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TABOU, subst. masc. et adj.
I. − Subst. masc.
A. − ANTHROPOLOGIE
1. Personne, animal, chose qu'il n'est pas permis de toucher parce qu'il (elle) est investi(e) momentanément ou non d'une puissance sacrée jugée dangereuse ou impure. Le mot « tabou », révélé par l'étude des langues polynésiennes dans lesquelles il désigne certaines choses dont l'usage n'est pas permis, est employé maintenant couramment par les ethnographes comme synonyme d'interdit (Hist. sc., 1957, p. 1502).
2. P. méton. Interdiction de caractère sacré qui pèse sur une personne, un animal, une chose. Le tabou, commun aux peuples de race polynésienne, a pour effet immédiat d'interdire toute relation ou tout usage avec l'objet ou la personne tabouée. Selon la religion maorie, quiconque porterait une main sacrilège sur ce qui est déclaré tabou, serait puni de mort par le Dieu irrité (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 131).La vie tout entière du nègre de Guinée est empêtrée de rites et de superstitions qu'il serait aussi dangereux d'enfreindre que celle du tabou polynésien (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 204).
B. −
1. Interdit d'ordre culturel et/ou religieux qui pèse sur le comportement, le langage, les mœurs. Tabou linguistique, sexuel. L'homme est naturellement moral, si l'on entend par là que l'homme vit partout en société, et que dans toute société il y a des « mœurs », des usages qui s'imposent, des obligations, des tabous (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 201).Quand on songe au nom de « père » que les psychanalysés donnent sérieusement ou ironiquement à leur analyste, il semble bien que le tabou de l'inceste a inspiré quelque peu la codification du transfert (Choisy, Psychanal., 1950, p. 188).
2. P. ext. Règle d'interdiction respectée par une collectivité. Gardons-nous de sous-estimer la puissance persistante de ce vieux tabou: « Tu ne feras d'histoire qu'avec les textes » (L. Febvre, Vers une autre hist.,[1949] ds Combats, 1953, p. 429).Seule la répétition et un travail personnel apportent l'outil et la formation à la méthodologie passe par la critique de la méthode elle-même. Il faut abolir le tabou selon lequel, à l'école, on ne parle pas de l'école. Il faut montrer aux élèves comment remettre constamment en cause l'apprentissage lui-même, comment se démonte leur propre apprentissage (B. Schwartz, Réflex. prospectives, 1969, p. 18).
II. − Adjectif
A. − [En parlant d'un inanimé abstr. ou concr.]
1. [Corresp. à supra I A 2] Qui est l'objet d'un tabou. En quoi le fait de toucher un objet tabou, un animal ou un homme impur ou consacré (...) a-t-il pu jamais constituer un danger social? (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 37).Chez les Esquimaux du Groenland (...) il est impossible d'acquérir une gloire immortelle, car le nom d'un mort est tabou (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 220).
2. [Corresp. à supra I B]
a) Qui est interdit par une crainte sacrée, surnaturelle. Nous sentons à la fois que nous abordons des sujets tabous dont l'évocation seule pourrait déchaîner la colère céleste et que nous commettons ce sacrilège dans une confortable sécurité (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 57).
b) Qui ne peut être fait, prononcé, touché par crainte, par respect, par pudeur. Statuette taboue; mot tabou. Chose étrange, notre hôtel semble tabou: pas une balle dans les vitres. Il y a sans doute bonne entente entre le patron et les insurgés (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 288).Un nom propre devenu tabou (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 119).
B. − [En parlant d'une pers.] Qui est l'objet d'une considération, d'un respect qui ne se discute pas. Il nous paraît inexcusable de (...) n'avoir pas étudié à fond quelques-uns de ces écrivains tabous (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 492).
Prononc. et Orth.: [tabu]. Le subst. et l'adj. admettent gén. les marques usuelles de genre et de nombre, mais on rencontre des ex. où l'adj. est inv. (voir Grev. 1986 545c et Hanse Nouv. 1983). Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1782 tatoo « frappé d'interdit par un caractère sacré ou impur déterminé par une tradition magico-religieuse des peuples d'Océanie » (Troisième voyage de Cook, ou Journal d'une expédition faite dans la mer Pacifique, 121 ds Höfler Anglic.); 1785 Taboo (Troisième voyage de Cook, ou voyage à l'océan Pacifique, II, 111, ibid.); 1797 id. (L. A. Milet-Mureau, Voyage de La Pérouse autour du monde, II, 114-115, ibid.); 1822 tabou (Arago, Promenade autour du monde, II, p. 182 d'apr. J. Pohl ds Arch. St. n. Spr. t. 205, p. 372); 2. 1866 p. ext.« frappé d'interdit, dont on n'ose pas parler » (Amiel, Journal, p. 133). B. Subst. 1. 1785 taboo « interdit de caractère religieux lié au caractère sacré ou impur de quelque chose ou de quelqu'un (chez les peuples d'Océanie) » (Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l'océan Pacifique, II, 110 ds Höfler Anglic.); 1826 tabou (Revue britannique, 5 juin, 129, ibid.); 1831 Le tabou, ou plus correctement tapou (Dumont d'Urville, Du Tabou et des Funérailles à la Nouvelle-Zélande, Revue des Deux Mondes, t. 3, p. 197 d'apr. A. Weil ds Fr. mod. t. 3, p. 295); 2. 1908 p. ext. aux peuples dits primitifs en général tabous linguistiques (Revue des études ethnographiques et sociologiques, I, 327 ds Höfler Anglic.); 3. 1903 p. ext. à toute société (Lévy-Bruhl, loc. cit.), et en partic. 1933 p. ext. à la société occidentale tabous sexuels (Morand, Londres, p. 46). Empr. au polynésientabu, tapu (v. König 1939, p. 193 et 194), d'abord par l'intermédiaire de l'angl. taboo (1777, J. Cook ds NED) dans les trad. des voyages de J. Cook. Fréq. abs. littér.: 98. Bbg. Bonn. 1920, p. 151. − Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 372.