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PARLEUR, -EUSE, subst. et adj.
I. − Substantif
A. − Personne qui parle, qui est douée de parole. Il apparaît clairement à l'oreille la moins exercée, comme au parleur le moins habile, qu'il y a des suites de sons difficiles à produire et pénibles à entendre (Alain,Beaux-arts, 1920, p.83).Le parleur est en situation dans le langage, investi par les mots; ce sont les prolongements de ses sens, ses pinces, ses antennes, ses lunettes; il les manoeuvre du dedans, il les sent comme son corps, il est entouré d'un corps verbal dont il prend à peine conscience et qui étend son action sur le monde (Sartre,Litt., 1948, p.19).
En partic. Personne qui est en train de parler:
1. Puis les conversations se défirent, et, comme la lune disparaissait derrière les branches plus épaisses des chênes, ils restèrent couchés les uns près des autres, dans les feuilles, écoutant sans plus les comprendre les parleurs ou les parleuses attardés, mais dont les voix plus discrètes ne parvinrent bientôt plus à nous que mêlées au chuchotement du ruisseau sur les mousses. Gide,Nourr. terr., 1897, p.203.
B. − Personne qui aime parler, qui parle beaucoup, avec facilité. Longue conversation avec Fromentin, un des plus remarquables parleurs d'art et fileurs d'esthétique que j'aie encore entendus (Goncourt,Journal, 1865, p.167).Sans qu'il eût encore parlé, on le sentait parleur, et distrait surtout, à la façon des gens qui ne voient pas ce qu'ils regardent, et qui n'entendent pas ce qu'ils écoutent (Verne,Enf. cap Grant, t.1, 1868, p.49):
2. ... Swann n'était pas tout à fait de ces infatigables épuisés qui, arrivés défaits, flétris, ne se soutenant plus, se raniment dans la conversation comme une fleur dans l'eau et peuvent pendant des heures puiser dans leurs propres paroles des forces qu'ils ne transmettent malheureusement pas à ceux qui les écoutent et qui paraissent de plus en plus abattus au fur et à mesure que le parleur se sent plus réveillé. Proust,Sodome, 1922, p.704.
Péj. Personne qui parle trop, qui parle de façon ennuyeuse. Un petit homme extrêmement noir entra bientôt avec fracas, et se mit à parler dès la porte; il avait le teint jaune et l'air un peu fou. Dès l'arrivée de ce parleur impitoyable, des groupes se formèrent, apparemment pour éviter l'ennui de l'écouter (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.373).Il parlait sans âme, (...) racontait des fadaises, des mots. Je ne sais rien de plus odieux à supporter que la suffisance de ces parleurs dénués de toute personnalité profonde (Barrès,Cahiers, t.6, 1907, p.118).
Beau parleur. Personne éloquente, qui s'exprime bien et facilement. Sous des dehors un peu timides, Sulpice est plutôt effronté. De plus il se sait beau parleur, il en abuse (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p.1125).Il se reconnaissait des dons, et voulait en tirer parti. Par son côté oratoire, le métier d'avocat lui plaisait, car déjà il était beau parleur (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.35).
Péj. Personne qui aime faire de belles phrases, qui tient des discours longs et creux, qui fait davantage montre de faconde que de qualités réelles. Synon. phraseur.Il avait le mépris des beaux parleurs, des gaillards qui entrent dans la politique comme on entre au barreau, pour y gagner des rentes, à coups de phrases (Zola,Germinal, 1885, p.1524).Il éclata, déclara qu'on se moquait de lui, que tout cela c'étaient des jeux d'esprit, des plaisanteries de beaux parleurs qui fabriquaient des mots et qui s'amusaient ensuite à croire que ces mots étaient des choses (Rolland,J.-Chr., Adolesc., 1905, p.247).
Grand parleur. Personne qui parle beaucoup, avec facilité. Un Anglais fort gai que nous avions dans la voiture, jeune homme léger et grand parleur, qui saluait tous les passants (Michelet,Journal, 1834, p.151).
Péj. Personne qui parle trop. Fort ennuyés (...) par la société de deux marchands de grains, grands parleurs, grands rieurs, gens enrichis probablement et fort satisfaits d'eux-mêmes (Flaub.,Champs et grèves, 1848, p.165).
C. − Rare, souvent péj. Personne qui parle en public, orateur. Demandez à l'orateur pourquoi il s'exerce avec tant de soin dans l'art de plaire et d'émouvoir: il vous dira que c'est pour mieux persuader l'utile, l'honnête et le juste; et sans cela le plus habile ne serait guère qu'un parleur oiseux ou qu'un dangereux charlatan (Marmontel,Essai sur rom., 1799, p.287).Faut tuer la guerre, dit le premier parleur, faut tuer la guerre, dans le ventre de l'Allemagne! (Barbusse,Feu, 1916, p.365):
3. ... [Thiers] laisse chaque discussion s'engager, durer, s'épuiser; les parleurs pour et contre vident leur sac, ils se lassent, s'embrouillent... Sainte-Beuve,Poisons, 1869, p.117.
II. − Adjectif
A. − [En parlant d'une pers.] Qui parle beaucoup, bavard. Le chapelier, en mangeant son pain sec, guetta les Coupeau de son regard en dessous, redevenu très parleur, les étourdissant de ses jérémiades continues (Zola,Assommoir, 1877, p.650).
[P. méton.] Par ailleurs, elle [une écriture que l'auteur analyse] est inégale, parleuse, satirique, et cependant il y a des traits dans cette écriture qui contredisent tout cela (Chateaubr.,Corresp., t.1, 1795, p.5).La bêtise a deux manières d'être: elle se tait ou elle parle. La bêtise muette est supportable, mais la bêtise de Rogron était parleuse (Balzac,Pierrette, 1840, p.21).Le coeur des femmes est parleur et n'a pas besoin de grand'chose; il lui suffit de lui-même pour s'étendre à l'infini et faire l'éloquent (E. de Guérin,Journal, 1838, p.160).
En partic. Oiseau parleur. Oiseau capable de produire des paroles. Quand il [Boitelle] rencontrait un oiseau parleur, il lui posait des questions; et si la bête se trouvait ce jour-là disposée à répondre et dialoguait avec lui, il emportait pour jusqu'au soir de la gaieté et du contentement (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Boitelle, 1889, p.272).
Rem. On relève a) un empl. au sens de «qui parle (une langue)»: La Sibérie à l'ouest de l'Yéniséi est la demeure des paléarctiques mésocéphales parleurs de dialectes finnois (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p.175); b) un empl., en parlant d'une chose, au sens de «capable de reproduire la parole»: Le courrier étant phonographié, le disque est sorti de l'appareil, envoyé à la correspondance qui le place sur une machine identique avec diaphragme parleur (Pethoud, Organ. industr. et comm., 1931, p.186).
B. − P. anal., poét. Qui évoque un bruit de voix. Que le zinc d'une gouttière tintant aux gouttes de la pluie égrène une chanson parleuse; et que le vent qui passe à la cime des pineraies, c'est une grande voix autoritaire à laquelle il est vain de vouloir désobéir (Genevoix,Raboliot, 1925, p.50).
REM.
Parleux, subst. masc.,région. (Canada), synon. (supra I B).−(...) veux-tu que je le dise! conclut-elle, fort en colère. C'est leurs beaux parleux, là, qui courent les rues pour ramasser les jeunes gens que t'as écoutés... (Roy,Bonheur occas., 1945, p.65).C'étaient pas des «parleux», mais de temps en temps, ils disaient un mot comme «Moyen-Age, petit métier...» (F. Leclerc,Moi..., 1955, p.59 ds Richesses Québec 1982, p.1716).
Prononc. et Orth.: [paʀloe:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 «celui qui parle» bons parleres (Thomas, Tristan, éd. B. H. Wind, fragm. Sneyd, 815); 2. ca 1210 «conteur» (Dolopathos, 36); 3. 1240 «orateur» (Jean de Thuin, Jules César, 18, 9, ibid.); 4. 1377 «bavard» (Gace de La Buigne, Deduis, 6655, ibid.). Dér. de parler1*; suff. -eur2*. Fréq. abs. littér.: 183.