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MARBRE, subst. masc.
A. −
1. CHIM., MINÉR., GÉOL. Calcaire (sous forme de calcite) compact, parsemé de fissures remplies de matières diversement colorées et dont certaines variétés sont très pures. Carrière de marbre, marbre brut. Le marbre (ou CO3Ca pur) n'est pas décomposé à 900o(Saillard,Betterave, t. 1, 1923, p. 335).Un marbre blanc (...) (attaqué par l'acide chlorhydrique) produira une infinité de petites bulles crevant instantanément (J. Cahen, Bruet,Carrières, 1926, p. 49).
2. Roche généralement calcaire, d'origines et de variétés diverses, pouvant prendre un beau poli et un aspect décoratif particulier. C'est en Grèce que l'on rencontre les plus beaux marbres antiques: le paros blanc (...) le rouge antique; enfin de nombreux marbres blancs (Bourde,Trav. publ., 1928, pp. 86-87):
1. ... Tournai ne cesse de fournir au reste des Flandres, et même au nord de la France, ses marbres bleuâtres, si renommés qu'on les retrouve employés, même dans la Picardie et l'Île-de-France, comme décoration de tant de vieilles églises. Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 80.
SYNT. Bloc de marbre; marbre de Carrare; marbres carbonifères, cipolins, griottes; marbre rose, rouge, vert; marbre jaspé, moucheté, tacheté, veiné; marbre mosaïque, multicolore; marbre turquin.
Marbre brèche. ,,Marbre ayant l'aspect de la brèche`` (Barb.-Cad. 1963). Marbre composé. ,,Marbre constitué de parties juxtaposées de couleurs différentes`` (Barb.-Cad. 1963). Marbre lumachelle. Calcaire pétri de débris coquilliers, madréporiques, agglomérés d'une façon confuse ou disséminés dans une masse plus ou moins homogène (d'apr. Grand. 1962). Un petit mortier à piler les amandes et les pâtes, en marbre lumachelle très rare, et un cachemire de l'Inde (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 22).Marbre simple. ,,Marbre de couleur uniforme ou simplement veiné`` (Barb.-Cad. 1963).
a) [Considéré dans ses transformations ou imitations]
α) Chaux de marbre. ,,Chaux très pure obtenue en calcinant le marbre`` (Duval 1959).
Ciment de marbre. ,,Produit obtenu en traitant du plâtre à stuc par une solution aqueuse d'alun de potassium, puis, en cuisant de nouveau, après séchage, dans un four à plâtre`` (Duval 1959).
β) Marbre artificiel, faux marbre. ,,Stuc coloré`` (Duval 1959). Octave regardait l'entrée, aux panneaux de faux marbre, et dont la voûte était décorée de rosaces (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 4).Assis sur une marche souillée, le dos appuyé contre le faux marbre plein d'éraflures (Mauriac,Myst. Frontenac, 1933, p. 255).
Peinture imitant les couleurs, les veines, les taches du marbre; spéc. (reliure), teinte donnée aux pages de garde, aux tranches d'un livre. M. Lerond tira à lui successivement plusieurs volumes, (...) reliés en veau marbre (A. France,Anneau améth., 1899, p. 71).
Marbre chiqueté. Marbre qui imite les granits (d'apr. Jossier 1881). Marbre feint. Représentation des diverses couleurs, des veines, taches et accidents du marbre (d'apr. Jossier 1881). Marbre jeté. Marbre qui imite les porphyres (d'apr. Jossier 1881).
b) [Considéré dans les différentes phases de son traitement, et tel qu'il est utilisé] Marbre débité, ébauché, lustré, piqué, poli. On distingue plusieurs sortes de tailles de marbre: l'équarrissage, l'ébauche ou ébauchage, la taille brute, la taille apparente (Chabatt. 21876).
α) ARCHIT. Un escalier de marbre que couvrait un tapis de genre oriental (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Ami patience, 1883, p. 1244).Les galeries du rez-de-chaussée dont le plafond est supporté par de belles colonnes de marbre cipolin furent naturellement réservées à la sculpture antique (Réau,Archives, bibl., musées, 1909, p. 11).
β) BEAUX-ARTS, GRAV., SCULPT. Marbre statuaire; statues de marbre et de bronze; cheminée, vasque de marbre; tombeau de marbre. Mais encore avaient-ils [les sculpteurs grecs] besoin d'appuyer la statuaire, fût-elle taillée dans du marbre blanc, par la peinture (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 248).[Dans l'oeuvre de Rodin] le beau marbre fin apparaît moelleux, tiède, fluide, pour mieux rendre la tendresse enlacée et mettre plus d'adhérence et de caresse dans les contacts (Hourticq,Hist. art, Fr., 1914, p. 449).
P. méton. Bas-relief, statue de marbre. Les marbres du Parthénon. Les reins souples, la gorge haute, elle ressemblait, amincie de la sorte, à un marbre florentin (Zola,Joie de vivre, 1884, p. 870).La jolie madame de Bonnières était peinte par Besnard, par Renoir; chez elle, je vis les premiers marbres de Rodin (Blanche,Modèles, 1928, p. 8).
Partie en marbre (d'un objet, d'un meuble), morceau de marbre taillé et poli (souvent en forme de plaque). Marbre funéraire. Roland, les reins appuyés au marbre de la cheminée, comme en hiver (...) ne pouvait plus tenir en place (Maupass.,Pierre et Jean, 1888, p. 305).Elle recommença de serrer les lèvres et de regarder avec application les tiroirs de la commode et le cache-pot de faïence posé sur le marbre pie (Duhamel,Combat ombres, 1939, p. 149).
3. De marbre
a) Qui a l'apparence du marbre. Un ciel de marbre, dis-je; au lieu que la mer n'est jamais marmoréenne (Blanche,Modèles, 1928, p. 233).
b) [En tant que symbole de la froideur et de l'insensibilité]
[Au physique] Qui est caractéristique du marbre. Visage d'une pâleur de marbre; blancheur de marbre. Un instant, il la regarda de ses yeux troubles, si grande, si belle, le teint d'une pureté de marbre, les cheveux noués en tresses d'or fauve (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 356).
Qui a l'apparence du marbre. Marie aux joues de marbre redevenait plutôt aux joues peintes et sa poitrine oppressée soulevait irrégulièrement une tendre masse sous le corsage (Jouve,Scène capit., 1935, p. 21).
[Au moral] Impassible, insensible. Un coeur de marbre, un homme de marbre. MmeHédouin avait beau être de marbre, elle s'attendrirait dans son veuvage. Mais il attendit inutilement un frisson, un alanguissement de désir (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 166):
2. À l'inverse de Pygmalion, il me semblait que dans mes bras la femme devenait statue; ou bien plutôt c'est moi qui me sentais de marbre. Caresses, provocations, rien n'y fit; je restai muet, et la quittai n'ayant pu lui donner que de l'argent. Gide, Si le grain, 1924, p. 570.
4. Loc. fam. Froid comme un, du, le marbre (Rey-Chantr. Expr. 1979). Impassible.
B. −
1. IMPR., PRESSE. Table métallique (autrefois en marbre ou en pierre) sur laquelle on place les pages pour l'imposition ou les corrections (d'apr. Comte-Pern. 1974). Partie plane du chariot d'une presse typographique qui porte la forme d'impression (d'apr. Impr. 1977). Maintenant il allait commencer son éditorial, voir Tournelle, et il aurait juste le temps avant dix heures d'achever son article et de descendre aux marbres. Il arrêta la voiture devant l'immeuble du journal (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 148).
Sur le marbre. [En parlant d'un article de journal ou de revue, d'un livre] Composé et en attente d'être imprimé. [Gérard de Nerval] partait aussitôt (...) pour proposer à quelque journal l'article d'un camarade sans argent ou s'informer du motif qui le faisait rester si longtemps sur le marbre (Gautier,Hist. romant.,1872, p. 70).Un écho que j'avais fait d'avance et qui restera sur le marbre! (A. France,Jocaste, 1879, p. 96).
P. méton. ,,Texte composé, inutilisé et fardé en réserve`` (Radio 1972). Avoir du marbre (Rey-Chantr.Expr.1979).
Article sur des sujets divers, tenu en réserve en attendant l'actualité (d'apr. Esn. 1966).
2. TECHNOL., MÉCAN. Surface de pierre ou de métal, parfaitement plane, sur laquelle on effectue certaines opérations. Marbre de traçage, de vérification. Quand l'ingénieur-contrôleur viendra voir les pièces, s'il a besoin d'un coup de dégorgeoir, on est d'attaque, on le passera sur le marbre pour le dégauchir (Poulot,Sublime, 1872, p. 167).Le réglage des deux cales excentriques et leur serrage à bloc sur l'arbre vilebrequin se fait sur le marbre (Champly,Nouv. encyclop. prat., t. 9, 1927, p. 121).
3. DR., vx. Table de marbre (Ac.1798-1935).Table autour de laquelle se réunissaient les juridictions de la connétablie, de l'amirauté, des eaux et forêts; p. méton., ces juridictions. Le grand Corneille était, dans sa jeunesse, avocat du roi à la table de marbre de Rouen (Ac.1835-1935).
Prononc. et Orth.: [maʀbʀ ̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 «pierre calcaire dure» (Alexis, éd. Chr. Storey, 583); 2. ca 1179 un maubre «morceau de marbre taillé et poli, ici dalle funéraire» (Renart, éd. M. Roques, I, 440); 1831 «plaque de marbre qui recouvre certains meubles, cheminées» (Balzac, Peau chagr., p. 271); 3. av. 1615 table de marbre «ensemble de différentes juridictions» (Pasquier, Les Recherches de la France, p. 466); 4. 1771 être de marbre (Dorat, Les Sacrifices de l'Amour, IV, 114 ds Fr. mod. t. 37, p. 120); av. 1799 visage de marbre (Marmontel, Mém., VI ds Littré). B. 1. a) 1522 impr. «partie de la presse sur laquelle on place la forme» (P. Pansier, Histoire du livre et de l'imprimerie à Avignon, 3, 116 ds L. Wolf Buchdruck 1979); b) 1863 sur le marbre «en parlant d'articles en attente d'impression dans un journal, une revue» (MmeV. Hugo, Hugo, p. 184); 2. 1694 marbre artificiel «stuc de couleurs mélangées imitant le marbre» et marbre feint «peinture imitant le marbre» (Corneille). Du lat. marmor «marbre». Fréq. abs. littér.: 3422. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5890, b) 6827. xxes.: a) 4481, b) 3173.
DÉR.
Marbreur, -euse, subst.,artis. Ouvrier, ouvrière qui décore des papiers fantaisie en apposant des mélanges colorés qui produisent des effets de marbrures ou d'irisation (d'apr. Mét. 1955). Le marbreur marbre aussi les tranches et les couvertures des livres (Chesn.1857). [maʀbʀoe:ʀ ̥], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. 1resattest. a) 1536 «ouvrier qui travaille le marbre» (L. de Laborde, Comptes bâtiments du roi, I, 98). b) 1680 «artisan qui marbre la tranche des livres et fait le papier marbré» (Rich.); de marbre, suff. -eur2*.
BBG.Dauzat Ling. fr. 1946, p. 324. _ Mack. t. 2 1939, p. 59. _ Quem. DDL t. 20.