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PAROLE, subst. fém.
I. − Au sing.
A. −
1. Faculté d'exprimer et de communiquer la pensée au moyen du système des sons du langage articulé émis par les organes phonateurs. Apprentissage de la parole; trouble de la parole; organe de la parole; être privé de l'usage de la parole; être doué de la parole. Dieu soumis lui-même, et plus que l'homme, aux lois générales qu'il a établies, a donné la pensée à condition de la parole, comme il a donné la vision à condition de la vue, et l'audition à condition de l'ouïe (Bonald, Législ. prim., t.1, 1802, p.48).Ils savent faire comprendre leur pensée sans l'emploi de la parole. L'attitude, le geste, la physionomie, l'expression du regard ont leur accent (Barrès, Cahiers, t.5, 1907, p.157).Ce fut Venant qui rompit le silence. Aussitôt les trois hommes se mirent à parler à la fois comme s'ils eussent par miracle recouvré l'usage de la parole (Guèvremont, Survenant, 1945, p.83).
Perdre (l'usage de) la parole. Devenir muet, perdre la faculté de parler. Je décidai de perdre la parole et de vivre en musique (Sartre, Mots, 1964, p.103).
Rester sans parole. Rester interdit, sans pouvoir parler (sous l'effet de la surprise, de l'émotion...). Tous deux restèrent sans paroles, parce qu'ils étaient dans un de ces moments solennels (...) où l'âme semble éprouver quelque chose de la félicité des cieux (Hugo, Han d'Isl., 1823, p.56).Quand tes grands yeux (...) Abaissent jusqu'à nous leurs aimables rayons, Comparables à ces fleurs d'été que nous voyons Tourner vers le soleil leur fidèle corolle, Lors je tombe en extase et reste sans parole (Verlaine, OEuvres compl., t.1, Jadis, 1884, p.328).
Loc. Il ne lui manque que la parole. [En parlant d'un portrait particulièrement ressemblant au point de paraître vivant, d'un animal particulièrement intelligent] (Dict.xixeet xxes.).
2. Usage de cette faculté, expression verbale de la pensée. Convaincre qqn par la parole et par l'exemple; encourager qqn du geste et de la parole; être toujours maître de sa parole; avoir la parole nette, embarrassée; la parole et l'écriture. La communication verbale est beaucoup plus facile que la communication écrite, parce que la parole agit sur les sentiments d'une manière mystérieuse et établit facilement une union sympathique entre les personnes (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.9).Il me persuada qu'il tirait bien. Mais il n'y parvint que par la force de la parole et contrairement au témoignage de mes sens (A. France, Vie fleur, 1922, p.305):
1. ... la parole n'est pas le «signe» de la pensée, si l'on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu. La parole et la pensée n'admettraient cette relation extérieure que si elles étaient l'une et l'autre thématiquement données; en réalité elles sont enveloppées l'une dans l'autre, le sens est pris dans la parole et la parole est l'existence extérieure du sens. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.211.
Avoir la parole facile, une grande facilité de parole; avoir le don de la parole. Être éloquent, disert; s'exprimer aisément. Le plus riche négociant, dont la fortune était remarquable (...) plus recommandable encore par ses vertus publiques et privées que relevaient le don de la parole et un caractère de grandeur (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.117).Il avait la parole facile et exposa son plan avec force détails (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.171).J'avais une grande facilité de parole. Sans y prendre garde, j'en tirais vanité, j'en usais, j'en abusais, je prenais plaisir à me faire entendre (Billy, Introïbo, 1939, p.64).
Proverbe. La parole est d'argent et (mais) le silence est d'or. Il est bien (bon) de parler et il est mieux (meilleur) de se taire. Les citoyens renonçaient tout à coup à la parole qui est d'argent et se réfugiaient dans un silence d'or (A. France, J. d'Arc, t.1, 1908, p.514).
P. ext. Langage parlé ou écrit, expression parlée ou écrite de la pensée. L'impression sensible des sons de la voix articulée ou des caractères de la parole écrite s'émousse d'autant plus par l'habitude (...) que la langue parlée ou écrite nous devient plus familière, sans que jamais l'idée puisse se passer tout à fait du support de l'impression sensible (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.170).Dès le matin du crime, les imprimeries ont été mises sous scellé, la parole a été supprimée par Louis Bonaparte, homme de silence et de nuit (Hugo, Nap.le Pt, 1852, p.109):
2. Pour lui [le phénoménologue], l'image est là. La parole parle, la parole du poète lui parle. Nul besoin d'avoir vécu les souffrances du poète pour prendre le bonheur de parole offert par le poète −bonheur de parole qui domine le drame même. Bachelard, Poét. espace, 1957, p.12.
En partic. Liberté de (la) parole. Ensemble de garanties concernant le droit de s'exprimer. Les hommes parlèrent, et tout aussitôt commencèrent à médire de l'autorité, qui ne le trouva pas bon, se prétendit outragée, avilie, fit des lois contre les abus de la parole; la liberté de la parole fut suspendue (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1820, p.35).
LING. [P. oppos. à langue, dans la terminol. saussurienne] Actualisation de la langue par un locuteur dans une énonciation; usage particulier qu'une personne fait de la langue. La parole est (...) un acte individuel de volonté et d'intelligence, dans lequel il convient de distinguer: 1oles combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle; 2ole mécanisme psycho-physique qui lui permet d'extérioriser ces combinaisons (Sauss.1916, pp.30-31).
B. − Action, fait de parler. Ôter la parole à qqn. Ah! non! Taisez-vous, maintenant. Puisqu'on me force à parler, au moins qu'on me laisse la parole! (Pagnol, Fanny, 1932, i, 1ertabl., 9, p.34).
Adresser la parole à qqn. Parler directement à quelqu'un. Ne plus adresser la parole à qqn. Ne plus parler à quelqu'un. [Mon voisin de train] lit dédaigneusement un journal et adresse de temps en temps la parole à un homme en face de lui (Delacroix, Journal, 1854, p.234).Non seulement il ne tendit pas la main à Bloch, mais chaque fois que celui-ci lui adressa la parole il lui répondit de l'air le plus insolent, d'une voix irritée et blessante (Proust, Guermantes 2, 1921, p.382).
Couper la parole à qqn. Interrompre quelqu'un. Permettez, commença le docteur (...) mais un geste impérieux du petit juge lui coupa la parole, et il termina sa phrase par un bredouillement confus (Bernanos, Crime, 1935, p.775).Tu es fatigué, charbonnier? Tu as faim peut-être? (...) Il eut une espèce de geste très las, qui lui coupa la parole: «Non, je t'assure, pas envie, me coucher, seulement (...)» (Aragon, Beaux quart., 1936, p.284).
En avoir la parole coupée. Être interrompu, ne plus pouvoir parler (sous l'effet de la surprise, de l'indignation, de la colère, etc.). Ma très chère «Sido» me posa sa main rapide sur le bras, me regarda de si près que j'en eus la parole coupée (Colette, Pays connu, 1949, p.36).
Rem. On relève des empl. de l'expr. couper la parole où le compl. prép. désigne un instrument de mus.: Un vigoureux «tutti» vient couper la parole au cor (Berlioz, À travers chants, 1862, p.24). Le violoncelle [dans l'Adagio du quatuor op. 59 No1 de Beethoven] (...) égrène soudain des pizzicati en triples croches, pressés, orageux et sourds comme des battements de coeur crescendo; tandis que les trois autres instruments cherchant à se couper la parole, clament, fiévreux, haletants, les premières notes du thème (Marliave, Quat. Beethoven, 1925, p.90).
Passer, donner la parole à qqn. Inviter quelqu'un à parler, à donner son avis. Le visage de M. Thibault demeurait impénétrable; sa main molle se souleva vers l'abbé Binot, comme pour le prendre à témoin et lui donner la parole (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p.599).
Prendre la parole. Parler en public, prononcer une allocution, un discours. Vous m'avez fait l'honneur de m'inviter à prendre la parole devant un auditoire aussi qualifié que le vôtre (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.529).
Rem. On relève un empl. p.anal. où l'expr. prendre la parole a pour suj. un inanimé: Les voix argentines (...) de la Samaritaine (...) répétaient midi, midi! (...) et l'horloge du Louvre prit bientôt la parole avec plus de solennité (Nerval, Nouv. et fantais., 1855, pp.199-200). Le déclin du jour l'émouvait; les fleurs se colorent, les contours s'accusent, tout s'avive et prend la parole (Barrès, Sang, 1893, p.38).
Loc., vieilli
Être en parole (avec qqn). Être en conversation. (Dict.xixeet xxes.).
Porter la parole. Parler au nom de plusieurs personnes. Un représentant n'a droit de porter la parole que pour ses représentés (Sieyès, Tiers état, 1789, p.80).Si vous ne trouvez pas d'indiscrétion à ma demande, dit Leuwen, je vous prierais de porter la parole, je suis odieux à ce petit préfet (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.182).
Se prendre de parole(s) avec qqn. Se disputer avec quelqu'un. Un de Beaufort-Cauillac, étant à une fête de village, se prit de paroles avec un gentilhomme qui regardait par la fenêtre (Taine, Essais crit. et hist., 1858, p.233).
En partic. [Dans une assemblée délibérante] Droit de parler. Obtenir la parole; donner, passer la parole (à qqn); accorder, refuser la parole (à qqn); garder la parole trop longtemps; temps* de parole. M. Leuwen (...) demande la parole pour un fait personnel. Le président la lui refuse. M. Leuwen se récrie, et la chambre lui accorde la parole au lieu d'un autre député qui cède à son tour (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.222).
La parole est à qqn. C'est à quelqu'un de parler. Séance du 21 décembre 1906. −... La clôture, la clôture... Le Président: La parole est à M. Maurice Barrès (Barrès, Cahiers, t.5, 1906, p.84).La parole est au commissaire du gouvernement pour la lecture de son rapport (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.81).
Au fig. C'est à tel moyen d'action de se manifester. Les belligérants, ayant dit que la parole est au canon, ne s'occupent plus de la morale (Le Dantec, Savoir, 1920, p.58).
Avoir la parole. Être autorisé à parler. À la chambre, le ministre des finances lui dit: −Cher ami, il ne faut pas être insatiable. −En ce cas, cher ami, il faut être patient. Et M. Leuwen se fit inscrire pour avoir la parole le lendemain (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.234).
P. ext. Avoir la possibilité de parler. Padre, vous avez la parole pour l'histoire de votre premier lion (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p.67).
DR. Droit de parole. ,,Droit qu'a tout parlementaire et tout membre de l'assemblée nationale de demander à obtenir la parole dans une discussion, selon les conditions fixées par le règlement intérieur des assemblées`` (Cap. 1936). User de son droit de parole.
JEUX. [À certains jeux de cartes]
Avoir la parole. Avoir à son tour le droit de faire une annonce, une enchère. (Dict.xixeet xxes.).
Passer la parole. Ne pas faire l'annonce ou l'enchère qu'on a le droit de faire à son tour et passer ce droit au joueur suivant. Absol. Parole! Je passe (Dict.xixeet xxes.).
C. − Façon, manière de parler. Parole brève, douce, froide, nette, sèche; parole lente, nasillarde; parole expansive, impérative; vivacité de parole. Un beau vieillard, aux cheveux et à la barbe d'argent, à la physionomie grave et douce, à la parole noble, suave et cadencée, tout à fait semblable à l'idée du prêtre dans le poëme ou dans le roman (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.187).La parole gauche de Roberto tiédissait l'air comme un dégel (Gracq, Syrtes, 1951, p.129):
3. ... Richepin parle assez drolatiquement de deux parentes de sa femme (...). L'une, la mère, très exubérante, très grande parleuse; l'autre, une concise, mais formulant des phrases dans lesquelles était comme condensée toute l'exagération de la parole méridionale. Ainsi, la mère disant de son enfant, à propos de je ne sais quel petit méfait: «Alors, j'ai fait des noeuds à mon mouchoir, et je lui en ai donné!... Je lui en ai donné! −Oui, reprenait la soeur, oui, quand je suis montée à ses cris, sa chair n'était qu'une bouillie!» Goncourt, Journal, 1894, p.552.
En partic. Éloquence. Puissance de la parole; efficacité de la parole; artisan, virtuose de la parole. Oscar recouvra son assurance, et, avec l'intarissable verve qui ne l'abandonnait jamais, il prit à partie cet adversaire imprévu [un avocat], et lui fit voir qu'il avait un maître dans l'art de la parole (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.179).
Rem. On relève des empl. au fig. ou p.métaph. où parole est utilisé pour parler d'objets matériels: On ne peut comparer cette création [l'escalier de la tour hexagone du château de Blois] étourdissante de détails ingénieux et fins, pleine de merveilles qui donnent la parole à ces pierres, qu'aux sculptures abondantes et profondément fouillées des ivoires de Chine ou de Dieppe (Balzac, Martyr calv., 1841, p.92). Ma poitrine aspirait cette indéfinissable vapeur qui venait du fleuve, mon oreille s'emplissait avec joie du cri déchirant des sirènes et de la parole des cloches (Jammes, Mém., 1922, p.143). Tèole venait tous les matins à la place de l'église et elle écoutait. Ça commençait assez tard, avec le gros soleil, et tout d'un coup, elle avait sur elle la parole confuse et toute embrouillée des chutes d'eau et du torrent et ça lui crachait à la figure des paquets d'air frais (Giono, Eau vive, 1943, p.166).
II. − Au sing. ou au plur.
A. − Élément du langage parlé; mot ou suite de mots servant à exprimer la pensée. Sens, signification des paroles; partir sans prononcer une parole; citer les propres paroles de qqn; répéter, rapporter les paroles de qqn. Elle jeta ses regards au ciel, en pensant aux dernières paroles de sa mère, qui, semblable à quelques mourants, avait projeté sur l'avenir un coup d'oeil pénétrant, lucide (Balzac, E. Grandet, 1834, p.243).À peine sortions-nous par le grand portail que derrière la bascule municipale (...) deux individus encapuchonnés (...) partirent d'un seul coup (...) dirent en courant deux ou trois paroles coupées de rires (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.133).Elle n'a eu qu'à dire quelques paroles, agissant de loin sur mon chagrin, débarrassant ma vie de ce qui me faisait tant de mal. Chacune de ses paroles rendait l'air plus léger (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.104):
4. Pour que je comprenne les paroles d'autrui, il faut évidemment que son vocabulaire et sa syntaxe soient «déjà connus» de moi. Mais cela ne veut pas dire que les paroles agissent en suscitant chez moi des «représentations» qui leur seraient associées et dont l'assemblage finirait par reproduire en moi la «représentation» originale de celui qui parle. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.214.
[Constr. dans un syntagme mettant l'accent sur l'aspect physique de la parole ou des paroles]
Verbe + parole.Articuler une parole, des paroles; bredouiller, crier, grommeler, hurler, murmurer des paroles; arracher une parole à qqn; percevoir des paroles. Le prêtre, appuyé sur un genou, marmottait des paroles basses (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.179).Elle avait dû hausser le ton, car le hurlement d'Estelle couvrait ses paroles (Zola, Germinal, 1885, p.1148).Il ne vivait que par l'ouïe. Car il entendait des paroles, proférées alentour, mais sans consistance comme suspendues en l'air, dans l'irréalité d'un rêve (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.184).
Parole(s)+ adj.Paroles confuses, entrecoupées, hachées, indistinctes. Il ne put saisir d'abord ses paroles bégayées, coupées entre ses dents (Zola, Débâcle, 1892, p.539).
Subst. + de, des parole(s).Le bruit des paroles; flot, flux, torrent de paroles. Il l'étourdissait ainsi d'un flot de paroles, d'hypothèses si saugrenues, que le capitaine, hors de lui, finit par couper court (Zola, Débâcle, 1892, p.512).Inutile de jeter des cris, c'était dit, et rien n'y ferait. La foudre n'eût pas agi autrement sur la malheureuse mère qui, sans voix, sans force, tremblante, laissa couler ce déluge de paroles (Aragon, Beaux quart., 1936, p.239).
[Constr. dans un syntagme mettant l'accent sur l'expr., sur le contenu communiqué]
Verbe ou loc. verb. + parole(s).Adresser des paroles à qqn; échanger quelques paroles avec qqn; calculer, mesurer, peser ses paroles; laisser échapper une parole; n'être pas avare de paroles; désavouer, démentir les paroles de qqn; dévorer les paroles de qqn; s'enivrer, se griser de paroles. Le jeune garçon semblait boire ses paroles (Sartre, Nausée, 1938, p.206).Il fut un temps où mes amis riaient de moi. Je n'étais pas le maître de mes paroles. Une certaine indifférence. Je n'ai pas toujours bien su ce que je voulais dire, mais, le plus souvent c'est que je n'avais rien à dire (Éluard, Donner, 1939, p.21).
Parole(s) + adj. ou compl. déterminatif.Paroles absurdes, claires, compréhensibles, incohérentes, inintelligibles, oiseuses, sensées, vaines; paroles directes, naïves, simples; paroles ambiguës, équivoques, hypocrites, véridiques; paroles à double sens; paroles aimables, caressantes, conciliantes, consolantes, douces, touchantes; paroles acerbes, blessantes, brutales, désagréables, diffamatoires, injurieuses, offensantes, piquantes; paroles grossières, impies, obscènes, sacrilèges, violentes, vives; paroles imprudentes, compromettantes; parole(s) d'appel, d'avertissement, de blâme, de conciliation, de défi, de louange, de malédiction, de menace, de paix, de politesse; paroles de miel. François lui eut de la reconnaissance de ne pas casser, comme elle faisait souvent, par des paroles insignifiantes, un silence qu'il préférait à tout (Radiguet, Bal, 1923, p.136).Il y a les paroles d'espérance. Il y a ce pauvre trésor des promesses que nous recomptons sans nous lasser (Mauriac, Journal 2, 1937, p.186).Joseph prononça quelques paroles qu'il pensait des plus aimables et qui étaient, au sentiment de Suzanne, terriblement maladroites (Duhamel, Suzanne, 1941, p.206).
Loc., vieilli. Avoir des paroles (avec qqn). Se disputer. Synon. avoir des mots (fam.).Les deux frères ne pouvant plus se rencontrer sans avoir des paroles (...) on partagea les terres (Fabre, Xavière, 1890, p.209).
Ne pas avoir une parole plus haute que l'autre. V. haut1.
Bonnes paroles. Paroles exprimant de la compassion, de l'intérêt, des encouragements pour quelqu'un. Le duc de Bourgogne arriva; il s'efforça de les apaiser en leur parlant doucement et leur disant de bonnes paroles. Mais ces gens-là n'entendaient rien (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.186).Ann était en ce moment affligée d'un rhume et d'un enrouement violents, et tout occupé (...) à la réconforter de bonnes paroles et à lui conseiller de bien prendre garde à son rhume, il oublia totalement de lui demander son second nom (Baudel., Paradis artif., 1860, p.406).
(Faire) rentrer, renfoncer les paroles dans la gorge (la bouche) de qqn (à qqn). Empêcher quelqu'un de continuer à parler. Elle le baisa, comme pour lui rentrer les paroles dans la bouche. −Qui est-ce qui t'a appris de vilains mots? C'est défendu, il ne faut pas les répéter, mon chéri (Zola, Débâcle, 1892, p.518).−Après toi! glapit Barque, furieux, en s'adressant au sifflet empanaché. Mais le terrible appareil continuait de plus belle à renfoncer impérieusement les paroles dans les gorges. Quand il se tut, et que son écho tinta dans nos oreilles, le fil du discours était rompu à jamais (Barbusse, Feu, 1916, p.101).
Moulin* à paroles.
Proverbe. [En parlant de la versatilité, de l'habitude de changer d'avis] Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir. (Dict.xixeet xxes.).
Vx. [Empl. où la lang. d'auj. utiliserait mot, nom, terme ou expression]
J'achève en trois paroles. Je n'ai fait qu'apercevoir ce jeune homme, je ne lui ai dit que quatre paroles (Dumas père, Mari Veuve, 1832, 9, p.259).C'est Maheu qui m'amène monsieur (...) pour voir s'il n'y a pas une chambre en haut, et si nous ne pourrions pas faire crédit d'une quinzaine. Alors, l'affaire fut conclue en quatre paroles (Zola, Germinal, 1885, p.1191).
Dispute de paroles. Discussion, débat qui ne porte que sur les mots, les termes (et où on laisse de côté le fond de la question). (Dict.xixeet xxes.).
Jeu de paroles. Jeu de mots (Dict.xixeet xxes.).
En paroles couvertes. À mots couverts. Je lui ai fait entendre cela en paroles couvertes (Ac.).C'était lui dire en paroles couvertes qu'il était un ignorant (Ac.).
B. − En partic.
1. [La parole ou les paroles considérées comme qqc. de superficiel, de vain, de périssable, p.oppos. aux écrits, aux actes, aux faits, etc.] Les paroles s'envolent, les écrits restent; les paroles et les actes; ce ne sont que des paroles. Ne nous laissons pas enfoncer par ce vieux finaud de papetier, il est temps de lui demander autre chose que des paroles (Balzac, Illus. perdues, 1843, p.618).La philosophie nominaliste (...) dénonçait dans les idées générales, dans les abstractions, un artifice de la pensée; elle n'y voyait rien de plus consistant que les mots les désignant, un bruit de paroles, «flatus vocis» (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.134):
5. Ainsi m'est-il apparu une nouvelle vérité et c'est qu'il est vain et illusoire de s'occuper de l'avenir. Mais que la seule opération valable est d'exprimer le monde présent. Et qu'exprimer c'est bâtir avec le disparate présent le visage un qui le domine, c'est créer le silence avec les pierres. Toute autre prétention n'est que vent de paroles... Saint-Exup., Citad., 1944, p.5.
En paroles. D'une manière purement verbale. En actes et en paroles. Les objections que le philosophe adresse aux mythes révolutionnaires ne sauraient faire impression que sur les hommes qui sont heureux de trouver un prétexte pour abandonner «tout rôle actif» et être seulement révolutionnaires en paroles (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.39).
Parole(s) en l'air. Propos vague, inconsidéré qui ne doit pas être pris au sérieux. La fausse gaîté de Mahaut donnait à penser qu'elle avait déjà oublié ce départ, qu'il pouvait peut-être le mettre sur le compte d'une parole en l'air (Radiguet, Bal, 1923, p.135):
6. La Faloise riait de son air crevé, avec des larmes dans les yeux (...). −Tu ne sais pas, dit-il un soir, après avoir reçu des calottes, très allumé, tu devrais m'épouser... Hein? Nous serions rigolos tous les deux! Ce n'était pas une parole en l'air. Il avait sournoisement projeté ce mariage, pris du besoin d'étonner Paris. Le mari de Nana, hein? Quel chic! Zola, Nana, 1880, p.1457.
En partic. Promesses, assurances (qui ne seront pas tenues). Amuser qqn de paroles; payer qqn de, en paroles. Hélène: (...) Il a dit qu'il (...) allait faire cesser toute l'incertitude de mon sort passé. Gaston: Paroles, paroles que tout cela! (Dumas père, Fille du régent, 1846, i, 13, p.179).
Belles paroles (péj.). Promesses, assurances trop belles pour être vraies. Les voilà, les hommes, tenez! Diseurs de belles paroles et quand on les prend au mot...! (Elle complète sa pensée en faisant craquer l'ongle de son pouce contre ses incisives supérieures) (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, iii, 19, p.73).Alors, tes brochures, tes conférences! Toutes tes belles paroles! Dans les congrès, oui! Mais devant une intelligence qui sombre, fût-ce celle d'un fils, rien ne compte (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.725).
Se payer de paroles. Croire tout ce qu'on dit, tous les propos tenus (de façon inconsidérée). (Dict.xixeet xxes.).
2. [Les paroles considérées comme ayant une force, une puissance spécifique, notamment en parlant des mots d'une formule] Paroles cabalistiques, incantatoires, magiques. Dans le cérémonial de noces bédouin le plus ancien, le fiancé revêt la fiancée d'un manteau spécial appelé «aba» en prononçant ces paroles rituelles: «Que nul autre que moi ne te couvre jamais!» (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.238).L'évêque fait une pause pour donner plus de solennité aux paroles consécratoires: «Conférez donc, ô père tout-puissant, nous vous en supplions, la dignité sacerdotale à votre serviteur (...)» (Billy, Introïbo, 1939, p.145).V. charmeur ex. 1.
Paroles sacramentelles. Paroles rituelles essentielles prononcées lors de l'administration d'un sacrement. Monsieur le curé, lui dit-elle, donnez-moi l'absolution. Le Père Longuemare murmura gravement les paroles sacramentelles (A. France, Dieux ont soif, 1912, p.274).
Fam. Formule nécessaire à l'accomplissement d'un acte plus ou moins ritualisé. Mettons-nous à table (...) car voilà qu'on vient nous annoncer que nous sommes servis. En effet, un domestique ouvrit une des quatre portes du salon et fit entendre les paroles sacramentelles: −Al suo commodo! (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.497).Le dernier maringouin vint se poser sur la figure de la petite Alma-Rose. Gravement elle récita les paroles sacramentelles: −Mouche, mouche diabolique, mon nez n'est pas une place publique! Puis elle écrasa prestement la bestiole d'une tape (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p.81).
C. − Énoncé oral.
1. Pensée exprimée oralement sous une forme brève et remarquable. Parole célèbre, historique. Jordano Bruno, au seizième siècle, disait cette mémorable parole: «Quand je vois un homme, ce n'est pas un homme en particulier que je vois, c'est la substance en particulier» (P. Leroux, Humanité, 1840, p.247):
7. En 1848, les prolétaires de Paris, de Vienne, de Berlin tentèrent, en d'audacieuses journées, de dériver vers le socialisme le mouvement de la révolution. La fameuse parole de Blanqui: «On ne crée pas un mouvement, on le dérive» est l'expression même de cette politique. Jaurès, Ét. soc., 1901, p.XXVIII.
2. Engagement verbal, promesse verbale; p.ext. assurance donnée correspondant à un engagement personnel, promesse faite sur l'honneur. Parole d'honneur; donner sa parole d'honneur (v. honneur I B 1 a); tenir parole, sa parole; être fidèle à sa parole; faire honneur à sa parole; manquer de parole (à qqn). −Écoute, Guillaume... j'ai manqué à ma parole, j'ai manqué à ma parole le jour même où je me suis réellement senti une parole, le premier jour de ma vie d'homme (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1381).Je l'interrompis: «Tu vas me donner ta parole de rompre avec toute cette bande, ou tu quittes Paris ce soir même (...)» (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.199):
8. Considérez-vous qu'un homme doive être mis au ban de la société quand il a commis le crime d'anthropophagie? Oui, n'est-ce-pas? Nous sommes d'accord. Mais s'il a commis ce crime uniquement par amitié, par fidélité, par dévouement, par respect de la parole donnée? Duhamel, Suzanne, 1941, p.112.
Dégager, rendre, reprendre, retirer sa parole. Revenir sur un engagement. On ne peut rendre le désespoir auquel je me livrai quand elle me retira sa parole, en me disant qu'elle ne serait jamais à moi (Chênedollé, Journal, 1804, p.6).Nous sommes convenus que je puis reprendre ma parole jusqu'à la fin de l'année, lui restant engagé, en tout cas, si je le veux (R. Bazin, Blé, 1907, p.151).
Rendre sa parole à qqn. Délier quelqu'un d'un engagement. La baronne ne serait pas éloignée de me rendre ma parole et de reprendre la sienne en échange (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.269).
N'avoir qu'une parole. S'en tenir strictement à ses engagements, respecter scrupuleusement ses engagements. Moi, je n'ai qu'une parole; je vous avais promis, en venant ici faire quelques emplettes, de vous apporter votre brevet de lieutenant... (Le tirant de sa poche et le lui présentant). Le voici! (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 8, p.163).Tu me gardes toute ton affection? Tu peux, tu le sais, entièrement compter sur moi! Je n'ai qu'une parole! Tu me comprends! (Céline, Mort à crédit, 1936, p.450).
Ne pas avoir de parole. Ne pas respecter ses engagements. (Dict.xixeet xxes.).
Avoir deux, plusieurs paroles. Revenir sur ses engagements. Me connaissez-vous pour un homme qui a deux paroles? Allez au palais ce soir, ou vous êtes perdue (Musset, Lorenzaccio, 1834, iv, 4, p.223).
Être de parole. Respecter ses engagements. Le colonel: −Je viens de voir un homme qui ne se propose rien moins que de lui brûler la cervelle s'il s'adresse à cette petite dame. Cet homme-là, madame, est de parole (Balzac, Paix mén., 1830, p.331).Il entendit le signal de la contredanse et se trouva tout à coup face à face avec Reine Lecomte. −À la bonne heure! s'écria gaiement la couturière, vous êtes de parole; donnez-moi le bras (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p.10).
Homme de parole. Homme qui respecte ses engagements. Le duc, entrant: Allons, Lorenzino, je reconnais que tu es un homme de parole (Dumas père, Lorenzino, 1842, v, 6, p.277).
Sur parole. Sans autre garantie que l'engagement pris. Jouer sur parole. La plupart de ses affaires s'étaient conclues sur parole, et il avait rarement eu des difficultés (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.124).J'avais perdu sur parole, dans une maison de jeu, avec des Portugais. Le lendemain, il fallait donner cet argent (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.46).Elle s'adresse à un personnage louche, un trafiquant d'armes que la Gestapo a arrêté, puis relâché sur parole, c'est-à-dire, sous condition qu'il serve d'indicateur (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.217).
Liberté sur parole. Liberté accordée à un prisonnier sous certaines conditions qu'il s'engage sur l'honneur à respecter. (Dict.xixeet xxes.).
Prisonnier sur parole. Prisonnier auquel on accorde la liberté sous certaines conditions qu'il s'engage à respecter sur l'honneur. C'est depuis qu'il a sa famille que S.A.R. se sent en exil. Par délicatesse elle ne veut pas le quitter et lui ne veut pas se déguiser pour les frontières et la fuite (...). Prisonnier sur parole et sous la main émue des hêtres à quelle destinée songe-t-il? (Jacob, Cornet dés, 1923, p.236).P. ell. du déterminé. Le commandant de cette prison (...) accepta le chevalier comme un bienfait de la Providence; il lui proposa d'être à l'Escarpe sur parole, et de faire cause commune avec lui contre l'ennui (Balzac, Muse département, 1844, p.119).
Croire qqn/qqc. sur parole. Sans autre preuve que la parole. Quelles peuvent être les relations de la philosophie et des hommes? C'est seulement en leur nom et de leur part que sera dissipée l'équivoque du mot philosophie. Il ne faut point croire sur parole ses promesses abstraites et la générosité paresseuse qui coule dans ses mots (Nizan, Chiens garde, 1932, p.28).J'ai dit ce que je pensais, comme je le pensais (...). J'ai pu me tromper: personne n'est infaillible. Mais je ne vous avais pas obligé à me croire sur parole (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.239).V. désavouer ex. 1.Empl. pronom. réfl. Nous possédons en nous toute une réserve de formules, de dénominations, de locutions toutes prêtes, qui sont de pures imitations, qui nous délivrent du soin de penser (...) C'est pourquoi il faut difficilement se croire soi-même sur parole. Je veux dire que la parole qui nous vient à l'esprit, généralement n'est pas de nous (Valéry, Variété III, 1936, p.282).
Empl. interj. [Appuie, renforce une affirm., un propos] Parole! Ma parole! Sur ma parole! Parole d'honneur! Ma parole d'honneur! (v. honneur I B 1 a). Sur ma parole! murmura Rocambole après avoir lu la lettre, les femmes ne doutent de rien. Croire qu'un amoureux va faire trois lieues par la pluie et la nuit pour aller à un rendez-vous, c'est bien de la fatuité! (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.456).Comment, Suzanne, vous êtes seule au jardin, seule au bord de la terrasse, comme la jeune Mélisande à sa fenêtre! Je descends, parole! Et je vous offre l'étrenne de ma barbe (Duhamel, Suzanne, 1941, p.188).On se croirait en révolution, ma parole! Ce n'est pas le cas pourtant, vous le savez bien (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p.281).
HIST., DR.
Paroles de présent. [Avant le Concile de Trente] Déclaration, engagement de se prendre pour mari et femme qui tenait lieu de mariage. (Dict.xixeet xxes.).
Vieilli. Donner parole, porter parole. Promettre, donner l'assurance à quelqu'un de. L'Espagnol, une dernière fois, voulut faire donner parole aux assistants, de ne rien divulguer de l'affaire (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.302).
Prendre parole, avoir parole de qqn. Faire promettre à quelqu'un de, avoir la promesse de quelqu'un que. (Dict.xixeet xxes.).
D. − Texte.
1. Mot ou expression d'un texte. Harmonie des paroles; méditer la parole, les paroles d'un philosophe; tourner les paroles d'un billet de plusieurs façons. Il faut copier de lui [Lessing] ces paroles admirables: «Ce qui fait la valeur de l'homme, ce n'est pas la vérité qu'il possède, ou qu'il croit posséder; c'est l'effort sincère qu'il a fait pour la conquérir (...)» (Gide, Journal, 1894, p.52).Comme j'envoyais un mot à Sonia, il m'a semblé qu'un grand oiseau d'azur traversait la page étalée sur laquelle j'écrivais des paroles d'excuse (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.126):
9. Le scandale que provoqua la parole de Nietzche était le résultat d'une erreur et d'une apparence. Mais ce scandale abusa ses contemporains. Cette apparence scandaleuse lui venait de la violence lyrique et géniale avec laquelle sa parole s'attaquait aux dernières entraves qui empêchaient le libre citoyen, devenu monade autonome, de développer, jusqu'aux dernières conséquences, les droits qu'il détenait de son affranchissement. J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.261.
Histoire sans paroles. Dessin ou série de dessins, le plus souvent humoristiques, assez clairs pour se passer de légende(s). (Dict.xixeet xxes.).
En partic., au plur. Texte d'une pièce de musique vocale. Les paroles d'une chanson, d'un livret d'opéra; mettre des paroles en musique; paroles et musique de X. Elle poussa un cri triste et doux, s'agenouilla et se prit à chanter quelques paroles d'une mélodie singulière (Sue, Atar-Gull, 1831, p.17).Chez Viardot. Musique de Glück chantée admirablement par sa femme (...) Je lui disais [à Chenavard] que les paroles de ces opéras étaient admirables (Delacroix, Journal, 1855, p.308).Une musique sans paroles, toute instrumentale (Schaeffner, Orig. instrum. mus., 1936, p.19):
10. À voix basse le romain chante au veilleur de nuit la chanson interdite Partant pour l'Éthiopie avanti... avanti... les fusils partiront tout seuls c'est moi qui vous le dis qu'ils partent donc tout seuls les fusils qu'ils s'en aillent nous resterons à la maison (...) le veilleur de nuit ne comprend pas toutes les paroles de la chanson mais il en comprend le sens et il recommence à rire... Prévert, Paroles, 1946, p.140.
2. [Dans le lang. des relig. révélées] La parole de Dieu, la parole divine, ou, absol. (avec une maj.) la Parole. Expression de la pensée, de la volonté de Dieu, telle qu'elle est révélée par l'Écriture Sainte (la Parole écrite) et par la Tradition (la Parole non écrite); p.ext. Révélation (la Parole révélée). L'âme chrétienne habituée à recevoir avec respect la parole révélée de l'écriture (Théol. cath.t.4, 11920, p.896).La foi s'est plu à voir en lui [Jésus-Christ] Dieu présent parmi nous, ou encore, le fils de Dieu, le Verbe incarné, la parole de Dieu, le révélateur du père, etc. (Philos., Relig., 1957, p.48-15):
11. L'écriture sainte n'étant pas pour le protestantisme un texte sacré, dont chaque parole est divinement inspiré, l'interprétation de l'écriture ne saurait être celle d'un code; le protestantisme ne lit pas la Bible verset par verset, il lit la Bible comme une unité. Il n'oublie pas la diversité historique de ses écrits, mais, dans la mesure où la Parole y retentit, il y retrouve l'unité de l'acte de Dieu à l'égard de l'homme. Philos., Relig., 1957, p.50-6.
Paroles de vie. Prédication, enseignement religieux. Debout, dans la chaire de la parole de vie, un prêtre, seul vêtu de lin blanc au milieu du deuil général, le front chauve, la figure pâle, les yeux fermés, les mains croisées sur la poitrine, est recueilli dans les profondeurs de Dieu (Chateaubr., Génie, t.2, 1803, p.320).Le sombre Ézéchiel Sur le tronc desséché de l'ingrat Israël, Fait descendre à son tour la parole de vie (Lamart., Médit., 1820, p.265).
Porter, prêcher la bonne parole. Prêcher l'Évangile. Les ligues d'abstinence où le révérend Humdrum portait la bonne parole et stigmatisait l'infamie des hommes désordonnés qui ne tiennent plus droit quand ils ont bu (Hamp, Champagne, 1909, p.234).J'ai écrit un sermon, une lettre, une dissertation sur le patriarche Simon le moabite, et persuadé à mon frère qu'au lieu de sculpter pour gagner quelques sous, il devrait aller porter la bonne parole dans les auberges (Jacob, Cornet dés, 1923, p.231).
P. ext. Tenir des propos rassurants ou raisonnables ou officiels auxquels on ne croit pas nécessairement. Il fallait que ça soye plutôt moi qu'irais porter la bonne parole! (...) C'était vraiment la tragédie pour que je me tape moi une corvée aussi cafouilleuse... Enfin je me suis bien ressoufflé, reblindé d'avance. J'ai répété tous les trucs... Tout ce que je devais raconter... Tout un agencement de bobards (Céline, Mort à crédit, 1936, p.506).
Parole éternelle, Parole incréée. Le Verbe, fils de Dieu (d'apr. Marcel 1938).
Ministère de la parole. Ministère consistant à annoncer le salut en Jésus-Christ, ou à développer l'enseignement concernant cette première annonce (d'apr. Foi t.1 1968). [Selon Luther] l'Église n'avait reçu du Christ qu'un ministère à remplir en excitant le pécheur à revenir aux sentiments de son baptême. À ce ministère de la parole, l'Église a substitué un pouvoir qu'elle exerce moyennant les trois éléments dont elle a constitué le sacrement nouveau (Théol. cath.t.14, 11938, p.559).
Au fig. Parole d'évangile. V. évangile B 1.
Prononc. et Orth.: [paʀ ɔl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. Faculté d'exprimer la pensée par le langage articulé A. Ca 1100 «expression verbale de la pensée» (Roland, éd. J. Bédier, 140: De sa parole ne fut mie hastifs, Sa custume est qu'il parolet a leisir); spéc. 1916 ling. distingué de langue* (Sauss., p.30). B. 1130-40 «action de parler» metre a parole «faire parler» (Wace, Conception N.-D., éd. W.R. Ashford, 651). C. Le langage oral considéré par rapport à l'élocution, au ton de la voix ca 1140 de sa pleine parole «à haute voix» (Pèlerinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 8); ca 1165 parole basse (Benoît de Ste-Maure, Troie, 5299 ds T.-L.); 1160-74 (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 1669: Sa voiz e sa parole mue). D. ca 1165 «faculté d'exprimer sa pensée par le langage articulé» (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 3068: De joie li faut la parole). E. 1606 «art de parler, éloquence» employer sa parole à gagner argent (Nicot); 1674 (Boileau, Art poétique, chant IV ds OEuvre, éd. F. Escal, p.184); 1740 avoir le don de la parole (Ac.). F. 1688 «droit de parler» (La Bruyère, Caractères, De la Cour, 17 ds OEuvre, éd. J. Benda, p.218: Ils ont la parole, président au cercle). II. Son articulé exprimant la pensée A. Suite de mots, message, discours, propos exprimant une pensée ca 1100 (Roland, 145: De cez paroles que vous avez ci dit...; 1097: Bon sunt li cunte e lur paroles haltes); 1160-74 (Wace, Rou, II, 867: [Li evesque] Ne fist pas grant parole ne ne fist grant sermon). B. spéc. 1155 «discussion, dispute» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 4359); 1531 avoir des paroles ensemble (Perceforest, t.3, foch. 3 ds Littré). C. ca 1165 «promesse» doner parole (Benoît de Ste-Maure, op.cit., 13621, ibid.); 1560 prisonniers pour la parole (E. Pasquier, lettre 21 août, ds Lettres hist., éd. D. Thickett, p.45); 1628 (croire) sur vostre parole (Guez de Balzac, lettre 11 déc. ds OEuvres, éd. 1665, p.284); 1633 homme de parole (Id., lettre 4 juill., ibid., p.202). D. ca 1180 «expression verbale d'une pensée remarquable» (Thomas, Tristan, éd. B. H. Wind, fragm. Douce, 373: Oïstes uncs la parole). E. 1. ca 1180 «belle, vague promesse» (Proverbe au vilain, 181 ds T.-L.: De bele parole [var. promesse] se fait fous tout lié); 1377 paroles sourdes «paroles en l'air, mensonges» (Gace de La Buigne, Deduis, 10526, ibid.); 2. ca 1470 «phrase creuse, vide» paroles pleines de vent (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.5, p.143). F. 1. 1188 «enseignement» (Aimon de Varennes, Florimont, 1001 ds T.-L.); spéc. 1ertiers xiiies. (Vie de St Jean l'Évangéliste, 567, ibid.: avint ke li ewangelistes en une chité vint, Où il dist la parole [Luc III, 2]); 1670 la parole de Dieu «l'Écriture sainte» (Pascal, Pensées, § 555 ds OEuvres, éd. J. Chevalier, p.1260: Quand la parole de Dieu... est fausse littéralement, elle est vraie spirituellement); 2. fin xiies. la parole «le Verbe, la Parole faite chair» (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p.98, 22: cil [li troi roi el staule] reconurent la parole de deu lai ou il estoit enfes). Issu du lat. chrét. parabola (devenu *paraula par chute de la constrictive bilabiale issue de -b- devant voy. homorgane) «comparaison, similitude», terme de rhét. (Sénèque, Quintillien); puis, chez les aut. chrét.: 1. «parabole» (Tertullien, St Jérôme); 2. «discours grave, inspiré; parole», ce double sens étant dû à l'hébreu pārehāl (Job XXVII, 1: assumens parabolam suam «reprenant son discours»; Num. XXIII 7: assumptaque parabola sua, dixit; par la suite: Gloss. Remigianae: in rustica parabola «en lang. vulg.»), v. Ern.-Meillet, Blaise, Vaan., § 166, E. Löfstedt, Late Latin, pp.81 sqq. Le lat. est empr. au gr. π α ρ α β ο λ η ́ «comparaison [par juxtaposition], illustration» empl. dans les Septante au sens de «parabole» (Marc XII, 1). Parabola a supplanté verbum dans l'ensemble des lang. rom. (sauf le roum.) grâce à la fréq. de son empl. dans la lang. relig., verbum étant spéc. utilisé dans cette même lang. pour traduire le gr. λ ο ́ γ ο ς , v. verbe. Fréq. abs. littér.: 23572. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 37554, b) 32087; xxes.: a) 36456, b) 29082. Bbg. Darm. Vie 1932, p.92, 165. _Dinneen (F. P.). Analogy, langue and parole. In: [Mél. Reichling (A.)]. Lingua. 1968, t.21, p.98. _Gill (A.). La Distinction entre langue et parole en sém. hist. In: [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp.90-101. _Heger (K.). Die Semantik und die Dichotomie von Langue und Parole. Z. rom. Philol. 1969, t.85, no1/2, pp.144-215. _Mańczak (W.). Les Termes langue et parole désignent-ils qq. chose de réel? B. Soc. Ling. 1968, t.63, no1, pp.XXIV-XXVII. _Pierson (J. L.). Langue - parole?... Studia Linguistica 1963, t.17, pp.13-15. _Pollak (W.). Reflexionen über langue und parole. In: [Mél. Gossen (C. Th.)]. Moderne Sprachen. 1965, t.9, no2/4, pp.122-133. _Quem. DDL t.19, 20. _Richard (W.). 1959, p.9, 26, 86, 117. _Saussure (F. de). Cours de ling. gén. Paris, 1965, p.30, 31, 36-39, 138-139. _ Spence (N. C. W.). A hardy Perennial: the problem of la langue and la parole. Archivum Linguisticum t.IX, pp.1-27; Langue et parole yet again. Neophilologus. 1962, t.46, pp.197-200.