (dans une œuvre théâtrale...) moment où l'intérêt fléchit » (Littré); 5. 1973 astron. trou noir (Astron. [1868, Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, p. 237: Ce « trou noir » où semble manquer absolument la matière stellaire]). D'un lat. pop. *traucum « trou » att. dans la Lex Ripuaria (viiies.) sous la forme traugum; mots qui appartiennent au gallo-rom. et cat. (cf. a. prov. trauc « trou, ouverture », fin xiie-déb. xiiies., Lemoine de Montaudon, Autra vetz ds Rayn.; traucar « trouer » 1194 traucar escutz « percer les boucliers », Bertran de Born, Œuvres, éd. G. Gouiran, 36, 22; cat. trauc « trou, boutonnière » ds Alc.-Moll.); prob. d'orig. gaul. Mais les autres lang. celt. n'offrent pas de forme analogue et l'on peut supposer que les Gaulois ont reçu ce mot d'une lang. parlée en Gaule avant leur arrivée. Dans l'Est et le Sud-Est, le type pertuis (v. percer) est plus largement utilisé, v. FEW t. 13, 2, p. 232a. Fréq. abs. littér.: 4 711. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 908, b) 9 319; xxes.: a) 8 389, b) 5 807. Bbg. Bäcker 1975, pp. 305-306. − Quem. DDL t. 27 (s.v. avant-trou), t. 28.