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PRUDE, adj. et subst.
I.− Adj. et subst.
A.− Laudatif
1. Vieilli. D'une grande vertu, honnête, sage. La marraine de Jeanne (...) avait vu de ses yeux ces dames mystérieuses et elle le confessait à tout venant. Pourtant elle était bonne et prude femme (A. France, Vie littér.,1891, p. 247).Pour beaucoup de prudes et sages hommes bourguignons, un prince perdait l'honneur à se mettre en pareille compagnie (A. France, J. d'Arc,t. 2, 1908, p. 21).
2. Qui manifeste beaucoup de pudeur, notamment dans le domaine des sentiments, de l'amour, de la sexualité. Synon. pudique, réservé.[Il] était venu déguisé en maître d'hôtel extra et, tout en passant les plats, avait dit des gaillardises à l'oreille de la très prude baronne Puthus, rouge d'effroi et de colère (Proust, Prisonn.,1922, p. 202).Elle si prude, si réservée, si comme il faut, pouvait-elle se laisser séduire par un inconnu? (N. Avril, La Première alliance,1986, p. 86):
1. L'autre se confessait uniquement pour se soulager, et aussi pour expérimenter sur son ami, qu'il savait délicat et prude, la façon dont il devrait s'excuser, auprès du monde, de sa liaison ridicule avec Mmede Rieu. Zola, M. Férat,1868, p. 262.
P. métaph. Sur l'aube nue et blanche, entr'ouvrant sa fenêtre, Faut-il plisser la brume honnête et prude, et mettre, Une feuille de vigne à l'astre dans l'azur? (Hugo, Contempl.,t. 1, 1856, p. 154).
B.− Péj., vieilli (le plus souvent au fém.) Qui, dans son comportement, dans ses paroles, fait preuve d'une vertu sévère, excessive, souvent affectée; qui est offensé par le moindre manquement aux convenances. Synon. pudibond, bégueule, puritain.Ces femmes devenues vieilles, laides, prudes et dévotes (Soulié, Mém. diable,t. 2, 1837, p. 190).Des femmes (...) qui savent le monde, qui ont voyagé, qui ne sont point prudes, et qui toute la vie se sont épanouies parmi des empressements, des attentions, au sein du bien-être assuré et délicat (Taine, Notes Paris,1867, p. 27):
2. Moi qui ne suis pas prude, et qui n'ai pas de gaze ni de feuille de vigne à coller à ma phrase, je ne passerai rien. − Les dames qui liront cette histoire morale auront de l'indulgence pour quelques chauds détails. Gautier, Albertus,1833, p. 172.
[P. méton. du déterminé] À Clamecy, petite ville prude, on fait pipi à un angle de l'hôtel de ville. Pas une plaque de tôle derrière soi, et tous les bourgeois dont la fenêtre donne sur la place peuvent, un coin de rideau soulevé, reconnaître à son dos le monsieur qui pisse (Renard, Journal,1905, p. 980).
Empl. subst., au fém. Ce jeune homme maigre, au teint bilieux, (...) outrait le puritanisme des gens de l'extrême gauche, déjà tous si affectés à la manière des prudes qui ont des intrigues à cacher (Balzac, Député d'Arcis,1847, p. 292).C'était une vieille vertu, une prude incombustible, un des nez les plus pointus et un des esprits les plus obtus qu'on pût voir (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 723).
Loc. Faire la prude. Affecter la vertu, l'innocence. Synon. faire la sainte-nitouche.− Elle est au-dessous des prostituées, dit le baron. Josépha, Jenny Cadine, étaient dans leur droit en nous trompant, elles font métier de leurs charmes, elles! − Mais elle, qui fait la sainte, la prude! dit Crevel (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 189).Quand on était sage [au siècle dernier], c'était par goût, et sans faire le pédant ou la prude (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 44).
II.− Adjectif
A.− P. méton. [En parlant des traits d'une pers., de son expression, de ses actes ou de son univers fam.]
1. [Corresp. à supra I A 2] Qui manifeste la pudeur, la réserve de quelqu'un. Un fait digne de remarque est l'éloignement que manifestent pour ces sortes de conversations [les aventures connues, les adultères] les femmes qui jouissent d'un bonheur illégal, elles gardent dans le monde une contenance prude, réservée et presque timide; elles ont l'air de demander (...) pardon de leur plaisir à tout le monde (Balzac, Fille Ève,1839, p. 97).Les élèves de l'école supérieure de Villeneuve affectent (...) encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous (Colette, Cl. école,1900, p. 228):
3. On songeait (...) à une chambre de jeune fille, malgré la table d'acajou chargée de gros livres, de papiers et de petits carnets en moleskine noire, et dans un coin, le lit étroit avait quelque chose de prude avec son drap soigneusement rabattu en équerre et les deux oreillers posés bien à plat, l'un sur l'autre. Green, Moïra,1950, p. 58.
2. [Corresp. à supra I B] Péj., vieilli. Qui manifeste ou qui marque une vertu très sévère, un respect excessif des convenances. Sa précoce impuissance s'augmentait encore devant les glaciales tendresses, devant les prudes laisser-aller de cette femme (Huysmans, À rebours,1884, p. 140).Une bouche prude de dévote qu'on violente (Zola, L'Œuvre,1886, p. 361).Hélène n'a pas l'oreille prude, il s'en faut (Colette, Naiss. jour,1928, p. 27).
B.− P. anal. ou au fig., dans le domaine de l'expr. artist., littér., poét. Qui est retenu par une pudeur excessive. La poésie n'a en France qu'une langue imparfaite, circonscrite et prude. La lyre française n'a que la corde de l'élégie (Vigny, Journal poète,1828, p. 887).Là où il fallait être franc, il [l'auteur] a cru devoir l'être, à ses risques et périls, mais toujours avec gravité et mesure. Il veut l'art chaste, et non l'art prude (Hugo, Roi s'amuse,1832, préf., p. 344):
4. ... les spectateurs modernes, comme ceux du XVIIesiècle, auraient du mal à prendre au sérieux, voire au tragique, cette aventure [celle d'une jeune fille devant choisir entre l'adjuration et le mauvais lieu], tant elle est contée en style noble, prude et réticent. Il n'y a pas beaucoup de maisons closes dans notre théâtre, et celles que nous connaissons sont en général de peu de distinction. Brasillach, Corneille,1938, p. 250.
Prononc. et Orth. : [pʀyd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Pris en bonne part a) 1640 subst. « femme sage, sérieuse » (Rotrou, Les Captifs, II, 3 ds Œuvres, éd. Viollet-le-Duc, t. 4, p. 115); b) 1651 adj. « sage, sérieux » (Loret, Muze histor. ds Livet Molière); 2. 1651 fausse prude (Scarron, Virgile travesti, éd. 1786, livre VI, t. 4, p. 380); 3. péj. a) 1656 « personne qui fait la modeste » (Abbé de Pure, La Prétieuse, 163 ds Brunot t. 3, p. 153); b) 1656 « femme d'une réserve excessive ou affectée quant aux mœurs ou à la bienséance » (Scudéry, Clélie, 2epart., livre 1, p. 235). Issu, avec altér. prob. sous l'infl. de prudent*, de l'a. fr. preudhomme (v. prudhomme) et prodefemme « femme sérieuse, de mérite » (fin xiies., Vie d'Edouard le confesseur, 6166 ds T.-L.) d'où l'accept. laud. du mot, à l'orig., v. aussi preux; sur l'évol. sém. de prude au xviies., v. R. Jasinski, Molière et le « Misanthrope », pp. 94-96. Fréq. abs. littér. : 126. Bbg. Boysen (A.L.). Über den Begriff preu im Frz. Münster, 1941, pp. 75-81.