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TRAVERSER, verbe trans.
I. − Franchir, parcourir quelque chose d'une extrémité à l'autre.
A. − [Le compl. est d'ordre spatial, il désigne une étendue, un milieu, une surface]
1. [Le suj. désigne un animé] Voyageur qui traverse les mers, un pays, une ville; traverser une chambre, un jardin, une forêt. Les campagnes (...) dansent en tourbillons avec les arbres et avec les longues files d'oiseaux qui traversent les airs (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 135):
1. Véritable Rattenfänger de légende, il n'eut qu'à paraître; par millions, les pauvres rats de tranchée, rats de vase, s'attroupèrent et le suivirent. Il traversa ainsi l'Europe, de Londres à Rome, tirant de ses pipeaux des sons qui faisaient venir les larmes aux yeux... J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 97.
a) [Dans un cont. métaph.] [Jouffroy] avait la prétention d'avoir organisé avec exactitude la partie centrale de la science que, selon lui, M. Cousin n'avait que traversée et bientôt quittée pour se livrer à des excursions historiques en tous sens (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 8, 1853, p. 305).
b) En partic.
α) [Le compl. désigne une voie de communication] Se rendre d'un bord, d'un côté à l'autre. Traverser une allée, un boulevard, une chaussée; traverser un cours d'eau, une rivière. Le peuple accourt, gémit (...) accompagne [le funèbre convoi] le long des rues qu'il traverse pour se rendre au palais (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 338).D'autres [hommes] pour me montrer leur ville me faisaient traverser le fleuve et l'admirer de l'autre rive (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 581).
Empl. pronom. à valeur passive. La Loire se traversait sur une passerelle de bois, à pied, valise à la main (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 158).
Empl. abs. La rue était assez large et les voitures filaient en les empêchant de traverser (Jouve, Scène capit., 1935, p. 111).
β) Traverser un pont. [Expr. tenue pour incorrecte par certains puristes] Parcourir un pont sur toute sa longueur pour franchir un cours d'eau. Sarrebrück était la dernière ville allemande; je n'avais qu'à traverser le pont pour être en France (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 134).
2. [Le suj. désigne une chose]
a) [Le suj. désigne une chose dotée de mobilité, de mouvement, un moyen de locomotion] Synon. parcourir, sillonner.Des balles traversent l'air; une barque traverse un fleuve; une étoile filante traverse le ciel. Le petit déjeuner au wagon-restaurant, tandis que le train traversait la grande banlieue encore plongée dans les ténèbres (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1268).
b) [Le suj. désigne une chose dépourvue de mobilité] S'allonger, s'étendre d'un bout à l'autre, à la surface de quelque chose. Une route traverse le village; une lézarde traverse le mur. Le Roi de Rome est profondément endormi. Dans la blancheur du linge et des dentelles, que traverse le grand cordon de la légion d'honneur (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 109).Le chemin montait, traversait l'enceinte, s'arrêtait à un mur sans crénelures, bas: de là on voyait tout le pays, loin, très loin (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 53).
B. − [Le compl. est d'ordre temporel] Aller d'un bout à l'autre d'une période déterminée; se trouver, être engagé dans une situation particulière durant un certain temps.
1. [Le suj. désigne une pers., un groupe de pers.] Traverser une crise, une guerre, une révolution; traverser une période faste, troublée. Cette charmante créature traversa ainsi pendant cinq mois les misères de la vie de bohème, la chanson et le sourire aux lèvres (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 210).La France traverse la crise politique, sociale, morale la plus profonde de son histoire (Manifeste parti populaire fr., 1936ds Doc. hist. contemp., p. 170).
2. [Le suj. désigne une réalité concr. ou abstr.] Aller d'un bout à l'autre d'une période plus ou moins longue. Écrits, doctrines, valeurs qui ont traversé les âges, les époques. On pourrait imaginer une chanson, un conte, une de ces traditions populaires qui traversent les siècles, les montagnes, et les océans (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 171).Le grec conservait encore, dans les parties orientales de la Méditerranée, cette bienheureuse vitalité à laquelle la pensée humaine devra de traverser sans périr les temps difficiles qui vont venir (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 220).
II. − Passer à travers, percer, pénétrer de part en part (un corps, un objet, un milieu)
A. − [Le suj. désigne une pers.; avec un compl. désignant le moyen, l'instrument du procès] Synon. transpercer.C'étaient, je vous assure, de très « horrifiques » fantômes, qu'un personnage de la pièce traversait de son épée sans qu'ils donnassent le moindre signe d'émotion (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 122).
1. P. anal. Se frayer un passage à travers un ensemble, de personnes ou de choses, qui représente un obstacle. Un émissaire qui arriva son habit déchiré tant il avait eu de peine à traverser la foule, apporta le bulletin de dépouillement du scrutin (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 189).Contre-attaque sur le fort dès le soir du 2, par un bataillon du 53erégiment qui doit traverser les barrages meurtriers (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 236).
2. Au fig. Aller, grâce à une opération mentale, au delà de quelque chose constituant un obstacle, une gêne. Je traverse les apparences, j'arrive à la couleur ou à la forme réelle, lorsque mon expérience est à son plus haut degré de netteté (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 367).
B. − [Le suj. désigne une chose] Un petit morceau de bois traversait le lobe de son oreille gauche; un autre était fiché à l'aile de la narine droite (Maran, Batouala, 1921, p. 118).
1. Empl. pronom. réciproque. On avait toujours admis comme géométriquement évident que deux courbes continues ne peuvent se traverser sans se rencontrer (Bourbaki, Hist. math., 1960, p. 164).
2. En partic.
a) [Le suj. désigne une arme, un projectile] Synon. perforer, transpercer.Rien n'ébranla le courage du duc. Un coup de lance traversa l'arçon de sa selle; un autre dérangea son armure (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 343).Un plomb lui avait traversé les chairs, et, sans mettre sa vie en péril, lui avait appris par là que l'homme était un danger (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 188).
b) [Le suj. désigne une substance fluide]
α) Synon. de s'infiltrer.[Le] « seuil d'élimination » (...) n'existe que pour certaines substances seulement, les autres traversant le rein quel que soit leur taux dans le sérum (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 697).
β) Synon. de mouiller, tremper.La sueur qui perlait de son corps tout entier, traversant le vêtement de toile brune qu'il portait à même la peau, y faisait de larges taches humides (Mille, Barnavaux, 1908, p. 68).
À la forme passive. Une ondée tout inoffensive. Mon habit n'est pas traversé (A. France, Anneau améth., 1899, p. 90).
Empl. pronom. à valeur passive. Une toile de tente mouillée, c'est plus irritable qu'une peau fine. Vous y touchez du bout du doigt: à cet endroit là, elle se traverse et fait gouttière (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 9).
c) [Le suj. désigne une lumière, une source lumineuse ou radiante] Les rideaux de calicot blanc à bordure rouge étaient (...) complètement tirés devant les fenêtres, et le soleil, traversant la toile, jetait une lumière blonde sur le lambris (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 48).M. Bose, dont nous décrirons plus loin l'appareil si sensible, a cru observer que [les] radiations [électromagnétiques] traversaient les métaux (H. Poincaré, Théorie Maxwell, 1899, p. 60).
À la forme passive. Bourrasques traversées de coups de soleil (...) Cette folie du climat anglais (Maurois, Mes songes, 1933, p. 172).
d) [Le suj. désigne un son, une source sonore] Cri, gémissement, mélodie qui traverse la cloison, le mur. Tout d'un coup un appel traversa le bois, d'abord lointain, puis plus rapproché, celui d'une voix imitant le cri du coucou (Bourget, Disciple, 1889, p. 159).
C. − Au fig. [Le suj. désigne une réalité abstr.] Envahir, pénétrer au plus profond de.
1. [Dans un cont. métaph.; le compl. désigne une manifestation de l'esprit humain] Ce grand courant de familiarité dévote qui avait si souvent traversé le christianisme germanique (Pirro, J.-S. Bach, 1919, p. 45):
2. Faut-il se fier à quelques favorables présages? À ce souffle religieux, par exemple, qui traverse les œuvres récentes de quelques écrivains et que je retrouve jusque dans les feuilles éparses de la presse? Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 119.
À la forme passive. Dans Le Retour au logis [de Fragonard], l'œuvre est traversée d'une pénétrante tendresse (Nolhac, Fragonard, 1931, p. 155).
2. [Le compl. désigne une pers., son intelligence, sa sensibilité] Synon. passer par l'esprit (v. passer11reSection I A 2 a ε).Un doute, une inquiétude, une supposition traverse (qqn). Le comte fronça le sourcil. Un soupçon venait de lui traverser l'esprit (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 417).Une idée seulement traversa (...) sa cervelle, mais qu'il ne put fixer, et dont il ne sentit que l'angoisse (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 66).
III. − Disposer, mettre, placer de travers (par rapport à ce qui est considéré comme normal).
A. − Spécialement
1. ÉQUIT. Traverser un cheval. Lui déplacer latéralement les hanches ou les épaules, qui ne sont plus sur la même ligne (d'apr. Petiot 1982). Empl. pronom. réfl. Il n'était pas en selle que Cantaorc'était le nom de la bêtepiétinait, se traversait (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 413).
2. MAR. Traverser une ancre. ,,La relever lorsqu'elle est pendante et la saisir solidement à poste`` (Gruss 1978; dict. xixeet xxes.). Traverser la lame. ,,Faire route de manière à la couper de bout ou perpendiculairement à sa longueur`` (Bonn.-Paris 1859; ibid.). Traverser une voile. ,,[La] pousser (...) perpendiculairement à la route, à l'axe longitudinal`` (Merrien 1958; ibid.).
3. MENUIS. ,,Corroyer le bois en travers, dans le sens perpendiculaire aux fibres`` (Peyroux Techn. Métiers 1985).
B. − Au fig., vieilli. Se mettre en travers de, faire obstacle à la réalisation d'un projet, d'une action. Son or, pour traverser mes bontés paternelles, Soudoya des partis les trames criminelles (Legouvé, Mort Henri IV, 1806, i, 4, p. 349).
À la forme passive. Fabrice: À quand le mariage? Horace: À quand? Célie: Hélas! Fabrice; Comment? Notre amour serait-il traversé? Horace: Par mon père! (Augier, Aventur., 1848, p. 175).
REM.
Traversé, -ée, part. passé en empl. adj.,vieilli. [Corresp. à supra III B] Qui est soumis à une opposition, à des obstacles. [Consuelo] eut la pensée (...) de renoncer à une entreprise déjà si traversée, et qui avait failli lui devenir funeste (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 18).Ces hommes [les Shakespeare, les Molière etc.] ont des destinées diverses, traversées; ils souffrent, ils combattent, ils aiment (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 2, 1835, p. 2).
Prononc. et Orth.: [tʀavε ʀse], (il) traverse [-vε ʀs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Fin xes. fig. « percer de part en part » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 338); 2. 1580 « se frayer un passage au travers » (Garnier, Antigone, éd. W. Foerster, III, p. 58); 1839 fig. « pénétrer subitement au plus profond de l'être » (Balzac, Béatrix, p. 201); 3. 1718 part. passé « avoir les vêtements mouillés jusqu'à la peau » (Ac.). B. 1. Ca 1100 traverser un pont (Roland, éd. J. Bédier, 2690); 2. ca 1140 « parcourir un espace d'un bout à l'autre » (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 101); 3. 2emoit. du xiiies. « franchir dans le sens transversal quelque chose qui s'étend en longueur » (Gaufrey, 117 ds T.-L.); 4. a) 1580 (de choses sans mouvement) « s'étendre, s'allonger au travers de » (B. Palissy, Disc. admir., p. 180); b) 1583 (de choses mobiles) « se déplacer, aller à travers » (Garnier, Les Juifves, éd. W. Foerster, III, p. 163); 5. 1808 « se trouver dans une période caractérisée par un certain état » (Delille, Trois règnes, III ds Littré); 1839 traverser les âges (Lamartine, Recueillements poétiques, I, XXV (éd. Garnier, 1925) ds Rob. 1985). C. 1. 1174-76 fig. « faire obstacle, s'opposer à, empêcher » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2363); 2. 1687 « mettre en travers en faisant obstacle » (Bossuet, Louis de Bourbon ds Littré); 3. 1694 traverser l'ancre (Corneille); 4. 1913 alpin. (Écho des Alpes, no12, déc., p. 530 ds Quem. DDL t. 27). D. Empl. pronom. 1. ca 1160 « aller au travers de » (Moniage Guillaume, 2084 ds T.-L.); 2. 1680 (en parlant d'un cheval) « jeter la croupe d'un côté, la tête d'un autre » (Rich.). Du lat. pop. traversare, lat. transversare « remuer en travers », de tranversus, v. travers. Fréq. abs. littér.: 10 093. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 975, b) 17 249; xxes.: a) 14 425, b) 13 932.
DÉR.
Traversable, adj.Susceptible d'être traversé. Il n'y a de tranquille et de traversable que l'Attique (Lamart., Corresp., 1832, p. 293).Lentement naissait et prenait corps une certaine chose grave, imprécise, d'immense hauteur au-dessus de la vie, devant quoi la mort elle-même paraissait secondaire et même traversable (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 313). [tʀavε ʀsabl̥]. 1reattest. 1819 (Boiste); de traverser, suff. -able*.
BBG.Quem. DDL t. 5, 27.