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SOMBRE, adj.
A. −
1. [En parlant d'un lieu] Qui reçoit peu de lumière; où la lumière, la clarté n'est pas intense. Synon. noir, obscur.Un coin sombre (dans une pièce); habiter un appartement, une maison sombre; un escalier, une ruelle sombre. Le val était profond, vert, plein d'ombre et d'eaux vives. De hautes collines boisées et sombres (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 236):
1. Je ressens une impression d'autant plus pénible que la pièce où nous sommes est sombre et que les figures y prennent des déformations fantastiques... Elle n'est éclairée, cette pièce, que par une étroite fenêtre qui s'ouvre sur une cour crasseuse... Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 67.
[P. méton.] J'entendis un bruit de béquilles et de pas qui résonnait dans la sombre profondeur du corridor et s'approchait lentement (France,Pt Pierre, 1918, p. 138).
P. métaph. Au-delà de la vie, à l'issue de cette sombre vallée qui s'appelle la mort, se trouve un lieu plein de mystère, un lieu d'où nul n'est jamais revenu (Monod,Sermons, 1911, p. 210).Faut-il (...) voir dans ces histoires de dragons ailés et dévorants comme la vague tradition, jaillie du gouffre sombre des temps révolus, d'une faune de cauchemar (Dévigne,Légend. de Fr., 1942, p. 18).
Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Synon. obscurité, pénombre.Le temps était toujours au sombre dehors. Les nuages bas passaient en sifflant dans les peupliers nus (Giono,Batailles ds mont., 1937, p. 126).Dans le sombre d'une loge, un bras pur de femme se lève (Mauriac,Journal 2, 1937, p. 120).
Coupe sombre. V. coupe2I A 2 a.
2) [En parlant de la source émettant ou réfléchissant la lumière] Qui éclaire mal; qui donne peu de clarté. Synon. faible, pâle.Il n'est pas nécessaire qu'il y ait au-dessus des groupes du Greco des anges surhumains et spectraux qui s'élèvent, ou derrière ses Christ pendus d'énormes nuées grisâtres qui l'isolent de l'univers, la sombre lueur est partout dans les fronts levés, les orbites creuses, la terre aride et les habits de velours noir (Faure,Hist. art, 1921, p. 67).
[P. méton.;] [en parlant du temps qu'il fait, d'une période de l'année] Novembre sombre et sale n'est pas un très bon mois pour voir Prague. Je vous conseillerais plutôt janvier qui est toujours clair et ensoleillé (Claudel,Corresp.[avec Gide], 1910, p. 182).Si pendant la nuit il a fait un temps sombre et couvert, s'il n'y a ni gelée ni brouillard, ni pluie du matin, partir au point du jour est le meilleur (La Hêtraie,Chasse, vén., fauconn., 1945, p. 155).
Loc. verb. Il fait sombre. Il fait peu clair. Il faisait sombre et bleu sous les platanes (Sartre,Sursis, 1945, p. 59).
3) [En parlant d'un matériau] Qui laisse peu filtrer la lumière. Au musée, des verres doubles. Cela expliquerait comment ces vitraux si éclatants sont si sombres. Ils retiennent la lumière, ne la transmettent pas (Michelet,Journal, 1835, p. 214).
4) [En parlant d'une couleur, de son intensité ou de son éclat] Qui est foncé, tirant sur le brun ou le noir; qui est peu éclatant. Synon. foncé, terne; anton. clair2, vif4, brillant1, lumineux3.Bleu, rouge sombre; ton, couleur sombre; lierre, forêt, verdure sombre; des vêtements sombres. Le campo de l'Isla Menor, à trente kilomètres de Séville, s'étendait à perte de vue, couvert d'une herbe grasse, au vert profond et presque sombre (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 406).Les assises de couleurs (...) se détachaient (...) galets d'un gris sec, laisse de mer bai brun ou noir sombre, galets mouillés jaune pâle, gris avec des reflets (Queffélec,Recteur, 1944, p. 95).
En partic., rare. [En parlant de la couleur de la peau, du teint d'une pers.] Une jeune noire rehausse de quelques turquoises son incomparable vêtement de peau sombre (Colette,Jumelle, 1938, p. 26).
[P. méton.] Le XVIIemarque sa préférence pour les peintures (Poussin, Rembrandt), tandis que le XVIIIen'a de goût que pour la lumière et la couleur. Si le XIXeest un siècle sombre, la réaction s'affirme au XXedans tous les domaines (Musées Fr., 1950, p. 21).
Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Couleur sombre. Anton. clair, clarté.Tourner, virer au sombre. Là-bas, là-bas, entre Soumana et Yakidji, le sombre des nuages se résout en traînées grisâtres, qui unissent à la terre le ciel (Maran,Batouala, 1921, p. 58):
2. Chez Seurat, tout contour d'objet est régulièrement déterminé par le contraste d'un clair et d'un sombre; chacune de ces valeurs extrêmes se dégradant aussitôt pour aller chercher la valeur contraire à l'autre extrémité du plan dont elle constitue le point de départ. Arts et litt., 1935, p. 30-8.
B. − Au fig.
1.
a) [En parlant d'une pers., de son humeur, de son caractère] Qui est empreint de tristesse, de mélancolie; qui manifeste du pessimisme. Synon. mélancolique, morne, morose, sinistre, taciturne, ténébreux; anton. gai, joyeux.Un caractère, une humeur sombre; un esprit, une imagination sombre; (être plongé) dans une sombre rêverie, de sombres pensées, de sombres réflexions. Il jouait sur une scène, se drapant (...) dans le manteau du bandit qui est un banni. Il était sombre, amère, fatal, maudit, damné, funèbrement passionné et passionnément funèbre! (L. Ménard,Rêv. païen, 1876, p. 10).− Sous quel uniforme cacherai-je mon cœur trop gros? Il paraîtra toujours. Jacques se sentait redevenir sombre. Il savait bien que pour vivre sur terre il faut en suivre les modes et le cœur ne s'y porte plus (Cocteau,Gd écart, 1923, p. 96).
[P. méton.;] [en parlant d'un trait de la pers.] Un regard sombre. Il avait des choses confidentielles à nous dire. Il avait la figure sombre et défaite. En le voyant, nous eûmes peur. − Un malheur?... interrogea Rouletabille. − Non, pas encore! (G. Leroux,Parfum, 1908, p. 28).Une vieille gravure anglaise représente l'arrestation d'un homme: un officier, l'œil sombre, saisit l'épaule du malheureux, alors qu'un soldat, armé d'une hallebarde, fonce sur celui-ci (Encyclop. éduc., 1960, p. 256).
[Dans le domaine des activités intellectuelles, de la vie mor. ou soc.] Dîner, repas sombre et silencieux. Le désir est la source impure d'où l'on tire parfois des romans sombres et poétiques, et si l'on essaie de purifier la source, plus de romans (Green,Journal, 1946, p. 51).La musique très lourde et très sombre, l'éclairage voilé et les parfums absorbants me dépaysaient (Gracq,Syrtes, 1951, p. 95).
[Dans le domaine de la vie affective et psychique] (Être en proie à) une sombre terreur, un sombre désespoir; avoir une sombre délectation, jubilation. Jamais plus qu'à présent, il n'avait exercé sur elle de sombre fascination (Carco,Homme traqué, 1922, p. 173).Elle pensa: « Quel dommage! Pourquoi a-t-il fallu qu'il m'aime, de cet amour sombre et mauvais? (...) » (Genevoix,E. Charlebois, 1944, p. 183).
[Avec une valeur d'intensif] C'est la faute de mon caractère violent, exagéré, fantasque! Je passe du plus sombre découragement aux plus futiles espérances: à fond de cale, et, l'instant d'après, emballé jusqu'aux nues! (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p. 622).Carnot, averti par un délateur, prit en mains la répression et, dès lors, poursuivit avec un sombre acharnement ses anciens compagnons de lutte (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 471).
Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Caractère sombre, ce qui est sombre, triste. Vous (...) semez des figures sans nombre; Mêlez le fort au doux et le riant au sombre (Delille,Homme des champs, 1800, p. 142).Tous mes souvenirs, mon enfance et mes jeux, Rien ne peut animer le sombre de ma vie; La riante couleur à mes doigts est ravie, Le ton noir et brumeux domine en mes tableaux (Barbier,Ïambes, 1840, p. 150).
Loc. Au plus sombre de. Au moment le plus triste de. Cette photographie dans une chambre d'Essendiéras montre Lavallière, au plus sombre de sa gloire terrestre (Mauriac,Journal 2, 1937, p. 119).
b) [En parlant d'une pers., d'une vie] Qui est difficile à comprendre, qui est peu clair. La Science nous prouve, par A plus B, que nous ne sommes (...) qu'une vermine provisoire. Ceci soit dit pour ces persifleurs, vous savez? pour ces sombres écrivains qu'il faut relire plusieurs fois si l'on veut pénétrer la véritable signification de ce qu'ils disent (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 242).J'ai mené ma vie d'exilé, poussière, quoi! Danse d'atome, (que tout cela (...) me paraît confus, et sombre, et embrouillé, oui, ce fut ma vie!) (Claudel,Père humil., 1920, i, 2, p. 498).
2. [En parlant d'un inanimé]
a) [Domaine plus ou moins abstr.] Qui est empreint de tristesse, d'inquiétude ou de désespoir. Sombre dimanche. Elle entrait chaque jour dans le dortoir, à la nuit tombante, et sa seule présence était un soulagement aux appréhensions des blessés, qui redoutent tant ces heures sombres, où les cauchemars, la fièvre, les douleurs, les étouffements, font sournoisement l'assaut des lits (Benjamin,Gaspard, 1915, p. 102).De meurtre en meurtre, de catastrophe en catastrophe, où aboutirons-nous? Chaque année semble un peu plus sombre que la précédente (Green,Journal, 1934, p. 236).
b) Qui est marqué par des événements malheureux ou qui est chargé de menaces. Éprouver un sombre pressentiment; de sombres avertissements, présages, perspectives. Je faillis céder au rire insane, méchant, qui nous guette (...) au cours de la représentation d'une sombre tragédie, ou pendant un grave discours (Colette,Chambre d'hôtel, 1940, p. 123).L'extension précoce aux ganglions, l'aggravation rapide ne tardent pas à révéler la nature cancéreuse de l'affection et à faire porter le plus sombre pronostic (Quillet Méd.1965, p. 504).
c) [Domaine de la perception, des sens]
α) [En parlant d'un arôme, d'une odeur forte, pénétrante ou âcre] Il y en a [de la rue] au fond de la tisane qu'elle remue avec la cuiller et toute l'odeur du fenouil est étouffée soudain sous la sombre odeur de cette suie des seigles malades (Giono,Gd troupeau, 1931, p. 221).Et je déplorais qu'une paresse, née du sombre arome de l'opium et de l'heure tardive, me retînt encore de gagner mon lit (Colette,Ces plais., 1932, p. 13).
β) PHONÉT. Voyelle sombre. Anton. voyelle claire*.Une voyelle sombre est une voyelle acoustiquement grave, comme [u] de jour ou de loup, et toutes les voyelles vélaires (Ling.1972).
γ) [Notamment, p. réf. à la voix, au timbre, aux sons] Sans clarté, grave. D'une voix sombre. Vous oubliez cette phrase poignante de la Huitième Symphonie (qui d'ailleurs est tout entière dominée par le Cor soutenu des sombres colorations de la contrebasse) (Claudel,Fig. et parab., 1936, p. 166).Le tumulte sombre du travail des hommes grondait toujours (Giono,Batailles ds mont., 1937, p. 343).
[P. méton.] Il déclamait d'un organe sombre et cabochard (Arnoux,Zulma, 1960, p. 294).
[Avec une valeur adv.] − T'es un artilleur? (...) − Non, dit Olivier, je suis du 140 y paraît. − 140, 140? répéta l'homme de sa voix qui chantait sombre parce qu'il parlait avec l'accent de la montagne (Giono,Gd troupeau, 1931, p. 93).
C. − Toujours antéposé. [En parlant d'une pers. ou d'une chose; fonctionnant comme superl. pour renforcer un terme injurieux ou dépréciatif] Triste, déplorable, lamentable, louche. Synon. sinistre.Sombre brute! Sombre crétin! J'ai toujours tenu pour de sombres imbéciles les gens qui disent que le peuple allemand ne voulait pas la guerre (Barrès,Cahiers, t. 11, 1917, p. 218).C'est une sombre connerie, toute cette histoire! Bien sûr qu'ils existent ces camps. C'est ignoble, et c'est nécessaire (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 338).
Prononc. et Orth.: [sɔ ̃:bʀ ̥]. Homon., formes de sombrer1 à 3. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1374 Nord sombre cop « meurtrissure » (6 mars, Reg. de la loy, Arch. Tournai ds Gdf.) − 1604 [éd.] (Cout. d'Anapes, Coutum. gén., II, 923, ibid.); 2. 1530 « qui donne peu de clarté » (Palsgr., pp. 307b et 648a: Le temps est sombre ... il fait sombre); 1606 nuit sombre (Nicot qui cite Du Bellay); 1611 subst. « ce qui est peu éclairé » (Larivey, Fidèle, I, 8 ds Gdf. Compl.: au sombre de la nuict); 1863 sylvic. coupe sombre « coupe peu importante (p. oppos. à coupe claire) » (Littré, s.v. coupe); puis par contresens 1910 coupe sombre « réduction importante de personnel » (Lar. pour tous, s.v. coupe); 3. 1545 adj. « où manque la sérénité, empreint d'une tristesse tragique ou menaçante » (Farce des cinq sens ds Anc. Th. fr., éd. Viollet le duc, t. 3, p. 305: je vous prometz de cueur non sombre Que nul de vous je ne vueil nuire, Se grant fortune ne m'encombre); 4. 1694 (Ac.: On appelle, Couleurs sombres, Les couleurs qui sont moins esclatantes que les autres, et qui tirent sur le brun); 5. 1855 (Littré-Robin Add.: Sombre ou sombré - Voix sombrée, timbre sombre); 1933 voyelles sombres (Mar. Lex., s.v. voyelle); 6. 1868 sert à déprécier sombre mystificateur (Lautréam., Chants Maldoror, Poésies I ds Rob., s.v. loustic, citations). Mot prob. plus anc. (cf. ca 1179 le subst. dér. essombre « ténèbres; ombre » Renart, éd. M. Roques, I, 2313 et 2556, à l'aide du préf. es-, v. 2, du lat. ex-) d'orig. obsc.; p. -ê. dér. d'un anc. verbe *sombrer « faire de l'ombre », du b. lat. subumbrare « couvrir d'ombre » dans des textes scripturaires de 400 et viiies. ds Cor.-Pasc., v. aussi Blaise Lat. chrét., dér. du lat. class. umbrare « couvrir d'ombre, faire de l'ombre », de umbra « ombre », préf. sub- marquant la position inférieure, v. FEW t. 12, p. 375 et G. Straka ds Homenaje a Alonso Zamora Vicente, I, 1988, pp. 282-287; cf. l'esp. sombra « ombre » xiiies. ds Al., altér. du lat. umbra « ombre » sous l'infl. de sol « soleil », solombra « ombre » 1250 ds Cor.-Pasc. p. oppos. de sol y sombra « soleil et ombre », et l'a. prov. solumbrar « ombrager, mettre à l'ombre, reposer » xives. ds Rayn., de la même orig. lat. sous l'infl. de sol « soleil ». Fréq. abs. littér.: 9 160. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 573, b) 18 155; xxes.: a) 14 037, b) 10 057. Bbg. Picoche (J.). Struct. sém. du lex. fr. Paris, 1986, p. 120. − TLF. Notes de lexicogr. crit. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 25, n o1, p. 278.