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TOMATE, subst. fém.
A. − BOTANIQUE
1. Plante dicotylédone herbacée annuelle de la famille des Solanacées, cultivée pour ses fruits rouges comestibles. Carré, plant de tomates; arroser les tomates; tomates à fruits ronds, allongés, ovoïdes. On peut encore placer derrière les melons, au nord de la couche, une rangée de tomates (Gressent, Potager mod., 1863, p. 283).Cinq pieds de tomates portaient leurs fruits rouges accrochés à des tuteurs (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 94).
2. Fruit de cette plante, appelé parfois dans le Midi pomme d'amour* ou pomme d'or, dont la forme est généralement ronde, de belle taille, d'un rouge vif à maturité, dont la saveur est légèrement sucrée et acidulée et qui est particulièrement appréciée dans les pays méditerranéens. Tomate crue, fraîche, mûre, verte; tomate hâtive, grosse, lisse; acheter, faire pousser des tomates. Alexis demanda, au petit bonheur, trois kilos de tomates, fut épouvanté de voir que ça en faisait tant, trois kilos (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 259).V. aubergine ex. 1:
Dans la cuisine où flotte une senteur de thym Au retour du marché, comme un soir de butin, S'entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes, Les grands choux violets, le rouge potiron, La tomate vernie et le pâle citron. Samain, Chariot, 1900, p. 53.
Tomate cerise, tomate groseille. Variété de petites tomates à la forme très régulière, utilisées surtout pour leur valeur décorative. Notre tomate européenne est la descendante probable d'une plante indigène du Texas au Pérou, qui existe encore et dont le fruit est à peine plus gros qu'une billed'où son nom actuel de « tomate cerise » (P. Germa, Depuis quand?1982, p. 322).
Ce fruit utilisé comme projectile dans une manifestation, en guise de protestation et de mécontentement. Lancer, jeter des tomates. J'étais maintenant en guerre avec les gosses de la calade qui n'avaient pas été longs à me repérer sur mon mur, eux, me bombardant avec des trognons de choux, des tomates pourries et toutes sortes d'ordures (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 151).
Expr. fig. Envoyer des tomates (pourries) à qqn. ,,Conspuer`` (Rey-Chantr. Expr. 1979). Recevoir des tomates. ,,Être conspué`` (Rey-Chantr. Expr. 1979).
ART CULIN. Tomate cuite, écrasée, farcie; concentré, conserve, coulis, purée, salade de tomates; marmelade, confiture de tomates vertes; rondelle de tomate; tomates en rondelles; potage, macaronis à la tomate; manger des tomates. Subst. coll. Il fut joliment heureux que je lui donne de mon cassoulet parce qu'il mangeait seulement de la tomate, lui, depuis trois ans (Céline, Voyage, 1932, p. 225).
Sauce à la tomate ou, p. ell., sauce tomate. Sauce préparée à partir de tomates fraîches cuites, assaisonnées et réduites en purée. Cabillaud à la Hollandaise, Cuissot de pré-salé à la Bretonne, Ris de veau à la sauce tomate (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 769).Au restaurant, à déjeuner, on nous sert dans l'ordre que j'indique ici: d'abord, un ragoût de poulpe longuement mijoté dans une sauce à la tomate et au vinaigre (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 277).En appos. Rouget tomate. Rouget à la tomate. Un petit plat assez fin: des rougets tomate. Vous aimez ça? Ça c'est de la cuisine française, rien à voir avec l'Italie (Gide, Journal, Feuillets, 1911, p. 349).
Jus de tomate. Boisson préparée à partir du jus de tomates fraîches. J'ai ouvert le frigidaire: une carafe de jus de tomate, une autre pleine de jus d'orange (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 526).
B. − P. compar. ou p. anal.
1.
a) [P. compar. avec la couleur de la tomate]
Être rouge comme une tomate. Avoir les joues, le visage rouge de honte, de timidité, de confusion, de colère. Elle me prit la main, la serra (...) et avec un soupir demi-pâmé, ces soupirs qui viennent d'en bas, elle me dit: « Oh! ne me regardez pas comme ça, mon enfant. » Je devins plus rouge qu'une tomate et plus timide encore que d'habitude, naturellement (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Verrou, 1882, p. 816).
(Avoir) un teint, (des lèvres) de tomate. Le destin l'avait gratifié d'un teint de tomate mûre; ses petits yeux clignotaient (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 56).Vos lèvres de tomatescomme disait Jean, quand il la raillait jadis!ne s'ouvraient qu'à peine (La Varende, Goût esp., 1946, p. 143).
P. métaph. Sur les joues de la vieille fille suffoquée par la surprise et par la joie, les pommes de reinette de la bonne santé avaient soudain fait place aux tomates de l'apoplexie (Coppée, Vrais riches, 1891, p. 55).
b) Empl. adj. inv. Couleur tomate, rouge tomate ou tomate. D'un rouge vif semblable à la couleur de la tomate mûre. On reconnaît dans une grande femme en terre glaise (...) (fond bouton d'or, robe vert-aspidistra, livre tomate à la main): sa femme (Gide, Journal, 1911, p. 330).Une femme (...) entre en tenant d'une main une valise de paille et un cabas, de l'autre un garçon d'une dizaine d'années qui porte lui-même un panier recouvert d'un foulard tomate (Butor, Modif., 1957, p. 80).
2. P. anal. (de forme et de couleur). Des trognes de tripiers et des mufles de dogues avec des cous apoplectiques, des oreilles comme des tomates, des joues vineuses, des yeux injectés et idiots (Huysmans, À rebours, 1884, p. 176).
P. métaph. Ce garçon rouge, aux traits abrupts, avait absolument l'air d'avoir comme tête une tomate. Une tomate exactement semblable servait de tête à son frère jumeau (Proust, Sodome, 1922, p. 854).
3. Pop. ou arg.
a) Visage, tête. Qu'est-c'qu'on t'a mis su' la tomate? (Bruant1901, s.v. tête).
b) Corps, postérieur. Se manier, se dégrouiller la tomate. Se dépêcher. Nous se dégrouillons la tomate pour que les fêtes elles s'arrêtent pas (Musette, Cagayous phil., 1906, p. 147).
Péj. [Pour désigner une pers.] À mon arrivée à Sainte-Gemmes, cette grosse tomate de Salomon était toute farcie de réticences du même ordre (H. Bazin, Tête contre murs, 1949, p. 117).
[Terme d'injure, sur le modèle de patate!] Vous voilà bien mal parti, dit Françoise gaiement.Tomate, dit Gerbert en lui donnant une bourrade (Beauvoir, Invitée, 1943, p. 404).
c) Empl. adj.
Avoir l'air tomate. Imbécile, bête. T'as l'air tomate, toi, t'sais, quand tu rigoles (Esn.Poilu1919, p. 390).
Loc. Être tomate, en rester comme une tomate. Être étonné, ébahi. (Ds Lambert, Lang. poilus, 1915, p. 31; Carabelli, Lang. pop., s.d.).
4. Empl. spéc., p. anal.
a) de couleur. Apéritif préparé à base de pastis additionné de grenadine. Lorsque son père l'emmenait au café, c'était un « Quarante-Cinq » ou « Une tomate », qu'il commandait (Vialar, Odeurs et sons, 1953, p. 43).
b) de couleur et de forme. Rosette d'officier de la Légion d'honneur. Des gants blancs, et cette rosace à la boutonnière, ridicule, vraiment, une tomate! (La Varende, Amours, 1944, p. 199).
Prononc. et Orth.: [tɔmat]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. Bot. masc. Tomate désigne le fruit 1598 Mexique (J. de Acosta, Hist. nat. et mor. des Indes, tant Or. qu'Occ. [trad. de l'esp. par R. Regnault], fol. 168b ds König, p. 205), attest. isolée; 1672 salade de Pomates [sic], à Ségovie (A. Jouvin, Le Voyageur d'Europe, t. 2, p. 141 ds Reinh., p. 31); 1718 Tamati cité comme mot étranger (Voy. de Corn. Le Brun par la Moscovie, en Perse et aux Indes Or. [trad. du néerl.], t. 1, p. 338 ds König, p. 205); 1743 Tomatas, Algérie (Voy. de M. Shaw, M. D., dans plus. prov. de la Barbarie [trad. de l'angl.], t. 1, p. 289, ibid.); 1765 tomate désigne le fruit et la plante (Encyclop.); 2. a) 1861 désigne une couleur rouge orangé (Chevreul, Moyen déf. et nommer coul., p. 349); b) 1866 p. métaph. (Pommier, Paris, p. 291: Quelles tournures de bâtons [les Anglais]! Et quelles faces aux tomates); 1875 plus rouge qu'une tomate [d'une jeune fille] (Feuillet, Mariage monde, p. 6); 3. 1901 « absinthe additionnée de grenadine » (Bruant); 1953 « mélange de pastis et de grenadine » (Vialar, loc. cit.), cf. perroquet. Empr., d'abord par l'intermédiaire de l'esp.tomate (dep. 1532, Sahagun ds Fried.; cf. 1580, texte esp. de Acosta, ibid.), puis par celui de diverses trad., au nahuatl tomatl, peut-être dér. de la racine tomau « croître, pousser » (v. R. Loewe ds Z. vergl. Sprachforsch. t. 61, pp. 95-96); la forme Tamati (supra 1718) s'explique prob. par une double assim. (v. FEW t. 20, p. 82a). Tomate a remplacé dans ce sens pomme d'amour (dep. 1549, Est.), encore att. dans le Midi de la France, et pomme dorée, pomme d'or (cf. ital. pomodoro; v. FEW t. 9, p. 155a et 159b, note 25). Fréq. abs. littér.: 114.
DÉR.
Tomatier, -ière, adj. et subst. masc.,agric. a) Adj. Relatif à la culture des tomates. Production tomatière (Rob. 1985). b) Subst. masc. Agriculteur spécialisé dans la culture des tomates. [La Société américaine Libby] offrait entre autres aux tomatiers des machines à ensemencer directement, et cette suppression du repiquage diminue évidemment les frais de main d'œuvre (Vasseur, Bimbenet, Hillairet, Les Industr. de l'alim., 1966, p. 100). [tɔmatje], fém. [-jε:ʀ]. 1reattest. 1966 id.; de tomate, suff. -ier*.
BBG.Guill. Orig. gourmande 1986, p. 260.